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Le Nouveau Front populaire ponctionne les très riches pour redistribuer aux classes populaires et aux classes moyennes

Lien publiée le 26 juin 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.alternatives-economiques.fr/nouveau-front-populaire-ponctionne-tres-riches-redistribuer-aux-cla/00111574

Les économistes Elvire Guillaud et Mathilde Viennot ont calculé les conséquences du programme du NFP sur le niveau de vie des Français. Résultat : 80 % de la population verrait son niveau de vie augmenter et les inégalités seraient fortement réduites.

Par Elvire Guillaud et Mathilde Viennot

Le Nouveau Front populaire (NFP) a présenté un programme économique chiffré en un temps record, attirant tous les regards sur les milliards de recettes nécessaires pour financer les dépenses publiques prévues. Mais comment ces milliards seront-ils répartis ? Le pouvoir d’achat des Français sera-t-il affecté, et si oui dans quel sens ?

L’analyse distributive des montants évoqués montre que la réduction des inégalités est au cœur de l’agenda du NFP : prendre aux (très) riches pour donner aux classes populaires et aux classes moyennes. Si ce programme était mis en œuvre, les 50 % des ménages les plus modestes verraient leur revenu ajusté augmenter en moyenne de 200 euros par mois.

Tout comme nous l’avons fait pour le programme du Rassemblement national, il est possible, à partir du chiffrage macroéconomique fourni par le Nouveau Front populaire, de mesurer l’impact des mesures de politiques publiques annoncées sur le niveau de vie1 des ménages. On peut ainsi « révéler » les choix politiques des partis en matière de redistribution, au-delà de leur discours.

Pour connaître l’impact d’une mesure budgétaire sur le niveau de vie des ménages, il faut observer comment seront constituées les recettes supplémentaires (quel impôt, quelle taxe sera augmentée ?), et selon quel schéma seront distribuées les dépenses supplémentaires (quelle prestation sociale, quel service public sera développé ?).

Un effet redistributif immédiatement visible

Les comptes nationaux distribués publiés chaque année par l’Insee fournissent la répartition de l’ensemble des recettes et des dépenses du pays par décile de niveau de vie, de manière très détaillée. Nous y ajoutons les nouvelles recettes et dépenses prévues au programme du NFP.

Le NFP prévoit 25 milliards de dépenses supplémentaires en 2024 (pour des recettes additionnelles de 30 milliards), et 100 milliards de dépenses en 2025 (pour des recettes additionnelles du même ordre).

Les mesures fiscales se concentrent sur les très hauts revenus et les très hauts patrimoines : taxe sur les superprofits (+15 milliards) et ISF climatique (+15 milliards), impôt sur les successions dorées (+17 milliards), suppression des niches fiscales (+25 milliards) ou encore augmentation de la tranche supérieure d’impôt sur le revenu (+18 milliards).

Les dépenses se concentrent sur le déploiement de l’écologie (+9 milliards), de l’éducation, de la santé (+18 milliards) et des services publics en général (+52 milliards), sur la hausse des traitements des fonctionnaires (+17 milliards), la revalorisation des prestations sociales (+17 milliards), sans oublier l’abrogation immédiate de la réforme des retraites et de l’assurance chômage (+3 milliards).

Ces politiques ont un effet redistributif immédiatement visible dans le graphique ci-dessous, qui mesure la variation mensuelle attendue du revenu disponible ajusté (après impôts, prestations sociales et services publics) par décile de niveau de vie.

Les 50 % les plus modestes, qui ont un niveau de vie inférieur à 1 930 euros par mois pour une personne seule (4 439 euros par mois pour une famille de deux adultes et deux enfants), bénéficieront de 200 euros supplémentaires chaque mois ; les 10 % les plus riches, qui ont un niveau de vie supérieur à 3 490 euros par mois pour une personne seule (8 027 euros par mois pour une famille de deux adultes et deux enfants), seront mis à contribution et verront leur revenu disponible ajusté diminuer, en moyenne, de 652 euros par mois.

Mais parmi ces 10 % les plus riches, l’augmentation d’impôt sera en fait très concentrée sur le top 5 %, voire le top 1 % – tandis que les autres contribueront donc beaucoup moins que ces 652 euros mensuels.

Réduction des inégalités de niveau de vie

Nous décomposons ensuite cet effet redistributif en quatre grandes catégories de mesures : celles visant la hausse des revenus primaires (augmentation du Smic, annulation des réformes des retraites et de l’assurance chômage, etc.), celles visant les dépenses collectives (notamment pour l’écologie) et la revalorisation des services publics (gratuité intégrale de l’école publique, embauche d’enseignants, recrutement des soignants, etc.), celles visant le partage des richesses (ou redistribution monétaire) qui regroupe à la fois la taxation de la production ou celle du patrimoine (ISF climatique, taxe sur les superprofits, etc.) et les prestations sociales (« RSA jeunes », hausse des APL, etc.).

Les mesures de revalorisation du travail (notamment l’augmentation du Smic) impactent surtout les 30 % les plus modestes, qui concentrent davantage d’individus à bas salaires.

La redistribution monétaire augmente le revenu ajusté des six premiers déciles, incluant donc les déciles au centre de la distribution, et réduit de 12,4 % le revenu ajusté du dernier décile.

Les dépenses publiques en santé, éducation ou concernant l’écologie (rénovation thermique, production d’énergie renouvelable), si elles bénéficient à tous, réduisent les inégalités de niveau de vie car elles représentent une part plus importante du revenu des plus modestes que du revenu des plus riches.

Le revenu ajusté des 10 % les plus pauvres augmente ainsi de 1,9 % grâce à la revalorisation des services publics de santé et d’éducation, et de 6,7 % en investissant dans l’écologie et les autres dépenses publiques.

Au global, qu’en est-il ? La baisse de revenu ajusté des plus hauts revenus et patrimoines du pays serait certes marquée (- 652 euros par mois en moyenne pour les 10 % les plus riches, mais en réalité concentrés sur les 5 % voire les 1 % les plus riches), mais permettrait de financer le rattrapage des plus modestes (+ 210 euros, chaque mois, pour les 10 % les plus pauvres) et de la classe moyenne (+ 160 euros mensuels pour les ménages situés au milieu de la distribution des revenus).

Le bilan redistributif du programme du NFP est univoque : 80 % de la population verrait son niveau de vie augmenter, les inégalités seraient fortement et rapidement réduites.

Elvire Guillaud, économiste (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Mathilde Viennot, économiste. Avec la participation d’Intérêt Général

Notes

1. Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage (qui regroupe les revenus primaires, les prélèvements obligatoires et les prestations sociales reçues) divisé par le nombre d’unités de consommation (UC), il est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Le revenu disponible ajusté est ce niveau de vie auquel on ajoute les transferts sociaux en nature individualisables (éducation, santé, etc.) et les dépenses collectives (administration générale, défense, police, justice, etc.). Cela correspond à l’ensemble de la richesse nationale