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    Décès de Michel Rotman

    Lien publiée le 26 juin 2024

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://lanticapitaliste.org/opinions/vie-du-npa/michel-rotman

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    Michel Rotman, à droite, puis Charles Michaloux, Gérard Filoche (debout), Alain Krivine, Michel Recanati et Pierre Frank. DR

    Michel Rotman, le camarade Béthel à la Ligue, vient de décéder (le 27 mai 2024). Michel était né en 1943 dans une famille juive et communiste. Michel et son frère Patrick (né le 17 février 1949) ont baigné « dans une ambiance familiale nourrie par la résistance communiste, juive polonaise » (Krivine), au cœur de la Résistance, dans le maquis du Limousin dont le dirigeant Georges Guingouin, qui avait leur père pour médecin, fut un de celleux qui ne se ne plièrent pas au pacte Hitler-Staline.

    De la rupture avec le stalinisme à la IVe Internationale

    La rupture de la famille de Michel avec le stalinisme, à la suite de l’écrasement du soulèvement de Budapest, fut probablement à l’origine de son engagement auprès de l’opposition de gauche au sein de l’UEC (Union des étudiants communistes) et, à la suite de son exclusion, à sa participation à la création de la JCR, de la Ligue puis de la LCR, dont il fut élu au Bureau politique. Avec quelques-unes et quelques-uns d’entre nous, il fut de ceux qui proposèrent l’adhésion de la Ligue à la IVe Internationale. Peu extraverti mais chaleureux, c’est surtout dans les domaines de l’organisation que Michel excella, ayant un rôle important dans la mise en place de l’appareil, de l’infrastructure de l’organisation et de son système de de formation. Il mit aussi à profit pour notre courant les liens qu’il avait avec le milieu artistique par l’intermédiaire de sa femme Josée, comédienne. Michel était la fois efficace et discret tout en faisant preuve d’une grande affabilité. Après avoir été médecin, il se reconvertit par passion dans le cinéma en y associant son amour de l’histoire et des enjeux politiques et sociaux.

    En 1978, il prit ses distances avec notre courant le quittant discrètement pour choisir la « voie réformiste » qu’il crut plus efficace, comme Henri Weber (s’y ajouta un désaccord sur le conflit israélo-­palestinien). L’histoire se révèle pourtant souvent impitoyable. La « gauche » sociale-libérale tant dans le domaine social que politique ou dans le domaine international alla de ­renoncements « réalistes » en abandons tragiques et finit par engendrer le Bonaparte Macron. Les terres mauvaises de la « realipolitik » finirent par voir la « gauche gestionnaire » labourer des champs sur lesquels fleurirent l’extrême droite, la xénophobie, l’idéologie sécuritaire et le tsunami social qui déferle en ces temps. Cette progression du racisme et ce retour du fascisme en Europe et France ont dû marquer les dernières années de la vie de Michel.

    Le cinéma au cœur

    Michel Rotman rompit avec le militantisme et s’investit dès lors de façon privilégiée dans l’activité de producteur de cinéma avec une prédilection pour le documentaire dans le cadre de Kuiv, sa société de production qu’il privilégia bien plus que l’activité politique. Autour d’auteurs très divers comme son frère Patrick, Michael Prazan, Virginie Linhart ou Catherine Bernstein. Il produisit aussi quelques films de fiction. Si certains des films produits comme ceux sur Golda Meir ou Ariel Sharon font pour le moins problème sur le plan historique et politique, nombre de ses productions furent des contributions incontestables à l’histoire des enjeux et tragédies du 20e siècle comme Les Révolutionnaires du Yiddishland (Gérard de Verbizier et Nat Lilenstein) ou Mémoires tsiganes, l’autre génocide (Henriette Asséo, Idit Bloch et Juliette Jourdan). On peut rappeler aussi les fictions historiques comme Le Grand Georges de Francois Mathouret et Patrick Rotman sur le résistant Georges Guingoin.

    Nous l’avions croisé lors de l’hommage à Daniel Bensaïd en 2010 et à celui d’Alain Krivine en 2022. Il gardait sa bonhommie et sa bienveillance. Cette fois, quelques camarades comme Francois Sabado, Charles Michaloux, nous et quelques autres, étions là pour dire adieu au camarade Béthel, et au-delà de nos divergences, à Michel. J’ose croire qu’il n’aurait pas hésité à participer au combat unitaire contre la menace ­fasciste.

    Philippe Cyroulnik

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    https://maitron.fr/spip.php?article204042

    Né le 5 septembre 1943 à Roumazières Loubert (Charente) ; médecin puis producteur de télévision ; un des fondateurs de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) puis de la Ligue communiste (LC/LCR), dont il fut trésorier, membre du bureau politique (BP) de 1969 à 1975.

    Michel Rotman est né à Roumazières Loubert, en Charente. Son père, le docteur Solomon Rotman (1907-1958), né à Piatra en Roumanie, avait fait ses études de médecine à Paris, après avoir été scolarisé au lycée français de Bucarest. Diplômé, à la fin des années 1930, il ouvrit un cabinet de médecine à Laroche-Migennes (Yonne). C’est là qu’il connut sa femme, Luce, née en 1920, étudiante en lettres à Paris puis enseignante. Après avoir participé à la guerre en 1940 dans un régiment de volontaires étrangers, démobilisé, Solomon Rotman devenu apatride subit les lois anti-juives de Vichy. Il dut céder son cabinet. Souhaitant rejoindre Londres, le couple avec leur premier enfant, Jean-Marie (né le 25 avril 1942) passa en zone libre. Arrivés en Charente limousine, ils furent accueillis par Jean Audouin et son épouse - aujourd’hui Justes parmi les nations. Les Audouin vont héberger le couple Rotman et leur bébé, elle comme préceptrice, Solomon comme contremaître de la tuilerie Perrusson dont Jean Audouin était le directeur. Il était également maire de Genouillac (Charente). C’est dans une commune limitrophe que fut déclarée la naissance de Michel Rotman. Solomon Rotman devenu Jean Mützig, mis en relation avec André Chabannes, chef du maquis Bir Hakeim, aménagea un poste de soins en campagne pour les maquisards. Plus tard il quitta le maquis de Chabannes pour celui de Georges Guingouin, avec lequel il participa à la libération de Limoges. Engagé volontaire dans les FFI comme médecin militaire, il participa en 1945 à la libération de la poche de Saint-Nazaire. Comme l’écrit Alain Krivine, « Michel et Patrick son frère (né le 17 février 1949), ont baigné dans une ambiance familiale nourrie par la résistance communiste, juive polonaise » (Krivine, 2006). Patrick Rotman, scénariste et réalisateur de films documentaires, est aussi écrivain, historien (il a soutenu sa thèse de 3e cycle en 1979). Dès le lycée, Michel fut un militant anti-colonialiste, contre la Guerre d’Algérie. Externe à l’hôpital de Saint-Cloud, en 6e année de Médecine en 1968, il obtint son doctorat de médecine l’année suivante. Militant et dirigeant de la JCR avant 68, il ne faisait pas partie du PCI minoritaire trotskyste. C’est après quelques réflexions et trois semaines avant le congrès de fondation de la Ligue communiste (LC), à Pâques 1969, qu’avec ses camarades « a-trotskistes » (le mot est de Daniel Bensaïd) Michel Recanati, Camille Scalabrino et Daniel Bensaïd, qu’il prit position en faveur de l’adhésion de la nouvelle organisation à la Quatrième Internationale (Cahier Rouge n°8-9, 1969).
    Michel Rotman prit une part active à l’organisation du 1er congrès de la LC qui se tint à Mannheim (RFA) les 5-8 avril 1969, dans le but de déjouer la surveillance des policiers français. Selon le témoignage d’un délégué : « On m’avait donné rendez-vous à Paris, aux halles Baltard non encore démolies. Rotman, dans le rôle du grand organisateur, nous range dans un bistrot, nous demandant d’attendre. Peu après, il nous amène dans une boîte de location de voitures, on loue une Fiat 124, et guidés par un copain parisien, à 5 nous partons pour l’Allemagne. Quatre jours extraordinaires, dans une immense auberge de jeunesse » (Témoignage du jeune havrais Christian Chatillon, recueilli par Salles, 2004, T.III, p.589, voir aussi Bensaïd, 2004, p.130). Cette implication importante dans des tâches matérielles indispensables est notée par Alain Krivine (2006, p.161), par Daniel Bensaïd (2004, p.86) ou par la police. Ainsi, il fut contrôlé à Paris le 6 juin 1969 au volant d’une estafette bleue, louée, pour transporter banderoles et matériel lors d’une manifestation d’étudiants (Préfecture de Police, Direction des RG, juillet 1969).
    Il représenta la LC à la direction (Comité d’initiative) de Paris du Secours rouge.
    Son installation comme médecin libéral en 1973 ne freine pas son engagement politique. Membre du BP de la LC, ses camarades confient la trésorerie à ce militant « toujours calme, doté d’un contact facile, d’une grande culture politique » (Krivine, 206, p.162). Familier des milieux artistiques, c’est lui qui mit en contact Alain Krivine avec Michel Piccoli, qui se porta garant de l’emprunt que fit la Ligue pour monter son imprimerie, Rotographie. Mais il participait aussi lui-même aux campagnes de souscription, comme le rapporte avec pittoresque un autre membre du BP, Gérard Filoche : « Il [M. Rotman] revenait de chez Montand. Celui-ci nous a écoutés, il a appelé un gars, « Bill, donne de l’argent à ces petits gars ! », on a eu une poignée de billets, on a mis dans nos poches, on a compté après être sortis, il y avait 20 000 francs » (Filoche, 1998, p.118). Ne manquant pas de « culot » ni de sens politique, contre les réticences de certains comme Henri Weber, c’est lui qui eut l’idée de présenter Alain Krivine aux élections présidentielles de 1969 (Weber, 2018, p.158), des élections anticipées rendues nécessaires du fait de la démission du Général de Gaulle. « Plutôt culotté » en effet, comme l’écrit Daniel Bensaïd, « pour une organisation d’un millier de membres et d’une moyenne d’âge de 24 ans » (Bensaïd, 2004). Militant exposé, le 3 juillet 1971 il est victime d’un cambriolage, son appartement est fouillé, des dossiers ont disparu (Charpier). Il est impliqué également dans l’organisation des stages de formation mis en place par la Ligue, notamment durant l’été 1971 à Montargis (Loiret), 8 stages d’une durée d’une semaine chacun, qui virent passer plus de 400 militant(e)s (Salles, 2005 et Thierry Pfister, « Les trotskystes à l’école », Le Monde, 25 août 1971, p.1 et 6). Il écrit aussi des articles pour l’hebdomadaire Rouge, sur l’actualité comme « le Vietnam et la coexistence pacifique » (Rouge n°168, 29 juillet 1972) ou des articles témoignant de son goût pour l’histoire, « le PCF 50 ans après sa création » (Rouge n° 92, 14 décembre 1970). En janvier 1976, il scrute l’évolution d’un Parti communiste français en train d’abandonner sa référence à la dictature du prolétariat (in Rouge n° 330, 9 janvier 1976, p.4-5, M. Rotman sur le XXIIe congrès du PCF). Enfin, comme beaucoup d’autres dirigeants de la LC, Il est un des 91 candidats de la Ligue aux élections législatives du 4 mars 1973, dans la 1ère circonscription de la Somme, à Amiens (Rouge n° 184, 16 décembre 1972). Son autre frère Pierre, né en 1946, sous les drapeaux en 1974, un des signataires de l’Appel des Cent (16 mai 1974), fut pour cela réprimé, arrêté puis muté de Nancy à Sète. Il fut mis aux arrêts pendant 15 jours. Par ce texte en forme de lettre ouverte aux deux candidats finalistes de la Présidentielle, les soldats signataires - ils furent 2000 le 15 août 1974 - rappelaient leurs revendications démocratiques.

    À la fin des années 1970, Michel Rotman changea de vie progressivement. Il cessa d’exercer la médecine et devint producteur de films pour la télévision et le cinéma, créant la société Kuiv en 1979. Parallèlement, considérant que la voie réformiste est sans doute plus efficace que la voie révolutionnaire pour faire progresser la société, il mit fin à un engagement politique sacrificiel et chronophage. De même, le soutien de plus en plus affirmée de la LCR à la lutte armée des Palestiniens a pesé sur ce désengagement. Interrogé par le sociologue israélien Yaïr Auron, son frère Patrick expliquait l’effroi qu’il éprouvait lui-même devant les détournements d’avions et les actes terroristes de la résistance palestinienne, et ajoutait-il : « Les positions que défendait la Ligue, de laquelle j’étais encore militant, étaient ambigües : elle ne condamnait ni ne soutenait clairement les opérations palestiniennes. Cette attitude me choquait et j’y étais totalement opposé » (Auron, 1998).
    Rapidement la société Kuiv se fit connaître par ses documentaires historiques et ses séries, comme « Les Brûlures de l’histoire » (environ 60 films réalisés avec son frère Patrick), accueillis par France 2 ou par Arte. Ainsi, « les Révolutionnaires du Yiddishland », l’histoire de la classe ouvrière juive d’Europe centrale, co-écrit par le militant de la LCR Gérard de Verbizier, a eu un grand retentissement. Michel Rotman travaille volontiers avec ses frères ; avec Patrick, « on est complices sur le fond et je lui fais une confiance totale » (Le Nouvel Observateur, 2005). L’opéra rock « 68 », réalisé par Patrick, a été produit par Michel en 2008. Sortant de son domaine de prédilection, le documentaire historique, il produisit pour le cinéma « Montand », d’après le livre de Patrick Rotman et d’Hervé Hamon, ou encore « Johnny Hallyday. La France rock’n rol l ». Il produisit aussi un film sur la danse, « Nijinski, une âme en exil », ou sur le sport, « Le centenaire du Tour de France ». L’histoire de la résistance reste un sujet fondamental pour lui. Il produisit ainsi « Été 44 » (2004), vu par 7 millions de téléspectateurs, et « Le grand Georges » (2011), narrant l’histoire de l’instituteur communiste du Limousin Georges Guingouin. Il produisit également « La tragédie des Brigades internationales », diffusé en 2016 sur Arte. Parmi les grandes rétrospectives historiques, il produisit « François Mitterrand ou le roman du pouvoir », en 4 parties de 52 minutes, réalisé par son frère Patrick et par Jean Lacouture (2000) vu par 5 millions de téléspectateurs. Il produisit également deux documentaires réalisés par son frère Patrick, « De Gaulle l’homme du destin. 1940-44 »(2014), salué notamment pour ses images inédites, et « De Gaulle le dernier roi de France »(2017).
    Michel Rotman obtint le 11 décembre 2006 le prix du producteur français de télévision, « pour un parcours exemplaire, une politique éditoriale sobre et audacieuse qui décrypte et analyse notre société » (Site Procirep, 2017).