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Programme d’Ensemble : poursuivre dans l’impasse
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Henri Sterdyniak, membre du collectif d'animation des Economistes atterrés, analyse les propositions économiques portées par le mouvement du président Emmanuel Macron et du 1er ministre Gabriel Attal.
Le projet d’Emmanuel Macron en 2017 était basé sur des idées simples : libérer les chefs d’entreprise, rendre la France attractive pour les capitaux, ce qui impulserait la croissance. C’est cette logique qui a justifié la réduction du droit du travail et la baisse des impôts sur les plus riches et les entreprises. Selon une certaine vision des politiques d’offre, ces baisses d’impôts devaient dynamiser la croissance ; elles devaient être financées par des baisses de dépenses publiques. Plutôt que de mettre en cause sa manière de conduire la politique économique, le gouvernement explique les mauvais résultats macroéconomiques et sociaux par la crise du Covid, la poussée de l’inflation ou le refus de la population d’accepter la baisse des dépenses publiques.
Emmanuel Macron et sa majorité représentent les intérêts des classes dirigeantes. En même temps, c’est le charme de la démocratie, ils doivent obtenir le soutien d’une majorité de Français. Mais, la théorie du ruissellement (l’aide aux plus riches profite finalement aux plus pauvres) s’est révélé une duperie ; les contraintes imposées par le néolibéralisme ont pesé lourdement sur les classes populaires (dégradation des services publics, inflation, report de l’âge de la retraite, difficultés des agriculteurs et des ouvriers soumis à la concurrence internationale). Emmanuel Macron et son gouvernement sont apparus comme les représentants d’une élite, méprisante et coupée du peuple, que ce soit à l’occasion de la crise des Gilets jaunes, de la réforme des retraites, de la crise agricole. Ils ont perdu le soutien des classes moyennes, qui les avaient soutenus en 2017. Malheureusement, c’est l’extrême-droite qui a le plus profité de la colère populaire, qu’elle a réussi à dévier contre les immigrés. Poursuivre une politique qui soumet de plus en plus l’État aux intérêts des classes dominantes augmenterait encore les tensions sociales dans notre pays.
Des baisses d’impôts réalisées au coût démesuré
Les mesures de baisses d’impôts prises depuis 2017 représentent de l’ordre de 76 Md€ d’euros (2,7 % du PIB). Soit 40 Md€ pour les entreprises : réduction de 33 % à 25 % du taux de l’impôt sur les sociétés (soit un manque à gagner de 16 Md€) ; baisse des impôts de production (19 Md€) ; extension du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE (5 Md€). Et 36 Md€ pour les ménages : création du Prélèvement forfaire unique (PFU) et remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI, 5 Md€) ; baisse de l’impôt sur le revenu (5 Md€) ; défiscalisation et baisse des cotisations sociales sur les heures supplémentaires (4 Md€) ; suppression de la taxe d’habitation (19 Md€) ; suppression de la redevance sur l’audiovisuel public (3 Md€).
Le taux de prélèvements obligatoires a ainsi diminué de 45,3 % en 2017 à 43,2 % en 2023 (-2,1 points) tandis que le ratio des dépenses publics primaires au PIB passait de 51,1 % à 51,6 % (+0,5 point), la part des charges d’intérêt baissant de 1,9 à 1,7 % du PIB (-0,2 point) le déficit public passant de 3,3 à 5,5 % du PIB (+2,2 points). Les baisses d’impôts des gouvernements Macron sont donc directement responsables du niveau actuel du déficit public. C’est la stratégie libérale habituelle, baisser les recettes publiques, puis proclamer que le déficit ainsi créé oblige à des politiques restrictives en matière de dépenses.
De 2017 à 2023, la croissance du PIB en volume n’a été que de 1 % par an ; celle des dépenses publiques de 1,2 % par an. Le miracle est que durant cette période l’emploi ait progressé de 9 % (1,45 % par an), ce qui signifie une baisse de la productivité du travail de 0,45 % par an. Les économistes ont du mal à l’expliquer, même si des explications partielles ont été fournies : développement de l’apprentissage, hausse des emplois précaires et des emplois à bas-salaires, maintien d’entreprises peu productives grâce aux aides publiques, hausse des arrêts maladie en raison des séquelles du Covid et du vieillissement de la population en emploi...
Un programme dit de stabilité, soumis aux contraintes européennes
Le programme d’Ensemble est, en quelque sorte, chiffré dans le programme de stabilité envoyé par la France à la Commission européenne en avril dernier. Celui-ci se veut conforme aux nouvelles règles budgétaires européennes acceptées par le gouvernement français en décembre 2023. Le déficit public dépassant 3 % du PIB, la France sera mise en procédure de déficit excessif en juillet 2024 ; elle sera soumise à un contrôle étroit de la Commission (que la gauche devra refuser si elle parvient au pouvoir), elle devra réduire son déficit public primaire de 0,5 point de PIB par an. Comme de nombreux pays de l’UE devraient eux aussi pratiquer des politiques d’austérité, le risque est grand que, comme en 2011-2015, la zone euro reste dans la dépression. Le gouvernement français n’a pas été capable de constituer une coalition avec l’Espagne, l’Italie, le Portugal… pour imposer une stratégie de relance en Europe, qui pourrait s’inspirer de celle de Joe Biden aux États-Unis.
Selon le gouvernement, avec une hypothèse de croissance (1,5 % l’an en moyenne), optimiste compte tenu du caractère restrictif de la politique budgétaire en France et dans l’UE, le déficit budgétaire passerait de 5,5% en 2023 à 2,9 % du PIB en 2027, avec une légère hausse des prélèvements obligatoires (+0,4 point de PIB), une hausse des charges d’intérêt (+0,9 point), une forte baisse du ratio de dépenses publiques primaires (-3,3 points), ce qui suppose une stagnation de celles-ci en volume pendant 4 ans, donc de nouvelles mesures d’austérité de l’ordre de 16 milliards par an. Dans le programme de stabilité envoyé par la France, il est prévu une contraction des investissements publics (de 4,3 à 3,9 % du PIB), la stagnation du point d’indice de la fonction publique et d’autres mesures non documentées en l’état.
La réforme des prestations chômage sous le tapis
La campagne de Gabriel Attal consiste donc, pour l’essentiel, à faire l’éloge de la continuité par rapport aux aventures que préconiseraient ses opposants, qualifiées d’offres politiques extrêmes, confondant ainsi le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front Populaire (NFP).
Remarquons que le programme d’Ensemble n’évoque pas la nouvelle réforme des prestations chômage, que le gouvernement persiste à vouloir introduire ce 1er juillet pour application au 1er décembre : pour ouvrir des droits, il faudra désormais avoir travaillé au moins huit mois sur les 20 derniers mois, contre six mois sur les 24 derniers mois actuellement ; la durée d’indemnisation sera réduite de 25 % pour les moins de 57 ans, passant de 18 à 15 mois ; l’âge d’éligibilité à une durée d’indemnisation prolongée (27 mois) sera relevé de 53 à 57 ans. Cette réforme pèsera lourdement sur les jeunes entrant sur le marché du travail et sur les travailleurs précaires. Selon les calculs de Michaël Zemmour, elle pourrait réduire de 10 % le nombre de chômeurs indemnisés, qui serait renvoyés à la solidarité familiale ou au RSA…
Quelques annonces et promesses égrainées : certaines dangereuses, parfois incohérentes entre elles ou déjà inscrites dans la loi
Ensemble envisage d’étendre le plafond de la « Prime de partage de la valeur » (dite prime Macron) jusqu’à 10 000 € (contre 3 000 € aujourd’hui) et de la mensualiser jusqu’à 833 euros par mois. Cette prime serait totalement exonérée d’impôts et de cotisations sociales. Versée en lieu et place des augmentations salariales, elle diminuerait immédiatement les ressources de la Sécurité sociale et, plus tard, les futures retraites des bénéficiaires. Cela alors que la Cour des Comptes vient de dénoncer le coût déjà important des niches sociales des compléments de salaire. L’équité fiscale et sociale voudrait au contraire que tous les revenus salariaux paient les cotisations sociales et l'IR progressif.
Ensemble veut revoir les exonérations de cotisations sociales qui désinciteraient les entreprises d’augmenter leurs salariés, sans présenter un nouveau barème, sachant qu’il est difficile qu’un nouveau barème ne soit pas plus coûteux pour les finances publiques ou moins avantageux pour les bas salaires.
Ensemble s’engage à indexer les retraites sur l’inflation conformément à la loi. Par contre aucun engagement n’est pris sur l’indice des traitements de la fonction publique, laissant supposer que le point d’indice demeurera gelé, actant la baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires
Gabriel Attal a proposé de créer une complémentaire santé publique à 1 euro par jour pour les bas revenus. En fait, la Complémentaire santé publique existe déjà. Elle s'appelle la C2S (Complémentaire santé solidaire). Elle est gratuite pour les personnes ayant un revenu inférieur à 847 euros par mois, coûte de 8 à 30 euros par mois jusqu'à un revenu de 1147 euros par mois. Son grand problème est le non-recours : 31 % pour la C2S gratuite, 66 % pour la CSS payante. Ainsi, 3 millions de personnes qui y ont droit n'en bénéficient pas. Gabriel Attal parle sans précision d’élargir ce droit. En fait, il suffirait de rendre l'adhésion automatique pour la C2S gratuite et relever fortement les seuils de revenu. Mais, comme le souligne Nicolas Da Silva, la meilleure réforme serait le 100 % Sécu, qui simplifierait les remboursements Santé et ferait économiser 5,4 milliards de surcoût de fonctionnement des mutuelles[1].
Gabriel Attal prétend généraliser la solidarité à la source, le versement automatique des prestations de solidarité. Ce qui est totalement contradictoire avec la réforme du RSA, qui oblige ses bénéficiaires à justifier de 15 heures d’activité par semaine.
Ensemble propose d’augmenter à 150 000 euros le montant qui peut être transmis (ou donné tous les 15 ans) à un enfant sans droits de succession par chacun de ses parents et d’introduire une exonération de 100 000 euros maintenant par chacun de ses grands-parents. Soit, pour une famille riche et bien organisée, un total de 700 000 euros pour chaque enfant, tous les 15 ans. Est-ce nécessaire quand le patrimoine hérité a fortement augmenté ces trois dernières décennies et représente déjà plus de 60 % du patrimoine des ménages, et alors que 13 % seulement des héritages dépassent les 100 000 euros (ce qui signifie que 87 % des héritages ne donnent pas lieu au versement de droits de succession).
En contrepartie, d’ici 2027, les jeunes des classes moyennes et populaires seraient dispensés de droit de mutation (qui sont de l’ordre de 6 % du prix du logement) pour l’achat d’un logement jusqu’à 250 000 euros. Certes, cela peut leur faire économiser 15 000 euros. Encore faut-il qu’ils puissent financer cet achat, ce qui est très difficile pour des jeunes qui ne bénéficient pas de donations familiales. Cette logique est absolument contradictoire avec l’idée selon laquelle on devrait pouvoir constituer son patrimoine à partir des revenus de son travail.
Gabriel Attal a trouvé un nouveau gadget dangereux auquel il donne un nom magique ; la règle d’or budgétaire[2]. « Pas de hausse d’impôt quoi qu’il arrive ». En fait, mettre ce verrou en place serait paralyser l’action publique. A l’avenir, il pourra être nécessaire d’augmenter les cotisations sociales pour financer les hausses nécessaires de dépenses de santé et de retraites. Il sera nécessaire d’augmenter la taxe carbone (et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières) pour décourager les émissions de gaz à effet de serre et financer la transition écologique. La hausse des impôts sur les hauts patrimoines, les hauts revenus et les successions permettra d’améliorer les services publics et d’aider les plus pauvres. Ne supprimons pas le droit des citoyens d’augmenter les impôts.
Cependant, Gabriel Attal envisage de taxer les rachats de leurs actions par les entreprises pour financer la rénovation énergétique des logements des classes moyennes. Par contre, il ne propose pas un plan massif de construction de logements.
Le Service national universel serait généralisé et rendu obligatoire, pour un coût de 3 milliards, qui, selon les syndicats enseignants, seraient mieux utilisés à améliorer les conditions d’enseignement. Par contre, la renationalisation de l’Aide sociale à l’enfance et de l’accueil des mineurs non accompagnés, que Gabriel Attal propose, est une mesure souhaitable, si plus de moyens y sont consacrés.
Toujours malgré la mobilisation des enseignants, Gabriel Attal persiste à vouloir mettre en œuvre à la rentrée le « choc des savoirs », sans moyens supplémentaires, avec des classes de niveaux, la standardisation des enseignements, le pilotage par des évaluations, qui s’ajouterait à la désorganisation introduite par les réformes Blanquer et Parcours sup ?
Le programme confirme l’objectif de baisser de 55 % entre 1990 et 2030 les émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national et la mise en chantier de 14 nouveaux réacteurs nucléaires d’ici 2034. Il confirme aussi le doublement des dépenses militaires d’ici 2030.
Pour conclure, le programme ne comporte guère de mesures nouvelles face aux grands défis auxquels notre pays est confronté : la réindustrialisation, la lutte contre le réchauffement climatique. Il n’explique pas comment il serait possible de résorber le déficit public actuel et de faire face aux besoins futurs, sans hausse d’impôts. Surtout, il ne comporte aucune mesure forte répondant aux profonds mécontentements que les élections européennes ont révélés.
[1] https://www.alternatives-economiques.fr/nicolas-da-silva/complementaires-sante-un-pognon-de-dingue/00104670
[2] Faut-il rappeler qu’il existe déjà une règle d’or des Finances publiques qui autorise à avoir un déficit public égal à l’investissement public ?