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GAZA - L’horreur et ses mensonges - Raoul Victor
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https://www.leftcommunism.org/spip.php?article539
“A la guerre, la vérité est la première perte”, écrivait Eschyle il y a plus de 2 500 ans. La guerre de Gaza, ce fait militaire qui restera comme un des plus ignobles de l’histoire, n’a pas démenti cette impitoyable sentence. Trois mensonges grossiers, trois énormes "pertes de vérité" marquent son déroulement. Le premier, l’attaque du Hamas présentée comme une "surprise". Le deuxième mensonge ne concerne rien de moins que l’objectif proclamé par le combattant le plus puissant : l’extermination du Hamas. Le troisième, mais pas le moindre, la motivation du principal fournisseur des moyens matériels du massacre, la première puissance économique et militaire de la planète, les États-Unis.
I - L’attaque du 7 octobre ne fut pas une "surprise"
Contrairement à la version "officielle" et reprise par les médias du monde entier, l’attaque par le Hamas du 7 octobre 2023 ne fut pas une "surprise" pour les hauts responsables de l’armée et du gouvernement israéliens.
L’incursion fut menée par près de 2 000 hommes du Hamas, mais aussi du Jihad islamique palestinien, des Brigades Abou Ali Moustafa, des Brigades des martyrs d’Al Aqsa, des Forces Omar al Qassim, et des Brigades Moudjahidin. Toute cette fripouille, sous le commandement du Hamas s’était longuement préparée pour coordonner son action [1]. Armés jusqu’aux dents, juchés sur des camions et pick-up, suivis par des groupes disparates prêts à tout, ils ont fracassé en de nombreux points la frontière entre la bande de Gaza et Israël, le très coûteux "iron wall" (plus d’un milliard de dollars), une des frontières les plus impénétrables, surveillées et militarisées de la planète. Une telle opération ne fut ni simple, ni improvisée. Comme le signalait le Wall Street Journal au lendemain du 7 octobre, cette opération commença à être mise en place, au moins, dès le mois d’août et fit l’objet de réunions au niveau international, en particulier entre des représentants du Hamas, du Hezbollah et des Gardiens de la révolution iranienne au Liban et en Syrie [2].
Qui peut croire que les services secrets Israéliens, le Mossad et le Shin Bet, mondialement connus pour leur redoutable et impitoyable efficacité, qui disposent d’agents infiltrés dans la plupart des organisations qu’ils combattent, que ces cyniques maîtres de l’espionnage ignoraient tout des préparatifs d’une telle opération ? Qui peut croire que les services secrets états-uniens étaient eux aussi sourds et aveugles ?
Qui peut croire que c’est pour cause de festivités religieuses juives le 7 octobre qu’une grande partie des soldats chargés de défendre cette frontière avaient été exceptionnellement retirés, comme le dit la version officielle ?
Un témoignage est à lui seul propre à ôter tout doute quant à la réalité du mensonge concernant une supposée "surprise". C’est celui de jeunes soldates postées en permanence sur la frontière pour surveiller ce qui se passe du côté de Gaza. Il est largement exposé dans un article de la BBC : "Elles sont connues comme les yeux de la frontière de Gaza - Mais leurs mises en garde concernant le Hamas ont été ignorés" [3]. Les soldates y racontent comment, pendant les mois précédant le 7 octobre, elles ont transmis régulièrement des rapports qui faisaient état de changements significatifs dans le comportement des soldats du Hamas et de la population près de la frontière, des changements qui pouvaient signifier la préparation d’une attaque prochaine. L’article raconte comment certaines jouaient même à faire des paris sur la date d’une telle attaque. Elles affirment dans cet article que leurs rapports ont été systématiquement ignorés et cela au niveau les plus élevés de leur hiérarchie. L’article raconte qu’elles se rassuraient en se disant que si cela se produisait l’armée israélienne réagirait très rapidement et que Tsahal réglerait immédiatement son compte aux assaillants.
Or, justement, un des faits étonnants des événements du 7 octobre c’est l’étrange lenteur de la réaction de l’armée israélienne. Il fallut plus de quatre heures pour que les premières interventions sérieuses prennent place. Alors que les incursions du Hamas et du Jihad Islamique commencent à 6 h 30 du matin, certains Kibboutz devront attendre plus de 13 heures pour voir les premiers soldats de Tsahal venir les aider. Les assaillants avaient eu largement le temps de se livrer aux sanglants massacres et aux rapts des otages. Le journal israélien Haaretz a essayé de reconstituer sur son site les événements minute par minute rassemblant des informations et des témoignages [4]. On y entend des enregistrements téléphoniques faisant état de situations dramatiques où des appels aux secours restent sans réponses de la part des autorités.
Tout confirme que les autorités Israéliennes et l’état-major de l’armée savaient ce qui se tramait et avaient décidé de laisser se dérouler l’attaque prévue. Ils voulaient faire de l’événement, comme ils l’ont immédiatement proclamé dans tous les médias au moment de l’attaque, "leur 11 septembre".
Pour mémoire : l’attaque des tours du World Trade Center à New York le 11 septembre 2001 et dont les versions officielles ont maintes fois été mises en question, avait servi à justifier sur le plan national l’instauration de mesures ultra-liberticides du "Patriot Act", signées par George Bush dès la fin du mois d’octobre. Sur le plan international, au même moment, était déclenchée l’invasion par l’armée américaine de l’Afghanistan et un an et demi plus tard de l’Irak.
Lorsque les autorités israéliennes ont proclamé et répété que le 7 octobre était "leur 11 septembre", elles se préparaient à suivre l’exemple de leurs maîtres états-uniens 22 ans auparavant : elles ont fait de l’attaque du 7 octobre le justificatif, sur le plan intérieur, de l’octroi au cabinet de guerre de pouvoirs exceptionnels pratiquement sans limites et, sur le plan international, du déclenchement de l’opération militaire sur la bande de Gaza.
On peut être étonné du peu de prise en considération par les "observateurs" de cet aspect machiavélique du gouvernement israélien pour ce qui fut le pire pogrom subi par des juifs depuis la Shoah. Même parmi des internationalistes qui pourtant dénoncent cette guerre, ce visage de la réalité leur semble "secondaire". Peut-être par crainte de paraître "conspirationnistes"... Mais qui croit encore que les responsables politiques ne conspirent pas ?
L’action du Hamas et du Jihad Islamique fut un acte de barbarie d’une rare sauvagerie. Près de 800 civils furent massacrés, souvent devant leurs proches, leurs maisons incendiées, des femmes et des hommes furent sexuellement brutalisés, près de 300 membres des forces de police ou de l’armée furent tués lors des attaques des bases militaires, 253 personnes ont été prises en otages, dont des douzaines ont été assassinées par la suite.
Le gouvernement de Netanyahou pouvait parfaitement prévoir le bain de sang qu’entraînerait sa "négligence". Tout comme la direction du Hamas pouvait parfaitement prévoir le massacre de la population palestinienne qu’entraînerait la riposte israélienne à son intrusion du 7 octobre.
La population palestinienne, dans la bande de Gaza comme en Cisjordanie, n’est pas victime seulement de l’action des forces armées israéliennes. Elle l’est aussi des bandes armées qui se disputent le pouvoir dans ces territoires telles le Hamas, le Jihad Islamique ou le Fatah. J’y reviendrai.
II. L’objectif principal du gouvernement Netanyahou n’est pas l’éradication du Hamas mais l’évacuation de la population palestinienne moyennant un génocide
Commençons par nous débarrasser de la discussion ridicule sur la définition du terme "génocide". Les autorités israéliennes, ainsi que tous ceux qui voudraient atténuer la criminalité des intentions de ces dernières, rejettent l’emploi de ce terme. L’argument le plus employé est que l’armée israélienne ne cherche pas à tuer "absolument tous" les palestiniens. Pourtant la définition "officielle", telle qu’elle fut formulée par la "Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide", ce traité de droit international, approuvé à l’unanimité le 9 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies, à la suite du génocide des juifs pendant la seconde guerre mondiale, ne laisse aucun doute quant à la nature génocidaire des massacres exercés par l’armée israélienne.
L’article II de cette convention ne laisse aucune place au doute à ce propos :
"Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
Meurtre de membres du groupe ;
Atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe."
La définition précise bien : "en tout ou en partie". Quant aux enfants, "l’autre groupe", celui où des milliers d’enfants ont été "transférés" c’est le groupe... des cadavres. Or, "Le nombre d’enfants présumés tués en seulement quatre mois à Gaza est plus élevé que le nombre d’enfants tués en quatre ans dans l’ensemble des conflits à travers le monde", a assuré mardi 12 mars le patron de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA.
Netanyahou répétait encore récemment cyniquement à la télévision française l’argument suprême pour expliquer les dizaines de milliers de civils morts (plus de 38 000 à la fin juin 2024), dont 70 % de femmes et d’enfants : "Chaque mort civil pour nous est une tragédie... Pour le Hamas, c’est une stratégie. Ils utilisent sciemment les civils comme des boucliers humains."
Difficile de faire pire dans le cynisme. Puisque les soldats du Hamas se cachent derrière des enfants on devrait s’attendre au recours à des tireurs d’élite ou du moins à un minimum de prudence. Au lieu de cela Tsahal se sert de bombes de près d’une tonne, gracieusement fournies avec les avions les plus modernes par le parrain américain, capables de détruire un immeuble d’habitation en une seule frappe. En guise de prudence plus de 220 000 habitations ont été bombardées en près de 6 mois.
Les réseaux d’électricité, d’eau et d’égouts ont été détruits. Le système de santé a été systématiquement anéanti : d’après l’Unicef en avril 2024, 83 % des 36 hôpitaux ont été bombardés, plus de 400 travailleurs de la santé ont été tués. En mars 2024 on estime que 40 % des terres de Gaza précédemment utilisées pour la production alimentaire ont été détruites. La population a été progressivement expulsée et déplacée successivement dans des camps provisoires où la menace de famine est devenue la première préoccupation, l’armée israélienne s’employant méthodiquement à empêcher ou réduire à de ridicules minimums l’arrivée de camions d’aide alimentaire. En outre, cette aide, quand elle arrive, est de plus en plus commercialisée par des gangs criminels qui s’en emparent, la pillent et la revendent. Ils ont monétisé l’aide humanitaire… L’horreur est couronnée par l’action de fanatiques ultra-orthodoxes qui détruisent, "with God on their side", sans que l’armée les en empêche, le contenu de camions alimentaires qui ont été autorisés à passer.
A la mi-juin 2024, en Cisjordanie, où le Hamas n’est pas présent, au moins 500 Palestiniens ont été tués par des militaires ou colons israéliens depuis le début de la guerre, selon un haut responsable des Nations Unies.
A la même date, d’après le ministère de la santé de Gaza, il y a eu au moins 37 396 palestiniens tués depuis le début de la guerre et d’après une estimation publiée dans la revue The Lancet, cela pourrait entraîner indirectement 186 000 décès [5].
Un des ministres du gouvernement de Netanyahou, Amichaï Eliyahu, illustrait bien l’état d’esprit de cette effroyable camarilla au pouvoir en déclarant à plusieurs reprises, malgré des recadrages, que le recours à l’arme nucléaire reste... "une option" [6].
Ce même personnage dit souvent : "Il n’y a pas de non-combattants à Gaza". En d’autres termes : population civile et Hamas, même combat. Normal qu’on les massacre. Depuis le 9 octobre 2023, la bande de Gaza est soumise à un blocus total. Le ministre israélien de la défense, le justifie ainsi : "Nous assiégeons complètement Gaza... Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de gaz - tout est fermé... Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence." [7].
Comment peut-on prétendre que cette réalité ne correspond pas à la définition de génocide ? : "Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle".
Le gouvernement de Netanyahou ne fait que poursuivre l’œuvre "sioniste" au sens d’une consolidation et expansion d’un "État juif". Dans le passé, il y eut deux moments particulièrement importants dans l’œuvre d’expulsion de la population civile palestinienne : la guerre de 1947-1949, autour de la proclamation de l’État d’Israël en mai 1948 et la guerre des Six Jours en 1967. La première aboutit à l’expulsion de près de 800 000 palestiniens, la Nakba, la catastrophe en arabe ; la deuxième condamna plus de 300 000 palestiniens à l’exil, la Naksa. Il s’agissait de guerres contre les États limitrophes d’Israël. Aujourd’hui c’est l’État d’Israël contre des organisations proto-étatiques financées en grande partie par des États intéressés. Les gouvernements israéliens de l’époque étaient "travaillistes", laïques. Parmi les spécificités de l’action actuelle d’Israël il y a l’ajout d’une dimension religieuse, "ultra-orthodoxe" : Netanyahou n’hésite pas à justifier le génocide en parlant de la réalisation des écritures du prophète Isaïe et du combat du peuple de la lumière contre le peuple des ténèbres. Il s’agit de continuer à récupérer "l’héritage biblique".
Le but est-il vraiment d’éradiquer le Hamas, comme le martèle en permanence le discours officiel ?
Le Hamas est présent essentiellement dans la bande de Gaza. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est c’est le Fatah qui exerce le pouvoir. L’accélération de la colonisation par la violence dans ces deux dernières zones depuis le 7 octobre suffirait à démontrer que l’objectif véritable de la contre-offensive israélienne n’est pas la destruction du Hamas mais la construction du nouvel Israël "débarrassé" des palestiniens. Fin juin 2024, un décompte de l’organisation israélienne "La Paix maintenant" établissait que depuis le 7 octobre la plus vaste étendue de terres occupées en Cisjordanie avait été réalisée.
Il faut ici rappeler ne fut-ce que brièvement la spécificité de l’attitude de Netanyahou et d’une partie des dirigeants d’Israël à l’égard du Hamas. Netanyahou qui fait partie de la direction du parti Likoud depuis plus de trois décennies a toujours été, comme ses collègues, un furibond opposant aux accords d’Oslo (1993). Ces accords ouvraient un processus de paix entre l’État d’Israël et l’Autorité palestinienne aboutissant à la constitution d’un État palestinien comprenant la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Le parti de Netanyahou voit dans ces accords un renoncement aux territoires occupés. Ces accords furent signés d’une part par Yitzhak Rabin, alors premier ministre travailliste d’Israël, qui en paya le prix par son assassinat en 1995 sous les balles d’un jeune sioniste radical, et d’autre part par Mahmoud Abbas au nom de l’OLP et du Fatah dont Arafat était la figure éminente. Contrairement au Fatah, le Hamas ne reconnaît pas l’État d’Israël qu’il promet de détruire et il n’est pas laïque mais religieux islamiste. De ce fait il est depuis longtemps considéré par Netanyahou et ceux qui partagent ses orientations comme un puissant instrument pour affaiblir le Fatah et l’idée d’un partage de "l’héritage biblique" avec un État palestinien.
En mars 2019 Netanyahou déclarait dans une réunion du Likoud : "Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas... Ceci fait partie de notre stratégie - isoler les Palestiniens à Gaza des Palestiniens en Cisjordanie." [8].
En février 2024 la BBC publiait un article avec le témoignage d’un Mr. Levy, ancien responsable des services secrets du Mossad. Celui-ci y raconte comment il avait à maintes reprises démontré à Netanyahou qu’il était possible d’écraser le Hamas en ayant recours à des moyens financiers, mais qu’il n’avait jamais reçu de réponse de la part du chef du gouvernement. Levy n’hésite pas à faire un lien entre ce refus et les événements du 7 octobre [9].
Outre les avantages trouvés à l’existence du Hamas déjà décrits par Netanyahou, il faudrait ajouter que cette organisation permet à ce dernier de prolonger une situation de crise. Netanyahou a tout intérêt à faire durer une situation de guerre, même en cas de négociations. Tant que celle-ci se prolonge, il dispose d’un argument majeur, même si non rédhibitoire, pour rester au pouvoir - difficile de changer de capitaine lorsque le navire est en pleine bataille. Sa popularité n’a cessé de chuter depuis le 7 octobre, entre autres à cause des doutes sur sa responsabilité dans les "négligences" qui ont permis le 7 octobre. En cas d’élections il lui sera très difficile d’être reconduit, il perdrait alors son "inviolabilité" et devrait faire face à la justice puisqu’il est poursuivi pour "corruption, fraude et abus de confiance". Il est le premier chef de gouvernement israélien à être inculpé alors qu’il est en exercice.
Le conseiller pour la sécurité nationale de Netanyahou, Tzachi Hanegbi déclarait fin mai à la radio que "Les combats à Gaza continueront pendant au moins 7 mois encore".
Le Hamas, même très affaibli, est très utile pour entretenir cette guerre. La disparition du Hamas qui par ailleurs reçoit des fonds du Qatar, de l’Iran, de la Turquie, et des "contributions bénévoles", entre autres, n’est probablement pas près de disparaître et son éradication, comme on l’a vu, n’a jamais été le principal objectif de l’action du gouvernement israélien.
Mais il serait absurde de croire que l’énorme déploiement militaire réalisé au Moyen-Orient depuis le pogrom du 7 octobre trouverait ses raisons uniquement dans la logique venimeuse du sionisme radical israélien. Derrière cette tragédie guerrière se trouvent les besoins stratégiques de l’empire américain, dont Israël n’est qu’un "proxy", important certes, mais un "proxy".
III. Les véritables motivations de l’empire américain
Depuis le début de cette guerre, la propagande des États-Unis, comme celle de tous ceux qui approuvent ce génocide, est un tissu de mensonges.
Les autorités américaines prétendent, comme les autorités israéliennes, avoir été surprises par l’attaque du 7 octobre.
Elles prétendent aussi avoir joué un rôle de modérateur vis-à-vis de la violence exercée par l’armée israélienne sur la population civile. Elles ont développé un spectacle autour de soi-disant lignes rouges imposées à Israël pour finalement laisser faire disant qu’elles n’avaient pas été franchies, en particulier pour les massacres réalisés dans le sud de la bande de gaza [10].
C’est à peine quelques heures après le début de l’intervention de l’armée israélienne dans Gaza que le plus moderne des 11 porte-avions américain, l’USS Gerald R. Ford, le plus gros navire de guerre du monde, déjà en Méditerranée près de Marseille, a reçu l’ordre de faire cap vers les côtes Israéliennes, avec tout son groupe aéronaval (navires de combat de surface, navire ravitailleur, un ou deux sous-marins à propulsion nucléaire, une escorte aérienne, 74 avions de chasse, drones ou hélicoptères, avec en tout environ 6 000 marins).
Les autorités américaines, dont les services secrets travaillent en étroite collaboration avec ceux d’Israël, n’étaient pas plus surprises que les autorités israéliennes par l’attaque du 7 octobre. Leur participation à la riposte israélienne était certainement prévue. Elle n’a rien d’improvisée et l’ampleur de leur contribution en fournitures militaires avant et depuis le début de la guerre en bombes, munitions, renseignements, etc. en témoigne [11].
L’intervention militaire des États-Unis au Moyen-Orient à côté et à travers son proxy israélien, mais aussi directement au Yémen, contre les Houthis pro-iraniens dans le détroit contrôlant l’entrée de la mer Rouge, ce déploiement guerrier trouve sa motivation fondamentale dans la réponse développée depuis des années aux tentatives de déstabilisation de sa place prédominante sur la planète. Elle s’inscrit dans la suite de la guerre en Ukraine.
Après l’effondrement de l’empire soviétique dans les années 1990, les États-Unis étaient devenus l’unique "super-puissance" de la planète. Ils étaient déjà la première, ils devenaient désormais pratiquement la seule. En quelques années ils s’étaient emparés et avaient intégré dans l’OTAN presque tous les pays que l’URSS avait dû rendre indépendants.
Mais, un tiers de siècle plus tard les choses ont évolué. Économiquement et militairement les États-Unis demeurent encore au premier rang. Leur produit intérieur brut reste encore le premier. Le dollar constitue toujours la principale monnaie mondiale : 60 % des devises étrangères, 40 % des paiements mondiaux et 50 % de la dette internationale. Militairement ils conservent une supériorité indiscutable : leurs dépenses militaires annuelles sont supérieures à la somme de celles de tous les autres pays du monde, ils possèdent 800 bases militaires qui quadrillent la planète. Mais...
Mais au fil du temps cette prédominance n’a cessé de se voir de plus en plus mise en question en quelques décennies. Sur le plan économique la Chine a connu un extraordinaire développement devenant la deuxième puissance économique mondiale et étendant son influence aux quatre coins de la planète, développant ses "nouvelles routes de la soie", devenant, par exemple le premier investisseur étranger dans le continent africain. Sur le plan militaire elle fournit un gigantesque effort et parvient à détenir une marine militaire qui compte désormais plus de navires que celle des États-Unis. Aux Nations Unies la Chine joue un rôle de plus en plus important. En mars 2023 elle parvient à cosigner un accord qui, à la surprise générale, concrétise un rapprochement entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Depuis 2020 elle commence à établir des contrats avec les pays producteurs de pétrole, dont l’Arabie Saoudite, qui permettent de ne plus payer le pétrole en dollars mais en yuans.
En Europe, l’Allemagne réunifiée a tissé depuis la fin des années 1990, malgré l’opposition des États-Unis, des liens économiques de plus en plus puissants avec la Russie, faisant de celle-ci son principal fournisseur énergétique. Deux importants gazoducs sont construits entre les deux pays, financés principalement par l’Allemagne. Les alliés européens se sentant moins menacés par la Russie tendent à prendre leurs distances avec le "protecteur" américain. En novembre 2019 le président français, Macron, déclare : "Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan", et propose de "rouvrir un dialogue stratégique, sans naïveté aucune et qui prendra du temps, avec la Russie" [12].
Enfin, depuis 2009 se développe une nouvelle institution explicitement destinée à mettre en question la prédominance états-unienne, en particulier la dépendance vis-à-vis du dollar ; les BRIC, pour les initiales de quatre grands pays "émergents", Brésil, Russie, Inde et Chine. Avec l’adhésion de l’Afrique du Sud en 2011 ils deviennent les BRICS, puis en janvier 2024 les BRICS+ avec l’intégration de l’Iran, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et l’Éthiopie. Cela représente près de la moitié de la population mondiale. D’après le groupe financier américain Bloomberg, trente autres pays seraient aujourd’hui candidats pour se rapprocher des BRICS+.
Depuis le début de 2024, des pays africains inspirés, à juste titre, par la méfiance vis-à-vis de l’évolution de l’économie américaine (difficulté à maîtriser l’inflation, accroissement hors contrôle de la dette, retour du développement du chômage, menace d’une nouvelle grande récession), procèdent au rapatriement des réserves en or qu’ils avaient déposées aux États-Unis. Il en est ainsi du Nigeria, l’Afrique du Sud, le Ghana, le Sénégal, le Cameroun, l’Algérie, l’Égypte et l’Arabie saoudite. En juillet 2024 le Niger oblige les États-Unis à quitter la base militaire qu’ils venaient d’installer dans ce pays.
Au sein de cette "révolte" en pleine expansion, la Chine et la Russie jouent un rôle particulièrement important, comme le montre, entre autre, leur présence croissante sur le continent africain.
Les États-Unis n’ont pas assisté à cette remise en question de son pouvoir sans réagir et ils ont montré qu’ils sont prêts à tout pour tenter de la pulvériser. Ils ont eu bien sûr recours aux moyens politiques et économiques classiques comme les sanctions de tous ordres, telles que l’isolement international, la confiscation des investissements et dépôts de réserves aux États-Unis, les hausses des droits de douanes, les blocus commerciaux, etc. Mais ils ont eu et auront de plus en plus recours à la plus dangereuse et plus puissante de leurs armes : la force militaire et les conséquences "diplomatiques" qui en accompagnent l’utilisation.
Comme je m’efforce de le démontrer dans le texte "La guerre et le capitalisme - Le cas de l’Ukraine" [13], cette guerre fut le résultat d’une provocation américaine contre la Russie. Acceptée par les occidentaux lors des accords de Minsk, la non-intégration de l’Ukraine dans l’OTAN avait été exigée par la Russie comme ligne rouge. La démarche vers son franchissement ne pouvait qu’entraîner une riposte significative de la Russie. Celle-ci choisit une intervention militaire en Ukraine. Elle a ainsi fourni l’occasion aux les États-Unis d’anéantir en quelques semaines les liens économiques patiemment tissés entre la Russie et l’Allemagne et de remettre au pas les fanfaronnades françaises et européennes d’autonomie militaire vis-à-vis du parrain américain. Biden se donna le luxe d’annoncer publiquement dans une conférence de presse conjointe avec Scholz, le chancelier allemand, que les oléoducs Nord Stream allaient être détruits. Les "alliés" de l’Otan furent contraints d’arrêter de se fournir en gaz ou pétrole russe et d’acheter à des prix exorbitants les combustibles fournis par les USA. Les pays européens membres de l’OTAN sont mis au pas et on intègre à celle-ci deux qui n’en faisaient pas encore partie, la Suède et la Finlande. L’ensemble sera mis à contribution pour fournir les finances et les armes nécessaires à une confrontation majeure avec la Russie.
L’intervention dans la guerre de Gaza s’inscrit dans la même démarche de rétablissement de l’autorité états-unienne sur ses alliés et de préparation à une confrontation contre ses principaux rivaux à l’échelle planétaire, la Russie et la Chine.
L’Union européenne était le premier fournisseur de fonds aux Palestiniens. Après le 7 octobre les principales puissances européennes ont été contraintes d’affirmer sans réserve leur "soutien inconditionnel" à Israël et au parrain américain dans leur intervention génocidaire contre les palestiniens.
En même temps que l’opération dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, Israël et les USA développent leur guerre larvée contre l’Iran, allié de la Russie. Depuis 2020 et l’assassinat de Qassem Soleimani "architecte de la puissance régionale de l’Iran", icône de la république islamique, opération explicitement autorisée à l’époque par Trump, les autorités états-uniennes et israéliennes n’ont cessé de multiplier les provocations à l’égard de l’Iran, une des dernières étant le bombardement par Israël du consulat iranien de Damas le 1er avril 2024 à Damas, en Syrie. En même temps elles développent les affrontements au sud du Liban avec le Hezbollah, bras armé de l’Iran dans la région. Et, à 2 000 kilomètres de là, au Yémen, elles combattent les Houthis, directement soutenus et armés par l’Iran mais en guerre depuis près de 10 ans avec l’Arabie Saoudite, mettant à mal le présumé rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite au sein des BRICS+.
Ce qu’il s’agit de mettre en évidence c’est que, contrairement à ce que certains prétendent, les autorités américaines ne cherchent pas à mettre de l’ordre dans le guêpier du Moyen-Orient mais qu’au contraire elles y multiplient avec leur proxy israélien des harcèlements à l’égard de l’Iran. Le dernier en date, l’assassinat de Ismail Haniyeh, le chef politique du Hamas, dans la capitale iranienne, au lendemain de la cérémonie d’investiture du nouveau président iranien Massoud Pezeshkian, est d’une gravité sans précédent. Et derrière l’Iran c’est son allié, la Russie, qui est provoquée, comme en Ukraine.
Sans oublier que derrière toutes ces manœuvres guerrières et celles à venir se trouve la main omniprésente de l’énorme secteur militaro-industriel américain dont l’influence sur "l’État profond" et son appendice politique est déterminant. Devant la menace d’une prochaine récession dont les signes annonciateurs se font sentir, une nouvelle "course aux armements" constituerait un puissant stimulant à la "croissance".
Il faut ajouter ici deux éléments qui ont toute leur importance du point de vue aussi bien économique que militaire.
- Le premier est la découverte depuis deux décennies d’importantes réserves de gaz naturel en méditerranée orientale, dont une partie en eau territoriales israéliennes et palestiniennes (devant la bande de Gaza) [14]. Le contrôle et l’exploitation de ces réserves constitue un enjeu important du point de vue économique mais aussi militaire, les sources d’énergie étant un élément crucial en cas de conflit. L’exploitation des réserves en face de Gaza, d’ailleurs, a déjà fait l’objet de conflits entre le gouvernement israélien et les autorités palestiniennes. L’effacement du "problème palestinien" faciliterait leur prise de contrôle total.
- Le deuxième concerne l’importance du dollar américain [15]. On sait que la puissance d’une monnaie, c’est à dire sa capacité à être acceptée comme instrument de commerce et comme moyen de réserve de valeur, dépend de la confiance qu’on accorde à celui qui émet cette monnaie. Or cette confiance ne repose pas seulement sur l’état de son économie. En grande partie elle s’appuie aussi sur sa puissance militaire. L’affirmation de la capacité militaire américaine en Ukraine et au Moyen-Orient, face aux deux principales puissances militaires dans les Brics+, la Russie et la Chine, est un véritable contre-feu à cette volonté d’indépendance, et par là même un important élément pour tenter de renforcer la "confiance" dans le dollar US.
IV. Les mouvements contre le génocide
Toute critique aux autorités israéliennes est systématiquement accusée d’antisémitisme par ces autorités, mais aussi par les gouvernements des pays qui appuient "inconditionnellement" la "patrie des victimes de la Shoah". C’est une défense ridicule sinon ignoble au sens où l’on utilise le souvenir du monstrueux génocide de la deuxième guerre mondiale pour justifier la réalisation d’un autre génocide. Il est ridicule quand on constate que parmi les premiers à dénoncer la barbarie déchaînée par le gouvernement Netanyahou au lendemain du 7 octobre ce furent des juifs, d’abord en Israël, puis à New York, la deuxième ville juive du monde après Jérusalem, (la première si l’on tient compte du fait que plus d’un tiers de la population de Jérusalem n’est pas juive) [16]. Trump, qui ne cesse de se proclamer "le meilleur ami de l’État juif", qui, lorsqu’il était président, fit déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, se dit scandalisé de voir des Juifs américains protester énergiquement dès la fin du mois d’octobre contre le génocide à Gaza aux cris de "Not in our name", "Pas en notre nom" [17]. S’agissait-il d’actes "antisémites" ?
Depuis au moins juin 2024, toutes les semaines à Tel Aviv se déroulent deux manifestions les samedis soir, après la fin du Shabbat. Une pour exiger la fin de la guerre et le retour des otages, l’autre pour exiger la démission du gouvernement Netanyahou et le recours immédiat à des élections [18]. Encore des actes antisémites ?
D’après un décompte de l’Agence France-Presse, dans les 8 premiers mois de la guerre après les attaques du 7 octobre, il y a eu 1 195 Israéliens morts. Le cabinet de sécurité du gouvernement israélien a approuvé un projet visant à étendre le service militaire obligatoire pour les hommes à 36 mois, contre 32 actuellement. A Tel-Aviv on voit apparaître des graffitis "Il est temps de s’opposer au service militaire", "Nous refusons de servir en tant qu’occupants". Ont-ils été tracés par des antisémites ?
Récemment 41 réservistes israéliens ont publié un manifeste où ils déclarent : "après la décision d’entrer dans Rafah plutôt que de parvenir à un accord sur les otages, nous, réservistes hommes et femmes, déclarons que notre conscience ne nous permet pas de prêter la main à la perte de la vie des otages et de torpiller un autre accord" [19]. S’agit-il encore d’antisémites ?
L’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), regroupant 31 États, dont Israël et les États-Unis, a adopté en 2016 une "définition opérationnelle de l’antisémitisme" : "L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard." [20].
L’accusation d’antisémitisme à toute critique de la politique de l’État d’Israël est simplement stupide quand on considère les milliers de juifs dans le monde qui vomissent l’ignominie du gouvernement d’extrême-droite israélien et qui ne seraient donc que des gens qui "manifestent une haine" à leur propre égard.
Ceci dit, évidemment il n’y a pas que des juifs qui ont exprimé un rejet du massacre réalisé par l’État israélien. Il y a eu et il y a de nombreuses manifestations, des mouvements sociaux exprimant à des degrés divers sur tous les continents une condamnation des horreurs en cours à Gaza.
On peut tout d’abord distinguer dans ces mouvements, d’une part ceux qui se sont déroulés dans des pays dont les gouvernements sont hostiles à Israël et, d’autre part, ceux qui ont pris place dans les pays soutenant la politique israélienne, généralement les pays "occidentaux". Dans les premiers ils ont été encouragés par les autorités locales et ont exprimé un soutien aux organisations palestiniennes comme le Hamas, le Fatah, le Hezbollah, etc. Dans les seconds ils ont souvent été réprimés, parfois interdits par les gouvernements et les participants sont apparus plus prudents, voire méfiants, à l’égard des organisations militaro-politiques palestiniennes. Aux États-Unis ils ont donné lieu à des marches de masse dans des villes importantes comme San Francisco, Chicago ou Washington... Ils ont contribué à retarder le départ d’un navire de ravitaillement militaire américain du port d’Oakland. Au printemps 2024 à partir de New York un mouvement d’étudiants qui campent dans les universités s’étend à 40 d’entre elles dans tout le pays puis internationalement au Canada, le Mexique, l’Australie, la France, l’Allemagne, la Suisse... "La place de ces manifestants est en prison. L’antisémitisme ne sera pas toléré au Texas. Point", a twité le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbot. Trump ne cesse de répéter que s’il est élu président il "écrasera" tous ces mouvements.
Généralement ces mouvements en occident se sont montrés plus solidaires de la population palestinienne que des organisations supposées les représenter. Mais ils restent généralement prisonniers de la perspective d’un État palestinien qu’ils ne remettent que rarement en cause. Mais qui serait à la tête de cet État ? Le Hamas, qui savait parfaitement que l’attaque du 7 octobre déclencherait un gigantesque bain de sang de sa population, dont certains chefs ont observé les événements dans leur résidence à Doha, Qatar, assis sur leurs fortunes personnelles, dont celle du chef suprême, Ismaïl Haniyeh (récemment assassiné à Téhéran) estimée par certains à 2,5 milliards de dollar. Aussi sanguinaires que les généraux israéliens, ils négocient avec ces derniers, comble de l’horreur, l’échange de cadavres, ceux des otages israéliens qu’ils ont assassinés contre ceux de victimes palestiniennes tuées par les israéliens. Les bandes armées qui prétendent représenter la population civile palestinienne et se battent pour y assumer les fonctions étatiques exercent aussi une oppression quotidienne sur celle-ci. Ils prélèvement des impôts, exercent un contrôle par la terreur sur la population. Dans la bande de Gaza, le Hamas, au nom de l’islamisme exerce même un contrôle "moral", sur la vie privée des individus et n’hésite pas à arrêter des contrevenants ou à exécuter des personnes qu’il condamne. Au niveau plus général, le Hamas n’a pas hésité en 2019 ou en 2023 à réprimer très violemment des manifestations protestant contre ces contrôles et contre la dégradation des conditions de vie comme les coupures d’électricité de plus en plus fréquentes ou l’élévation du coût de la vie. Il faut ajouter à cela les conséquences des affrontements entre ces bandes : il y a eu, par exemple, plus de 600 palestiniens tués dans les combats entre le Hamas et le Fatah en 2006-2007 [21].
Fin de la parenthèse, pour revenir sur la réalité des mouvements contre les horreurs en cours à Gaza. Force est de constater que malgré l’ampleur qu’ils ont pu revêtir par moments, ils sont restés insuffisants. Ils sont généralement restés isolés dans la population.
V. Conclusions
On peut être étonné de la faiblesse de l’écho rencontré. Peut-être c’est encore momentané. Parfois on a le sentiment que les gens ont été anesthésiés, insensibilisés ?
L’opération Covid de 2020-2021 qui a constitué une gigantesque manipulation permettant aux gouvernements du monde entier de soumettre leurs populations à une stricte et impitoyable domination totalitaire par les autorités étatiques, accélérant vertigineusement la numérisation-digitalisation de la vie sociale, ont certainement contribué à cette sorte d’anesthésie. (Voir mon article "Qui a organisé et orienté la gestion de la crise du Sars-Cov 2 ?" [22]).
Ce développement insidieux du contrôle totalitaire des États s’est par la suite consolidé avec une rapide montée des guerres, des tensions militaires aux quatre coins de la planète : Burkina Faso, Somalie, Soudan, Yémen, Birmanie... [23]. Les tensions et les exercices militaires se multiplient en particulier près de la Chine. Pratiquement tous les pays importants se réarment, toutes les usines d’armement développent leurs capacités à outrance et augmentent comme jamais depuis des décennies leur production. Les cours des actions des entreprises du complexe militaro-industriel mondial explosent, alors que les incertitudes financières dans les autres domaines se développent (voir le récent et spectaculaire plongeon de la bourse de Tokyo qui a fait trembler toutes les bourses du monde). Au cœur de cette dynamique globale il y a la mise en question de l’ordre basé sur la "Pax Americana". La menace d’un embrasement global, d’une marche vers une troisième guerre mondiale se concrétise de jour en jour.
Mais les guerres ne se font pas qu’avec des armes et des moyens matériels. Il faut des êtres humains pour produire ces armes, les transporter, les manier. Il faut de la chair à canon prête à mourir pour ceux qui dominent cette société devenue autodestructrice. C’est là, dans le facteur humain, que la logique meurtrière peut trouver sa limite.
La guerre russo-ukrainienne, au moment de rédiger ces lignes, a déjà fait plus d’un demi-million de morts [24]. En Ukraine selon le journal britannique Financial Times, qui cite des sources gouvernementales ukrainiennes, 800 000 hommes soumis à la mobilisation échappent à la conscription [25]. Le recrutement des soldats se fait de plus en plus par la violence de la police militaire, en prenant par la force les hommes dans les rues, dans leurs domiciles. Dans des régions, comme à Kovel et Volyansk, des appels à la rébellion se sont répandus sur les réseaux sociaux. Des conscrits capturés par les comités militaires ont été libérés par des manifestations spontanées. On ne compte plus les cas quasi quotidiens de jeunes arrêtés pour avoir mis le feu à des véhicules d’officiers de mobilisation. Les signes de révolte contre la guerre en Israël existent aussi, on l’a vu, même s’ils sont beaucoup plus minoritaires. Encore faut-il que ces signes se développent et se transforment en révolte sociale capable de prendre le problème à la racine.
Le capitalisme porte la guerre dans son ADN. Empêcher la démarche suicidaire qu’il impose à l’humanité ne pourra être fait sans s’attaquer frontalement à son existence même, à tous les piliers sur lesquels ce système repose et en premier lieu à la soumission des populations aux appareils d’État, aux forces politiques qui les gèrent au profit du un pour cent qui domine la planète.
Raoul Victor, le 10 août 2024
[1] BBC NEWS Afrique : Comment le Hamas s’est préparé avec d’autres groupes armés à mener l’attaque meurtrière contre Israël le 7 octobre.
[2] "Le Wall Street Journal affirme que les opérations [du Hamas et consorts] ont été mises sur pied depuis août. Selon le quotidien, plusieurs rencontres ont eu lieu au Liban et en Syrie entre les gardiens de la révolution iranienne et des représentants du Hamas et du Hezbollah".
[3] "They were Israel’s ’eyes on the border’ - But their Hamas warnings went unheard". L’article fournit beaucoup d’informations intéressantes.
[4] "What-happened-on-oct-7" : Il s’agit d’une sorte de texte illustré d’images et d’enregistrements qu’on fait défiler chronologiquement au moyen d’une souris. Le document ne prétend pas tout décrire car, dit-il, tout n’est pas encore très clair. Les commentaires des lecteurs à la fin du document sont aussi intéressants, en particulier lorsqu’ils affirment la nécessité de rechercher les raisons de l’étrange retard de la réaction des forces militaires.
[5] The Lancet
[7] Yoav Galant
[9] https://www.bbc.com/news/world-middle-east-68318856
[10] https://www.theguardian.com/world/article/2024/may/29/white-house-israel-rafah-red-line
[11] "Depuis le 7 octobre 2023, les États-Unis ont approuvé des dizaines de millions de dollars de ventes d’armes dont deux ventes "d’urgence".
Aux États-Unis, seules les ventes importantes d’armes doivent être rendues publiques. Le montant exact des armes envoyées à Israël est donc inconnu. Selon le Washington Post, plus de 100 ventes militaires non-publiques ont été approuvées par le gouvernement du président Joe Biden depuis l’attaque du 7 octobre, dont nombre de munitions d’artillerie.
En plus de ces deux ventes d’urgence, Washington fournit une aide régulière et gratuite à Israël depuis de nombreuses années. Elle est évaluée à plus de 3,5 milliards de dollars par an, selon des chiffres officiels. Par ailleurs, ce sont aussi les États-Unis qui financent et fournissent en partie l’équipement du "Dôme de fer", l’efficace et très coûteux bouclier d’Israël contre les roquettes tirées de Gaza ou du Liban." - source.
[12] Interview dans The Economist, 8 novembre 2019.
[13] "La guerre et le capitalisme - Le cas de l’Ukraine".
[14] Le-gaz-en-Mediterranee-orientale-une-nouvelle-donne-pour-Israel
[15] Le dollar américain n’est pas seulement la monnaie des États-Unis. Il est utilisé comme devise principale dans 8 autres pays, dont l’Équateur, le Panama ou le Zimbabwe. Il est une devise parallèle dans plus d’une vingtaine de pays, dont le Canada, le Mexique, la Birmanie, le Liban, le Vietnam et de plus en plus l’Argentine qui parle de dollarisation de son économie et même, récemment le Venezuela.
[16] On estime à 970 000 la population de Jérusalem et à 944 000 le nombre d’habitants juifs à New York. Les estimations varient suivant les sources. Mais, en 2022, 59,4 % des habitants de Jérusalem étaient juifs, 37,7 % musulmans et 1,3 % chrétiens.
[17] https://edition.cnn.com/2023/10/23/us/jewish-palestinian-protest-israel-gaza/index.html
https://www.youtube.com/watch?v=7I7W99OVcjo
[18] https://www.youtube.com/watch?v=C-egsMsUe04
[19] https://www.wsws.org/en/articles/2024/07/22/zjjr-j22.html
[20] https://holocaustremembrance.com/resources/definition-operationnelle-de-antisemitisme
[21] Certes, le 23 juillet 2024, sous l’égide de la Chine, toujours à la recherche d’un élargissement de son influence internationale, ces deux organisations ont signé un accord d’"unité nationale" pour éventuellement pouvoir assumer conjointement le pouvoir dans un État palestinien à la fin de la guerre. Mais qui peut y croire ? Et cela ne changera rien à leurs méthodes de gouvernement aussi corrompues que dictatoriales - source.
[22] http://raoul.victor.free.fr/220118_Qui.pdf
[23] https://www.bbc.com/afrique/articles/cd1pvr5z3zdo
[24] "Les pertes humaines de la guerre russo-ukrainienne comprennent six morts lors de l’annexion de la Crimée par la Russie (2014), 14 200 à 14 400 morts civils et militaires pendant la guerre du Donbass (2014-2022) et jusqu’à 500 000 victimes civiles et militaires lors de l’invasion russe de l’Ukraine (depuis 2022)." Wikipédia fr.
[25] www.ft.com/content/97b06dfd-c2b2-4523-90df-2f2c98f087ba