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La gauche latino-américaine entre la Chine, les États-Unis, le progressisme tardif et l’extrême-droite
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.contretemps.eu/gauche-latino-americaine-chine-etats-unis-extreme-droite-claudio-katz/
Claudio Katz vient de publier un livre en espagnol intitulé America Latina en la encrucijada global [1] (en français « L’Amérique latine au carrefour global » ou « L’Amérique latine à la croisée des chemins »). Claudio Katz est économiste, marxiste, professeur à l’université de Buenos Aires, auteur d’une quinzaine de livres portant sur la théorie de la dépendance cinquante ans après, sur l’impérialisme aujourd’hui, sur les enjeux pour la gauche latinoaméricaine. Son nouveau livre aborde notamment les relations de l’Amérique latine avec la Chine et avec l’impérialisme états-unien, la montée des extrêmes droites, mais aussi les limites et les défis des gauches latino-américaines.
Le livre se compose de cinq parties : dans une première partie Claudio Katz analyse la stratégie de l’impérialisme américain depuis le début du 19e siècle jusqu’à aujourd’hui. Il montre que l’impérialisme américain a connu une phase montante au cours de laquelle il a remplacé les anciennes puissances coloniales comme l’Espagne et le Portugal au cours du 19e siècle, et la Grande-Bretagne à partir de la fin de la première guerre mondiale. Puis, après avoir dominé totalement l’Amérique latine, cet impérialisme est entré en déclin, notamment par rapport à la grande puissance montante que constitue la Chine. Dans cette première partie, Claudio Katz analyse également la politique de la Chine en Amérique latine et l’attitude des classes dominantes latinoaméricaines par rapport à cette nouvelle puissance.
La deuxième partie porte sur les caractéristiques de l’extrême droite en Amérique latine. Sa nature spécifique, sa manière d’opérer. Cette partie se termine par une analyse du phénomène Javier Milei qui est devenu président de l’Argentine fin 2023-début 2024.
La troisième partie porte sur les expériences du nouveau progressisme, issu des grandes mobilisations populaires qui ont secoué plusieurs parties de l’Amérique latine en 2019.
La quatrième partie porte sur les débats au sein de la gauche au sujet de ces nouveaux gouvernements progressistes et il analyse par ailleurs spécifiquement ce qu’il considère comme les quatre pays qui composent un axe alternatif à l’impérialisme américain, à savoir le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et Cuba.
La cinquième partie porte sur les nouvelles résistances populaires dans la période récente et aborde les questions de l’alternative.
Les États-Unis et la Chine vis-à-vis de l’Amérique latine
Jusqu’aujourd’hui les États-Unis, comme le montre Claudio Katz, ont une position dominante en Amérique latine. Selon Katz :
« Entre 1948 et 1990, le département d’État a participé au renversement de 24 gouvernements. Dans quatre cas, les troupes américaines ont agi, dans trois cas, les assassinats de la CIA ont prévalu, et dans 17 cas, les coups d’État ont été dirigés depuis Washington. »[2] (Katz, p. 49)
Ils disposent de bases militaires dans plusieurs pays, dont la Colombie, où les États-Unis possèdent neuf bases. Mais ils en disposent aussi au Sud du continent (3 bases militaires au Paraguay). Leur flotte est prête à intervenir sur tout le pourtour de l’Amérique latine, que ce soit sur la façade de l’Atlantique Sud ou que ce soit sur la façade de l’océan Pacifique.
« Les États-Unis possèdent douze bases militaires au Panama, douze à Porto Rico, neuf en Colombie, huit au Pérou, trois au Honduras et deux au Paraguay. Ils disposent également d’installations similaires à Aruba, au Costa Rica, au Salvador et à Cuba (Guantánamo). Aux îles Malouines, le partenaire britannique fournit un réseau OTAN relié à des sites dans l’Atlantique Nord. » (Katz, p. 50)[3]
En même temps, Claudio Katz montre que depuis les années 2010, la Chine a réussi à entrer en compétition avec les intérêts américains en Amérique latine et aux Caraïbes avec une politique d’investissements qui permet des rachats d’entreprises et une politique de crédit très dynamique et massive. Ce qui est tout à fait intéressant dans le livre, c’est qu’il montre que la Chine utilise à son avantage les outils que, pendant près de deux siècles, les USA ont utilisé, à l’exception de l’outil militaire (ce qui extrêmement important).
De quoi s’agit-il ? En fait, les États-Unis ont réussi à convaincre les gouvernements d’Amérique latine, en particulier à partir de la seconde moitié du 19e siècle et tout au long du 20e siècle, de passer des accords de libre commerce. Comme les États-Unis avaient une économie qui était technologiquement nettement plus avancée que les pays d’Amérique latine, grâce à ces traités, ils gagnaient systématiquement par rapport aux producteurs locaux, que ce soient des capitalistes dans l’industrie ou dans l’agrobusiness ou des petits producteurs agricoles. Les produits américains avaient une supériorité en termes de productivité, de technologie et donc en termes de compétitivité.
Mais les États-Unis sont une puissance économique qui est entrée en déclin, tandis que la Chine est en plein essor. Par rapport aux économies de l’Amérique latine mais aussi par rapport aux États-Unis, elle a désormais un avantage au niveau de la productivité, dans une série de domaines au niveau technologique et donc au niveau compétitivité.
Et c’est la Chine maintenant qui utilise des outils économiques auxquels recourait systématiquement les États-Unis, c’est-à-dire la signature de traités de libre commerce bilatéraux avec un maximum de pays de l’Amérique latine et de la Caraïbe, tandis que les États-Unis, qui avaient essayé de mettre en place un traité de libre commerce pour toutes les Amériques à des conditions dominées par lui, sous le nom de l’ALCA, ont vu cet accord être abandonné suite au refus de toute une série de gouvernements d’Amérique du Sud en 2005.
Depuis lors, son déclin économique s’est accentué par rapport à la Chine, et les États-Unis ne sont plus vraiment en état de convaincre des pays du Sud de signer des accords de libre-échange. Et surtout, ils ne sont plus en condition de vraiment bénéficier de tels accords, à cause de la concurrence de la Chine. En conséquence, c’est la Chine qui privilégie le dogme du libre commerce et des avantages mutuels que tirent les différentes économies si elles adoptent ce type d’accords.
La Chine tire avantage de cela parce que, comme Claudio Katz le montre à juste titre, ses produits sont bien plus compétitifs en Amérique latine que les produits réalisés par les économies latinoaméricaines ou par les États-Unis ; et les produits exportés par les économies d’Amérique latine vers la Chine sont essentiellement des matières premières, des minéraux, du soja transgénique. Donc ils ne représentent pas une véritable concurrence pour les productions chinoises.
La Chine tire entièrement bénéfice du type de relations qu’elle développe avec les pays d’Amérique latine, en gagnant des parts de leur marché intérieur au détriment de la production locale. On assiste à une re-primarisation des économies et ça se voit très clairement dans le type d’exportations que l’Amérique latine réalise sur le marché mondial et notamment vers la Chine, celle-ci devenant le plus important partenaire commercial de plusieurs pays d’Amérique latine, comme c’est notamment le cas pour l’Argentine et le Pérou.
Claudio Katz démontre que la Chine tire un maximum d’avantages avec l’Amérique latine, parce que les gouvernements latinoaméricains sont incapables de concevoir une politique commune et de mettre au point une politique d’intégration favorisant le développement du marché intérieur et de la production locale pour le marché intérieur.
Il indique que la Chine ne se comporte pas complètement comme un pays impérialiste traditionnel, elle n’utilise pas la force armée. La Chine n’accompagne pas ses investissements avec des bases militaires, contrairement aux États-Unis.
Comme indiqué plus haut, Claudio Katz fait la liste des agressions militaires auxquelles se sont livrés les États-Unis en Amérique latine et cette liste est évidemment impressionnante et tranche tout à fait avec le comportement de la Chine à l’égard de l’Amérique latine et de la Caraïbe. Il explique correctement que la Chine n’est pas devenue une puissance impérialiste au plein sens du terme (ce qui est différent de la Russie, c’est moi qui le précise ici).
Il affirme que le capitalisme n’est pas pleinement consolidé en Chine. Cela veut-il dire que la direction chinoise pourrait effectuer un virage et s’éloigner du capitalisme ? On peut tout à fait franchement en douter. Par ailleurs, il reprend l’affirmation selon laquelle en Chine, le développement économique a sorti 800 millions de personnes de la pauvreté sans expliquer sur quelles bases il affirme cela : quelles études ? quelles données chiffrées ? Cela veut-il dire par exemple que, dans les années 1970, il y avait 800 millions de pauvres de plus (c’est-à-dire avant les réformes de Deng Xiaoping des années 1980) ? Pour parler de 800 millions de personnes sorties de la pauvreté, il faudrait préciser par rapport à quelle année, à la population de quelle année, dire sur quelles bases est déterminée la ligne de pauvreté.
Cette question est vraiment très importante et l’argumentation de Claudio Katz manque cruellement de fondements. Les chiffres qu’il donne sont ceux donnés par la Banque mondiale, par les autorités chinoises, et j’ai montré dans plusieurs écrits que les évaluations de la Banque mondiale sont tout à fait contestables. D’ailleurs la Banque mondiale avait reconnu elle-même en 2008 avoir surestimé de 400 millions le nombre de personnes sorties de la pauvreté[4].
Faute de références données par Claudio Katz, on peut se demander s’il se base sur les chiffres de la Banque mondiale sans le dire et, si ce n’est pas le cas, sur quelles données statistiques. Il ferait bien d’apporter les précisions nécessaires, cela renforcerait son argumentation.
Par ailleurs, Claudio Katz reconnait sans difficulté qu’on a assisté au rétablissement d’une classe capitaliste importante en Chine et il critique ceux qui disent que la Chine est au centre du projet socialiste de notre époque. Il dit que cette classe capitaliste ambitionne de reprendre le pouvoir. Claudio Katz pense qu’une rénovation socialiste est possible mais on peut lui demander si cela peut venir de la direction du PCC. Je pense qu’il faut dire clairement que la réponse est négative : la rénovation socialiste ne viendra pas de la direction du PCC.
Claudio Katz affirme, par ailleurs, à juste titre que la Chine ne fait pas partie du Sud global. Il écrit ainsi :
« Tous les traités promus par la Chine renforcent la subordination et la dépendance économiques. Le géant asiatique a consolidé son statut d’économie créancière, profitant de l’échange inégal, captant les excédents et s’appropriant les revenus. La Chine n’agit pas comme un dominateur impérial, mais elle ne favorise pas non plus l’Amérique latine. Les accords actuels aggravent la primarisation et la fuite de la plus-value. L’expansion extérieure de la nouvelle puissance est guidée par des principes de maximisation des profits et non par des normes de coopération. Pékin n’est pas un simple partenaire et ne fait pas partie du Sud. » (p.73)[5].
Le mythe du succès des politiques néolibérales
Dans la partie 2 de son livre, Claudio Katz commence par s’attaquer à la politique des néolibéraux latinoaméricains et montre à quel point, quand ils ont été et quand ils sont au gouvernement, comme dans une série de pays aujourd’hui, cela n’amène aucun véritable progrès pour le continent.
Claudio Katz montre que le soi-disant succès des politiques néolibérales en Amérique latine est un véritable mythe puisque les classes dominantes et les gouvernements à leur service restent dans une situation de soumission à l’impérialisme américain, mais en plus, s’ouvrent à la politique de la Chine, qui déplait aux USA, sans pour autant offrir une véritable alternative de développement économique et humain pour l’Amérique latine. Ce qui intéresse la Chine c’est l’exploitation des matières premières du continent et recevoir une part de celles-ci nécessaires à l’atelier du monde que constitue la Chine puis ensuite réexporter les produits manufacturés vers différents marchés dont le marché latinoaméricain.
Claudio Katz montre que la pauvreté reste à un niveau très élevé et même augmente, touchant 33 % de la population. L’extrême pauvreté touche 13,1 % de la population de l’Amérique latine tandis qu’il y a une augmentation des inégalités en faveur des 10 % les plus riches.
La croissance économique est très lente si on considère la croissance de la période 2010-2024 qui s’est élevée à 1,6 % annuellement. On voit qu’elle est inférieure à la période 1980-2009 où elle atteignait 3 % et à la période 1951-1979, pendant laquelle elle a atteint 5 % annuellement.
Ensuite, Claudio Katz revient sur les indépendances latinoaméricaines qui, pour la plupart, ont eu lieu dans les années 1820. Il montre que ces indépendances ont débouché sur un nouveau type de subordination à l’égard de nouvelles puissances, d’abord la Grande-Bretagne, qui était en lutte pour conquérir son espace au détriment de l’Espagne et du Portugal, puis, à partir de la fin du 19e, des États-Unis.
Je souligne que j’avais abordé cette question dans mon livre « Le système dette » où je consacre plusieurs chapitres au 19e siècle et au début du 20e et où je démontre que c’est à la fois les accords de libre commerce d’une part et le type d’endettement auquel se sont livrés les gouvernements des pays latinoaméricains qui ont abouti notamment à un nouveau cycle de dépendance/subordination avec le rôle fondamental néfaste joué par les classes dominantes complices des différents impérialismes nouveaux[6].
La montée de l’extrême-droite en Europe et en Amérique latine : spécificités et similitudes
Ensuite, dans la deuxième partie, Claudio Katz, de manière très intéressante, aborde la question de la montée de l’extrême droite en Amérique latine. Pour montrer le caractère spécifique de cette montée, il commence par analyser les caractéristiques de l’extrême droite en Europe et de sa croissance. Puis il analyse les caractéristiques propres des extrêmes droites en Amérique latine.
À la différence de l’extrême droite en Europe ou aux États-Unis la question de l’immigration n’est pas au centre du discours de l’extrême droite même si, dans certains pays comme le Chili, elle utilise l’argument et l’épouvantail que représenteraient les migrant·es. Cependant, ça n’est pas généralisé, à la différence de ce qui se passe dans le discours de Trump ou le discours des différentes variantes de l’extrême droite en Europe, y compris au gouvernement. Par exemple Giorgia Meloni en Italie, Viktor Orban en Hongrie, le RN en France, l’AFD en Allemagne, le VB et la NVA en Belgique, le FPÖ en Autriche…
En Amérique latine, l’extrême droite, c’est le cas en Bolivie ou au Pérou, utilise un discours raciste, qui n’est pas dirigé contre les migrant·es, car il prend pour cible la majorité indigène, les peuples natifs. La dénonciation de la menace communiste, sous la forme du castrisme, du chavisme et d’autres expériences latinoaméricaines au cours desquelles la gauche radicale a marqué des points constitue un autre thème dans le discours de l’extrême droite, plus qu’en Europe parce qu’au cours des cinquante dernières années, la menace directe d’expériences se réclamant du socialisme n’y a pas eu la même prégnance qu’en Amérique latine.
Katz montre aussi l’importance des mouvements évangéliques, extrêmement réactionnaires et la revendication par l’extrême droite latinoaméricaine de la suprématie blanche d’origine européenne et notamment ibérique. L’extrême droite latinoaméricaine magnifie la colonisation depuis Christophe Colomb comme une œuvre civilisatrice, d’où, d’ailleurs, les connexions étroites de l’extrême droite dans plusieurs pays latinoaméricains avec le parti Vox en Espagne qui fait de même.
Claudio Katz montre également que dans certains cas, notamment le bolsonarisme au Brésil, l’extrême droite, qui a réussi à conquérir le gouvernement en 2019 jusqu’à la réélection fin 2022 de Lula à la présidence, a fait preuve d’une capacité de mobilisation de masse. Et malgré sa défaite électorale, le bolsonarisme garde une capacité de mobilisation de masse comme il l’a montré en février 2024 en mobilisant à Sao Paulo près de 200 000 personnes. Dans le discours de l’extrême droite latinoaméricaine, la répression extrêmement dure à l’égard des classes « dangereuses » et des délinquants est une caractéristique importante.
C’est le cas du gouvernement de Nayib Bukele au Salvador[7] qui a procédé à de nombreuses exécutions extrajudiciaires et qui a créé la plus grande prison de toute l’Amérique latine au nom de la lutte contre le narcotrafic. On peut également citer l’utilisation par Jair Bolsonaro de milices dans des quartiers populaires, notamment à Rio de Janeiro.
Une partie très intéressante de la seconde partie du livre de Claudio Katz porte sur une réflexion sur le fascisme, sur l’extrême droite aujourd’hui. Je ne vais pas rentrer dans le détail des concepts qu’utilise Claudio Katz, je laisse le lecteur découvrir son apport très intéressant en la matière.
Ensuite, toujours dans la deuxième partie, Claudio Katz prend plusieurs exemples de différents pays où il analyse la politique de l’extrême droite. Il prend l’exemple du Brésil de Bolsonaro puis la Bolivie, suivis du Venezuela, de l’Argentine de Javier Milei, de la Colombie puis du Pérou, avec ensuite quelques références à Nayib Bukele au Salvador et à la situation de l’Équateur ainsi qu’à celle du Paraguay, en quelques paragraphes seulement.
Parmi les éléments d’explication de la montée de l’extrême droite, il y a naturellement les déceptions dans un secteur des classes populaires par rapport aux expériences de gouvernements progressistes, mais il y aussi l’activité de l’impérialisme américain, l’activité des églises évangélistes et le manque de réaction ferme des gouvernements progressistes à l’égard de la menace d’extrême droite. Katz montre que lorsqu’il y a eu une réaction très ferme, notamment en Bolivie, cela a donné des résultats.
La nouvelle vague progressiste latino-américaine : un progressisme tardif modéré souvent porté au gouvernement par de grandes mobilisations
Avec la partie 3, Claudio Katz aborde les expériences de gouvernements progressistes. Il commence par constater qu’il y a eu une vague progressiste qui a commencé en 1999 et s’est terminée en 2014. Elle a été suivie d’un reflux conservateur qui a provoqué des mobilisations populaires dans un certain nombre de pays et qui a débouché, à partir de 2021-2022 surtout, sur une nouvelle vague progressiste.
Il souligne que cette nouvelle vague progressiste est en retrait par rapport à la période 1999-2014, c’est-à-dire que les gouvernements progressistes mènent des politiques beaucoup moins radicales que celle menée, par exemple, par Hugo Chávez au Venezuela (1999-2012), Evo Morales dans la première période de son mandat en Bolivie (2005-2011) ou Rafael Correa (2007-2011). Cette vague progressiste, qui est moins radicale, touche des pays qui n’avaient pas été concernés par la vague antérieure, à savoir le Mexique, la Colombie depuis 2022 avec le gouvernement de Gustavo Petro, le Chili avec le gouvernement de Gabriel Boric[8].
Claudio Katz analyse successivement l’expérience tout à fait récente, c’est-à-dire depuis le début de 2023, du retour de Lula à la présidence du Brésil, puis l’accession de Gustavo Petro à la présidence de la Colombie. Il fait un bilan d’Alberto Fernández, président de l’Argentine de 2019 jusqu’à la victoire de Javier Milei à la fin de l’année 2023. Il analyse la politique de Andrés Manuel López Obrador au Mexique depuis 2018, celle de Gabriel Boric au Chili et, enfin celle de Pedro Castillo au Pérou, qui a été renversé en 2022.
Je partage largement les jugements que Claudio Katz exprime à l’égard des gouvernements que je viens de mentionner et je recommande la lecture de cette partie.
En résumé, ce qui ressort des gouvernements progressistes de la période 2018-2019, dans le cas du Mexique et de l’Argentine et puis de la période 2021-2022 pour Brésil, Colombie, Chili et Pérou, c’est leur manque de radicalité, le fait qu’elles maintiennent largement le schéma extractiviste agroexportateur, qu’aucun traité de libre commerce n’est abrogé. Claudio Katz est particulièrement dur dans la critique à l’égard du gouvernement de Gabriel Boric au Chili et de celui de Pedro Castillo au Pérou. Je laisse le lecteur et la lectrice lire les arguments de Claudio Katz que je partage largement.
La politique internationale de Lula
Ensuite, Claudio Katz, toujours dans la troisième partie, aborde la politique internationale et régionale de la part de certains gouvernements progressistes et notamment de celui qui est le plus important au niveau économique, à savoir le Brésil. Il montre que Lula est favorable au traité entre le Mercosur et l’UE.
Une des raisons qui pousse Lula à réduire la déforestation en Amazonie est de répondre aux exigences de l’UE qui est sous la pression des lobbies industriels européens mais aussi des protestations dans les pays européens de la part des mouvements sociaux, des agriculteurs qui parlent de concurrence déloyale des exportateurs brésiliens. Il y a des exigences environnementales qui sont avancées et bien sûr Lula souhaite certainement réduire la déforestation sous la pression des exigences des peuples autochtones d’Amazonie et des mouvements écologistes mais est d’autant plus convaincu de le faire que c’est une exigence de l’UE et qu’il veut mettre en place le traité Mercosur-UE.
J’ajoute que la gauche en Europe est opposée à ce traité. Il faut également souligner que la gauche des mouvements sociaux, la gauche écologiste, les mouvements des peuples originaires d’Amérique latine et du Mercosur s’opposent à la signature de ce traité, toujours en cours de négociation, et ce depuis des années.
Par ailleurs, Claudio Katz explique que le gouvernement Lula souhaite l’adoption d’une monnaie de compte entre pays du Mercosur de manière à réduire l’utilisation du dollar entre les pays. C’est important pour renforcer les relations économiques entre l’Argentine et le Brésil, parce que l’Argentine manque de réserves de change, et le Brésil, qui exporte beaucoup en Argentine a besoin qu’elle puisse lui acheter ses marchandises, notamment sous la pression du grand capital industriel brésilien qui est très fort dans le domaine de la construction automobile et pour qui le marché argentin est important. Et donc l’adoption d’une unité de compte dans le Mercosur, et notamment entre l’Argentine et le Brésil, permettrait à l’Argentine de se passer des dollars, qu’elle n’a d’ailleurs pas en quantité suffisante, et de réaliser ses achats de produits importés du Brésil.
Le Brésil de Lula est aussi intéressé par l’exploitation du champ de gaz liquide appelé Vaca Muerta en Argentine à laquelle s’opposent les mouvements sociaux, la gauche et les mouvements écologistes de ce pays. L’idée de Lula, c’est d’importer du gaz liquide via un gazoduc qui arriverait au sud du Brésil, en particulier à Porto Alegre, et qui remplacerait l’approvisionnement du Brésil en gaz liquide provenant de Bolivie, parce que les réserves boliviennes sont en train de se tarir à une vitesse accélérée.
Katz explique également que Lula voudrait faire rentrer la Bolivie et le Venezuela dans le Mercosur.
À remarquer que dans ce livre, Claudio Katz n’utilise pas l’apport théorique de l’économiste marxiste brésilien Rui Mauro Marini[9], à propos du sous-impérialisme brésilien, ou de l’impérialisme périphérique brésilien et de son rôle par rapport à ses voisins. Ceci dit Claudio Katz l’a fait dans d’autres ouvrages[10], mais cela aurait pu être utile pour les lecteur·ices du présent livre. Une deuxième absence dans le livre de Claudio Katz (mais il ne peut pas écrire sur tout) ce sont les BRICS, le rôle du Brésil dans les BRICS et les attentes de Lula à leur égard.
Ce n’est pas une dimension marginale de la problématique d’ensemble qu’aborde Claudio Katz dans son livre. Le rôle des BRICS, la question de l’adoption ou non d’une monnaie commune, le rôle de la nouvelle banque de développement basée à Shanghai, qui est présidée par l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Rousseff, qui avait succédé à Lula, demeurent des questions qui mériteraient un développement dans ce livre[11].
Les limites des politiques des gouvernements progressistes
Ensuite, toujours dans la partie 3, Claudio Katz, après avoir abordé la politique avec le Mercosur, les traités de libre commerce, la relation économique avec les États-Unis, revient sur la politique de la Chine en Amérique latine dans une partie tout à fait intéressante que je n’ai pas la place de résumer ici mais qu’il est important de connaitre.
Je partage aussi son avis sur le fait que les gouvernements progressistes n’ont pas du tout pris une position à la hauteur du défi que représente la question de la dette, de la nécessité d’auditer les dettes réclamées à l’Amérique latine et je suis aussi d’accord sur le fait que le Brésil de Lula, lors des premiers mandats de Lula, au début des années 2000, a saboté le lancement de la Banque du Sud. J’y ai consacré récemment un article dans lequel je reviens en détail sur comment Lula a saboté la mise en activité de la Banque du Sud dans les années qui ont suivi 2007-2008, donc je partage son analyse sur la question[12].
En termes d’alternatives, Claudio Katz affirme que si les gouvernements progressistes voulaient réellement essayer de mettre en œuvre une politique continentale alternative au modèle néolibéral extractiviste exportateur, ils devraient créer ensemble une entreprise publique latinoaméricaine pour exploiter le lithium.
Claudio Katz affirme également qu’il faudrait que les gouvernements progressistes adoptent une politique de souveraineté financière, sortant du type d’endettement actuel et du contrôle qui est exercé par le FMI sur la politique économique de nombreux pays de la région. Il affirme qu’il faudrait un audit général des dettes et qu’une série de pays les plus fragiles devraient suspendre le paiement leur dette. Il dit que, si ce n’est pas fait, il n’y aura pas moyen de mettre en place une alternative et il affirme qu’il faudrait reprendre la voie laissée à l’abandon de la Banque du Sud, pour créer une nouvelle architecture continentale. Là aussi, on ne peut que partager son point de vue.
Les débats dans la gauche latinoaméricaine
Dans la partie 4 de son livre Claudio Katz aborde les débats au sein de la gauche latinoaméricaine et notamment l’attitude à adopter face à la droite et l’extrême droite et face aux gouvernements progressistes avec leurs limites.
Il affirme que c’est un devoir d’exprimer des critiques claires à l’égard des gouvernements progressistes sans, bien sûr, se tromper d’ennemis. Il faut sans aucun doute d’abord s’attaquer aux politiques de la droite et aux forces de droite, aux interventions impérialistes, en particulier à celles des États-Unis, mais également à la politique voulue par la Chine dans la région, mais il ne faut surtout pas se limiter à cela. Il faut aussi analyser et critiquer, quand c’est nécessaire, les limites des politiques des gouvernements dits progressistes. Claudio Katz montre l’énorme responsabilité de la gestion de la présidence d’Alberto Fernández en Argentine, à partir de 2019, dans la victoire de l’anarcho-capitaliste d’extrême droite Javier Milei.
Par rapport à ces politiques, je reprends une citation tout à fait correcte de Claudio :
« Il faut rappeler que l’option de gauche se forge en soulignant que la droite est l’ennemi principal et que le progressisme échoue par impotence ou complicité ou manque de courage par rapport à son adversaire mais qu’il ne faut pas confondre la droite au gouvernement avec ces gouvernements progressistes et dire qu’ils sont de même nature. Il y a une distinction fondamentale entre les deux et si on oublie cela on est incapable de concevoir une alternative et une politique correcte ».
Il souligne par ailleurs que
« Le progressisme échoue par impotence ou complicité ou manque de courage par rapport à son adversaire. »
Pour prendre un exemple de cela il explique que l’incapacité d’une partie de la gauche en Équateur de voir le danger que représentait l’élection de Lasso a provoqué la victoire de ce banquier en 2021, alors qu’une alliance entre les composantes de la gauche aurait pu donner un résultat différent.
Comme exemple positif, il montre par contre que la compréhension qu’a eu le Parti pour le socialisme et la liberté (PSOL) en 2020-2022 de l’importance de combattre en priorité le danger d’une réélection de Jair Bolsonaro et donc d’appeler à voter dès le premier tour en faveur de Lula, ce qui a été bénéfique et a permis de vaincre Bolsonaro. Car effectivement, la victoire de Lula sur Bolsonaro s’est jouée à très peu de voix et si le PSOL n’avait pas appelé à voter Lula, il est fort possible que Bolsonaro aurait été réélu. L’écrasante majorité des voix de Lula vienne de sa base électorale mais l’apport du PSOL a été important à la marge pour lui donner l’avantage.
Et là il explique que face à Javier Milei, donc très récemment, à la fin de l’année 2023, il y a eu un débat dans la gauche radicale argentine et une partie de celle-ci n’a pas voulu, pour le second tour, appeler à voter pour Sergio Massa le candidat péroniste néolibéral face au candidat d’extrême droite Javier Milei. Katz a tout à fait raison de soulever cette question et de souligner l’importance de faire front face à la droite. Ce qui est certain c’est que même si toute l’extrême gauche argentine regroupée dans le FIT-U avait appelé à voter pour le candidat néolibéral péroniste Sergio Massa, cela n’aurait pas permis la défaite de Milei, parce que celui-ci a gagné avec un avantage très important.
En prenant l’exemple du Chili, Claudio Katz souligne le fait que dans un premier temps il y a eu une grande mobilisation de la gauche en 2021 pour éviter la victoire du candidat de l’extrême droite pinochetiste José Antonio Kast, ce qui a permis au candidat de la gauche, Gabriel Boric, de gagner mais qu’ensuite, la modération de Boric, ses hésitations, ont produit la défaite sur le nouveau projet de constitution en septembre 2022 : l’interprétation qu’a donné Gabriel Boric du rejet de la nouvelle constitution, qui était pourtant très modérée, et qu’il a présentée comme trop radicale a finalement renforcé le discours de la droite, Boric allant de concession en concession à l’égard de la droite.
Claudio Katz et l’ « axe radical » : Venezuela, Bolivie et Nicaragua
Après avoir analysé les politiques des gouvernements progressistes modérés, Katz aborde ce qu’il appelle l’axe radical. C’est, à mes yeux, une partie du livre qui est peu convaincante. Il range le Venezuela, la Bolivie et le Nicaragua dans cette catégorie et je ne comprends pas pourquoi Claudio Katz y met le Nicaragua, alors qu’il explique lui-même que le seul point commun entre ces trois pays est qu’ils sont sous le feu de l’impérialisme américain. Je ne pense pas qu’on puisse définir un pays comme faisant partie de l’«axe radical» simplement par le fait que Washington combatte ce gouvernement.
Il aurait mieux valu élaborer une catégorie spécifique dans laquelle mettre le Nicaragua. Le Nicaragua est un pays où il y a eu une authentique révolution qui a abouti à une victoire en 1979. Ensuite, une défaite électorale est arrivée en février 1990, marquant le début d’un processus de dégénérescence du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) sous la direction de Daniel Ortega. Processus suivi par une véritable trahison du processus révolutionnaire antérieur par une alliance d’Ortega avec la droite, y compris la plus réactionnaire, sur différentes questions, et notamment la question de l’avortement.
Il faut aussi citer le tournant pro-Washington et pro-FMI du gouvernement de Daniel Ortega. C’est d’ailleurs la soumission au FMI qui a produit une rébellion populaire en avril 2018. Jusqu’en avril 2018, le régime de Daniel Ortega s’entendait très bien avec les États-Unis et avec le FMI. C’est le FMI qui a voulu une réforme des retraites qui a produit une révolte de secteurs populaires et notamment de la jeunesse, que Daniel Ortega a réprimé de manière absolument brutale comme le dénonce d’ailleurs de manière correcte Katz dans ce livre et dans un article datant de 2018.
C’est après cette répression criminelle du mouvement social que Washington a décidé de s’opposer nettement au régime d’Ortega. Heureusement, Claudio Katz critique la répression à laquelle s’est livré Ortega et ne cache pas qu’en plus, son gouvernement a réprimé ensuite tous les candidat·es qui souhaitaient se présenter contre lui aux élections qui ont suivi. Il a, y compris, mis en prison, comme le dit et le dénonce Claudio Katz, d’anciens dirigeants révolutionnaires. Malheureusement Katz ne produit pas une analyse d’ensemble de ce qui s’est passé au Nicaragua[13].
L’analyse qu’il fait du processus en Bolivie est largement correcte à mon avis. Par contre, sur le Venezuela, il atténue très fortement ses critiques à l’égard du gouvernement de Nicolás Maduro. Il parle du chavisme en général, comme si Maduro constituait le prolongement de la politique de Hugo Chávez, alors qu’à mon avis, il y a une rupture qui s’est produite entre la politique menée par Chávez jusqu’à sa mort en 2013 et la politique introduite par Maduro.
Certes, Nicolás Maduro renforce des faiblesses et des incohérences qui existaient déjà dans la politique suivie par Chávez mais les éléments les plus problématiques de la politique de Chávez sont amplifiés par la consolidation d’une ‘bolibourgeoisie’ que critique d’ailleurs Claudio Katz. Katz ne cache pas qu’il y a une composante importante du gouvernement de Maduro qui est constituée d’un nouveau secteur capitaliste, né des entrailles du chavisme. Mais, malheureusement, il parle à peine de la répression des luttes sociales et du mouvement ouvrier. Il ne critique pas la manière dont Maduro combat ses anciens alliés comme le Parti communiste vénézuélien qui est quasiment mis dans l’illégalité.
Claudio Katz et Cuba
Après avoir abordé ce que Claudio Katz appelle l’«axe radical», qui serait constitué par le Venezuela, la Bolivie et le Nicaragua, il passe à l’analyse de Cuba. Claudio Katz montre correctement à quel point Cuba constitue un exemple, une référence et un espoir pour une grande partie de la gauche latinoaméricaine et on pourrait dire au-delà de l’Amérique latine. Il montre qu’il y a une évolution qui va vers le renforcement des inégalités à Cuba mais il met l’accent sur ce qu’il appelle la ‘prouesse’ du gouvernement cubain pour affronter le blocus et les problèmes auxquels l’économie cubaine est confrontée.
Tout en partageant largement une partie de l’analyse que fait Claudio Katz de Cuba, on peut souligner qu’il adopte une position insuffisamment critique par rapport à la question des relations des autorités cubaines avec le peuple au cours des dernières années, notamment au moment des importantes protestations dont parle Claudio Katz, en particulier le 11 juillet 2021. Il passe sous silence le fait que le gouvernement cubain a répondu d’une manière très maladroite dans un premier temps à la protestation du 11 juillet, en appelant les communistes à se mobiliser dans la rue, perspective que le gouvernement a ensuite très vite abandonnée parce que cela aurait pu déboucher sur des affrontements dont l’issue aurait pu être néfaste.
Claudio Katz n’en parle pas du tout et il ne parle pas non plus de la vague de condamnations extrêmement lourdes prononcées par la justice cubaine contre toute une série de manifestant·es. Des condamnations qui vont de 5 ans à 20 ans de prison et qui visent à intimider les protestataires potentiels. Bien sûr, Cuba est sous la menace permanente et tout à fait concrète d’une intervention directe des États-Unis. Bien sûr, les effets de l’embargo décrété par Washington depuis 1962 sont tout à fait palpables. Bien sûr, il y a immixtion des États-Unis dans les affaires intérieures de Cuba, mais le recours à des condamnations aussi lourdes mérite d’être critiqué et, en tout cas, d’être mentionné. Katz aurait dû parler de ces condamnations et donner son point de vue.
En ce qui concerne le futur, Claudio Katz a raison de dire que ce n’est pas simplement la participation populaire, le contrôle ouvrier qui pourraient régler les problèmes de Cuba. Les problèmes de l’économie cubaine sont d’une telle nature que plus de participation populaire et citoyenne à elle seule ne permettrait pas de les résoudre. Il faudrait bien sûr opter pour une politique économique, dans un contexte tout à fait défavorable, qui réponde vraiment aux problèmes de l’économie cubaine et se poser la question de la priorité donnée au tourisme. Cette priorité est source d’une nouvelle dépendance par rapport aux rentrées en devises que génère le tourisme, alors qu’elle implique d’énormes coûts parce qu’il faut importer par exemple les aliments et d’autres produits qui sont nécessaires pour l’industrie touristique.
Je partage néanmoins l’avis de Claudio Katz sur le fait qu’il n’y a pas, jusqu’ici, reconstitution d’une classe capitaliste à Cuba. La direction cubaine ne veut pas la restauration du capitalisme et il ne faut pas confondre la possibilité qu’il y a dans le cadre du système cubain actuel d’accumuler un enrichissement dans des activités privées avec la naissance d’une véritable classe capitaliste capable de se fixer comme objectif de reprendre le pouvoir à Cuba.
Par contre, il faut certainement se poser la question du risque qu’il y a qu’un secteur de la bureaucratie cubaine considère que finalement, il n’y a que la voie de la restauration du capitalisme, le modèle vietnamien ou chinois, qui permettrait une croissance économique. Dans ce cas, une partie de cette bureaucratie pourrait se fixer comme objectif de se convertir en nouvelle classe capitaliste mais cela n’a pas eu lieu. Cela ne veut pas dire que ces secteurs n’existent pas mais, pour le moment, ce ne sont pas eux qui sont à la tête du gouvernement cubain.
Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement cubain est dans une sorte d’impasse : il n’a pas opté pour la restauration capitaliste mais en même temps, il ne trouve pas les moyens d’adopter une politique économique et une politique de fonctionnement de la société assurant une plus grande participation citoyenne permettant à Cuba de se maintenir dans un cadre durable non capitaliste tout en améliorant les conditions de vie de la population. C’est un défi extrêmement dur à relever, mais qui est encore possible pour Cuba aujourd’hui. De toute façon, face à la politique agressive de l’impérialisme étasunien, il faut faire bloc et défendre les conquêtes de la révolution cubaine.
Les mobilisations populaires
Pour rappel Claudio Katz, correctement, considère qu’il y a eu un cycle progressiste prolongé de 1999 à 2014. On peut discuter si celui-ci a pris fin en 2014 ou si cela a eu lieu plus tôt en 2011, 2012 ou 2013, mais peu importe, le cycle a duré entre une douzaine et une quinzaine d’années, entre l’élection de Hugo Chavez fin 1998 et le reflux qu’on a connu dans différents pays d’Amérique latine. Entre 2014 et 2019, on a constaté un retour des gouvernements de droite, appliquant des politiques néolibérales dures qui ont provoqué une succession de très grandes mobilisations populaires. Cela a été le cas en Bolivie, au Chili, en Colombie, au Pérou, au Honduras, au Guatemala et en Haïti.
Ces grandes mobilisations populaires de 2019-2020 ont débouché, à l’exception d’Haïti et de l’Équateur, sur l’arrivée au gouvernement de forces progressistes de centre gauche qui ont modifié la situation de prédominance de gouvernements de droite. Si bien qu’en 2023-2024, 80 % de la population de l’Amérique latine vit dans des pays à majorité progressiste. C’est très important d’indiquer, comme le fait Claudio Katz, que les victoires électorales des forces progressistes en Bolivie, Colombie, Chili, Pérou, Honduras et Guatemala n’ont été possibles que grâce aux énormes mobilisations populaires qui les ont précédées.
Argentine, Brésil et Mexique
Comme le souligne Claudio Katz, il faut ajouter trois pays, les plus peuplés, à cette liste de pays avec des gouvernements progressistes, à savoir le Mexique depuis 2018, l’Argentine entre fin 2019 et fin 2023 et le Brésil depuis janvier 2023. Dans le cas de ces trois pays, les gouvernements progressistes ne sont pas arrivés au pouvoir suite à de très importantes mobilisations populaires.
En Argentine, le gouvernement d’Alberto Fernández, arrivé à la gestion des affaires du pays en 2019, n’a pas été porté là par d’énormes mobilisations populaires, même s’il y a eu des mobilisations contre le gouvernement néolibéral de Mauricio Macri, qui a présidé le pays de 2015 à 2019.
Dans le cas du Mexique, Andres Manuel López Obrador (AMLO) est arrivé au pouvoir sans avoir été porté massivement dans l’année ou les deux années qui ont précédé son élection par d’énormes mobilisations. Certes, quelques années auparavant, il y avait eu de très importantes mobilisations y compris dans lesquelles il avait joué un rôle. Ces mobilisations s’opposaient à la fraude électorale qui avait empêché AMLO d’accéder à la présidence.
Dans le cas de Lula, son retour au pouvoir comme président début 2023, là non plus, n’a pas été le résultat d’un énorme mouvement populaire. C’était le résultat dans les urnes de la politique désastreuse du gouvernement d’extrême droite de Jair Bolsonaro et notamment sa gestion calamiteuse de la pandémie de coronavirus.
La Bolivie, le Chili, la Colombie, le Honduras et le Guatemala
Par contre, dans les cas de la Bolivie, du Chili, de la Colombie, du Honduras et du Guatemala, les gouvernements progressistes sont issus de grandes mobilisations populaires qui ont immédiatement précédé.
L’Équateur, Haïti et le Panama
Enfin, comme le fait remarquer Claudio Katz, il y a trois pays où il y a eu d’énormes mobilisations dans les rues, à répétition d’ailleurs, mais sans que cela ne débouche sur la victoire électorale de la gauche ou du centre gauche. Ces trois pays sont l’Équateur, Haïti et le Panama. En Équateur, une énorme mobilisation populaire en octobre 2019 a permis d’éviter un programme du FMI, notamment consistant en une augmentation importante du prix des combustibles. Cela a conduit à la défaite du gouvernement de Lenín Moreno et du plan du FMI en 2019, mais cela n’a pas été suivi, aux élections de 2021 par la victoire de la gauche, notamment pour les raisons invoquées précédemment dans le livre, c’est-à-dire la division entre la Conaie et le mouvement politique de Rafael Correa, en avril 2021, lorsque le banquier Guillermo Lasso a été élu.
Il y a une deuxième grande montée de luttes populaires en juin 2022, contre Guillermo Lasso qui a dû, lui aussi, comme son prédécesseur Lenín Moreno, jeté le gant et faire de très importantes concessions au mouvement populaire, ce dont j’ai rendu compte dans l’épilogue que j’ai écrit pour le livre Sinchi, portant sur la rébellion de juin 2022, publié sur le site de Contretemps.
Cette énorme mobilisation populaire, dans laquelle la Conaie a joué un rôle clé, avec d’autres secteurs de la population, n’a pas abouti non plus à la victoire d’un gouvernement de gauche aux élections qui ont suivi, là encore suite à la division entre la Conaie et le mouvement lié à Rafael Correa, dit « corréisme », qui a abouti alors à la victoire d’un multi-millionnaire du secteur de la banane et de l’extractivisme, Daniel Noboa.
Puis il y le cas d’Haïti, avec des mobilisations extrêmement fortes, à répétition, mais avec une crise politique permanente, sans solution et sans arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche.
Enfin il y a le Panama, avec d’énormes mobilisations du secteur de l’enseignement et, en 2023, d’énormes mobilisations victorieuses de différents secteurs de la population (dont les enseignant·es, mais touchant tous les secteurs populaires) contre un énorme projet minier à ciel ouvert, mais ne débouchant pas sur la victoire d’un gouvernement de gauche. Aux dernières élections c’est un président de droite, José Raúl Mulino, qui a été élu.
Les alternatives
La dernière partie du livre de Claudio Katz porte sur les alternatives et il faut souligner que, de manière pertinente, il affirme qu’il faut à la fois résister à la domination exercée par l’impérialisme des États-Unis et résister à la dépendance économique qu’a générée la Chine dans les accords qu’elle a passés avec l’Amérique latine. Claudio Katz affirme qu’il faut agir par rapport à ces deux défis si on veut trouver une voie latino-américaine au développement, si on veut améliorer les revenus des secteurs populaires et si on veut réduire l’inégalité dans la région ; il dit qu’il s’agit de deux batailles différentes, que les deux ennemis ne sont pas identiques mais les deux batailles doivent être menées.
Par rapport à Washington, il s’agit de récupérer la souveraineté et par rapport à la Chine, il s’agit de réagir à ce qu’il appelle une « régression productive » qui est générée par les traités signés avec Pékin. Une « régression productive », cela veut dire une re-primarisation de l’économie. En effet, comme nous l’avons expliqué plus haut, l’Amérique latine se spécialise dans ses relations avec la Chine dans l’exportation des matières premières non transformées, et importent de la Chine des produits manufacturés.
Katz considère qu’il faut remettre en cause les traités de libre commerce signés avec la Chine. Il considère que l’Amérique latine devrait négocier en bloc avec la Chine, ce qui n’est absolument pas le cas. Pour le moment les gouvernements des différents pays latinoaméricains, suivant le désir des classes dominantes locales, passent des accords avec la Chine. Comme ces classes dominantes se spécialisent largement dans l’import-export, elles y trouvent leur avantage mais cela ne permet absolument pas de diversifier les économies latinoaméricaines, de reprendre leur industrialisation et donc il faudrait, selon Claudio Katz, renégocier les accords avec les Chinois, de manière à ce que ceux-ci fassent des investissements dans la production manufacturière et pas simplement dans les industries extractives primaires. Il faudrait réindustrialiser, il faudrait que l’Amérique latine obtienne des transferts de technologies de façon à redémarrer un cycle de développement industriel diversifié.
Comme les gouvernements actuels et les classes dominantes locales n’adoptent pas une politique alternative aux politiques déterminées par les relations avec les États-Unis ou avec la Chine, il faut largement s’en remettre aux mobilisations des mouvements sociaux et Claudio Katz prend en exemple le positionnement et les actions menées par les organisations du réseau mondial, fortement présent en Amérique latine, de La Via Campesina. Cette organisation mondiale a intégré dans son programme d’action le rejet des traités de libre-échange.
Les mouvements sociaux et les réseaux internationaux
Claudio Katz prend note que les grandes mobilisations de la fin des années 1990 et du début des années 2000, dans le cadre du Forum Social Mondial, des luttes contre l’OMC à Seattle, les luttes en Europe contre l’accord multilatéral sur les investissements qui était négocié dans le cadre de l’OCDE, ont pris fin, malheureusement, et toute une série de traités de libre-échange ont été signés.
Rappelons que les mobilisations, notamment en Amérique latine en 2005, avaient abouti à une victoire contre l’accord de libre commerce des Amériques voulu par l’administration de Georges W. Bush. Depuis lors, il n’y a pas eu de grandes mobilisations et dans le cadre du projet de la Nouvelle route de la soie, la Chine a réussi à imposer toute une série d’accords de libre-échange avec des pays latino-américains ou est en train de poursuivre la finalisation de nouveaux accords avec des pays qui n’ont pas encore signé avec la Chine. Il y a également des accords de libre commerce signés avec d’autres puissances.
Au niveau des accords de libre-échange signés avec la Chine, Claudio Katz mentionne l’accord signé en 2004 entre le Chili et la Chine, l’accord entre le Pérou et la Chine signé en 2009, l’accord entre le Costa-Rica et la Chine signé en 2010, et, plus récemment, l’accord avec l’Équateur signé en 2023, avec un gouvernement particulièrement de droite.
Face à cela, Claudio Katz dit très justement qu’il faut réussir à recréer les espaces d’unité régionale par en bas pour relancer une grande dynamique de mobilisations.
Au niveau des objectifs, Claudio Katz affirme correctement qu’il s’agit de récupérer la souveraineté financière, mise à mal par l’endettement extérieur et par le contrôle qu’exerce le FMI sur la politique économique. Selon Katz, il faut imposer un audit général sur les dettes et la suspension du paiement de la dette pour les pays soumis à un endettement très élevé afin de jeter les bases d’une nouvelle architecture financière. Il faut aussi avancer vers la souveraineté énergétique en créant de grandes entités inter-étatiques pour dégager des synergies et mettre en commun toute une série de ressources naturelles, les exploiter en commun et, notamment, en créant une entreprise publique latino-américaine d’exploitation et de transformation du lithium.
Claudio Katz affirme que l’alternative doit être une stratégie vers le socialisme. Selon lui Hugo Chávez a eu le mérite de réaffirmer l’actualité de la perspective socialiste et, depuis sa mort, personne d’autre ne l’a remplacé de ce point de vue. Katz affirme qu’il faut une stratégie transitoire pour rompre avec le système capitaliste. Il affirme qu’il faut lutter contre l’impérialisme américain qui s’est lancé dans une nouvelle guerre froide contre la Russie et la Chine. Il affirme également la nécessité de lutter contre l’extrême-droite et l’adaptation de la social-démocratie aux politiques néolibérales. Cette adaptation de la social-démocratie a favorisé, selon Katz, le renforcement de l’extrême-droite.
Nécessité d’un programme radical, révolutionnaire, de transition anticapitaliste
Claudio Katz en appelle à la nécessité d’un programme « radical, révolutionnaire, de transition anticapitaliste ». Il ajoute :
« cette plateforme implique la démarchandisation des ressources naturelles, la réduction de la journée de travail, la nationalisation des banques et des plateformes digitales afin de créer les bases d’une économie plus égalitaire ».
Claudio Katz part de la constatation qu’il n’y a pas une actualité de victoires révolutionnaires simultanées ou successives à la différence de ce qui s’est passé au vingtième siècle avec la succession de révolutions victorieuses en Russie tsariste, en Chine, puis au Vietnam et à Cuba. Néanmoins, il estime qu’il faut réaffirmer que seule une solution socialiste à la crise du capitalisme peut offrir une véritable solution pour l’humanité. Il affirme que l’Amérique latine restera et constitue toujours une région du monde d’où peut surgir un renouvellement de la poursuite d’alternatives de type socialiste même si des processus comme celui de l’Alba, l’association entre le Venezuela, la Bolivie l’Équateur, lancé par Chávez au début des années 2000, ont connu un repli.
Conclusion : Un livre indispensable
En somme le livre de Claudio Katz est une lecture obligatoire pour les militantes et les militants, les chercheurs et les chercheuses qui veulent comprendre la situation actuelle de l’Amérique latine du point de vue politique, économique et social. L’intérêt de l’approche de Claudio Katz est que, non seulement, il analyse les politiques suivies par les gouvernements des grandes puissances, que ce soit les États-Unis, la Chine ou d’autres grandes puissances, mais aussi les politiques des classes dominantes de la région latinoaméricaine ; il étudie la dynamique des luttes sociales et, enfin, il considère que c’est par en bas qu’on peut recréer un projet socialiste.
On peut juste regretter que la dimension de la crise écologique et l’urgence qui s’impose pour y trouver des solutions, dans un cadre socialiste, n’est pas suffisamment centrale dans le livre, y compris au niveau des conclusions, même si c’est clair que Claudio Katz soutient une démarche écologiste socialiste. Mais son livre gagnerait en force si Katz développait explicitement cet aspect à différents endroits de sa réflexion.
*
L’auteur remercie Claude Quémar pour sa collaboration et Maxime Perriot pour la relecture finale.
Notes
[1] Claudio Katz, America Latina en la encrucijada global , Batalla de Ideas-Buenos aires, Ciencias Sociales-La Habana, 2024, 366pp, ISBN: 978-987-48230-9-0 https://batalladeideas.ar/producto/america-latina-en-la-encrucijada-global/
[2] « Entre 1948 y 1990, el Departamento de Estado estuvo involucrado en el derrocamiento de 24 gobiernos. En cuatro casos, actuaron efectivos estadounidenses, en tres ocasiones prevalecieron los asesinatos de la CIA, y en 17 hubo golpes teledirigidos desde Washington. » Katz, p. 49.
[3] « Estados Unidos cuenta con doce bases militares en Panamá, doce en Puerto Rico, nueve en Colombia, ocho en Perú, tres en Honduras, y dos en Paraguay. Mantiene, además, instalaciones del mismo tipo en Aruba, Costa Rica, El Salvador y Cuba (Guantánamo). En las Islas Malvinas, el socio británico asegura una red de la OTAN conectada con los emplazamientos del Atlántico norte » Katz, p. 50.
[4] Pour en savoir plus : « Les divagations de la Banque mondiale concernant le nombre de pauvres sur la planète », CADTM, 6 avril 2021.
[5] « Todos los tratados que ha promocionado China acrecientan la subordinación económica y la dependencia. El gigante asiático afianzó su estatus de economía acreedora, lucra con el intercambio desigual, captura los excedentes y se apropia de la renta. China no actúa como un dominador imperial, pero tampoco favorece a América Latina. Los convenios actuales agravan la primarización y el drenaje de la plusvalía. La expansión externa de la nueva potencia está guiada por principios de maximización del lucro y no por normas de cooperación. Beijing no es un simple socio y tampoco forma parte del Sur Global. » Katz, p. 73-74. Pour en savoir plus sur la Chine comme puissance créancière : Éric Toussaint, Série sur la Chine comme puissance créancière publiée par le CADTM en février 2024 : [Partie 1] Questions/réponses sur la Chine comme puissance créancière de premier ordre ; [Partie 2] Questions/réponses sur la Chine : Comment la Chine prête-t-elle ? ; [Partie 3] Questions/réponses sur la Chine : La Chine fait-elle pareil que la Banque mondiale, le FMI et les États-Unis ? ; [Partie 4] Questions/réponses sur la Chine : La Chine pourrait-elle prêter autrement ?
[6] Pour en savoir plus :Éric Toussaint, « La dette et le libre-échange comme instruments de subordination de l’Amérique latine depuis l’indépendance », publié le 21 juin 2016, https://www.cadtm.org/La-dette-et-le-libre-echange-comme-instruments-de-subordination-de-l-Amerique ; Éric Toussaint – Martín Mosquera, « Cinq thèses contenues dans le livre « Le Système dette » », Jacobinlat/CADTM, 30 mai 2022, https://www.cadtm.org/Cinq-theses-contenues-dans-le-livre-Le-Systeme-dette
[7] ONU GENEVE, Arrestations massives, allégations de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées aux mains de la police et des forces armées, 18 novembre 2022, https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2022/11/dialogue-el-salvador-experts-committee-against-torture-praise Myriam Belmahdi, LA GUERRE CONTRE LES MARAS AU SALVADOR: JUSTIFICATION DES VIOLATIONS SYSTEMIQUES DES DROITS HUMAINS, 18 nov. 2023, https://reesahaixmarseille.wixsite.com/association/post/la-guerre-contre-les-maras-au-salvador-justification-des-violations-syst%C3%A9miques-des-droits-humains La Jornada, « Bukele: la ilusión de la seguridad », 27/05/2024, https://www.jornada.com.mx/2024/05/27/opinion/002a1edi
[8] Lecture complémentaire : Franck Gaudichaud et Éric Toussaint, « Gauches et droites latino-américaines dans un monde en crise », 19 juin 2024, https://www.cadtm.org/Gauches-et-droites-latino-americaines-dans-un-monde-en-crise
[9] Ruy Mauro Marini (1973) The Dialectics of Dependency, Monthly Review, New York, 2022 https://monthlyreview.org/product/the-dialectics-of-dependency/
[10] Claudio Katz, La teoría de la dependencia cincuenta años después, Argentine, Ed. Batalla de Ideas, 2018, https://libreriacarasycaretas.com/productos/la-teoria-de-la-dependencia-cincuenta-anos-despues-claudio-katz/
[11] Pour en savoir plus sur les BRICS : Éric Toussaint, « Les BRICS et leur Nouvelle banque de développement offrent-ils des alternatives à la Banque mondiale, au FMI et aux politiques promues par les puissances impérialistes traditionnelles ? », CADTM, 22 avril 2024, https://www.cadtm.org/Les-BRICS-et-leur-Nouvelle-banque-de-developpement-offrent-ils-des-alternatives ; lire aussi : Centre tricontinental, BRICS+ : une alternative pour le Sud global?, Cetri/Syllepse, 2024, https://www.cetri.be/BRICS-une-alternative-pour-le-Sud
[12] Pour en savoir plus sur le blocage de la Banque du Sud : Éric Toussaint, « L’expérience interrompue de la Banque du Sud en Amérique latine et ce qui aurait pu être mis en place comme politiques alternatives au niveau du continent », https://www.cadtm.org/L-experience-interrompue-de-la-Banque-du-Sud-en-Amerique-latine-et-ce-qui , CADTM, 10 mai 2024.
[13] Pour en savoir plus sur le Nicaragua : Claudio Katz, « Le Nicaragua fait mal », CADTM, 6 août 2018, https://www.cadtm.org/Le-Nicaragua-fait-mal ; Éric Toussaint, « Nicaragua : L’évolution du régime du président Daniel Ortega depuis 2007 », https://www.cadtm.org/Nicaragua-L-evolution-du-regime-du-president-Daniel-Ortega-depuis-2007 , CADTM, 25 juillet 2018. Éric Toussaint, « Nicaragua : Poursuite des réflexions sur l’expérience sandiniste des années 1980-1990 afin de comprendre le régime de Daniel Ortega et de Rosario Murillo », https://www.cadtm.org/Nicaragua-Poursuite-des-reflexions-sur-l-experience-sandiniste-des-annees-1980, CADTM, 12 août 2018.