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    L’économie mondiale en 2025 : année folle ou année tiède ? Par Michael Roberts

    économie

    Lien publiée le 5 janvier 2025

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://www.revolutionpermanente.fr/L-economie-mondiale-en-2025-annee-folle-ou-annee-tiede-Par-Michael-Roberts

    L’économiste marxiste Michael Roberts donne ses prévisions économiques pour l’année 2025. À rebours des perspectives extravagantes de BlackRock, l’année 2025 risque de connaître un approfondissement de la crise de la dette, une croissance stagnante et une productivité en berne dans un contexte de désordre mondial croissant et de tensions commerciales.

    L'économie mondiale en 2025 : année folle ou année tiède ? Par Michael Roberts

    Il est temps de faire des prévisions sur ce qui arrivera à l’économie mondiale et aux perspectives qui s’ouvrent pour les principales puissances économiques en 2025. Beaucoup de gens considèrent que faire de telles prévisions est une perte de temps, car elles ne sont jamais exactes et, bien souvent, c’est l’inverse qui se produit. Bien sûr, les prévisions sont entachées d’erreurs, compte tenu du grand nombre de variables qui influencent les économies. Les prévisions météorologiques restent encore difficiles à établir, et les météorologues traitent d’événements physiques, et non (du moins directement) d’actions humaines. Néanmoins, les prévisions météorologiques à trois jours sont aujourd’hui assez fiables. Et les prévisions à long terme sur le changement climatique ont largement été confirmées au cours des dernières décennies.

    Ainsi, si l’on considère que l’économie est une science (bien qu’une science sociale), ce que je crois, alors faire des prédictions (à court et à long terme) fait aussi partie de la mise à l’épreuve des théories économiques. Voici ce que j’ai écrit dans un article concernant les prévisions pour 2024 :

    « En résumé, 2024 semble être une année de ralentissement de la croissance économique pour la plupart des pays, marquée probablement par un glissement vers la récession en Europe, en Amérique latine et en Asie. La crise de la dette dans ces pays du soi-disant Sud global, qui ne disposent pas d’énergie ou de minerais à vendre, va s’aggraver. Ainsi, même si les États-Unis évitent à nouveau une récession franche cette année, cela ne ressemblera pas à un “atterrissage en douceur” pour la plupart des gens dans le monde ».

    Je pense que cette prévision s’est révélée globalement correcte (pour une fois !).

    2024 a été l’année des élections. Il y a eu 40 élections nationales, 41 % de la population mondiale étant appelée aux urnes dans un ensemble de pays qui représentent 42 % du PIB mondial. Et mes prévisions sur leurs résultats se sont également révélées assez exactes. Concernant l’élection la plus importante, celle de la présidence des États-Unis, voici ce que j’ai écrit :

    « Il n’est pas possible de savoir avec certitude qui remportera l’élection ; ou si Biden se représentera effectivement ; ou si Trump ou Biden accompliront même un autre mandat complet ».

    Ce n’était donc pas très clair, mais au moins pas faux. Biden ne s’est pas représenté, Trump a gagné (en remportant de justesse le vote populaire) et nous ne savons pas encore s’il accomplira un mandat complet.

    Les résultats des autres élections étaient bien plus faciles à prévoir : au Royaume-Uni, en Inde, en Indonésie, en Corée du Sud, à Taïwan et en Afrique du Sud, les résultats ont correspondu aux prévisions. Seules la victoire d’un parti de gauche au Sri Lanka et celle de la gauche comme premier parti lors des élections anticipées en France ont créé la surprise. Presque partout, les gouvernements en place ont perdu des parts de voix et/ou ont été battus ; et la participation électorale a diminué, révélant le désenchantement des citoyens envers tous les partis politiques traditionnels. Cette tendance devrait se poursuivre en 2025 lors des élections en Allemagne, au Canada, en Australie, en République tchèque et en Norvège ; ainsi qu’en Amérique latine (Équateur, Chili et Bolivie).

    Qu’en est-il de l’économie ? L’année 2024 s’est terminée avec six des sept principales économies capitalistes soit en stagnation, soit en récession franche, mesurée en termes de produit intérieur brut (PIB). Et si l’on mesure le PIB par habitant, alors même les États-Unis, qui ont le mieux performé parmi les économies du G7, n’ont pas brillé, tandis que les autres puissances connaissaient toutes au mieux des épisodes de stagnation. Si certains pays ont évité une récession, ce n’est pas en raison de l’augmentation de la population due aux naissances et aux décès, mais plutôt à l’immigration nette. L’immigration a augmenté la force de travail et la production nationale en 2024 aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et au Canada. La longue dépression qui a commencé après la Grande Récession de 2008-2009 a repris après le marasme de la pandémie de 2020 et s’est poursuivie en 2024.

    La Banque mondiale dresse un tableau sombre de la situation de la majorité de la population mondiale. En 2024, « la réduction de l’extrême pauvreté mondiale a ralenti jusqu’à presque s’arrêter, faisant de la décennie 2020-2030 une décennie perdue ». Environ 3,5 milliards de personnes vivent avec moins de 6,85 dollars par jour, la définition du seuil de pauvreté la plus pertinente pour les pays à revenu intermédiaire, où vivent les trois quarts de la population mondiale. « Sans action drastique, il pourrait falloir des décennies pour éradiquer l’extrême pauvreté et plus d’un siècle pour éliminer la pauvreté telle qu’elle est définie pour près de la moitié de la population mondiale ». Peu de progrès ont été faits dans la lutte contre le réchauffement climatique : « 1,2 milliard de personnes ont été confrontées à des dangers liés au climat et à une vulnérabilité élevée, l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne étant parmi les régions les plus touchées ».

    Ensuite, il y a le poids de la dette pour les pays dits « en développement » – un problème dont je faisais l’hypothèse qu’il s’aggraverait en 2024. Comme le note à nouveau la Banque mondiale, « la pandémie de COVID-19 a fortement accru les charges de dette de tous les pays en développement, et la hausse subséquente des taux d’intérêt mondiaux a rendu plus difficile pour beaucoup d’entre eux de retrouver leur équilibre. À la fin de 2023, la dette extérieure totale des pays à revenu faible et intermédiaire s’élevait à un montant record de 8,8 trillions de dollars, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2020. Les paiements d’intérêts des pays en développement ont bondi de près d’un tiers pour atteindre 406 milliards de dollars, laissant aux pays moins de fonds pour investir dans des domaines critiques tels que la santé, l’éducation et l’environnement ».

    L’Organisation internationale du travail (OIT) a constaté qu’en 2024, la plupart des travailleurs ont vu leurs salaires réels diminuer ou stagner après prise en compte de l’inflation ; et il est peu probable que cela s’améliore beaucoup en 2025. Les salaires réels restent inférieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie dans de nombreuses régions du monde. Et les écarts de revenus entre les travailleurs les mieux et les moins bien rémunérés du monde restent importants. L’OIT a calculé qu’en 2021 (ajusté pour le pouvoir d’achat), les 10 % des travailleurs les moins bien payés gagnaient 250 dollars par mois, tandis que les 10 % les mieux payés gagnaient 4 199 dollars par mois pour un travail à temps plein. « Cela signifie que le pouvoir d’achat du travailleur médian dans les pays à faible revenu représente environ 6 % du pouvoir d’achat du travailleur médian dans les pays à revenu élevé ». À l’échelle mondiale, les 10 % des travailleurs les moins bien rémunérés ne percevaient que 0,5 % du total des salaires, tandis que les 10 % les mieux rémunérés recevaient 38 % de la masse salariale mondiale.

    Au premier semestre 2024, les salaires réels restaient inférieurs à ceux de 2019, avant la pandémie, en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni, ainsi qu’au Japon et en Corée du Sud. Les salaires réels étaient plus élevés aux États-Unis, mais seulement de 1,4 %. En effet, dans certains pays – le Royaume-Uni, le Japon et l’Italie – les salaires réels restent inférieurs aux niveaux enregistrés en 2008, l’année de la Grande Récession ! En revanche, en Chine, les salaires réels ont augmenté de 27 % depuis 2019, tandis que le Brésil a également enregistré une forte hausse.

    Le World Inequality Lab a mis à jour sa dernière estimation de l’inégalité des revenus et des richesses à l’échelle mondiale. Les États-Unis sont le pays le plus inégalitaire de l’OCDE, 21 % du revenu national allant au 1 % le plus riche – soit la même proportion qu’au Mexique (21 %) et légèrement plus qu’en Afrique du Sud (19 %). Alors que les revenus réels de milliards de personnes étaient stagnants ou n’augmentaient que légèrement, les revenus et les richesses des super-riches ont augmenté à un rythme record. La bourse américaine a atteint de nouveaux sommets et les oligarques américains comme Elon Musk et Jeff Bezos ont vu leur fortune nette s’envoler de plusieurs milliards, atteignant des niveaux grotesques.

    En 2024, l’économie américaine a progressé d’environ 2,5 % en termes de PIB réel, nourrissant le mirage d’un « exceptionnalisme » américain : une économie forte, un dollar solide, et une expansion alimentée par les combustibles fossiles et l’intelligence artificielle. La confiance des milieux financiers, qui jugent que cette dynamique devrait se poursuivre, est telle que BlackRock, le plus grand fonds d’investissement au monde, dans ses prévisions pour 2025, estime que « les cycles de boom et de récession du capitalisme sont terminés ». BlackRock considère que l’économie mondiale est actuellement en train d’être entièrement « remodelée » par l’émergence de cinq nouvelles « méga-forces », notamment la transition vers des émissions nettes nulles de carbone, la fragmentation géopolitique, les tendances démographiques, la numérisation des finances et l’intelligence artificielle. Selon BlackRock, cela signifie que l’économie mondiale s’éloignera des « tendances historiques » qui ont vu les marchés traverser des cycles de boom et de récession pendant des siècles.

    L’optimisme de BlackRock n’a rien de surprenant compte tenu de l’énorme augmentation des prix des actifs financiers en 2024. Mais les grandes agences économiques internationales sont moins enthousiastes. Dans ses dernières Perspectives de l’économie mondiale, le FMI prévoit que la croissance économique mondiale restera stable autour de 3,2 % cette année. Ce taux de croissance est le plus faible depuis des décennies et les « risques à la baisse augmentent et dominent les perspectives ». Le FMI prévoit que, bien que les États-Unis continueront de jouir de la croissance la plus élevée parmi les économies avancées en 2025, la croissance réelle du PIB américain tombera à 2,2 % en 2025, tandis que le reste du G7 peinera à dépasser 1 % par an. L’économie américaine pourrait encore croître, mais pas son secteur industriel, la partie productive. La production industrielle a diminué en 2024, comme dans toutes les autres principales économies.

    Le FMI s’inquiète également des plans de Trump visant à augmenter les tarifs douaniers sur les importations de biens en provenance de pays qui ne coopèrent pas avec les Etats-Unis et qui menacent son plan pour « Make America Great Again ». Selon lui, ces mesures pourraient entraîner une « réduction de la production par rapport à nos prévisions de base. La politique monétaire pourrait rester trop restrictive pendant trop longtemps et les conditions financières mondiales pourraient se resserrer brutalement ». Cela pourrait réduire de moitié le taux de croissance prévu pour 2025 et au-delà.

    L’OCDE adopte une position similaire sur l’économie mondiale, bien qu’un peu plus optimiste. L’OCDE prévoit que l’économie mondiale connaîtra une croissance de 3,3 % en 2025, un léger rebond par rapport au 3,2 % en 2024, avec un ralentissement modéré des États-Unis à 2,4 %. La CNUCED, en revanche, est beaucoup plus pessimiste. « L’économie mondiale fait face à une nouvelle norme de faible croissance, de dettes élevées, d’investissements faibles et de commerce perturbé ». Ses économistes prévoient une croissance mondiale de 2,7 % en 2025, soit en baisse par rapport à la moyenne annuelle de 3,0 % entre 2011 et 2019, et bien en dessous de la moyenne de 4,4 % observée avant la crise financière mondiale. Pour les pays en développement, le ralentissement est encore plus marqué : « Entre 2024 et 2026, la croissance des pays représentant plus de 80 % de la population mondiale et du produit intérieur brut mondial progressera encore plus lentement qu’ils ne l’ont fait durant la décennie précédant la COVID-19 ».

    Quels sont les principaux facteurs économiques qui peuvent nous aider à évaluer les performances des grandes économies en 2025 ? Le premier est le commerce international. Entre 1995 et 2007, le commerce a crû à un rythme deux fois supérieur à celui du PIB mondial. Mais depuis la crise financière de 2008-2009, la croissance du commerce par rapport au PIB a stagné. Les projets de Trump, s’ils sont mis en œuvre (ce qui reste incertain), accéléreraient la déglobalisation et la stagnation du commerce mondial, touchant particulièrement les économies du Sud global. La banque d’investissement Goldman Sachs, habituellement très optimiste, prévoit un impact significatif sur le PIB américain en cas de mise en place d’un tarif douanier de 10 % sur tous les biens importés – en partie à cause de la hausse des prix à la consommation, qui réduirait les dépenses des Américains. Et « cela pourrait déboucher sur une guerre commerciale mondiale qui, bien qu’elle puisse prendre de nombreuses formes, pourrait dans les cas extrêmes retrancher 2 à 3 % au PIB mondial », a déclaré le cabinet de conseil Capital Economics. Sur la base des prévisions actuelles, une baisse de 3 % de la production mondiale réduirait à néant la croissance économique prévue pour 2025.

    Derrière le risque de guerre commerciale, il y a la guerre elle-même. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine atteint un point critique – ce que Trump fera dans ce contexte reste incertain. Mais il semble clairement vouloir soutenir Israël à tout prix, même si cela signifie un conflit ouvert avec l’Iran l’année prochaine. Si cela se produit, les prix du pétrole pourraient grimper, faisant à nouveau monter l’inflation. Et cela alors que la soi-disant « guerre contre l’inflation » menée par les principales banques centrales mondiales n’a pas été gagnée.

    Certes, l’inflation des prix des biens et services a diminué par rapport aux sommets atteints en 2022, mais elle n’est pas revenue aux niveaux d’avant la pandémie, et encore moins aux objectifs de 2 % par an des banques centrales. En fait, dans les grandes économies, beaucoup de signes indiquent que le taux d’inflation repart à la hausse. « Aller jusqu’au bout » de la lutte contre l’inflation s’avère impossible. Si cette tendance se poursuit en 2025, les banques centrales arrêteront de réduire leurs taux d’intérêt directeurs, et les coûts d’emprunt pour les entreprises et les ménages resteront élevés.

    Cela augmentera la difficulté à rembourser les dettes existantes, en particulier pour les pays du Sud global, car le dollar devrait rester fort si les taux d’intérêt américains restent élevés et si les conflits géopolitiques s’aggravent.

    Si le coût de l’emprunt et du service de la dette ne baisse pas, il y a un risque accru que les entreprises « zombies » (qui ne génèrent pas suffisamment de bénéfices pour couvrir leurs coûts d’endettement et qui doivent continuer à emprunter) commencent à faire faillite. Plus de 40 % des 2000 plus grandes entreprises américaines ne sont pas rentables, le chiffre le plus élevé depuis la pandémie. Parallèlement, les coûts liés aux intérêts, en pourcentage de la dette totale de ces entreprises, ont atteint 7,1 %, leur niveau le plus élevé depuis 2003. Les faillites d’entreprises aux États-Unis en 2024 ont dépassé les niveaux enregistrés pendant la pandémie de 2020. L’endettement brut — le ratio de la dette par rapport aux actifs (et aux revenus) — de l’ensemble des entreprises américaines cotées en bourse, hors secteur financier, reste élevé, et l’effet de levier des fonds spéculatifs est à son plus haut niveau ou presque au cours de la dernière décennie. Ainsi, le risque d’un krach financier augmente.

    Comme l’a déclaré Ruchir Sharma de la Fondation Rockefeller : « L’admiration pour l’ “exceptionnalisme américain” sur les marchés est désormais allée trop loin… Les discussions sur les bulles dans la technologie ou l’intelligence artificielle ou dans les stratégies d’investissement axées sur la croissance et la dynamique de marché, masquent la mère de toutes les bulles sur les marchés américains. Dominant complètement l’esprit des investisseurs mondiaux, l’Amérique est sur-achetée, surévaluée et surmédiatisée à un degré jamais vu auparavant. Comme pour toutes les bulles, il est difficile de savoir quand celle-ci se dégonflera ou quel événement en précipitera l’explosion ».

    Et les signes inquiétants se profilent déjà à l’horizon. L’indice boursier américain S&P 500 a chuté de 1,6 % en décembre, six secteurs au moins enregistrant des baisses de 5 % ou plus.

    Les profits (et la rentabilité) des entreprises mondiales sont le facteur le plus important pour examiner les perspectives de l’économie mondiale en 2025, car c’est le moteur de la production et de l’investissement capitalistes. Si les bénéfices des grandes entreprises mondiales continuent d’augmenter en 2025, alors les problèmes du financement de la dette et d’un commerce international faible pourront être temporairement compensés pendant une année supplémentaire.

    Je réalise régulièrement une estimation des profits mondiaux basée sur les bénéfices des entreprises aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Japon et en Chine. La croissance des profits mondiaux, en moyenne, se rapproche de zéro. Cependant, au cours des trois premiers trimestres de 2024, les bénéfices des entreprises américaines ont encore augmenté de 1,5 % par rapport à 2023 ; en Chine et au Royaume-Uni, ils ont augmenté de 5 à 6 %, tandis que les profits allemands étaient stagnants et que ceux du Japon ont diminué.

    Les optimistes, comme BlackRock, sont confiants. Ils fondent leurs attentes sur une hausse apparente de la productivité du travail aux États-Unis au cours de l’année écoulée, stimulée par les gains issus de la diffusion de l’IA dans divers secteurs. Ses économistes analysent cela comme le début de nouvelles « Années folles » similaires à celles qu’ont connues les États-Unis après la fin de l’épidémie de grippe espagnole dans les années 1920.

    Il faut cependant noter plusieurs choses au sujet de ce prétendu boom de productivité. Premièrement, il est limité aux États-Unis. Les économies européennes ne font pas l’expérience d’un tel essor – bien au contraire. Deuxièmement, l’augmentation récente de la croissance de la productivité permet seulement à la projection de croissance de la productivité de se maintenir à peu près au même niveau qu’avant la pandémie.

    Il n’y a donc pas encore de signes confirmés d’un « bond significatif » dans la croissance de la productivité. En effet, comme je l’ai analysé dans des articles précédents, la diffusion des gains de productivité liés à l’intelligence artificielle pourrait prendre beaucoup de temps à émerger (si elle émerge un jour). Il est peu probable que l’investissement en IA fasse la différence en 2025 – et certainement pas en dehors des États-Unis, en particulier s’il n’y a pas de reprise soutenue de la rentabilité du capital dans les grandes économies.

    Ma meilleure estimation du taux moyen de rentabilité du capital dans les économies du G7 indique une reprise par rapport au creux de la pandémie. Mais cette reprise est presque entièrement tirée par une forte hausse de la rentabilité aux États-Unis, tandis que les taux de profit des autres économies du G7 ont pour l’essentiel stagné. Selon les prévisions d’AMECO, le taux de rentabilité aux États-Unis en 2025 sera supérieur de 10,7 % à celui de 2019, mais il sera de 2 à 8 % inférieur au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Italie, tandis qu’il n’augmentera que de 1 à 2 % au Canada et au Japon.

    Ainsi, ce que mes estimations de rentabilité suggèrent, c’est qu’une récession en 2025 est peu probable ; mais il est encore trop tôt pour parler d’une hausse soutenue de la rentabilité dans tous les pays du G7 qui pourrait stimuler l’investissement productif et la croissance de la productivité à de nouveaux niveaux.

    Il est probable qu’en 2025, la croissance en Europe et au Japon soit proche de la stagnation, tout comme au Canada et en Australie. De même, la croissance économique et l’expansion du commerce pour les BRICS seront plus lentes qu’en 2024. Ainsi, 2025 ne marque pas le début des « Années folles » : elle s’annonce comme une nouvelle « année tiède » pour l’économie mondiale.