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    Thomas Coutrot : La gauche et la paresse

    Lien publiée le 1 février 2025

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Économie : La gauche et la paresse - POLITIS

    Une récente étude souligne que l’exercice d’un travail socialement organisé, épanouissant et reconnu, même subordonné, reste une aspiration profonde des catégories populaires. Une explication du basculement du vote des classes populaires aux États-Unis des Démocrates vers Trump.

    La gauche et la paresse

    Comment expliquer que les classes populaires américaines, qui votaient massivement pour les Démocrates jusqu’aux années 1970, soutiennent aujourd’hui majoritairement Trump ? N’est-ce pas paradoxal, alors que les Démocrates prônent la justice fiscale tandis que les Républicains n’ont de cesse de réduire les impôts des plus riches ? Une récente étude permet d’y voir plus clair.

    Pour décrire les politiques économiques menées de 1950 à 2016, les auteurs distinguent deux orientations : « pré-distributive » et « redistributive ». La première vise à renforcer la création d’emplois réglementés, un salaire minimum élevé, les syndicats et les protections sociales (y compris vis-à-vis de la concurrence étrangère). La seconde, qui prône la libéralisation des marchés dans le but d’accroître la richesse nationale, veut compenser les dégâts subis par les catégories populaires avec de la redistribution fiscale (comme l’impôt négatif aux États-Unis ou la prime d’activité en France). 

    Jusqu’aux années 1970, à la suite de Roosevelt et du New Deal, le Parti démocrate pratiquait massivement des politiques « pré-distributives ». Puis le courant des « nouveaux Démocrates », ou néolibéraux de gauche, a pris le pouvoir dans le parti, pour aboutir à l’élection de Clinton (1992). 

    Les auteurs montrent comment l’essor des nouveaux Démocrates et de leurs politiques redistributives néolibérales s’accompagne d’une participation croissante des catégories sociales les plus diplômées au financement (et à l’électorat) du Parti démocrate, alors que les syndicats en sont évincés. Surtout, ils montrent que les peu diplômé·es continuent à préférer les politiques pré-distributives. Ce décalage explique en grande partie le basculement des catégories populaires vers les Républicains, avant même l’élection de Trump en 2016. Le phénomène s’est accentué depuis.

    Les auteurs avancent plusieurs explications à cette préférence populaire. La plus pertinente à mon sens concerne l’aspiration à des conditions de travail décentes, que les politiques redistributives sacrifient. Ils citent l’autonomie au travail, ou les horaires, mais on peut aussi évoquer le sentiment de se sentir utile à la société, de faire du « bon boulot » ou de pouvoir développer ses capacités par son travail. 

    L’ignorer, comme le font en France les partisan·es du « droit à la paresse » ou du revenu d’existence, c’est, pour la gauche, se tirer une balle dans le pied. Certes, Trump n’a pas amélioré les conditions ni le sens du travail des classes populaires américaines, mais c’est bien l’abandon par les Démocrates de la question du travail qui a laissé le champ libre à sa rhétorique du « producérisme racialisé ».