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IA générative : une nouvelle phase de l’exploitation capitaliste ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://lanticapitaliste.org/arguments/ia-generative-une-nouvelle-phase-de-lexploitation-capitaliste

L’intelligence artificielle (IA) générative, dont on connaît les applications comme ChatGPT ou DeepSeek, fait l’objet d’investissements massifs, voulus par les grands acteurs du numérique et soutenus par les États eux-mêmes. Le capitalisme numérique pourrait entrer dans une nouvelle phase d’expansion. Ce déploiement numérique sans commune mesure pose toutefois de nombreuses questions. Quelles sont les conditions sociotechniques de ces déploiements technologiques ? Est-ce que l’IA générative répond aux besoins des populations ? Est-ce un déploiement choisi démocratiquement ? Quel est l’impact de l’IA sur l’environnement et sur le travail ? Ce sont des questionnements qui doivent être posés à chaque nouveau développement technologique. Première approche par le tout nouveau groupe de travail sur le capitalisme numérique mis en place par le Congrès du NPA-l’Anticapitaliste. Par An Gwesped et Hélène Mara.
Un capitalisme numérique toujours plus écocidaire et antidémocratique
L’IA générative s’appuie sur l’exploitation de travailleurEs dans le Sud global (comme à Madagascar, au Kenya, en Inde ou aux Philippines) qu’on appelle les « travailleurEs du clic ». Il s’agit d’une externalisation vers des pays tiers afin de réduire les coûts du traitement des données et des infrastructures. Les entreprises occidentales s’appuient donc sur des logiques héritées de la structure coloniale.
Des investissements colossaux
La numérisation ne vise pas à permettre une connectivité de base à toustes tel un service universel. Au contraire, en numérisant l’ensemble des démarches administratives et bien plus encore, elle aggrave la fracture numérique et sociale déjà existante. En particulier, l’IA générative ne répond pas à des besoins de la population. Au moment où le taux de pauvreté augmente en France, où les services publics de santé ou de l’Éducation nationale subissent une casse sans précédent, les investissements pour l’IA générative sont colossaux et se comptent en centaines de milliards d’euros (109 milliards d’euros pour la France annoncés par Macron lors du Sommet de l’IA).
L’IA générative n’est pas le résultat d’un choix démocratique. Comme pour bien des technologies avant elle, il n’y a aucune instance démocratique permettant de valider des outils qui nous seront imposés au quotidien dans les décennies à venir. Ces outils visent à nous exploiter toujours plus, à nous surveiller toujours davantage et à capturer l’ensemble des connaissances produites au service de multinationales du numérique qui ont le quasi-monopole.
Une machine de guerre contre la planète
L’IA générative a un coût environnemental massif. En effet, pour satisfaire la demande mondiale en IA générative, il faut des capacités de calcul qui ont lieu dans les centres de données. Ces centres de données ont besoin localement de grandes capacités d’électricité. Or, il n’y a pas assez de centrales électriques pour les alimenter. Le risque existe que les États veuillent construire davantage de centrales électriques fonctionnant aux énergies fossiles. Par ailleurs, ces centres de données nécessitent également de grandes quantités d’eau pour refroidir leurs serveurs. Enfin, la fabrication des puces est très gourmande en énergie et en eau et a lieu dans des pays qui ont connu des pénuries d’eau, comme à Taïwan. Ce boom de l’IA générative risque de faire exploser l’empreinte environnementale du numérique, déjà croissante selon les études réalisées récemment par l’ADEME (Agence de la transition écologique).
Enfin, le remplacement des actions humaines par des machines retire aux humains leurs potentialités à agir physiquement, mentalement, socialement. Ce phénomène provoque des effets : manque d’assurance en leur capacité à penser, à créer, à produire.
D’autre part, le développement exponentiel de la performance des machines au détriment des humains du Sud global provoque aussi l’expulsion de la force de travail, encore plus importante, de tous les secteurs productifs des pays impérialistes.
En conclusion, le capitalisme renforce l’idée que le prolétariat ne peut pas réussir dans la création, la production, etc., comme les machines, en consolidant son idéologie élitiste en tant que classe.
An Gwesped
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Les effets de l’IA sur le travail
La complexification et la requalification du travail à partir de l’usage des nouvelles technologies ne forment qu’une des facettes du phénomène de l’automation.
Le chercheur Antonio Casilli refuse la prophétie de la disparition du travail qui remonte à l’aube de l’industrialisation et met l’accent sur la quantité de travail qui se cache derrière l’automation ainsi que sur son processus de digitalisation.
« En attendant les robots », l’expansion du digital labor
Il s’agit pour lui d’une métamorphose du geste productif humain en micro-opérations sous-payées ou non payées afin d’alimenter une économie informationnelle qui se base principalement sur l’extraction des données. Le « digital labor » est défini comme un « travail tâcheronnisé et datafié (mouvement de mise en tâche et de mise en donnée) des activités productives humaines à l’heure de l’application de solutions d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique au contexte économique » 1. Celui-ci sert donc à entraîner les systèmes automatiques et est rendu possible par deux phénomènes : l’externalisation et la fragmentation du travail, deux tendances réconciliées par les technologies de l’information et de la communication. Il se situe au croisement complexe de formes d’emplois non standard, de free lancing, du travail à la pièce micro-rémunéré (notamment sur des plateformes comme Mechanical Turk), de l’amateurisme professionnalisé (comme celui des créateurEs de contenus sur les réseaux sociaux), de loisirs monétisés et de la production plus ou moins visible de données. Le digital labor est destiné à se développer d’une façon croissante car les IA ont besoin d’être calibrées, dressées et entretenues par les humains.
Le travail des usagerEs
Dans ce nouveau modèle économique, le travail des usagers permet de produire trois typologies de valeur : la valeur de qualification (tri de l’information, commentaires, évaluation de services et produits) ; la valeur de monétisation (prélèvement des commissions sur des plateformes de travail à la demande comme Etsy, Uber ou Airbnb ou revente des données aux annonceurs sur Facebook ou YouTube) et, enfin, la valeur d’automation (l’utilisation des données et des contenus produits par les usagers pour entraîner les IA).
Antonio Casilli affirme qu’au final, ce ne sont pas les machines qui travaillent pour les hommes mais ce sont les hommes qui réalisent du « digital labor » pour les machines : un travail du doigt, du « digitus », qui clique, pointe, compte, en tant que tâche fragmentée d’entraînement de la machine. L’IA accélère alors une forme particulière de gestion des activités productives qui consiste à mettre au travail un nombre croissant de personnes, tout en les mettant en même temps hors travail et hors protections sociales.
Le digital labor s’articule à des pratiques professionnelles plus traditionnelles en les reconfigurant : celles des enseignantEs qui saisissent les résultats des épreuves nationales dans les plateformes ministérielles, qui trient les dossiers sur Parcoursup ou encore celles des radiologues qui interprètent les images des patientEs afin de produire de nouveaux exemples pour l’IA.
La persistance des divisions sociale et raciale du travail à l’heure de l’IA
Une étude comparative de l’OCDE menée en 2016 montrait que si 50 % des tâches s’apprêtaient à être considérablement modifiées par l’automatisation, seulement 9 % des emplois seraient réellement susceptibles d’être éliminés par l’introduction des IA et des processus automatiques. C’est le scénario qui semble se dessiner aujourd’hui.
L’IA accélère donc le processus de division du travail qui avait déjà été identifié à la fin des années 1990 par M. Castells. Il parlait d’une séparation entre l’espace des flux et l’espace des lieux, entre le travail d’une minorité d’ingénieurs des réseaux et de manipulateurs de symboles et celui, automatisé, de la masse de la main-d’œuvre jetable, qui peut être licenciée, précarisée et délocalisée dans le Sud global 2. La flexibilité, favorable à la diffusion des connaissances et des innovations dans la Silicon Valley, est synonyme de précarité pour la plupart des autres travailleurEs de la planète.
Organiser le prolétariat numérique en pleine expansion, construire une conscience écosocialiste, deviennent des tâches centrales de la période. Notre projet de société est celui d’une victoire des communs, numériques et naturels, sur les processus d’accaparement et de prédation du capitalisme, quels que soient ses nouveaux habits.
Hélène Marra