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Veille bibliographique marxiste
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://adlc.hypotheses.org/16594
Nouvelle veille bibliographique avec une sélection de parutions récentes.
Liste réalisée par la Librairie Le Point du Jour (58 rue Gay-Lussac, 75005 Paris
Karl Marx, Friedrich Engels, Œuvres choisies,
éd. Science marxiste, 2025, 1470 p., 20 €.
Ces Œuvres choisies de Marx et Engels pour la « Bibliothèque jeunes » se veulent une des armes pour la bataille dans la crise de l’ordre qui marque la confrontation mondiale entre les puissances et qui tenaille la politique de la classe dominante. Il s’agit certes d’une première approche des textes décisifs, nécessairement limitée aux plus importants, par ailleurs reproduits, dans certains cas, seulement sous forme d’extraits. Ou bien de textes sélectionnés en tant que témoignage de filières de réflexions menées par Marx et Engels dans des séries entières d’articles ou dans leur correspondance. C’est le témoignage de décennies de travail d’approfondissement, d’enrichissement et souvent de révision des jugements sur des questions théoriques stratégiques ou historiques, telles que les luttes de classes en Allemagne, en France et en Angleterre, la révolution de 1848 et les questions nationales, la loi de la révolution permanente, les guerres nationales et l’approche de la nouvelle ère des guerres impérialistes, la révolution en Russie, et bien plus encore. Tous ces sujets sont toujours abordés dans la perspective du développement du parti international : un travail méthodique d’étude commencé au début des années 1840, et seulement interrompu par la mort d’Engels en 1895.
Vincent Berthelier, Le style de Marx,
Les Éditions sociales, « Les éclairées », 2025, 200 p., 20 €.
L’œuvre théorique et politique de Karl Marx n’est pas seulement faite de concepts, mais aussi d’images concrètes, de formules et de tournures frappantes, d’un entremêlement de langues, de voix et de textes, à travers lesquels sa théorie s’élabore et s’offre à la lecture. Son style, en un mot, ne constitue pas la surface, mais la charpente langagière et sensible de sa réflexion. Spécialiste des rapports entre style, littérature et politique, Vincent Berthelier propose ici une synthèse originale et non dogmatique des lectures littéraires de Marx. Il met ainsi en lumière la façon dont la pensée marxienne (et parfois ses impensés) s’inscrit dans des formes littéraires, singulières ou collectives, sans négliger le plaisir du texte qui s’en dégage.
Ulysse Lojkine, Le fil invisible du capital. Déchiffrer les mécanismes de l’exploitation,
post. Cédric Durand, La Découverte, « Économie politique », 256 p., 21€
Les rapports économiques du capitalisme ne s'observent pas à l'oeil nu. L'enchevêtrement de la circulation des marchandises, l'usage d'unités de compte monétaires, le mécanisme indirect des interactions par les prix ou la division internationale du travail les rendent illisibles. L'ouvrière marocaine, la caissière française et les grandes banques sont prises dans des liens rigoureux mais opaques, qui créent l'ambiguïté au sujet de questions fondamentales : qui travaille pour qui, qui décide pour qui ? À condition d'assumer l'abstraction et la rupture avec l'expérience immédiate, il est possible d'y répondre et de mettre en évidence, contre l'illusion libérale de l'égalité contractuelle, les rapports d'appropriation et de pouvoir qui traversent notre société. Comme l'avait dit Marx, ces rapports se révèlent inhérents au fonctionnement même du système capitaliste. Mais, en particulier à l'heure des réseaux de production internationaux, de la finance et de la rente, l'exploitation ne peut être analysée à partir du seul face-à-face entre employeur et salarié. Elle se déploie en cascade, à plusieurs échelles, dessinant une structure qui est aussi celle de la coordination économique. Point alors un horizon d'émancipation socialiste qui n'est pas celui d'un retour à des communautés locales, ni d'une mobilisation générale au service de l'État, mais d'institutions de synchronisation à grande échelle des fins et des capacités de chacun.
Jean-Numa Ducange, Les marxismes,
PUF, « Que sais-je ? », 2025, 128 p., 10 €.
Parmi les grands courants de pensée de l’histoire contemporaine, le marxisme occupe une place à part. Né après la mort de Karl Marx dans le contexte de développement des partis ouvriers, il est devenu l’une des idéologies les plus influentes du XXe siècle, revendiquée par des régimes politiques et de nombreux intellectuels de sensibilités diverses. Tour à tour, l'auteur expose les principes fondamentaux du marxisme, puis il présente ses multiples déclinaisons au XXe siècle, depuis sa version stalinienne la plus rigide jusqu’aux nombreux courants critiques qu’il nourrit intellectuellement pendant des décennies. Enfin, il rend compte de l’éclatement en « mille marxismes » après la chute du mur de Berlin, soit la période de son incontestable déclin, contrebalancé toutefois par quelques renouveaux récents dans le contexte de la crise du capitalisme.
Joachim Hirsch, La théorie matérialiste de l’État. Les transformations du système capitaliste des États,
préf. Benjamin Bürbaumer, Syllepse, « Mille marxismes », 2025, 290 p., 25 €.
Loin d’avoir disparu, l’État est aujourd’hui omniprésent. Des subventions publiques record accordées aux entreprises privées pour la lutte contre les risques sanitaires, en passant par l’intensification des politiques répressives, l’atteinte aux droits fondamentaux et la multiplication des guerres et tensions commerciales, tout montre en effet que l’État est l'acteur pivot du monde contemporain. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la critique de l’État connaisse un regain incontestable en France. Pourtant, ce renouveau critique fait l’économie d’une théorie de l’État permettant de saisir ces différentes facettes de l’intervention étatique de manière conjointe. C’est précisément ce vide que le présent ouvrage comble. Il offre au lecteur une boîte à outils intellectuelle indispensable pour identifier de manière critique les grandes tendances politico-économiques de notre temps et, fait rare, incite à penser de manière simultanée les événements nationaux et internationaux. Dans cette optique, Joachim Hirsch ne retrace pas seulement l’évolution de l’État moderne et du système interétatique depuis le début du 20e siècle. Il soumet surtout les idées majeures de la pensée politique à une critique cinglante et montre à quel point des catégories marxistes comme l’exploitation, le capital, la lutte des classes et l’impérialisme permettent de mieux comprendre notre quotidien. Un apport particulièrement novateur du livre réside dans l’argument que l’État moderne est capitaliste pour des raisons structurelles. Ainsi, il montre que contrairement à une idée largement répandue en France, selon laquelle l’État serait simplement sous l’influence des lobbys, les politiques publiques sont favorables aux entreprises parce que les fondements mêmes de l’État sont ancrés dans le fonctionnement du capitalisme.
Antonio Gramsci, Combattre le fascisme,
trad. de l’italien, préf. Massimo Palma, postf. Manuel Esposito, La Variation, « (dis)continuité(s) », 2025, 126 p., 8 €.
Il est possible, à partir de l’œuvre de Gramsci, de penser l’émergence du fascisme historique de manière à mieux reconnaître ses nouveaux variants et mieux le combattre aujourd’hui. Étant donnée la situation politique actuelle – en France et en Europe – il n’est peut-être pas de lecture plus urgente que celle de ces textes. Ce volume réunit des articles, parus pour la plupart dans L’Ordine Nuovo, ainsi que des extraits des Cahiers de prison d’Antonio Gramsci. Il est structuré de manière à donner un aperçu de la pensée politique du philosophe et surtout d’aborder un point urgent : le fascisme, qui ne cesse de revenir, partout en Europe et dans le monde, sous des formes diverses, nouvelles, au moins en apparence.
Jean-Marc Piotte, Sur Lénine,
M-éditeur, 2025, 272 p., 27 €.
Publié aux éditions Parti pris en 1972, Sur Lénine se présente comme une introduction à la pensée de celui qui fut l’un des principaux artisans de la révolution d’Octobre. Cette insurrection, Lénine y contribua d’abord en tant qu’intellectuel militant, ce dont témoignent les thèmes analysés ici par Jean-Marc Piotte : la tactique, le parti, l’État et la question nationale. S’appuyant sur un vaste corpus de textes, l’auteur donne à voir une « pensée vivante », attentive aux changements de conjoncture, et qui s’oppose trait pour trait à l’image sclérosante qu’a pu en donner le « marxisme-léninisme » de Staline.
Les femmes, la révolution, le socialisme,
introd. Josefina Martinez et Diana Assunção, éd. Communard.e.s, 2025, 330 p., 20 €.
De la Commune de Paris à la révolution russe, des générations de marxistes et de militant·es ont lutté pour l’émancipation des femmes, en articulant leurs luttes à celles du monde du travail. Si au cours du XXe siècle, ce féminisme socialiste s’est imposé comme un courant théorique et politique majeur, il est aujourd’hui largement méconnu. Ces textes fondateurs de Karl Marx, Friedrich Engels, Eleanor Marx, Clara Zetkin, Rosa Luxemburg, Inès Armand, Alexandra Kollontaï, Lénine et Léon Trotsky, dont certains étaient jusqu’alors inédits en français, sont pour la première fois rassemblés dans un même recueil. Ils sont introduits par Josefina Martínez et Diana Assunção qui retracent l’histoire de ce courant, discutent ses apports au regard des débats féministes contemporains et appellent à renouer avec le féminisme socialiste, dans une perspective anticapitaliste et anti-impérialiste.
August Bebel, Femmes et socialisme,
trad. de l’allemand Bruno Doizy, introd. historique Anne Deffarges, Smolny, 2025, 590 p., 20 €.
C’est en prison que le socialiste August Bebel rédige la première mouture de Die Frau und der Sozialismus. Cet essai incroyablement subversif et visionnaire, paru en 1879 et aussitôt interdit, stigmatise le mariage, dénonce l’oppression des femmes sous toutes ses formes et imagine leur émancipation dans une société future, sans classes ni exploitation. Sans cesse enrichi, l’ouvrage connut un destin hors du commun : traduit dans vingt langues, constamment réédité, il devint le livre socialiste le plus lu de son époque. Cette nouvelle traduction, établie sur la 50e et dernière édition allemande, redonne vie à ce texte fondateur du féminisme socialiste, essentiel pour penser ensemble les luttes sociales et féministes d’hier et d’aujourd’hui.
Olivier Besancenot, Michael Löwy, Marxistes et libertaires. Affinités révolutionnaires,
nouv. éd. actualisée et complétée, Libertalia, 2025, 224 p., 10 €.
« Les histoires du mouvement révolutionnaire racontent en détail les désaccords, conflits et affrontements entre marxistes et anarchistes. L’objectif de notre livre est exactement l’inverse. Il existe un autre versant de l’histoire, non moins important, mais souvent oublié, et parfois même délibérément écarté : celui des alliances et des solidarités agissantes entre anarchistes et marxistes. Cette histoire, bien que méconnue, est longue de plus d’un siècle, et court jusqu’à aujourd’hui. Notre espérance est que l’avenir sera rouge et noir et devra puiser à ces deux sources de radicalité. »
Céline Marty, Découvrir Gorz,
Les Éditions sociales, « Les propédeutiques », 2025, 184 p., 12 €.
Essentielle à toute critique de l’écocide capitaliste, fondamentale pour élaborer des alternatives anti-productivistes et décroissantes en lien avec le monde du travail, l’œuvre d’André Gorz est fascinante mais reste méconnue. Philosophe et militante, Céline Marty invite à le redécouvrir à partir de quatorze extraits, commentés et expliqués. Le marxisme libertaire de Gorz, soucieux de penser une stratégie révolutionnaire et autogestionnaire, inspire et résonne avec les défis actuels de la gauche radicale en matière de travail et d’écologie politique.
Stéfanie Prezioso, Découvrir l’antifascisme,
Les Éditions sociales, « Les propédeutiques », 2025, 192 p., 12 €.
Les textes rassemblés et commentés ici couvrent l’entre-deux-guerres, de la marche sur Rome aux lendemains de la guerre civile espagnole. En redonnant la parole aux intellectuels et militants, d’Antonio Gramsci à Emma Goldman, en passant par Léon Trotsky, Sylvia Pankhurst, Clara Zetkin, George Padmore, Daniel Guérin et bien d’autres, Stéfanie Prezioso retrace l’histoire de l’antifascisme, ses hauts faits et ses impasses. Elle montre comment les gauches ont cherché à comprendre le fascisme, cette réalité inédite, et à organiser, en divers lieux et à diverses échelles, la riposte.
Ernst Schmitter, L’économie comme catastrophe. Une introduction à la critique de la valeur-dissociation,
trad. de l’allemand Sandrine Aumercier, Crise & critique, « Palim psao », 2025, 200 p., 17 €.
Les bases invisibles et la dynamique du système capitaliste qui fonce à toute vitesse vers le fascisme, le totalitarisme et vers sa propre destruction, sont l´objet de la critique de la valeur-dissociation depuis près de quatre décennies. Elle est considérée comme compliquée et se trouve le plus souvent évitée ou passée sous silence par les forces aussi bien de gauche que de droite. Malgré toute son importance, elle est pratiquement inconnue au-delà d'un cercle restreint. Il est donc grand temps de proposer une introduction facile à comprendre aux idées de la critique de la valeur-dissociation, telle qu'elle est présentée ici pour la première fois. L'ouvrage contient en outre des indications en vue de l'organisation d´une résistance qui a pris connaissance de la réalité occultée du système et peut agir en conséquence.
Bruno David, Intellectuels ouvriéristes. Les communistes des conseils en France, 1927-1934,
Presses universitaires de Provence, « Le temps de l’histoire », 2025, 314 p., 29€.
Ce livre retrace l’histoire d’une poignée d’intellectuels passés du bolchevisme au conseillisme, qui rêvèrent l’avènement d’un monde libre et solidaire dans le sillage d’une révolution faite par et pour les ouvriers à une époque – le mitan de l’entre-deux-guerres – de désenchantement et de dépression du mouvement social. Hantés par l’exigence de faire de leurs actes la mesure de leur foi, ces hommes d’étude et de savoir ont voulu vivre selon leur idéal : éprouver la fraternité de classe en créant un lieu où les rapports de pouvoir sont abolis – voire, pour certains, en embrassant la condition ouvrière ; opposer le travail et l’échange gratuits au salariat et au marché ; défendre l’autonomie des luttes contre la médiation syndicale et le recours à l’État. Leur communisme puisait son inspiration dans la geste de l’autonomie ouvrière, en particulier dans le mouvement des conseils, surgi et défait quelques années plus tôt dans l’Allemagne en révolution. Leur engagement, empreint d’utopie et de noblesse, fut jalonné de difficultés de tout ordre mais aussi de modestes rétributions. Cet ouvrage entend exposer ce qui, dans le cheminement intellectuel et dans la trajectoire sociale de ces clercs militants, a nourri un ouvriérisme auquel leur entrée dans la vie ne les prédisposait pas, et d’identifier, dans les préoccupations et les aspirations exprimées par les mouvements sociaux contemporains, les échos de leur utopie intempestive.
Julien Chuzeville, Brève histoire des socialismes en France,
Libertalia, « Ceux d’en bas », 2025, 320 p., ill., 13 €.
En 1905, tous les socialistes en France s’unissent dans le Parti socialiste – Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Ce parti unifié se divise plus tard, avec la création du Parti communiste. Tous les courants socialistes et communistes postérieurs viennent de la SFIO, ou de ses scissions, ce qui lui donne un rôle fondamental dans l’histoire. Il y a plus d’un siècle, des militantes et militants socialistes luttaient pour abolir l’exploitation ; contre l’impérialisme et contre le colonialisme ; pour l’égalité femmes-hommes. Ce livre explore leurs buts et les moyens employés, à commencer par leur conception de la démocratie et de l’action politique. Un ouvrage accessible et érudit, s’arrêtant sur les grands moments qui ont jalonné l’histoire de la gauche française.
Christian Gasquet, Les origines de l’internationalisme ouvrier. De la Ligue des communistes à la Première Internationale (1847-1872),
Les Bons caractères, « Éclairage », 2025, 128 p., 8,20 €.
La Ligue des communistes, pour laquelle Marx et Engels écrivirent le Manifeste du parti communiste fin 1847, regroupait des ouvriers et des intellectuels révolutionnaires allemands. La Ligue inscrivait son action dans le cadre de l’internationalisme, comme le Manifeste le souligne dans le vibrant « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » qui le conclut. La répression des révolutions de 1848 dispersa ses militants et ses idées dans toute l’Europe, dans les organisations ouvrières et socialisantes qui s’y multipliaient. Une fois digéré l’échec des révolutions de 1848, nombre de ses militants créèrent en 1864, l’Association internationale des travailleurs, la Première Internationale.
Guillaume Suing, Fuir le progrès ? Le marxisme face aux enjeux scientifiques de notre siècle,
préf. Bruno Drweski, Delga, 2025, 220 p., 20 €.
Crise systémique oblige, c’est la notion même de progrès qu’on trouve en ligne de mire des intellectuels de plateau. Progressistes, réactionnaires : l’opposition serait « déconstruite », la page tournée, par des postmodernes nouveaux favoris de la classe dominante, classe avide de contre-feux idéologiques au spectre marxiste qui la hante. C’est oublier un peu vite que cette « déconstruction » n’occupe que la gauche occidentale, affaiblie par l’abandon de ses principes fondateurs, et que celle du Sud global poursuit sa lutte révolutionnaire contre l’impérialisme, sans jamais opposer progrès social et progrès scientifique et technique. Il est temps de mieux se comprendre, face aux nouveaux enjeux planétaires dont s’emparent les masses. Sans penser ces enjeux, les contournant par dogmatisme, le mouvement marxiste finirait, ici comme là-bas, par ressembler à la caricature qu’on lui a faite, actant une défaite passée pensée comme définitive, oubliant que la puissance sociale et les conquêtes scientifiques du socialisme furent le seul et unique cauchemar de la bourgeoisie, le seul et unique espoir des prolétaires et des peuples pour s’émanciper du capital.
Sophie Noyé, Pour un féminisme matérialiste et queer,
La Dispute, « Le genre du monde », 2025, 250 p., 18 €.
Depuis la fin des années 1990, un vif débat oppose le féminisme matérialiste et le mouvement queer en France. Ces courants semblent irréconciliables en raison d’analyses et de stratégies antagoniques : la division du travail contre le régime des normes, la classe des femmes contre les multitudes queer, l’abolition des rapports sociaux de sexe contre les politiques de subversion. Pour éclairer la controverse – qui a largement structuré le champ féministe – et aider à se repérer dans les débats, Sophie Noyé offre une cartographie synthétique des différences et des points de tension entre ces deux perspectives. L’autrice défend que, loin d’être incompatibles, les approches matérialiste et queer gagnent à être articulées. Leur rapprochement enrichit le féminisme radical, transforme les pratiques militantes et renouvelle en particulier la question du « nous ». À l’heure où faire front commun apparaît décisif, ce livre interroge ainsi les possibilités de construire une contre-hégémonie féministe unitaire.
Christophe Magis, Pour une critique matérialiste des médias, Les Éditions sociales, « Les éclairées », 2025, 190 p., 17 €. [présentation en ligne]
Pour être opératoire, la critique des médias doit examiner les rouages du mode de production médiatique et la fonction qu’il occupe dans le capitalisme contemporain, au niveau économique aussi bien qu’au niveau idéologique. À partir des catégories de la critique marxiste, appliquées à l’étude des systèmes médiatiques dans la tradition de l’économie politique de la communication, l’auteur aborde de front les problématiques que soulèvent les médias aujourd’hui – concentration, marchandisation croissante de la culture via la publicité, mythe de l’abondance informationnelle, etc. – et rend intelligible leur articulation à la marche du capitalisme et à sa crise. Attentif à replacer les enjeux les plus récents dans l’histoire des transformations du processus d’accumulation, il livre une introduction claire et efficace au fonctionnement économique des médias et un plaidoyer pour une approche matérialiste de la culture et de la communication.
Marie Bénilde, Le péril Bolloré,
La Dispute, 2025, 150 p., 13 €.
Dopés par une concentration accrue des moyens de production médiatique et la pression grandissante du profit, les médias bolloréens occupent en France le poste d’avant-garde. En mobilisant son empire pour mettre les idées de l’extrême droite au centre du débat public et en œuvrant à son rapprochement avec la droite libérale, Vincent Bolloré contribue à les faire accéder au pouvoir. Procès de sa montée en puissance, ce livre éclaire comment le bollorisme traduit une évolution du capitalisme français et pourquoi une partie de la bourgeoisie se plaît à le condamner tout en reprenant ses vues : liberté du possédant d’imposer les thèmes du débat public, confusion entre antisémitisme et antisionisme, obsession de la politique spectacle, dénonciation de l’audiovisuel public, etc. Aujourd’hui, il ne manque plus à cette bollosphère que la prise du pouvoir. Mais peut-être est-il encore temps de l’enrayer, à condition de refaire des médias une question politique et l’objet d’un rapport de force.
Américo Nunes, Orages pour un autre rêve. Du tiers-mondisme à la gauche communiste, et au-delà,
conversations avec Yann Martin, éd. établie par Freddy Gomez, L’Échappée, « Dans le feu de l’action », 2025, 304 p., 20 €.
Du Mozambique de sa jeunesse, alors colonie portugaise, du Paris de son exil, d’Alger, alors « capitale des révolutions », où il se rend au lendemain de l’indépendance pour travailler à l’agence cubaine « Prensa Latina », Américo Nunes (1939-2024) garde des souvenirs précis de bonheurs vécus au quotidien, de l’espoir des temps, de rencontres. À son retour en France en 1965, il s’investit dans Pouvoir ouvrier, une scission de Socialisme ou barbarie qui le fait entrer de plain-pied dans la galaxie de la « gauche communiste ». Quand éclate Mai 68, il est de tous les combats, notamment celui du Comité d’action étudiants travailleurs de Censier, expérience radicale s’il en est, qu’il vit, en contrepoint de son « tiers-mondisme » de jeunesse, comme l’expression d’une utopie longtemps rêvée. Il est alors proche de la mouvance informelle de « La Vieille Taupe », qu’il quitte avec fracas aux premiers signes de dérive négationniste. Puis c’est l’enseignement à l’université de Vincennes. Et tant d’autres choses encore qui nous sont racontées dans cet entretien au long cours avec celui qui pensait que les gens qui rêvent le jour auront toujours quelque chose de plus que ceux qui ne rêvent que la nuit.
« Lacan », Actuel Marx n° 77, PUF, 2025, 230 p., 25 €. [sommaire en ligne]
La relecture par Lacan des problèmes marxistes a fait l'objet d'un certain nombre de travaux récents et novateurs. Ces travaux redessinent un champ de réinterprétations croisées et de repotentialisation réciproque de la psychanalyse lacanienne et du marxisme, champ investi surtout dans le monde hispanophone et anglophone. En France les recherches novatrices se sont plutôt attachées à renouveler la compréhension, sur la séquence des années 1955-1975, des tentatives de « synthèse » entre lacanisme et marxisme structuraliste (autour de l'intervention althussérienne), ou autour de la « schizoanalyse » de Guattari, ou encore autour des stratégies de double contournement et de la psychanalyse lacanienne et du marxisme (intégrant la reproblématisation foucaldienne du « sujet » et des « économies du pouvoir »). Ce numéro aura avant tout pour visée de faire connaître les marxismes lacaniens contemporains qui, s'ils sont rarement indifférents au « lacano-althussérisme » issu de la séquence structuraliste, trouvent également d'autres voix généalogiques, passant par exemple par un certain legs gramscien (comme chez Ernesto Laclau), ou puisant même dans la grande tradition de l'idéalisme allemand (comme chez Slavoj Zizek). Ce sont donc des lacano-marxismes à l'échelle globale qu'il s'agira d'instruire, que ce soit pour interroger la portée de l'enseignement lacanien pour diagnostiquer les tendances du capitalisme globalisé de l'ère néolibérale, les transformations des enjeux du lacanisme qu'appellent les articulations actuelles des rationalités économico-politiques à un discours de l'inconscient, ou les incidences de leur confrontation pour interroger le vacillement des représentations anthropologiques qui sous-tendent le « discours du capitalisme » contemporain.