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Nadine Gordimer – In memoriam
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http://russeurope.hypotheses.org/2543
Une vieille dame vient de s’éteindre à 91 ans. Mais une voix immense s’est tue. Nadine Gordimer est morte le 13 juillet. Ecrivain de langue anglaise, et citoyenne d’Afrique du Sud, elle avait reçue le Prix Nobel de littérature, parmi de très nombreuses distinctions venant de très nombreux pays.
Ma première rencontre avec Madame Gordimer fut la lecture de son ouvrage A guest of honour (1970), acheté en 1973 pour améliorer mon anglais. Ce livre, décrivant les suites tragiques de l’indépendance dans un pays d’Afrique (dans lequel on reconnaît le Kenya), fut pour moi une véritable révélation, non seulement par la beauté (et la complexité) de sa langue mais par la finesse de son analyse politique, et de sa description des relations entre problèmes individuels et drames collectifs. Je devais lire bien d’autres de ses ouvrages, du The Conservationist à July’s People, en passant par Burdger’s Daughter et The Late Bourgeois World. Je ne devais jamais oublier la puissance d’évocation de sa plume, mais aussi sa très profonde et très rigoureuse honnêteté qui lui valut bien des ennuis, que ce soit avec le gouvernement d’apartheid jusqu’à la transition démocratique, ou avec le gouvernement postapartheid, qu’elle ne ménagea pas non plus.
Certains de ses ouvrages connurent les foudres de la censure, ce qu’elle prenait comme un titre de gloire. Son opposition au régime d’apartheid fut totale et irréductible. Mais, elle ne se faisait aucune illusion sur les difficultés qui viendraient par la suite, sur la corruption des nouvelles élites pour qui la « lutte » ne fut qu’un marchepied vers le pouvoir et l’argent. Que tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir de l’Afrique sub-saharienne, sur la confiscation des indépendances par des clans et des cliques qui sombrent rapidement dans la corruption, lisent A Guest of Honour. C’est la juste contrepartie de cet autre livre fondamental sur l’Afrique, Heart of Darkness (Au Cœur des Tenèbres) écrit par Joseph Conrad en 1899. Ces deux livres constituent les lectures de base de qui veut travailler sur la question du développement en Afrique. Les drames de la colonisation et de la décolonisation y sont décrits avec une précision chirurgicale. Cette dernière n’excluait pas le souffle. Il y a de l’épopée dans les ouvrages de Nadime Gordimer. C’est ce qui fut reconnu par le jury du prix Nobel en 1991.
Sa vie d’écrivain se confond avec sa vie de militante. Elle entra en politique au moment du massacre de Sharpeville en 1960. Proche des deux avocats de Nelson Mandela, elle aida ce dernier dans la correction et l’édition de son livre I am prepared to die. Elle fut l’une des premières personnes que Mandela, libéré de prison, demanda à voir. Son engagement se continua dans une lutte incessante pour la liberté d’opinion et pour la constitution d’une véritable littérature sud-africaine. Elle fut aussi très active dans les organisations qui militèrent sur la question du SIDA/AIDS qui est un fléau important dans l’Afrique du Sud.
Repose en paix, Madame Nadime Gordimer ; tes livres te survivront et enchanteront, mais aussi guideront, les futures générations.