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L’intersectionnalité, un enjeu pour une organisation communiste révolutionnaire inclusive

Ce texte a été adopté à la majorité par la TC. Il a suscité un débat interne contradictoire. Son adoption ne marque pas la fin du débat, mais a pour but d’y contribuer par une première élaboration organisée au sein de la TC. Les camarades de la TC et plus largement du NPA sont invité·e·s à se saisir de ce texte, à le critiquer, à participer au débat.

1. Les oppressions sont structurelles et doivent être combattues en elles-mêmes

En tant que marxistes, nous pensons que la fin de l’exploitation de la classe ouvrière implique la liquidation du mode de production capitaliste. Cela passera par la prise du pouvoir de la classe ouvrière à tous les niveaux en s’auto-organisant, réorganisation de fond en comble l’économie par l’expropriation des capitalistes, la socialisation des moyens de production, la planification démocratique et écologique à tous les niveaux, l’autogestion dans les unités de production et leur coordination aux niveaux supérieurs.

Le racisme, le patriarcat et les normes de genre et de sexualité existaient avant le capitalisme. Ce sont des rapports sociaux oppressifs, qui ont une autonomie relative au sein des différentes sociétés reposant elles-mêmes sur différents modes de production. Ils sont transhistoriques et se reconfigurent de diverses façons selon les formations sociales historiques, mais en contribuant généralement à renforcer les rapports de production dominants. Cela signifie que nous ne pouvons pas les réduire à des idéologies véhiculées par la bourgeoisie pour diviser le prolétariat, et qui disparaîtraient sous l’effet des luttes ouvrières.

L’oppression des femmes (patriarcat), existait avant la division des sociétés en classes et ne peut donc pas être vue comme le seul effet de cette division, bien qu’elle semble avoir été généralement aggravée dans les sociétés de classe, où le pouvoir économique a été lui aussi monopolisé par les hommes. C’est donc principalement le groupe social des hommes qui tire un bénéfice de cette oppression, qui prend de multiples formes (violences physiques et sexuelles, violences symboliques quotidiennes de la hiérarchie des normes de genre...), dont une exploitation économique particulière (travail domestique) et une surexploitation salariale (salaires inférieurs, temps partiels subis, qualifications et compétences dévalorisées ou moins reconnues...).

Les racismes sont des constructions sociales qui permettent de cimenter des groupes et de justifier des dominations sur d’autres groupes. Ils existaient avant le capitalisme, même s’ils ont pris un essor sans précédent avec l’impérialisme moderne et le capitalisme. Ce lien avec l’impérialisme permet de supposer qu’une société mondiale sans classe favoriserait la disparition du racisme, même si ce ne serait pas automatique. Mais le monde actuel, lui, est profondément divisé selon des « races » (en tant que rapports sociaux). Les non-Blanc·he·s subissent plus que les Blanc·he·s des contrôles au faciès, des violences policières, des discriminations dans l’accès au logement, au travail, dans les services publics, dans les média… Nous entendons par Blanc·he·s la majorité invisible construite socialement, la norme à partir de laquelle les non-Blanc·he·s sont défini·e·s à partir de différents caractères : couleur de peau, culture, religion, pays d'origine, non-appartenance à la nation où l’on vit. Le groupe social des Blanc·he·s bénéficie de cette domination. Pour cette raison, il n’y a pas d’un côté la norme et de l’autre « les racisé·e·s ». Les Blanc·he·s sont aussi racisé·e·s mais bénéficient de ces rapports de racialisation (avantages, préjugés positifs...). Les non-Blanc·he·s, par ailleurs, ne sont pas une masse homogène subissant autant et de la même façon la domination des Blanc·he·s. Les caractéristiques racistes associés aux Juif/ve·s, aux Rroms ou aux Asiatiques diffèrent...

En France les couches les plus exploitées du prolétariat sont en grande partie des Noir·e·s et Arabes issu·e·s de la dernière vague d'immigration, ce qui est lié à l’histoire coloniale et au présent néocolonial de la France. Dans ce contexte, les travailleur·se·s blanc·he·s sont tenté·e·s, à une échelle décuplée par la crise du mouvement ouvrier et de la conscience de classe, par une alliance nationale-raciale avec la classe dominante et son Etat, que nous combattons.

La division en classes sociales joue un rôle majeur dans le racisme mais le racisme s’autonomise en partie et un·e non-Blanc·he peut le subir même s’il n’est pas prolétaire.

Ces oppressions doivent bien évidemment être comprises comme des phénomènes sociaux et non comme des cases renfermant tous les individus. Ce n’est pas parce qu’un·e salarié·e devient patron que les classes n’existent plus ; de même ce n’est pas parce que Barack Obama est devenu président que la structure raciste n’existe plus aux États-Unis. Ce n’est pas parce que François Hollande a décidé de supprimer le mot « race » dans la Constitution au nom de la « République une et indivisible » que le racisme ainsi que les rapports sociaux disparaissent dans notre vie quotidienne et militante.

2. Les oppressions sont croisées

Le fait de subir une oppression ne garantit bien sûr pas que l’on n’est pas soi-même bénéficiaire de l’oppression d’un autre groupe. Ainsi une femme patronne peut par exemple bénéficier de l’exploitation du travail salarié, un gay en tant qu’homme peut bénéficier du patriarcat… et Engels utilisait l’expression : « La femme est le prolétaire de l’homme. »

Les formes dominantes de lutte contre le sexisme, le racisme et la LGBTIphobie se limitent à un plan moral. Elles blâment les individus tenant des propos ouvertement réactionnaires (retour des femmes au foyer, retour au racisme biologique…) mais restent aveugles sur ces effets et origines structurels. Ainsi, alors qu’un mépris trop assumé pour des pauvres peut choquer (cf. le costard de Macron), pour autant l’existence de riches et de pauvres n’est pas remise en cause. Cela, l’extrême gauche l’admet quand il s’agit de lutte de classes, mais pas ou pas assez concernant les autres oppressions. Cela s’explique en grande partie par le fait que les organisations d’extrême gauche sont majoritairement masculines et blanches.

Nous voulons une société débarrassée de toutes les oppressions, et pas seulement de l’oppression de classe. Pour nous, cela suppose de se saisir de l’intersectionnalité comme un outil de lutte.

L’intersectionnalité est un concept en partie issu des théoriciennes féministes noires aux USA qui partaient du constat que les militantes femmes noires se trouvaient prises dans des conceptions et des cadres féministes et antiracistes dominants ne correspondant pas forcément voire pas du tout avec leurs expériences des oppressions. L’idée est que les femmes noires ne vivent pas le racisme comme les hommes noirs et ne vivent pas non plus le sexisme comme les femmes blanches. En effet, femmes et hommes sont traversés de rapports sociaux, culturels et politiques différents, qui jouent aussi différemment selon leur sexe, genre, classe, race, âge, handicap ou orientation sexuelle. La complexité et la multiplicité de ces rapports d’oppression (et même d’exploitation dans le cas du travail domestique essentiellement féminin) nécessitent une approche ouverte et inclusive. L’approche intersectionnelle n’est pas seulement reconnaître qu’il y a une multiplicité de rapports sociaux oppressifs, mais bien plutôt reconnaître leur interaction dans la production et la reproduction des oppressions sociales et donc dans les rapports d’exploitation capitalistes qui sont le fondement principal de la société bourgeoise moderne.

Cette approche permet de saisir à la fois empiriquement et théoriquement la dynamique des oppressions sociales. Ces dernières opèrent à l’échelle de l’individu (expérience vécue, construction des identités…) et à l’échelle de la société (organisation des oppressions et de leur reproduction). Même si on peut analyser de façon distincte les différentes catégories d’oppression et qu’elles peuvent ne pas être équivalentes et ne pas être organisées institutionnellement de la même façon, il est important de reconnaître que, dans la réalité, les individus vivent ces catégories simultanément.

3. L’auto-organisation est centrale

Une des conséquences, c’est que la lutte contre ces oppressions doit mettre au centre l’auto-organisation des premier/ères concerné·e·s. Les femmes, les LGBTI et les non-Blanch·e·s doivent pouvoir s’organiser sur leur oppression spécifique, en mixité ou en non-mixité, la parole de chaque groupe sur l’oppression qu’elle/il vit étant plus légitime. Cela ne veut pas dire que la conscience féministe ou antiraciste ne peut pas progresser chez les hommes ou chez les Blanc·he·s, mais qu’ils/elles ont nécessairement des biais et des aveuglements et doivent se concevoir comme des allié·e·s. Le soutien à l’auto-organisation des opprimé·e·s pour leur émancipation est donc un principe général de lutte, qui hérite d’ailleurs de l’idée d’auto-émancipation de la classe ouvrière forgée au XIXe siècle.

Ces réflexions sont valables pour les organisations révolutionnaires mais étant donné que l’essentiel des opprimé·e·s n’y sont pas, on ne peut pas faire l’impasse sur le nécessaire travail de convergence et de construction à l’extérieur avec les mouvements féministes, de l'immigration, décoloniaux, LGBTI+, pour véritablement attaquer les structures sociales. Réfléchir à la place et au rôle des allié·e·s dans l’auto-organisation des luttes d’émancipation des opprimé·e·s est aussi indispensable pour avancer vers la société débarrassée des oppressions que nous souhaitons.

La TC et le NPA doivent donc travailler à construire un espace de convergence réelle avec des militant·e·s de l'antiracisme politique ou du féminisme, tout en gardant ses autres marqueurs politiques, c’est-à-dire tenter de les rallier au programme de la révolution communiste.

Les marxistes orthodoxes ont beaucoup reproché aux organisations spécifiques d’opprimé·e·s d’être « interclassistes », voire « bourgeoises », et de « diviser la classe ouvrière ». Certain·e·s soulignent que la majorité des femmes, des non-Blanc·he·s et des LGBTI font de fait partie de la classe ouvrière et qu’ils/elles n’ont donc pas besoin d’organisations spécifiques. Cela revient à exiger d’emblée une conscience de classe à tout groupe d’opprimé·e·s, alors que les organisations de la classe ouvrière ne sont pas à l’avant-garde du combat féministe ou antiraciste… Par ailleurs, le raisonnement pourrait être retourné, en soutenant qu’il ne faudrait pas « diviser les femmes », « diviser les non-Blanc·he·s », « diviser les LGBTI » entre les multiples organisations ouvrières. Si l’on veut travailler à une réelle convergence, il faut commencer par reconnaître qu’il y a plusieurs fronts de lutte, et combiner le soutien et la participation à ces fronts avec la défense de notre programme politique global.

Cette convergence indispensable ne sera pas possible dans une perspective de camaraderie artificielle d’un groupe révolutionnaire qui rend invisible ces rapports sociaux en tentant de les neutraliser pour créer une entité prétendument d’une classe dominée/opprimée tacitement blanche et masculine.

4. Conclusions pour l’action

Les luttes et les différents fronts à mener dépendent du contexte socio-politique. L’intersectionnalité ne donne pas de recette clé en main pour l’ensemble des luttes qui peuvent se poser, mais il s’agit d’une grille de lecture – tout comme le matérialisme.

Notre rôle est d’articuler les différents combats : défendre les revendications des travailleur/se·s, défendre les revendications des femmes en tant que femmes (par exemple le droit à l’IVG, obtenu par les luttes unitaires du MLF et du MLAC), des LGBTI en tant que LGBTI (PMA, libre changement d’état civil…), de non-Blanc·he·s en tant que non-Blanc·he·s (contrôle au faciès, violences policières…). Nous devons également développer et mettre en avant les revendications particulières des femmes travailleuses (crèches publiques accessibles…), des LGBTI travailleur/se·s (gratuité des opérations de transition…), des non-Blanc·he·s travailleur/ses (régularisation des travailleur/se·s sans-papiers, …). De notre point de vue, toutes ces luttes doivent être à la fois menées immédiatement et articulées à notre combat général contre la société capitaliste, donc à notre programme de transition axé sur l’objectif de la prise du pouvoir par les travailleurs/se·s, que nous essayons de faire partager et prendre en charge par les exploité·e·s et les opprimé·e·s.

Le mouvement féministe actuel est affaibli et divisé, principalement autour de la question de l’inclusivité vis-à-vis des trans et minorités de genre, des travailleur/se·s du sexe et des femmes musulmanes, comme cela se manifeste à l’occasion des mobilisations du 8 mars. Nous militons pour des combats féministes unitaires, mais de fait, une condition non négociable pour cette unité est justement l’inclusivité de toutes les femmes, trans et minorités de genre en lutte.

Concernant les luttes contre le racisme et l’islamophobie, jusqu’à maintenant, les organisations d’extrême gauche, dont le NPA, continuent d’avoir de fortes réticences à faire des fronts communs avec des organisations de non-Blanc·he·s comme MWASI, Femmes en luttes 93, la MAFED, le FUIQP, le Camp d’été décolonial, le PIR... C’est la preuve d’une incompréhension des enjeux de la lutte antiraciste aujourd’hui (voire d’une islamophobie plus ou moins assumée). Les racines de cette défiance sont profondes. Elles s’expliquent par une contradiction. Avec d’un côté, une construction sociale et des intérêts objectifs comme symboliques, des Blanc·he·s qui se sentent, du fait de cette socialisation, souvent supérieur·e·s aux personnes racisé·e·s et à leurs organisations. Et d’un autre côté, le sentiment, dans les milieux d’extrême gauche en tout cas, d’une culpabilité collective issue de l’histoire de l’esclavagisme, de la colonisation et du néocolonialisme actuel. Mais aussi par une évolution du racisme d’État plus difficilement suivie et compris par les générations marquées par la lutte contre l'antisémitisme car l'idéologie dominante aide à cela. Ou encore par une vision de la laïcité qui est fausse puisqu’elle refuse de voir que la religion en tant qu’objet social peut être utilisée par les dominant·e·s et les dominé·e·s et que des utilisations différenciées doivent amener des politiques différentes. Tout comme nos politiques sont différentes vis-à-vis du nationalisme des opprimé·e·s et celui des impérialistes. Pour être un allié, le NPA doit travailler à une prise de conscience collective pour intégrer les opprimé·e·s en son sein et faire des fronts avec les organisations de l’antiracisme politique. Bien évidemment, ces fronts, comme le front unique ouvrier ou le front unique anti-impérialiste, ne sauraient conduire ni à capituler devant les positions politiques que les partenaires de ces fronts peuvent défendre par ailleurs, ni à renoncer à défendre nos propres idées, mais peuvent s’accompagner de la critique des positions politiques des partenaires.

Par ailleurs il est particulièrement important de s’investir aux côtés des collectifs contre les violences policières ou le contrôle au faciès.

Par ce texte, nous voulions replacer les termes d’une élaboration nécessaire au sein de la TC, pour ensuite pouvoir la porter plus largement au sein du NPA mais aussi dans d’autres organisations. Il est souvent difficile de politiser le racisme, le sexisme et les LGBTIphobies, donc de les reconnaître, y compris dans nos organisations, sans que cela ne soit vécu comme des accusations personnelles. Il n’en reste pas moins qu’une prise de conscience collective serait un pas en avant important pour travailler à une véritable convergence. Si nous prenons à bras le corps toutes ces oppressions et que nous arrivons, quelque peu que ce soit, à nous en émanciper collectivement, nous aurons commencé à avancer vers la victoire.

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