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Retour et réflexions sur la journée du 1er octobre : des frontières à l’intérieur
La décision était tombée le 29 et confirmée le 30 septembre : manifester à Calais serait interdit, sous prétexte de troubles à l’ordre public. En d’autres termes, interdiction de soutenir les migrant.e.s qui ont fuit les zones de guerre, interdiction de rencontrer celles et ceux qui aspirent simplement à vivre dignement hors d’un camp, interdiction de rendre visible la jungle et ses occupant.e.s. Le gouvernement, les différents chefs de partis, l’Etat raciste et policier ont fait leur travail : le problème de la jungle, c’est ses habitant.e.s. Pour y remédier, il faut expulser, déloger, menacer, contraindre, réprimer. De même, il faut dissuader quiconque souhaite s’y investir, aider, intervenir, manifester. Il est interdit de faire preuve de solidarité.
Toutes les 2 heures, une pause s’impose
Malgré l’interdiction, le RDV était donné à 7h30 pour braver cette nouvelle atteinte au droit de manifester (https://paris.demosphere.eu/rv/49902 ). Près de 200 personnes se sont regroupées Porte de la Chapelle dont des membres d’organisations d’aide aux sans-papiers et aux migrant.e.s (tel le CISPM http://cispm.org/ , le DAL ou Droits devant !), des syndicats (Sud, CNT) et parti (NPA). 4 cars sont apprêtés et le départ a lieu après une série de prises de parole. Les mots d’ordres étaient clairs : solidarité avec les réfugié.e.s, ouverture des frontières, contre toutes les guerres.
Dès notre sortie de Paris, le convoi est incité à se ranger sur le côté de la route par une petite équipe de flics. Très clairement, on nous rappelle que la manifestation à Calais est interdite et qu’il est tout a fait probable que nous ne puissions pas arriver jusqu'à la ville. Ceci, nous nous en doutions depuis la veille déjà…
Au bout d’1h30 de route, nous nous arrêtons sur une aire d’autoroute, à environ 1h30 de distance de Calais. Là, nous sommes accueillis par des équipes de gendarmes et de policiers nettement plus cons équentes (une quarantaine). Les conducteurs/trices subissent contrôle d’identité, vérification de papiers et diverses techniques de « pression ». De nouveau, on nous rappelle qu’il est interdit de manifester à Calais et qu’il est encore temps de faire demi-tour.
Nous reprenons la route et déjà circulent dans les bus les numéros de téléphone d’avocats, les consignes à respecter en cas d’arrestation, de GAV. Par solidarité et afin de ne pas mettre en péril la sécurité des camarades sans-papiers présents, nous nous mettons communément d’accord pour une chose : si nous nous faisons contrôler, nous déclarerons tou.te.s que nous n’avons pas de pièces d’identité. Pour certains passagers, c’est la vérité. De fait, hors de question de faciliter le travail de la police. Nous arrivons au péage, à quelques kilomètres de notre destination. Une fois les barrières franchies, des voitures de flics nous escortent sur le parking attenant. Ici nous attend une soixantaine de flics en tout genre : gendarmes et police nationale, certains en bleu, d’autres en treillis, d’autres encore avec des gilets jaunes, une équipe avec des chiens…
A 30 km de Calais, ses plages, ses commerces, sa jungle
13h. Les bus sont donc bloqués sur ce parking vide. De nouveau, les chauffeurs/euses de bus sont soumis.e.s à un contrôle d’identité, de papiers. Tout y passe, puis vient la tentative de contrôler tout le monde. Nous voyons qu’un bus, dans lequel de nombreu.x.ses sans papiers se trouvent, est inspecté. Cependant, à chaque contrôle, nous répondons à tour de rôle que nous n’avons pas de papiers. Les flics abandonnent « bon en fait personne n’a de papier ici c’est bien ça ? » demande l’un d’eux. Il abandonne.
Progressivement, nous descendons tou.te.s des bus puis vient le moment tant attendu de l’ultimatum. Certain.e.s porte parole des orga présentes étaient en discussion avec les flics. Illes reviennent porter la parole de ceux-ci : « Il y a deux choix : soit nous escortons votre retour à Paris, soit on vous bloque ici pour une durée indéterminée. On vérifie les pneus des bus, les papiers de tout le monde etc. Quoi qu’il en soit, vous n’allez pas à Calais. »
On réfléchit puis il apparaît vite que nous ne voulons pas rentrer. Nous restons, non parce que nous sommes menacé.e.s, mais parce que nous souhaitons marquer notre présence et la raison de notre mobilisation. Il est 14h30 et nous apprenons qu’à Calais, la manif tente de partir. Nous sommes toujours coincé.e.s et conscient.e.s que nous resterons sur place probablement un bon moment. De là vient l’idée d’écrire un communiqué de presse pour dénoncer notre situation et les interdictions de manifester. Une dizaine de personnes se regroupent, le communiqué est rédigé puis envoyé sur plusieurs plateformes militantes, sur les fils de discussion des réseaux sociaux (http://tendanceclaire.org/article.php?id=1061). Pendant ce temps, des banderoles sont préparées. Même bloqué.e.s sur un parking, nous tenterons quelque chose !
Quelques tours de parking, des slogans chantés et criés « solidarité avec les immigré.e.s » , « Hollande, Sarko, y’en a marre »… Malgré la situation, un certain enthousiasme et une franche camaraderie s’exprime, sous le regard arrogant et fermé des forces de « l’ordre ». Nous apprenons pendant ce temps qu’à Calais, les flics ont fait leur sale boulot habituel, que la jungle est noyée sous les gaz (http://taranis.news/2016/10/calais-inside-the-jungle-part-4/).
Ayant conscience que nous n’avons aucun intérêt à rester plus longtemps sur place, une nouvelle discussion s’engage avec les chefs flics : nous sommes OK pour partir, mais sous condition : aucune poursuite ou intimidation à l’encontre des chauffeurs/euses , aucun contrôle d’identité. Les conditions sont plus ou moins acceptées. La pluie s’invite vers 17h30 et pour une fois, celle ci est bienvenue car elle fait couper court les négociations : nous rentrons tou.te.s dans les bus direction Paris. Malgré nos preuves de bonne volontés, nous sommes escorté.E.s jusqu’à l’entrée de Paris ; les flics sont même sortis sur l’aire d’autoroute pour nous surveiller pendant une brève halte !
Des réflexions en guise de conclusion
Avec le recul, cette journée ne fut pas (malgré de très longs moments en bus), un véritable échec. Dans un premier temps, nous étions plusieurs à nous douter que nous ne pouvions pas arriver à Calais. Certes, nous ne pouvons nous réjouir d’avoir été coincé.e.s sur un parking mais cette expérience apporta malgré tout quelques réjouissances : un véritable élan collectif s’est fait ressentir, une spontanéité combative a émergé et nos conditions ont finalement été acceptées par les gendarmes.
Cependant, ce type d’action pose question, notamment en ce qui concerne nos camarades sans-papiers qui étaient présents dans les bus. La situation aurait pu être critique pour eux si les flics avaient été plus cons qu’ils ne le sont déjà. De fait, nous devons réfléchir à l’avenir à ce type d’action et les risques que cela peut représenter.
Malgré cela, ce qui ressort avant tout est la nécessité qu’il y a de s’investir pour aider les réfugié.e.s et les soutenir dans leur auto-organisation. Nous avons des moyens et des camarades motivé.e.s avec qui nous pouvons vraiment être efficaces. Une journée comme celle-ci nous montre à quel point nous pouvons et devons nous organiser pour faire face aux gouvernements racistes, qu’ils soient PS ou LR.
- De l’air, de l’air, ouvrons les frontières ! Liberté de circulation et d'installation pour tout.e.s !
- Solidarité avec les réfugié.e.s, solidarité avec les sans-papiers !
- Pour un accueil des migrant.e.s et réfugié.e.s dans la dignité ! Pour des solutions de logement pérennes !
- Contre le démantèlement de la jungle de Calais ! sans réelle solution de rechange