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Du Chiapas au Rojava : l’autogestion est possible

De par son horizontalité, son rejet de la démocratie représentative, son mot d’ordre de “Macron démission”, le mouvement des gilets jaunes pose la question du pouvoir et ouvre la voie à un mode d’organisation autogestionnaire, par le bas.

Face à ce mouvement, les médias cherchent des chefs, incapables qu’ils sont de penser une organisation autrement que verticale. Pourtant de par le monde, des sociétés se sont organisées par la base, dépassant le cadre de l’Etat-nation. Le confédéralisme démocratique au Rojava (dans le Nord-Est de la Syrie), l’expérience zapatiste au Chiapas (au Sud du Mexique) ont prouvé que s’organiser par le bas, de façon autogestionnaire, est possible.

Le 1er janvier 1994, les Indiens mayas zapatistes du Chiapas se soulèvent contre le gouvernement mexicain. L’armée de libération zapatiste (EZLN) fait le choix de la lutte armée et occupe sept villes du Chiapas, dont San Cristobal. S’engage alors une période de négociation avec le pouvoir Mexicain, qui se solde par un échec. En août 2003, face à “l’impossibilité de tout dialogue avec les pouvoirs constitués et avec la classe politique dans son ensemble”, une nouvelle étape s’engage avec “la création de cinq “Conseils de bon gouvernement” (Juntas de buen gobierno). Les zapatistes optent donc pour mettre l’autonomie en pratique, sans cadre légal”, écrit Jérôme Baschet, dans la préface d’Une saison de la digne rage[1]. Pour les zapatistes, l’expérience de l’autonomie n’est pas nouvelle, dès 1994 plus de 30 “communes autonomes rebelles zapatistes” ont vu le jour, mais la création des Conseils de bon gouvernement donne une envergure nouvelle à l’autonomie.

L’autonomie zapatiste est structurée en trois collectifs : les communautés zapatistes (villages et hameaux), les communes autonomes (MAREZ, municipios autonomos rebeldes zapatistas) et les Conseils de bon gouvernement (dont chaque siège se situe dans un Caracol, centre politico-culturel, il administre une zone équivalente à un département français).

Dans chaque commune autonome, ceux qui occupent des fonctions municipales sont élus par leurs communautés pour des mandats de deux/trois ans, révocables à tout moment et conçus comme des “charges”, c’est à dire des services rendus faisant l’objet d’aucune rémunération ni ne donnant lieu à aucun avantage matériel.” Deux délégués de chaque commune sont envoyés au Conseil, dont les décisions émanant des autorités municipales. Les décisions allant ainsi du “bas” vers le “haut” et non le contraire. Les délégués au Conseil se relaient par courte durée d’une ou deux semaines, revenant ensuite dans leur village pour s’occuper de leur terre ou leur travail. Cette rotation des membres du Conseil entraîne une lenteur, mais bénéfique, selon un lieutenant de l’EZLN, cette lenteur “laisse le temps de s’informer, de consulter, de débattre, et d’élaborer collectivement les décisions”.

Nulle surprise donc que notre mouvement des Gilets Jaunes ait reçu de la part de Jérôme Baschet, soutien de la première heure aux zapatistes, un message de soutien. Depuis le Chiapas, il a envoyé une “lettre à ceux qui ne sont rien”, publiée sur le site lundi.am[2]. Il rappelle le mode de fonctionnement zapatiste : “Ce qu’ils ont mis en place, c’est un auto-gouvernement des gens ordinaires, impliquant une dé-spécialisation de la politique. Ils ont formés leurs propres instances de gouvernement et leur assemblées, au niveau des communes libres mais aussi au niveau des régions. Leurs propres instances de justice qui résolvent les problèmes par la médiation. Leurs propres écoles et leurs propres centres de soin, dont ils ont entièrement repensé le mode de fonctionnement. (...) Ils ne cherchent pas à être compétitifs. Ils ne cherchent pas à réussir dans le monde des technocrates et des gestionnaires de tous poils. Ils veulent seulement que toutes et tous puissent vivre modestement mais dignement."

Parlant des Gilets Jaunes, Jérôme Baschet remarque que “les initiatives fleurissent partout : appel à former des comités populaires, avec leurs assemblées régulières, à construire des maisons du peuple sur les places publiques pour débattre mais surtout pour s’organiser concrètement. On parle de destitution. On parle de sécession. On parle de communes libres. On souligne qu’il ne faudra surtout pas, une fois Macron parti, le remplacer par un autre, puisqu’il s’agit de reprendre en main, par nous-mêmes, l’organisation de nos vies"

"Vive la digne rage de celles et ceux qui ne sont rien !

Dehors les Macrons et autres apprentis-jupiter !

Mort au système inique, destructeur et inhumain qu’ils servent !

Vive la puissance du peuple qui se soulève et s’organise par lui-même et pour lui-même !”

Parmi les autres soutiens venus de l’étranger, une vidéo envoyée par TIKKO, la branche armée du Parti communiste de Turquie (marxiste-léniniste), depuis le Rojava.[3] Dans cette région située au nord-est de la Syrie s’expérimente depuis 2014 une expérience politique inspirée d’Abdullah Öcalan, chef du PKK, et du municipalisme libertaire de Murray Bookchin[4]: le Confédéralisme démocratique. En 2014 est adopté le Contrat social des cantons autonomes du Rojava, qui établit que “l’autorité réside dans et émane du peuple des Régions Autonomes. Elle est exercée par les conseils gouvernants et les institutions publiques élus par le vote populaire (article 2)”, que “l’ensemble des cantons des Régions Autonomes sont fondées sur le principe d’auto-gouvernance locale. Les Cantons peuvent élire librement leurs organes représentatifs et exercer leurs droits dans la limite du respect de la présente Charte” (article 8). [5]

Conseils locaux et démocratie directe paritaire, égalité des genres, pluralisme ethnique et religieux, respect de l’environnement, développement d’une éducation autonome et d’une économie sociale, maisons du peuple, accès aux soins gratuits…apparaissent ainsi comme les principes fondateurs du Confédéralisme démocratique du Rojava.

La population s’organise en assemblées (assemblées de quartier, de femmes, de jeunes, de religions, etc) et les communes se fédèrent au niveau des quartiers, des districts et enfin de 2 cantons, Cizre et Kobanê (Afrin ayant été envahi violemment par la Turquie le 18 mars 2018). Ces derniers disposent de leur propre assemblée législative multipartite et d’un gouvernement cantonal. À chaque échelon, les femmes et les jeunes disposent de leurs propres structures autonomes et non mixtes, qui ont en théorie un droit de regard et de veto systématique sur toutes décisions les concernant[6].

Il ne s’agit pas de dire que ces deux exemples sont un modèle de communisme et qu’il suffirait de tenter de les calquer. Dans les deux cas par exemple, l’expérience autogestionnaire est limitée par le fait qu’elle est cantonnée à des zones rurales, avec peu de richesses à collectiviser, et un problème de la gestion à grande échelle (et donc de la planification) qui se pose moins. Mais sur le point précis de l’autogestion, qui est à la fois un outil de contrôle de la lutte et un embryon de société future, nous pouvons nous inspirer de ces exemples pour contrer les partisans du fatalisme, les « ils nous gouverneront toujours et on se fera toujours avoir ».

C’est pourquoi nous appelons à nous organiser au niveau local, dans nos quartiers, nos villes, sur nos lieux de travail et d’y tenir des assemblées générales. C’est vital pour éviter que des leaders autoproclamés s’emparent du mouvement et aillent négocier seuls avec Macron et Philippe. Et si cela se massifiait et s’installait dans la durée, cela pourrait créer un pouvoir alternatif, qui selon nous serait plus légitime que Macron et tous les politiciens professionnels !


[1] Une saison de la Digne Rage, Sous-Commandant Marcos, préface Jérôme Baschet (Climats)

[2] https://lundi.am/Lettre-a-celles-et-ceux-qui-ne-sont-rien-depuis-le-Chiapas-rebelle

[3] https://www.facebook.com/332649220655854/videos/286881275175644/

[4] https://www.monde-diplomatique.fr/2017/09/COURT/57879

[5] http://www.rojavafrance.fr/system/redactor_rails/attachments/5/contrat-social-rojava.pdf?1480061579

[6] https://reporterre.net/Au-Rojava-la-Turquie-menace-une-revolution-inspiree-par-l-ecologiste-Murray

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