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Chronique de la campagne présidentielle – épisode 14
Chaque week-end, nous publions une chronique de la campagne présidentielle. En commentant les faits marquants de la campagne, de notre point de vue qui est celui de communistes révolutionnaires ayant décidé de faire campagne pour la victoire de Mélenchon en 2022. Vous pouvez retrouver les précédentes chroniques sur le site de la Tendance Claire.
Depuis quelques jours, nous avons commencé à publier une analyse critique du programme de l’Avenir en commun. Nous invitons tous nos lecteurs à suivre cette série de billets publiés tous les 2 jours sur notre site.
Au sommaire ce week-end :
- La bonne dynamique de la campagne Mélenchon
- Quelques problèmes politiques de la campagne Mélenchon : vaccination et Union européenne
- Primaire populaire : escroquerie crypto-macroniste en bande organisée
- Brèves : Zemmour, Hidalgo, Montebourg, Macron
La bonne dynamique de la campagne Mélenchon
Le meeting « immersif » et « olfactif » de Nantes le dimanche 16 janvier a été une réussite pour Mélenchon, avec la participation de près de 5.000 personnes. Sur le plan visuel surtout, mais un peu moins, paraît-il sur le plan olfactif ! La « faute »… aux purificateurs d'air installés dans la salle qui ont montré ainsi leur efficacité ! Ce meeting a été suivi mercredi par un meeting également imposant à Strasbourg, avec 2500 participant.e.s.
Mélenchon est désormais bien installé en tête de la gauche. L'extrême-droite craint de plus en plus sa candidature, les entourages de Zemmour et Le Pen estimant désormais qu'il finira à 16-17%. Dans le baromètre quotidien de l’Ifop, il est passé en une semaine de 8,5 % à 10 % malgré l’apparition de la candidature Taubira. Dans celui d’Opinion Way, il est toujours à 9 % et il n’a pas reculé avec l’apparition de la candidature Taubira, alors que Jadot est passé de 8 % à 5 % en une dizaine de jours. Mélenchon est à 12,5 % chez Cluster (à deux points du second tour) et à 10 % chez Harris. L’opération Taubira est donc un échec pour le moment malgré la promotion d’une bonne partie de la presse (l’Obs, Libération…). Elle affaiblit avant tout les candidatures de Jadot et Hidalgo.
Les ralliements à la candidature de Mélenchon se multiplient, avec l’intégration de 60 nouveaux membres au parlement de l’Union populaire. Parmi les soutiens annoncés ces derniers jours figurent Aymeric Caron et Alma Dufour
Quelques problèmes politiques de la campagne Mélenchon : vaccination et Union européenne
Si le meeting de Nantes a été un indéniable succès, un passage a été relevé et exploité par les adversaires de Mélenchon :
« Et parce qu'il y a cette déforestation, alors les animaux sauvages contaminent les animaux domestiques et les animaux domestiques, les êtres humains après avoir été enfermés dans les élevages hyper-intensifs dans lesquels on les enferme. Et alors, la maladie se propage et alors ils inventent des passes sanitaires et des vaccins à une, deux, trois, quatre doses, sans fermer un seul élevage intensif et sans faire cesser le martyre pour les animaux et le danger pour les êtres humains »
Ce passage est ambigu, et il laisse planer le doute sur l’utilité du vaccin (en ironisant sur le nombre de doses). Ce n’est pas la première fois que Mélenchon dissémine quelques petites phrases visant à mettre en cause l’efficacité et la fiabilité des vaccins : « Vous et moi, on n’y connaît rien en vaccin, mais on connaît au moins deux trois trucs sur le surgelé, puisqu'on en consomme. Ce vaccin qui dépend d’une telle chaîne du froid, il m’inquiète, parce que la moindre rupture, vous ne la verrez pas avant d’en voir les effets » ; « Ce vaccin [Pfizer] ne me rassure pas » ; « Depuis quand on met un vaccin sur la base seulement des communiqués de l'AFP et des agences de presse? » (décembre 2020)
Ces petites phrases sont d’autant plus dommageables que la France insoumise défend à juste titre le fait de « convaincre » plutôt que de « contraindre » des bienfaits de la vaccination, d’aller voir les personnes isolées et précarisées, ou encore la levée des brevets pour pouvoir vacciner plus largement sur la planète entière. Il est tout à fait possible de s’opposer au pass vaccinal tout en défendant sans ambiguïté la vaccination.
Autre sujet phare : l’Union européenne. Cette semaine, Macron a fait un discours devant le parlement européen, et Mélenchon a placé au centre de son meeting de Strasbourg la question européenne. Il a également donné un entretien sur le sujet au Monde. Cet entretien confirme le grave recul du programme de l’AEC sur l’Europe dont nous parlions dans un tract diffusé à l’entrée du meeting du 5 décembre à Paris. Mélenchon a renoncé à son « plan B », c’est-à-dire à une rupture avec l’UE et avec l’euro si il ne parvient pas à obtenir de nouveaux traités européens. A la place, il prône la « désobéissance ». Or, la vraie désobéissance implique (par exemple) la réquisition de la Banque de France pour battre monnaie, donc la sortie de l'euro, pour faire face au sabotage de la BCE. Dans cet entretien au Monde, Mélenchon explique que « on ne peut pas sortir de l'euro à cause du déficit extérieur ». L’argument est assez consternant et fataliste. Le contrôle de la monnaie est justement un levier pour avoir prise sur les échanges extérieurs !
Primaire populaire : escroquerie crypto-macroniste en bande organisée
L’imposture de la primaire populaire apparaît au grand jour. Une vidéo, censée rester privée, s’est retrouvée sur les réseaux sociaux. On y voit un des deux porte-parole de la primaire populaire, Samuel Grzybowski, expliquer qu’il veut :
- bloquer les parrainages de Mélenchon ou Jadot (en fait cela vise Mélenchon car Jadot n’a aucun problème avec ses signatures)²
- les critiquer dans les médias pour « faire baisser leur côte de popu »
- empêcher leurs prêts
Il répète à longueur de temps que le « socle commun » de la primaire populaire résulte de discussions avec l’ensemble des partis de gauche, ce qui est un gros mensonge visant à légitimer cette primaire.
Hidalgo, Jadot et Mélenchon ont demandé à ce que leur nom soit retiré du vote de cette primaire populaire. La France insoumise a tiré à boulets rouges sur la primaire populaire.
Les organisateurs de la primaire populaire revendiquaient vendredi soir plus de 350.000 inscrits (une « grosse data » pour parler comme ces managers crypto-macronistes) qui ont cliqué et laissé leur numéro de carte bleue. Le prolétariat se serait-il saisi de cette primaire ? Seulement 23 % des gens s’intéressent à cette primaire, et ce sont surtout les cadres (à 33%) qui se passionnent pour cette primaire. Pour compléter le tableau, les promoteurs de la primaire ont fait publier une tribune de 114 artistes pour faire la publicité de leur opération. Sans surprise, on y retrouve beaucoup d’ex soutiens de Hamon comme Juliette Binoche ou Valérie Donzelli. Mobilisés pour faire perdre Mélenchon en 2017. A nouveau mobilisés pour le faire perdre en 2022, au nom de l’unité de la « gauche » bien sur !
Bref, le vote de la primaire populaire aura bien lieu entre le 27 et le 31 janvier pour tenter de mettre sur orbite Christiane Taubira qui a bien du mal à incarner quoi que ce soit. Taubira s’est dégotée un directeur de campagne en la personne d’Axel Urgin, membre du conseil national du PS, ex rocardien, qui est maire adjoint de Créteil. Un profil bien droitier conforme à la trajectoire d’Hidalgo, pro-Balladur en 1993, pro-Tapie en 1994 et depuis lors compagnonne de route du PRG, qui réussit l’exploit de se situer à droite du PS.
Brèves
Zemmour est pour le moment distancé par Pécresse et Le Pen, mais il ne s’effondre pas. Après avoir obtenu le ralliement de l’ex n°2 de LR, Guillaume Peltier, il a obtenu cette semaine le ralliement de plusieurs figures du RN : l’ex député UMP Jérôme Rivière, l’ancien dirigeant de Génération identitaire Damien Rieu (un des personnages les plus influents de la fachosphère avec plus de 114.000 abonnés sur twitter), et Gilbert Collard. D’autres cadres du RN pourraient suivre si la candidate Zemmour se renforce, comme Stéphane Ravier ou Nicolas Bay. Chez les Républicains également, une brochette de cadres attendent le moment propice pour rejoindre Zemmour, comme le maire de Chalon-sur-Saône Gilles Platret ou l’ancien maire de Versailles Etienne Pinte. Zemmour dispose en tout cas d’un pactole financier pour faire campagne jusqu’au bout. Mediapart a révélé cette semaine que Zemmour bénéficiait de dons très importants de hauts cadres, notamment dans la finance. Il a aussi reçu un gros chèque de Chantal Bolloré, la sœur de Vincent. Zemmour peut remercier la famille Bolloré : c’est d’ailleurs ce qu’il a fait vendredi.
Au sein de la campagne Hidalgo, les courants minoritaires les plus droitiers du PS montent en puissance alors que la direction du parti maintient une certaine ambiguïté par rapport à la primaire populaire, et se montre davantage préoccupé par les négociations avec EELV sur les législatives (la direction d’EELV continue à demander un retrait d’Hidalgo pour conclure un accord sur les législatives). Des courants droitiers et minoritaires du PS (comme celui de Cambadélis) et le club de Laurent Joffrin (éditocrate social-libéral) se réunissent le 29 janvier sous le regard bienveillant de Hollande. Pour préparer l’après Hidalgo ? En attendant, le « grand » meeting parisien d’Hidalgo a été un fiasco ce samedi : une salle (pourtant pas gigantesque : 1500 places) à moitié vide, avec un public très âgé.
Montebourg a donc jeté l’éponge cette semaine dans une vidéo filmée en pleine nature. Les négociations avec Taubira n’ont pas abouti. Du coup, il se retire avec ses dettes de campagne en ne soutenant aucune candidature. Des anciens soutiens le débinent dans la presse : « il n’était plus au niveau », « je pensais qu'il avait plus de caractère que Nicolas Sarkozy mais il en a moins que François Hollande ». Au-delà de ces petites phrases assassines, la campagne de Montebourg était traversée de contradictions insurmontables, avec un pôle sarkozyste (qui l’a poussé à durcir son discours sur l’immigration), un pôle souverainiste venant de la FI (François Cocq), et un pôle prônant l’Union de la gauche (la sénatrice PS Laurence Rossignol). Avec les appels pathétiques de Montebourg aux différents candidats de gauche, les sarkozystes et les souverainistes se sont retirés de la campagne. Ne restaient plus que les ex du PS (Rossignol, Lienemann, Maurel) qui ont fini, de concert avec Montebourg, à abréger la souffrance de cette campagne. Une partie des troupes ira probablement soutenir Taubira, mais d’autres se tournent vers Roussel (comme l’économiste David Cayla).
Est-ce un tournant dans la campagne ? Macron baisse fortement dans le dernier baromètre Ifop-JDD publié ce dimanche (37 % de satisfaits, -4 points). Surtout, il s’effondre chez les ouvriers (- 11 points) et les jeunes (- 7 points) alors qu’il progresse chez les cadres (+ 4 points). Deux principaux motifs de mécontentement : son « envie d’emmerder les non vaccinés » et son inaction face à la perte du pouvoir d’achat qu’entraîne l’inflation.