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Guerre Russie-Ukraine : Oui au cessez-le-feu immédiat, pour de vraies négociations, permettant une paix juste et durable !

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Poutine, la Tendance CLAIRE soutient la résistance armée ukrainienne. En même temps, nous nous sommes d’emblée opposés au bellicisme occidental, en défendant la nécessité d’ouvrir de vraies négociations de paix pour mettre fin à la guerre et nous avons avancé des propositions concrètes en ce sens. Pour nous, ces deux prises de position se sont toujours combinées. Ainsi, dès le 5 mars 2022, nous titrions : « Soutien à la résistance du peuple ukrainien ! Retrait des troupes russes ! Contre l’escalade belliciste, imposer un accord de paix ». De même, nous écrivions le 28 mars 2022 : « La résistance armée doit permettre d’obtenir au plus vite un accord de paix acceptable du point de vue du peuple ukrainien, c’est-à-dire un accord qui ne remette pas en cause sa souveraineté. [...] La résistance militaire doit contribuer à la mise en œuvre d’une solution diplomatique rapide, car c’est la seule susceptible de mettre prochainement fin au calvaire du peuple ukrainien. » Aujourd’hui, Trump a changé les coordonnées du problème, mais nous maintenons notre position, tout en tenant compte de la nouvelle situation.
Le retour de Trump à la Maison blanche a pris d’emblée la forme d’une offensive majeure sur la scène internationale. Pendant la campagne électorale, il se vantait de pouvoir résoudre la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures. Le jour même de son investiture, il se disait décidé à trouver rapidement un accord de paix. Il s’est ensuite donné cent jours pour mener à bien cette tâche. Près de quatre mois plus tard, l’échec de Trump est patent : la guerre sévit toujours et il n’a même pas obtenu le moindre début de cessez-le-feu.
En revanche, à force de pressions et d’humiliations, il vient de réussir à imposer à Zelensky de lui céder l’exploitation des terres rares ukrainiennes, dans le cadre d’un accord de type colonial. Il s’est ainsi confirmé que Trump est avant tout le représentant de la big tech réactionnaire des États-Unis.
Trump a pris acte du fait que la situation était figée, qu’aucune issue ne se dessinait. Alors que les sanctions économiques devaient mettre l’économie russe à genoux, celle-ci peut soutenir l’effort de guerre.
De plus, tout en s’en prenant prioritairement à Zelensky, Trump a objectivement renforcé la position de la Russie dans son rapport de force avec l’Ukraine. Le « plan de paix » défendu par les USA fait la part belle aux exigences russes. La Russie profite de l’avantage que lui offre ce positionnement états-unien pour se permettre de refuser, jusqu’à présent, toute véritable négociation. Après avoir repoussé de la région de Koursk les troupes ukrainiennes (affaiblies après avoir été privées pendant plusieurs semaines du système de renseignement états-unien), l’armée russe essaie de gagner encore du terrain pour repousser le plus loin possible la ligne de front, dans la mesure où celle-ci délimitera certainement pour longtemps les territoires conquis.
L’intérêt immédiat des travailleurs et des travailleuses ukrainien.ne.s est le cessez-le-feu immédiat
Dans l’état actuel du rapport de force, l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre. Sa résistance en 2022, appuyée par les impérialistes occidentaux, a permis de contenir, puis de repousser dans une large mesure l’invasion russe, mais depuis elle n’a pas réussi à chasser les troupes de Poutine de son territoire. Or cette guerre de très haute intensité est une boucherie des plus meurtrières. L’Est ukrainien est dévasté, les populations martyrisées et la perspective de contenir l’invasion irréaliste. Dans ces conditions, le consentement à la guerre de la société civile ukrainienne tend à diminuer, à force de massacres et de privations. Même si la population civile (« le front de l’arrière ») continue de soutenir activement l’armée (depuis la distribution de nourriture pour le front à la récolte de fonds pour acquérir du matériel de combat – drones, gilet pare-balles, trousses de secours, matériel de communication…), il n'en reste pas moins que l’État mène la guerre par des moyens autoritaires. C’est dans ce cadre que la loi martiale est appliquée, pour garantir l’enrôlement de la population et lutter contre les désertions. Du côté russe, la guerre est aussi très meurtrière – même si les chiffres exacts ne sont connus ni d’un côté, ni de l’autre. Cependant, le vivier de population est beaucoup plus important en Russie qu’en Ukraine et l’autoritarisme de Poutine, avec notamment la loi martiale depuis 2022, couplé à l’économie de guerre, permettent d’engager beaucoup plus de soldats sur le front (auxquels s’ajoutent des soldats nord-coréens).
Sous la pression, menacé notamment d’être privé de tout soutien états-unien, Zelensky a accepté d’entrer dans des négociations sous l’égide de Trump. Cela a abouti le 11 mars à la proposition d’un cessez-le-feu de 30 jours sur laquelle les États-Unis et l’Ukraine se sont mis d’accord. On s’en est réjoui, dans la mesure où tout arrêt des hostilités permettrait au peuple ukrainien de souffler et constituerait une des conditions nécessaires à l’ouverture de négociations. Mais la Russie refuse cette proposition de cessez-le-feu jusqu’à présent. Cela prouve que la responsabilité principale de la poursuite de la guerre lui incombe.
Certains éléments du plan de Trump constituent un « moindre mal »…
Les grandes lignes du plan de Trump ont été annoncées en deux temps et on ne peut pas se prononcer de la même façon sur les deux étapes. La première étape serait le plan qui avait été confié au départ à Kellog (il avait déjà publié, au printemps 2024, une base de plan. Voir ici) et dont le contenu nous semble acceptable dans l’immédiat, à titre de moindre mal, pour le peuple ukrainien – à condition qu’il puisse en décider :
• Cessez-le-feu le long des lignes de front actuelles, avec la création d’une zone-frontière démilitarisée. Cette perspective implique évidemment d’importantes pertes territoriales pour l’Ukraine (environ 18% de son territoire). Néanmoins, un cessez-le-feu n’est pas une reconnaissance d’annexion : cela laisse en théorie ouverte la possibilité, évidemment abstraite à ce stade étant donné les rapports de force, de négociations visant à récupérer un jour ces territoires, qui ne sont pas officiellement abandonnés. De l’autre côté, un cessez-le-feu le long les lignes de front ne correspond pas exactement aux exigences officielles, plus maximalistes, du Kremlin : le 24 juin dernier, Poutine déclarait être prêt à négocier la paix si l’armée ukrainienne se retirait de l’entièreté des quatre oblasts qui ne sont aujourd’hui que partiellement contrôlés par les forces russes.
Depuis le début du conflit, la TC a quant à elle défendu la perspective de référendums d’auto-détermination dans ces régions, ainsi qu’en Crimée. Évidemment, cette voie est devenue aujourd’hui plus compliquée, étant donné les déplacements de populations qu’a de fait engendrés l’invasion russe ; on peut néanmoins maintenir, à la fois par principe et en tant qu’horizon à moyen terme, que cette proposition devrait continuer d’être mise sur la table des négociations.
Cependant, la question immédiate qui se pose est celle des garanties pour faire respecter ce cessez-le-feu, et donc la question des forces pouvant être stationnées afin de veiller à ce que l’accord soit respecté. L’idée d’une force internationale, sur le modèle de la FINUL au Liban, est évoquée et certains pays européens, dont la France et le Royaume-Uni, se disent prêts à sécuriser une ligne de front en envoyant des soldats. De fait, il faut une force d’interposition postée tout au long de la ligne de front pour garantir le cessez-le-feu ; mais ce ne doivent surtout pas être des troupes des seuls pays européens, puisqu’ils ne sont pas neutres : la seule solution est qu’il s’agisse d’une force véritablement internationale, que seule l’ONU peut décider et constituer avec des « casques bleus » de plusieurs pays du monde, en particulier des troupes de pays neutres ou éloignés, parmi lesquels les soldats européens doivent être minoritaires.
• Non intégration de l’Ukraine à l’OTAN. Il reste à voir quelle forme concrète devrait prendre l’engagement en ce sens, mais, de notre point de vue communiste et anti-impérialiste, la neutralité de l’Ukraine est préférable à son intégration à l’OTAN, qui renforcerait sa soumission à l’impérialisme occidental. Ce que nous écrivions déjà en mars 2022 est toujours valable : « Bien sûr, d’un certain point de vue, il s’agit formellement d’une restriction (très partielle) de sa souveraineté, puisqu’en toute rigueur un peuple souverain peut choisir d’entrer ou non dans une alliance militaire. Mais, tout d’abord, ce n’est pas une demande formulée par le peuple ukrainien, mais un projet de ses gouvernements pro-occidentaux. D’autre part, l’appartenance à l’OTAN représente elle-même une perte de souveraineté, en ce qu’elle oblige les pays à consacrer une part minimum de leur budget aux dépenses militaires. De plus, cette conception formelle de la souveraineté ne doit pas recouvrir les intérêts matériels du peuple ukrainien lui-même, qui à moyen terme ne peut pas conquérir son indépendance véritable en rejoignant le giron de l’impérialisme occidental contre la menace russe. La gauche, y compris en Ukraine, n’a aucun intérêt concret à s’attacher à défendre la possibilité pour le gouvernement ukrainien de rejoindre l’OTAN. » Le renforcement de l’impérialisme occidental ne peut en aucun cas constituer une perspective valable d’un point de vue internationaliste.
• Levée progressive des sanctions contre la Russie au fur et à mesure du processus de paix. Ce point est incontournable pour qu’un accord de paix soit possible, et il pose d’autant moins de problème de notre point de vue que le maintien des sanctions ne ferait que favoriser certains secteurs de l’impérialisme occidental au détriment de l’économie russe – ce à quoi, en tant que communistes travaillant à l’affaiblissement de notre propre impérialisme, nous ne trouvons aucun avantage. Cependant, la levée complète des sanctions ne serait évidemment acceptable que sur la base d’une réalisation concrète du plan de paix.
Le problème principal du moment, ce n’est donc pas le contenu du plan Kellog, même si la question cruciale d’une force internationale d’interposition reste en suspens. Mais un cessez-le-feu n’est pas un accord de paix, et celui-ci ne peut se réduire à la non-adhésion à l’OTAN. Le problème principal, c’est que, au-delà du cessez-le-feu, Trump veut imposer à l’Ukraine, en plus de la spoliation de ses métaux rares, une capitulation face à la Russie.
... mais la spoliation de l’Ukraine est inacceptable et la souveraineté du peuple ukrainien doit être défendue
En traitant Zelensky de « dictateur » et en essayant de l’humilier publiquement et en imposant à l’Ukraine qu’elle lui laisse une bonne partie de ses minerais rares, Trump a montré que, au-delà du plan Kellog, son projet vise au partage de l’Ukraine entre la Russie et les Etats-Unis, à la délégation aux impérialismes européens du rôle de contention de la Russie, pour ensuite réorienter les forces de l’impérialisme états-unien vers l’Océan pacifique. En cela, l’Ukraine est bien une semi-colonie, écartelée entre les deux puissances qui s’appliquent à la dépouiller : la Russie et les États-Unis – les Européens étant, pour l’instant, écartés du partage final, même s’ils ne renoncent pas à s’arroger une part du gâteau.
Face à ce projet inacceptable, nous maintenons que, pour obtenir la paix, il faut de véritables négociations entre la Russie et l’Ukraine (représentées par Poutine et Zelensky, quoi qu’on en pense), sous l’égide de l’ONU (car aucun autre cadre plus progressiste n’est possible) et non des seuls États-Unis. Dans ces négociations, l’Ukraine, qui s’est battue contre une puissance beaucoup plus forte qu’elle, doit être traitée comme un pays souverain et respectée. Elle devra sans doute perdre définitivement la Crimée, voire d’autres territoires, car le rapport de forces avec la Russie ne lui permet pas de ne rien céder, mais il faut préserver avant tout la capacité du peuple ukrainien à reprendre son destin en main.
Or la population ukrainienne pourra profiter de la fin des combats pour se reconstruire, avec le retour des soldats du front et des millions d’émigré-e-s. Des élections pourront être organisées. Zelensky pourra être battu si le peuple ukrainien en décide ainsi. Les forces de gauche pourront faire campagne et progresser. Les syndicats pourront augmenter leur pression pour défendre les droits des travailleurs et refuser les privatisations, comme ils continuent de le faire depuis trois ans malgré la guerre, et pourront enfin revenir aux armes de la grève et des manifestations. Le prolétariat ukrainien pourra ainsi reprendre la main sur le terrain de la lutte de classe et les révolutionnaires lui proposer leur programme et leur stratégie. Et cela en se s’opposant à la politique libérale de Zelensky et à certains réformistes de gauche ukrainiens qui lui emboitent le pas, et en s’adressant aux travailleur/se-s de Russie pour qu’ils se mobilisent contre Poutine.
Quant à nous, communistes révolutionnaires et internationalistes, nous continuerons à soutenir à la fois les luttes prolétariennes et la résistance des peuples aux impérialistes. De ce point de vue, la période est en train de changer à grande vitesse. En effet, la concurrence internationale a de moins en moins la possibilité de prendre une forme « pacifique ». Elle prend de plus en plus la forme d’un expansionnisme décomplexé, dont les visages sont ceux de Trump, Poutine et Netanhayou. Les États européens, par ailleurs incapables de s’unir en raison de leurs intérêts divergents, les laisseront faire au mieux ou les suivront au pire. Les classes ouvrières et les peuples ne peuvent compter que sur eux-mêmes et devront trouver la voie de la rupture avec le capitalisme et « leur » propre bourgeoisie, vers le communisme qui seul pourra mettre fin aux guerres qui ravagent les peuples. Il faut pour cela faire vivre le programme révolutionnaire, donc la perspective marxiste de la prise de pouvoir par les travailleur/se-s, et soutenir toutes les luttes permettant de défendre et d’obtenir des acquis, d’accumuler des expériences, de construire des organisations indépendantes.