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Contre le militarisme impérialiste, pour un programme militaire défensif, transitoire et révolutionnaire

1. L’arrivée de Trump au pouvoir, sa complaisance à l’égard de Poutine, ses pressions pour que l’Ukraine soit partagée entre la Russie et les États-Unis et son ambiguïté sur la question des garanties militaires à l’UE dans le cadre de l’OTAN, ont conduit les pays de l’Union européenne à décider de se réarmer, c’est-à-dire d’augmenter de façon importante leurs capacités militaires.
Il s’agit d’un tournant historique sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Durant la Guerre froide, en effet, les États-Unis assuraient le leadership en Europe occidentale et garantissaient ses intérêts (capitalistes) contre l’URSS et ses satellites de l’Est (staliniens). Depuis la chute de l’URSS, les États-Unis se voulaient le gendarme du monde, utilisant les autres pays occidentaux comme supplétifs ou leur concédant la gestion d’intérêts secondaires (par exemple à la France en Afrique), tout en élargissant l’OTAN à des pays européens limitrophes de la Russie. Avec la montée en puissance de la Chine, qui est à terme le danger principal pour les États-Unis, et avec dans l’immédiat la politique belliciste de Poutine, qui a cherché à contrer la toute-puissance occidentale en constituant lui aussi un bloc de pays vassalisés à la Russie, jusqu’à l’agression de l’Ukraine en 2014 et surtout en 2022, les cartes ont été rebattues.
Si les États-Unis ont soutenu jusqu’à présent l’Ukraine, Trump menace de ne plus le faire et exige qu’elle cède beaucoup à la Russie, tout en lui imposant qu’elle livre ses terres rares aux États-Unis. De plus, Trump multiplie à son tour les menaces agressives contre d’autres pays (Canada, Panama, Groenland) et exige de l’Europe qu’elle assure désormais sa propre sécurité, notamment qu’elle augmente considérablement ses budgets militaires, sous peine de rendre ineffectives les garanties officielles de l’OTAN. Enfin, il est clair que cette logique ne peut que s’aggraver encore avec la « guerre commerciale » qui vient exacerber les tensions entre les Etats-Unis et leurs concurrents, qu’ils soient leurs alliés historiques ou pas.
2. L’Union européenne n’est pas en elle-même une puissance impérialiste car elle n’est pas un État qui coordonnerait les intérêts d’une bourgeoisie dominante unifiée. Ce n’est qu’une structure supraétatique partielle et inachevée, par laquelle les pays membres ont tenté jusqu’à présent de se coordonner à la fois pour défendre certains de leurs intérêts communs dans le cadre de la mondialisation et pour imposer le néolibéralisme aux travailleur/se-s et aux peuples (privatisations, casse des services publics, destruction d’acquis sociaux, normes budgétaires drastiques, etc.) – même si elle a imposé aussi quelques mesures progressistes par la voie de l’harmonisation (certaines normes démocratiques, quelques normes environnementales, limitations de la corruption dans les pays où elle était la plus forte...).
D’une part, les bourgeoisies nationales gardent des intérêts propres qui empêchent une véritable unification de l’Europe (les États-Unis d’Europe) pourtant rendue objectivement nécessaire par le développement des forces productives et l’interdépendance profonde des principales économies européennes, qui imposent le dépassement des frontières nationales. D’autre part, au sein de l’UE, il n’y a pas seulement des rapports de force entre les puissances impérialistes grandes et petites (Allemagne, France, Italie, Espagne, Portugal, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Suède, Autriche...), mais aussi entre ces puissances et des pays qui sont de fait des « semi-colonies », des pays dominés tout particulièrement par l’Allemagne, mais aussi par d’autres pays comme la France, voire les États-Unis (c’est le cas des pays de l’Est et de la Grèce). Or certains de ces pays, ainsi que ceux qui sont encore candidats à l’entrée de l’UE, sont convoités également par la Russie : ils sont de ce point de vue les objets d’une concurrence interimpérialiste, notamment les pays baltes, la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie (pays membres), a fortiori la Moldavie, la Géorgie, la Serbie et bien sûr l’Ukraine (pays candidats où la Russie exerce soit une grande influence, soit une forte pression).
3. En tant que révolutionnaires qui combattons notre propre impérialisme et les guerres impérialistes en général, nous nous opposons à la politique de la France et des autres puissances impérialistes de l’UE, donc aussi à leur réarmement, vu qu’il participe par définition de leur stratégie impérialiste – même si cette dernière est à ce stade essentiellement défensive. Au-delà des circonstances qui mènent à cette évolution récente, nous sommes plus généralement contre l’armée actuelle qui, dans la plupart des pays européens, est une armée de métier, en grande partie isolée du reste de la société, et qui, en France, sert avant tout à des opérations extérieures au service des intérêts impérialistes français, notamment en Afrique.
Nous sommes donc, par exemple, pour que les député-e-s LFI et ceux/celles des autres pays qui disent défendre les intérêts des travailleur/se-s et des peuples votent, dans chaque pays comme au Parlement européen, contre les budgets militaires actuels, comme contre les budgets actuels en général, dans la mesure où ils expriment la politique et les intérêts de la bourgeoisie. En effet, nous ne devons pas soutenir les augmentations en cours des budgets militaires dans les principales puissances impérialistes, qui ne peuvent se faire qu’au détriment des classes populaires. Il faut donc s’y opposer fermement : dans un contexte de faible profitabilité du capital et de concurrence internationale exacerbée, les gouvernements bourgeois feront ces dépenses à recettes constantes voire décroissantes, parce qu’ils doivent, en même temps, maintenir la compétitivité des multinationales à l’exportation et leur attractivité sur les marchés financiers, en réduisant la pression fiscale sur le capital. L’endettement supplémentaire qui financera le « réarmement » générera des intérêts supplémentaires, que les gouvernements ne pourront faire payer qu’aux travailleur/se-s, en coupant dans les services publics et/ou en augmentant les impôts payés par les classes populaires.
4. Pour autant, nous ne sommes pas pacifistes. En dernière instance, la paix mondiale ne sera possible que sur la base d’une société communiste, sans classes et sans États. Dans le cadre du capitalisme, la guerre pourrait être évitée, dans certaines situations, par des mobilisations de masse, qu’il faut tout faire pour impulser. Mais les efforts faits en ce sens pour stopper la guerre génocidaire atroce d’Israël contre Gaza montrent à quel point les peuples et les classe ouvrières sont démunis, d’autant plus que manque un parti révolutionnaire, tant à l’échelle nationale qu’internationale. De façon générale, les guerres sont malheureusement rendues inévitables, tôt ou tard, par le capitalisme en général, l’impérialisme en particulier et notamment l’époque actuelle, qui les ont remise à l’ordre du jour en Europe et dans le Pacifique, en plus du Moyen-Orient ou de l’Afrique où elles n’avaient jamais cessé.
Dès lors, nous ne revendiquons pas le désarmement, qui ne peut être qu’une utopie. Nous ne demandons pas non plus le démantèlement des arsenaux militaires, ni la disparition des armées. Au contraire, nous devons défendre une politique sur la question de l’armée comme sur l’ensemble des autres structures de l’État et de la société bourgeoise. De même que nous avons des positions et des revendications pour l’école bourgeoise ou la justice bourgeoise, de même nous ne devons pas considérer la question militaire comme une question à part, comme quelque chose de mal en soi.
En cela, nous nous opposons aux pacifistes assumés (qui ont le mérite de défendre une position forte, mais selon nous utopique), mais aussi à ces pacifistes officieux et inconséquents que sont les organisations d’extrême gauche, y compris celles qui se disent « trotskystes » mais qui, parce qu’elles refusent de poser concrètement la question de la prise du pouvoir d’État, au motif qu’elle n’est pas à l’ordre du jour, sont en fait anarchisantes en général et se contentent d’être moralisatrices sur la question de la guerre en particulier (ou plutôt, elles répètent en boucle, sans tenir compte ni des types de guerre actuelles, ni de l’avenir révolutionnaire, le vieux mot d’ordre « pas un sou, pas homme pour la guerre et pour l’armée »).
Bien sûr, de même que le fait d’avoir des revendications pour l’Éducation nationale ne nous empêche pas d’être contre le vote du budget de l’Éducation nationale, même quand il est en hausse, parce que nous ne combattons la politique générale au service de laquelle se trouve ce budget, de même le fait de ne pas voter le budget militaire n’implique pas de n’avoir pas de revendications militaires.
5. Si la guerre en général est inévitable à l’époque de l’impérialisme, il y a plusieurs types de guerres et cela conduit à des positions politiques différentes :
• En cas de guerre interimpérialiste (entre la France et la Chine, la France et les Etats-Unis, la France et un autre pays impérialiste européen...), nous serions pour la défaite de la France et la transformation de la guerre en guerre révolutionnaire contre notre propre bourgeoisie. Et nous soutiendrions les révolutionnaires qui feraient de même dans leurs propres pays.
• Dans une guerre entre une puissance impérialiste et un pays dominé, nous soutenons le pays dominé, quel que soit son régime. La défaite de la puissance impérialiste permettrait en effet l’affaiblissement de l’impérialisme en général et la confiance en soi des peuples opprimés. C’est pourquoi nous avons soutenu la résistance de l’Irak et de l’Afghanistan aux interventions impérialistes occidentales. Ce soutien implique la reconnaissance du droit pour ces pays de s’armer par tous les moyens dont ils disposent, y compris auprès d’autres puissances impérialistes que celles qui les agressent. Cette position pourrait être prise de nouveau en cas d’agression des États-Unis contre le Panama ou le Groenland – mais aussi en cas d’agression de la France contre un État africain, comme Macron a voulu le faire, avec la CEDEAO, dans les États du Sahel après les coups d’État qui ont chassé les troupes françaises (il aurait pu être juste alors que, par exemple, les révolutionnaires de Russie, des États-Unis ou d’Allemagne exigent de leur pays qu’il aide le Mali, le Burkina et le Niger contre la France et la CEDEAO).
• Dans certains cas, un pays dont le régime est bourgeois peut être défendu contre des forces réactionnaires de type fasciste. C’était le cas durant la guerre d’Espagne, où il était juste d’être partie prenante du camp militaire de la République contre Franco – tout en refusant tout soutien au régime et au gouvernement de cette République (contrairement à ce qu’ont fait les staliniens et les socialistes, mais aussi les anarchistes et le POUM, qui ont tous participé au Front populaire) et en développant au contraire, en même temps, une politique révolutionnaire indépendante (expropriation des propriétaires fonciers et des capitalistes, etc.). A fortiori, nous avons soutenu dès ses débuts le Rojava contre Daesh, la Turquie ou les islamistes – notre soutien étant aussi politique, quoique critique, car le régime du Rojava est progressiste (démocratique, féministe et socialisant).
• Si nous sommes pour la révolution, nous devons assumer que celle-ci implique la guerre en tant qu’acmé de la lutte de classe qui se déroule quotidiennement. Si celle-ci est aujourd’hui défavorable aux travailleur/se-s dans la plupart des pays du monde, elle retrouvera tôt ou tard une phase ascendante, remettant la révolution à l’ordre du jour. Or la mise en place d’un État prolétarien, socialiste, conduirait immédiatement au risque de se faire attaquer par les puissances impérialistes et capitalistes, comme le montrent la guerre imposée à la jeune Russie soviétique et plus généralement les attaques des impérialistes contre les régimes progressistes des pays dominés qui, tout au long du XXe siècle, ont voulu rompre avec l’impérialisme, même partiellement. De plus, le risque de guerre inclut celui de la guerre civile, qui elle-même risque de se combiner avec des interventions impérialistes ouvertes ou larvées, comme l’ont montré au XXe siècle aussi bien la révolution russe que les processus révolutionnaires en Espagne ou au Chili, alors même que les gouvernements n’étaient pas révolutionnaires, mais réformistes.
6. Parce que la guerre est inévitable en général et qu’il y a des guerres justes, les révolutionnaires cohérents et conséquents ne peuvent pas être pour le désarmement de leur propre pays, même quand celui-ci est de nature impérialiste. D’abord, c’est utopique et, si nos mots d’ordre doivent faire le pont entre la situation actuelle et la nécessité de la révolution, cette méthode doit servir à convaincre de ce qui est nécessaire, non à semer des illusions. Ensuite, cela reviendrait à empêcher toute livraison d’armes à un peuple ou un pays qui se défendrait dans une guerre juste, donc à le condamner à la défaite. Enfin, les futurs États ouvriers socialistes (et même des peuples dont le gouvernement serait réellement réformiste et progressiste) auront évidemment besoin se défendre. Or, comme dans tous les autres domaines, ils devront pour cela utiliser les acquis matériels, techniques et organisationnels existants, hérités du capitalisme. Désarmer totalement aujourd’hui un pays, au motif que la politique de son État est capitaliste ou impérialiste, reviendrait alors à l’empêcher de se défendre demain quand son gouvernement sera révolutionnaire (ou même simplement progressiste) et se fera attaquer par des capitalistes (nationaux et étrangers). Il serait utopique de prétendre qu’un tel gouvernement arrivant au pouvoir dans un pays désarmé pourrait s’armer dans la précipitation pour faire face aux attaques des bourgeois nationaux et internationaux. Il faut donc assumer que la révolution devra se servir dans le domaine militaire comme dans tous les autres des héritages de l’État bourgeois, qui passeront alors dans les mains des travailleur/se-s auto-organisé-e-s et dirigé-e-s par leur gouvernement révolutionnaire.
7. Mais on ne peut pas se contenter de refuser le mot d’ordre de désarmement et de s’opposer aux augmentations de budget militaire. Il n’y a aucune raison pour que la politique des révolutionnaires sur la question militaire soit seulement négative, sans revendications en positif, c’est-à-dire en fait sans programme. Au contraire, nous devons assumer de proposer ce que Trotsky appelait un « militarisme prolétarien socialiste révolutionnaire », qu’il préconisait pour la politique du SWP aux Etats-Unis au début de la Seconde guerre mondiale, avant que les États-Unis y participe – tout en appelant à mener une politique déterminée contre l’entrée en guerre, qu’il savait néanmoins inévitable.
Nous devons développer notamment ce que Trotsky appelle un « programme militaire transitoire », qui s’inscrive dans le cadre de notre programme de transition en général, axé sur l’objectif de la prise du pouvoir d’État par le prolétariat. Cela intègre avant tout la nécessité d’une préparation militaire des prolétaires. Trotsky préconisait des écoles militaires financées par l’État, mais contrôlées par les syndicats, avec formation des soldats et sélection d’officiers venus des rangs prolétariens.
Aujourd’hui, en France, nous devons adapter cette orientation à la réalité concrète, en nous inscrivant dans les débats sur le SNU et en nous opposant aux pacifistes : nous devons revendiquer, à la place du SNU, un service militaire pour toutes et tous, par une formation militaire initiale, avec droit d’expression et de réunion des conscrit-e-s, et sous le contrôle des enseignant-e-s de l’Éducation nationale et avant tout de leurs syndicats à tous les échelons. En effet, l’école est la seule instance de socialisation globale pour presque toute la jeunesse du pays et permettrait de limiter l’influence idéologique des militaires. On peut comparer ce contrôle avec celui qu’exercent aujourd’hui, en principe, les enseignant-e-s des lycées professionnels sur les stages en entreprise de leurs élèves, devant vérifier leur qualité, s’assurer que les jeunes découvrent un métier, limiter l’exploitation [1].
Quant à la formation militaire continue, nous devons exiger qu’elle ait lieu sous le contrôle des citoyen-ne-s/soldat-e-s eux/elles-mêmes, sous la forme de séquences régulières de formation militaire, avec droit d’expression et de réunion, contrôle et élection des officiers et des militaires professionnels, etc. (pour plus de détails, voir notre critique du programme L’Avenir en Commun de la France Insoumise).
Par ailleurs, ces mesures et cette culture collective de la défense par la formation des citoyen-ne-s seraient utiles pour la sécurité civile, notamment contre les catastrophes climatiques dont on sait qu’elles vont être de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves. D’ores et déjà, c’est souvent l’armée qui intervient en ce cas (encore récemment à Mayotte ou à la Réunion) : au lieu que ce soient des professionnels, il serait juste que ce soient des citoyen-ne-s en cours de service militaire initial ou de formation militaire continue.
8. Quant aux matériels militaires, qui sont devenus incommensurablement plus complexes d’un point de vue technique que dans les années 1930, nous sommes non seulement pour que les citoyen-ne-s y soient formé-e-s, mais aussi pour qu’ils soient principalement orientés vers les missions de défense, en ayant conscience que cela demande une réorientation des investissements actuels. Nous ne nous opposons donc pas aux mesures d’entretien et de modernisation des matériels militaires, ni à la gestion des stocks suffisants pour qu’ils soient opérationnels. Mais, contre les plans actuels de l’UE, qui consistent à augmenter les budgets militaires tout en maintenant la doctrine des armées professionnelles et en écartant les citoyen-ne-s (et même les parlementaires, surtout en France) de tout droit de regard sur les budgets militaires, nous devons porter des revendications précises, exactement comme pour les autres budgets, dans les autres domaines de l’État. C’est ce que ne comprennent pas les prétendus « révolutionnaires » qui se contentent du parasyndicalisme et répètent être « contre la guerre », refusant de poser la question militaire comme ils refusent de poser l’objectif de la prise du pouvoir au-delà d’une propagande abstraite les jours de fête.
Parce que nous sommes contre les interventions impérialistes de notre propre gouvernement, les investissements ne doivent pas concerner principalement le matériel offensif (par exemple les formations et équipements des troupes spéciales, qui absorbent beaucoup d’argent pour des interventions impérialistes en Afrique ou ailleurs). Mais nous revendiquons la priorité aux armes et matériels de défense, notamment des missiles anti-missiles (il faut constituer un bouclier en France comme dans chaque pays d’Europe et partout où c’est possible), des dispositifs de protection des centrales nucléaires, des lieux stratégiques et des réseaux (matériels, électriques, numériques...), des plans et du matériel nécessaire pour établir et tenir des lignes de défense ou des sièges, du matériel de protection pour les soldats et la population, depuis les vêtements pare-balle jusqu’aux abris anti-aériens et anti-nucléaires en passant par des masques de toutes sortes... Nous ne conditionnons pas le niveau et la qualité d’armement que nous souhaitons dans l’immédiat à celui que nous souhaiterions pour un État ouvrier : les armes de l’État capitaliste pourront certes être saisies par l’État ouvrier, mais beaucoup peuvent aussi d’ici là se retourner contre un soulèvement révolutionnaire interne ou externe au pays.
La question matérielle n’est pas dissociable de la question politique. Notre revendication d’investissements dans des armes, dispositifs et équipements principalement défensifs implique l’expropriation des actuels marchands de canon qui s’engraissent en vendant des armes à n’importe quel pays, et la nationalisation de toute l’industrie de défense, sous le contrôle des travailleur/se-s et de la population. La défense militaire est l’affaire de tou-te-s parce qu’elle peut conduire au sacrifice de nombreuses vies et à des destructions massives : elle ne doit donc pas être laissée aux mains d’une infime minorité de gouvernants, de généraux et de capitalistes, mais décidée et mise en œuvre par l’immense majorité, les travailleur/se-s et la population.
Enfin, il faut prévoir des sites de production civils qui puissent se transformer rapidement, si nécessaire, en sites de production militaires – par exemple pour pouvoir produire rapidement, à une échelle de masse, des drones militaires, dont on voit qu’ils sont devenus décisifs dans les guerres contemporaines. Du reste, tout cela rejoint la question plus générale de la nécessaire reconfiguration de pans entiers de l’économie actuelle : indépendamment des risques de guerre, il faut aller vers la souveraineté alimentaire par des mesures de protectionnisme social et écologique, relocaliser dans le cadre des frontières nationales les industries de médicaments et de matériel médical, nationaliser (sans indemnités ni rachat) l’ensemble des entreprises d’importance stratégique (transports, énergies, acier, production pharmaceutique, agrobusiness, etc.).
9. Quant à l’arme nucléaire, qui est au cœur de la dissuasion dans la doctrine actuelle de l’État français, et dont Macron veut étendre la protection au reste de l’UE, nous devons être contre. Non seulement le renoncement à l’arme nucléaire permettrait de récupérer d’immenses sommes d’argent pour financer notre programme militaire transitoire, centré sur la défense du pays et la formation militaire des travailleur/se-s. Mais surtout, l’usage de la moindre de ces bombes constituerait par définition un crime de guerre atroce, en tuant des centaines de milliers de prolétaires – et bien sûr un désastre écologique bien pire encore que tous ceux que produisent déjà les guerres actuelles. Or les révolutionnaires doivent être exemplaires dans la guerre comme ailleurs : nous devons faire la guerre le plus « proprement » possible, d’une manière qui contribue à rallier les prolétaires à notre cause, donc en respectant le droit international de la guerre et le droit humanitaire et notamment en refusant les crimes de guerre quels qu’ils soient (et en sanctionnant durement les soldat-e-s qui s’y livrent) – contrairement aux États bourgeois qui le piétinent, comme le montrent tout particulièrement aujourd’hui Poutine et Netanyahou, comme hier Bush en Irak et en Afghanistan, sans oublier la France dans ses interventions en Afrique.
De plus, l’usage de la bombe nucléaire par la France conduirait à une escalade nucléaire qui au minimum rayerait de la carte plusieurs villes françaises ou européennes, obligeant de toute façon à une capitulation pour éviter que le pays entier soit vitrifié : comment la révolution serait-elle alors possible ? Même pour un État ouvrier, perdre une guerre conventionnelle serait une catastrophe bien moindre, car la défaite n’empêcherait pas la reprise du processus révolutionnaire plus tard et/ou ailleurs – alors que la destruction nucléaire empêcherait par définition quoi que ce soit, et pour toujours.
Il faut donc ouvertement combattre l’armement nucléaire, dénoncer les impérialistes qui préfèrent envisager la destruction de pays entiers, voire risque la perte du leur, plutôt que de renoncer à leurs intérêts. Nous devons être à la pointe de la lutte pour un désarmement nucléaire multilatéral au niveau international et assumer de mettre fin à cette doctrine gaulliste qui n’a jamais été progressiste malgré le consensus dont elle fait l’objet parmi tous les partis représentés au Parlement, y compris LFI. Nous devons renouer avec la tradition du grand mouvement international pour la paix qui, durant toute la Guerre froide, avait mené campagne contre l’arme nucléaire, sous l’impulsion du mouvement ouvrier et de savants de renommée mondiale. De ce point de vue, l’agression de la Russie contre l’Ukraine comme l’attaque d’Israël contre l’Iran offrent, malgré leur atrocité, une opportunité : les gens redécouvrent avec angoisse le risque d’une guerre nucléaire qu’ils avaient oublié depuis la fin de la Guerre froide et beaucoup se demandent pourquoi l’Iran n’aurait pas le droit d’avoir la bombe alors qu’Israël la détient. De façon plus générale il est possible de faire campagne pour le désarmement nucléaire en montrant que les puissances nucléaires sont aussi les principales fauteuses de guerre et violatrices du droit international : beaucoup de gens commencent à comprendre qu’elles pourraient aller jusqu’à risquer un jour l’anéantissement de l’humanité et qu’elle sont donc les principales ennemies des travailleur/se-s et des peuples.
Notes
[1] Par ailleurs, nous sommes pour notre part contre le principe même de ces stages, justement parce qu’ils envoient les jeunes se faire exploiter.