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Reconstruire la confiance de classe

Par Sébastien Langlois (23 septembre 2014)
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La France, une famille ?

Sarkozy avait en son temps adopté la posture du père de famille en annonçant gérer les finances de la France comme un bon père de famile devait gérer son porte monnaie. C'est aussi une posture paternaliste qu'a adopté Hollande lors de sa quatrième conférence, en se présentant d'abord comme garant de la sécurité des français.

La posture paternaliste était aussi très présente lorsque, faisant le constat d'une société défiante à l'égard du pouvoir, Hollande a dit en substance que le rôle d'un politique, c'est de faire son devoir, pour le futur. Si on prend en compte le fait que nombre de ses électeurs et électrices n'ont pas voté pour la politique qu'il mène, Hollande se pose comme un père de famille qui, pour le bien de ses enfants, ne céderait pas à leurs caprices.

Affaibli par l'impopularité de ses mesures anti-sociales et méprisé par les médias capitalistes qui s’apprêtent à remettre en selle Sarkozy bien que ce dernier ait été bien moins efficace pour appliquer des réformes structurelles, Hollande s'appuie donc sur un des piliers idéologiques de l'ordre établi pour construire sa communication autour de son personnage: la famille reposant sur l'autorité et la bienveillance du père.

Mais derrière cette posture paternaliste, ce sont bien les intérêts du capitalisme qui sont défendus. Les Français ne sont pas une famille et la famille de Hollande, c'est celle des patrons et d'une manière plus générale ceux qui ont du pognon...

Pour la "sécurité", le Président de la République a alors annoncé ses intentions d'intervenir militairement en Irak, ce que l'armée française a fait le lendemain. Rappelons que c'est sous couvert de sécurité toujours que les lois "anti-terroristes" sont passées comme une lettre à la poste à l'Assemblée Nationale (avec l'appui du Front de gauche) la semaine dernière et que celles-ci permettront notamment de contrôler encore davantage la communication de tous les militants et militantes.

En matière économique, il a annoncé avec un certain cynisme: "La France va faire 50 milliards d'économie (...) Mais elle n'en fera pas davantage." Il continuera donc le cap avec le pacte de responsabilité avec la réforme territoriale etc.

L'agence de notation Moody's a d'ailleurs décerné un bon point au gouvernement Hollande en déclarant que l'engagement renouvelé du gouvernement à accélérer le rythmes des réformes structurelles avait été pris en compte dans le maintien de la note de crédit de la France à Aa1.

Par contre, pour les salariés, les chômeurs et les retraités, ce sont des clopinettes: 8 € de revalorisation du minimum vieillesse, 40 € de prime sur les petites retraites... Au lendemain du vote de confiance, Valls a annoncé la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, se sentant obligé de faire quelques gestes pour essayer de solidifier sa désormais très maigre majorité

Les digues de Hollande: les institutions républicaines et le dialogue social

Dans son discours, Hollande a été assez éclairant sur ce qui lui permet de piétiner ses engagements. Il a dit que si le gouvernement n'avait pas obtenu la confiance, le peuple aurait été amené à modifier l'Assemblée Nationale ...que les institutions étaient là pour protéger la République... Puis il a ajouté:

"Les institutions donnent 5 ans car elles permettent de tenir bon contre les vents et les marées et de faire ce que l'intérêt du pays exige." Le pouvoir exécutif peut donc, en s'appuyant sur le législatif quand il le veut bien, gouverner contre les aspirations des masses...

On comprend pourquoi les frondeurs et frondeuses se sont transformé-e-s en abstentionnistes au moment du vote... Auraient ils retrouvé leur place après une dissolution de l'Assemblée Nationale?

Par ses paroles, on comprend aussi l'arnaque démocratique que constituent les institutions républicaines dans le cadre du capitalisme. Les élections présidentielles permettent d'être élu-e en faisant des promesses à l'ensemble de la société puis de se maintenir en ne satisfaisant finalement que les intérêts des patrons. Mais cela ne pourrait se faire sans le soutien, au pire critique, des autres membres de l’État et des corps intermédiaires soit disant garant des intérêts de ceux qu'ils sont sensés représenter mais en réalité trop soucieux de perdre leur place en bousculant les "équilibres". Il faut dire que la place est bonne et que certains et certaines savent articuler intérêts personnels, carrière et engagement politique, comme le révèle l'enquête de Mediapart au sujet de Cambadélis.

Hélas les directions syndicales ont été complètement intégrées au système et ne cherchent plus qu'à le stabiliser. Les précédentes mesures institutionnalisant le dialogue social comme celle de la "représentativité syndicale" les confortent dans leur parodie de défense des intérêts des salariés et scellent leur acceptation du cadre économique et politique imposé.

En fait, elles collent de plus en plus aux déclarations de Hollande qui a dit que le pacte de responsabilité et le dialogue social, c'était faire le choix de la compétitivité car soutenir les entreprises, c'était soutenir ceux qui y travaillent...

Les déclarations de Hollande au sujet des frondeurs disant qu'il acceptait les discussions mais dans un cadre imposé établit un parallèle entre les frondeurs et les directions syndicales qui jouent le jeu du dialogue social. En effet, celles-ci ont tendance à traduire la contestation par l'abstention sur les projets gouvernementaux et lorsqu'elles tapent tout de même parfois du poing sur la table comme en juillet lors du boycott de la Conférence sociale, c'est sous la pression des militants, et c'est pour mieux revenir à la soupe ensuite.

Il faut un tsunami révolutionnaire!

Peut-on croire que la réforme territoriale et le non cumul des mandats annoncées par Hollande changeront le système ? Le Parti de Gauche propose pour sa part une révocation du gouvernement Valls et une grande marche nationale mais pourquoi ? Pour un gouvernement Hollande plus à gauche, avec ceux qui ont été ses soutiens critiques jusqu'à maintenant ? Pour une sixième République à la proportionnelle, dans le cadre capitaliste et avec plus ou moins le même État et les mêmes corps intermédiaires ? Le changement doit être beaucoup plus profond !

Sur le plan idéologique, il faut briser l'idée que l'intérêt des salarié-e-s passe par celui des capitalistes. C'est peut être cette idée qui avait animé les salarié-e-s de l'abattoir GAD de Josselin dans le Finistère lorsqu'ils ont chassé les salarié-e-s de l'abattoir de Lampaul Guilmiliau qui voulaient bloquer la sortie des produits pour obliger la direction générale du groupe à ne pas supprimer leurs emplois. Même pas un an après, ce sont les salarié-e-s de Josselin qui sont menacé-e-s de licenciements. La CFDT du groupe avait accepté la fermeture de Lampaul pour favoriser Josselin... Elle en appelle aujourd'hui à Valls pour sauver les 1 173 emplois du site. Voilà où mène la collaboration de classe.

Sur le plan idéologique toujours, il faut briser les schémas crypto-paternalistes qui favorisent l'incarnation du pouvoir par une personne providentielle et font le jeu de ceux qui appellent un ou une chef comme le FN. Il faut lutter contre ces mêmes schémas qui nourrissent la propagande pour faire accepter les interventions impérialistes au nom du bien des populations. Non à l'intervention de l'armée française en Irak !

Sur le plan pratique, il faut appuyer, développer ou construire les mobilisations liées au ras le bol des conséquences du capitalisme ; pour obtenir la satisfaction des revendications bien sûr, mais aussi pour tisser patiemment les liens militants qui nous serviront demain.

A ceux qui disent qu'il n'y a pas de combativité pour justifier notamment le dialogue social, nous répondons que c'est la politique collaboratrice des bureaucraties syndicale qui entretient la passivité et le désespoir. Malgré cela, des luttes se développent à la Poste, à la SNCF, contre les accords UNEDIC ou encore contre la construction d'un barrage industriel au Testet. La grève à Air France, le mouvement dans la santé le 23 septembre ou celui des intermittents, chômeurs et précaires le 1er octobre pourront  également être des points d'appui. Peut être pourrons nous compter aussi sur la journée appelée par la CGT le 16 octobre contre l'austérité pour déborder le cadre imposé.

Mais lutter ne suffira pas car si on veut fédérer les luttes et dépasser les revendications "individuelles" pour des revendications politiques, il faut faire émerger l'idée qu'un autre type de pouvoir est possible ! Tant que des institutions ne remettront pas directement et pratiquement en question la propriété privée des moyens de production, l'idée d'en finir avec l'exploitation demeurera et avec elle l'idée pour certains exploité-e-s qu'il vaut mieux faire allégeance aux capitalistes.

S'il est difficile de faire adhérer à l'idée d'institutions politiques gérées par et pour les travailleurs/euses qui n'existent pas encore, le pouvoir se charge de discréditer les institutions actuelles. Et c'est un mécanisme à somme nulle qui pourrait tôt ou tard rendre supérieure l'idée que la révolution vaut le coup ! Aux révolutionnaires de tenir bon et de patiemment en favoriser la réalisation, en commençant par se battre pour l'indépendance de classe, pour la rupture du dialogue social. Il faut mener cette bataille de façon organisée : la responsabilité du NPA est de prendre des initiatives publiques pour aller vers la constitution d'un courant intersyndical lutte de classe face aux bureaucraties syndicales.

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