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    La sécurité sociale attaquée !

    Par Pauline Mériot (12 octobre 2014)
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    La sécurité sociale attaquée !

    Coupes dans les hôpitaux et les prestations familiales :

    Ce sont les travailleurs/ses qui sont attaqués !

    Le 29 septembre dernier, le gouvernement a annoncé une réforme des prestations familiales. Ce projet fait couler beaucoup d'encre, tellement d'ailleurs qu'on se demande si ce n'est pas là sa fonction principale : pour faire faire des économies à la Sécu, 700 millions d'économies sont prévues sur la branche famille, contre 3,2 milliards de baisse de dépenses dans les hôpitaux.

    3,2 milliards en moins pour les hôpitaux, sans toucher à la qualité des soins ?

    Les hôpitaux manquent déjà cruellement de moyens, les heures d'attente en urgence ne cessent d'augmenter et les conditions de travail des travailleurs/euses hospitaliers/ères sont de plus en plus atroces. On a du mal à imaginer des économies qui n'empireraient pas la situation, alors que les travailleurs/euses mobilisés depuis plusieurs mois pour certain-e-s, réclament de toute force des moyens supplémentaires. Marisol Touraine prévoit au contraire 3,2 milliards d'économie. Officiellement, ces économies se feront en rentabilisant mieux les soins, en évitant les diagnostics onéreux et non nécessaires, sans conséquence néfaste pour les malades...

    Le gouvernement prévoit de développer la « chirurgie ambulatoire » pour permettre aux patients de rentrer chez eux juste après leur opération. Face au manque de place dans les hôpitaux, d'aucun aurait pu imaginer que la solution consisterait à construire des hôpitaux, eh bien non… renvoyons les patients chez eux le plus vite possible, voilà la solution de Marisol Touraine ! La réforme propose aussi de contrôler les médicaments utilisés par les hôpitaux, en versant un bonus aux hôpitaux qui prescrivent moins que la moyenne...

    Le gouvernement chargera les agences régionales de santé (ARS) de renforcer les contrôles. Les établissements trop dispendieux sont déjà punis par des pénalités financières. Les nouvelles coupes vont renforcer le mal-être au travail des personnels de santé, qui parent toujours au plus pressé dans un contexte de manque croissant de personnel. Avec forcément des conséquences négatives sur la qualité des soins.

    S'en prendre « aux riches » ?

    Certains députés PS ont commencé à ouvrir le débat du versement des aides de la CAF en fonction des revenus des parents. Aider moins les « plus riches » que les autres, cela semble très équitable à première vue. Mais cela remettrait en question un des fondements de la sécurité sociale : l'universalité. Si les aides ne sont plus universelles mais proportionnelles aux salaires, alors on va petit à petit baisser leur budget pour compter sur des compensations privées. La même logique appliquée à l'ensemble de la Sécurité sociale, et c'est la justification assurée des baisses de cotisations patronales. C'est l'impôt qui joue le rôle d'égaliser et de reprendre aux plus riches. Or la seule mesure qui allait, plus symboliquement que réellement dans ce sens – la taxe à 75 % sur les hauts revenus – prendra fin début 2015 après une année seulement d'application ! Les grandes annonces sur « prendre aux riches » ne sont en fait qu'une manière de justifier une – nouvelle – remise en cause de la Sécu. Mais surtout, ce qu'aucun député PS ne dira jamais, c'est qu'on ne prendra rien « aux riches » par des lois tombant du ciel. Les riches nous donneront ce qu'on leur prendra par luttes, grâce au rapport de forces.

    Dans les 700 millions d'économie que le gouvernement prévoit sur les prestations et aides familiales, la seule qui relève de cette logique de « prendre aux riches », est la baisse des aides à la garde d'enfants pour les familles les plus aisées. C'est un écran de fumée classique : on tente de faire passer une attaque globale contre l'ensemble des foyers, et donc principalement les foyers prolétaires, en exhibant une mesure spécifique qui vise les plus riches.

    Attaquer les foyers les plus modestes !

    Tout le reste des mesures concerne tous les foyers. La première – et la seule qui soit chiffrée – permettra de faire 250 millions euros d'économie dès janvier 2015 : la prime de naissance à partir du deuxième enfant passera de 923 € à 308 €. Or cette mesure touchera tous les foyers, riches ou pas riches, et elle touchera davantage les plus pauvres pour qui cette somme représente une aide beaucoup plus importante (relativement à leurs revenus) que pour les riches. Le gouvernement prétend que le deuxième enfant coûte moins cher : on a déjà une poussette, un lit à barreaux, etc. Ce n'est pas forcément vrai quand les deux naissances sont rapprochées et qu'il faut malgré tout un deuxième lit et une deuxième poussette et en outre, un deuxième enfant implique souvent un déménagement ou des travaux d'aménagement. Au troisième, la poussette est forcément déjà cassée (eh oui… l'obsolescence programmée c'est ça aussi !) et les parents de 2015 sentiront bien les 615 € manquants.

    Dans cette réforme, il n'y a décidément pas que des mesures qui s'attaquent « aux riches ». La majoration de 64,67 € versée quand un enfant atteint 14 ans le sera désormais à ses 16 ans. C'est moins d'argent pour tous ! Même si 64,67 € comptent peut-être moins quand on en gagne des dizaines de milliers que quand on est au SMIC…

    La palme du cynisme est accordée à la réforme du congé parental. Jusqu'à présent, les parents disposent d'une possibilité de trois ans de congé parental, à compter de la naissance du deuxième enfant. Ce congé, payé entre 145,63 € et 390,52 € par mois, est à répartir entre les deux parents. Désormais, au nom de l'égalité homme-femme, si le père ne prend pas au moins six mois de ce congé, la mère n'aura plus droit qu'à deux années et demie de congé. Cela doit officiellement encourager le travail des femmes, mais le gouvernement espère tout aussi officiellement faire ainsi des économies, comptant sur le fait que les hommes ne prendront pas ce congé dans la majorité des cas. C'est dire si le travail des femmes est vraiment la dernière des préoccupations du gouvernement. On n'augmente jamais les droits de quiconque en faisant des économies. Construire des crèches, étendre leurs heures d'ouverture, garantir l'égalité des salaires, tout cela ne se fera jamais avec un budget d'austérité. Bien au contraire puisque les coupes de l’État à destination des collectivités locales auront des répercussions directes sur leur capacité à construire de nouvelles places de crèches. Les objectifs affichés par le gouvernement d'augmenter le nombre de places en crèches de 100 000 d'ici 2017 sont un pur effet d'annonce, qui n'a aucune chance d'être tenu. Mais chacun sait que les promesses de Hollande ne valent strictement rien.

    A bas le dialogue social pratiqué par les bureaucraties syndicales !

    Pour un mouvement d'ensemble pour défaire les contre-réformes !

    Ces annonces sur les prestations familiales ont eu lieu juste avant la manif « pour tous » de dimanche dernier. Les chiffres sont en légère baisse depuis février dernier (70 000 selon la police contre 80 000 en février dernier). Cette manif réactionnaire s'est auto-rebaptisée « manif des familles ». Le débat sur les allocations familiales est analysé à travers ce prisme par la presse : la réforme est-elle pour ou contre « les familles » ?

    Nous nous opposons à cette réforme parce qu'elle ôte de l'argent à ceux et celles qui en avaient déjà peu. Nous combattons la vision de la Sécu défendue par certains députés PS parce qu'elle remet en question la solidarité par cotisation patronale pour la remplacer par une espèce de charité étatique soumise aux gouvernements capitalistes. Mais en aucun cas nous ne mêlons nos voix à ceux et celles qui promeuvent une vision réactionnaire et patriarcale de la famille. Nous nous battons pour l'égalité entre les êtres. Nous nous battons pour que les enfants vivent dans une société émancipée, qui leur donne toutes les chances de devenir des êtres épanouis. C'est le sens de notre combat contre ce système qui impose ses normes à toutes et tous et qui fait son miel des inégalités entre les gens. Il n'y a qu'en le combattant jusqu'à l'anéantir que nous pourrons ensemble construire les bases d'un nouveau monde possible.

    En attendant, chaque coup porté contre le patronat et son gouvernement est un pas en avant. Or, alors que la cote de popularité du gouvernement est au plus bas et que le mécontentement face aux politiques d'austérité gronde, les confédérations syndicales refusent de prendre leurs responsabilités. La CGT a appelé à une mobilisation nationale interprofessionnelle le 16 octobre mais en refusant d'appeler à la grève dans tous les secteurs. Cela lui permet de maintenir une apparence de radicalité tout en étant sûre de ne pas perturber le « dialogue social » par un rapport de force qui déstabiliserait le Medef.

    Malgré tout, dans la situation, les militants anticapitalistes doivent tout faire pour essayer de faire de cette date un point d'appui pour la mobilisation. Dans les secteurs où c'est possible, en convaincant nos collègues de faire grève, et quand cela ne l'est pas (parce que la grève serait si minoritaire que contre productive), il faut poursuivre les discussions avec les équipes combattantes pour dresser les perspectives d'un mouvement d'ensemble. L'an dernier les lycéen-ne-s, les cheminot-te-s, les postièr-e-s, cette année les intermittent-e-s et précaires et les travailleurs/euses hospitaliers prouvent que les travailleurs/euses sont toujours déterminé-e-s à se battre. En s'étendant, en se coordonnant et en dépassant les directions syndicales qui leur font obstacles, ces luttes pourront arracher les victoires que des longues heures de dialogue, aussi social fût-il, n'obtiendront jamais.

    Pauline Mériot

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