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La Suède : l’autre échec du réformisme
La Suède est un pays qui évoque dans l’imaginaire populaire une situation sociale et économique stable et sereine. Elle n’a participé à aucune des guerres du XXe siècle, au cours duquel son taux de chômage est resté globalement très bas. Son État Providence souvent rappelé évoque, surtout chez les Français, les « Trente Glorieuses ». Pour la gauche, c'est une référence, un modèle combinant économie de marché et système social performant.
Or la réalité n'est pas forcément si rose que ça. Il convient d'abord de rappeler que c'est une tradition plus que centenaire de prendre la Suède comme modèle : son système pré-capitaliste ne ressemblait pas tout à fait au modèle européen (français et allemand en premier lieu), la féodalité et le servage n'avaient pas le même poids car les paysans vivaient beaucoup dans des communes libres où s'établissait une certaine idée de l'égalité, de la coopération et du mutualisme. Et par exemple, bien que le capitalisme industriel s'y soit développé tard par rapport aux autres pays, la Suède a été plus tôt que d'autres dotée de machines pour l'agriculture. En 1938, le magazine Life évoquait le pays « au plus haut niveau de vie » où l'on a « trouvé un moyen pour que le capitalisme serve le peuple ».1
Notre but est ici de décortiquer davantage la réalité suédoise. Bien loin d'un capitalisme stable ou d'une protection sociale qui se développe naturellement, ce modèle n'aurait jamais vu le jour, à la fin des années 1930, sans la période de luttes intenses qui a précédé sa mise en place. Le patronat a alors eu intérêt à faire des concessions pour acheter la paix sociale. La forte rentabilité du capital a permis au modèle de se renforcer jusqu'aux années 1980, avant que la crise économique exige la mise à bas de ce modèle devenu insoutenable pour la bourgeoisie.
Nous proposons une lecture en quatre étapes : les débuts de la social-démocratie suédoise et ses premiers faux pas ; la crise des années 1930 qui mène à la stabilisation politique et hégémonique du SAP (parti social-démocrate) ; l'apogée de l’État providence social-démocrate post-seconde guerre mondiale ; enfin l'arrivée de la crise du début des années 1990 qui change la donne, pousse à des politiques libérales, au démantèlement de l’État providence.
Naissance et premières déroutes de la social-démocratie suédoise
De la propagande socialiste stérile...
La pensée socialiste pénètre tardivement en Suède. Le pays est en retard vis-à-vis des autres pays européens de l'Ouest quant à son industrialisation. Il n'existe pas encore de mouvement ouvrier quand des travailleurs itinérants regagnent leur pays avec dans leur valise des écrits de Marx, après avoir été émigrés en Angleterre, en Allemagne ou en France. Des petites associations locales se créent pour porter la doctrine marxiste, mais elles se limitent à une propagande sans réelle influence sur la société. Les mouvements progressistes et populaires de l'époque (sociétés de tempérance, d'éducation), ainsi que les coopératives et les syndicats, sont avant tout inspirés des libéraux. Les marxistes suédois prenant pour référence la situation d'Europe de l'Ouest les condamnent sans ambages.
Un virage va être cependant pris par ces premiers militants socialistes quand ils vont soutenir les combats pour le suffrage universel, dans un pays où moins de 10 % de la population est en mesure de voter. Le Parti Social-démocrate des travailleurs (SAP, Sveriges Socialdemokratiska Arbetar-Parti) est fondé en 1889 (en même tant qu'est proclamée la IIe Internationale) à partir de l'union de toutes ces associations militantes locales socialistes. La direction se réclame derechef du Programme de Gotha.2
L'industrialisation du pays démarre en retard mais rapidement à partir des années 1890. En Suède, comme en Norvège et en Finlande, les ressources abondantes permettent d'élever assez rapidement le niveau de vie de la population (relativement peu nombreuse), malgré le capitalisme. Le pays dispose de vastes réserves d'eau, de minerai de fer, et de forêts abondamment utilisées. La dépendance énergétique est faible, le pays utilisant davantage l'hydroélectricité et le bois que les énergies fossiles. Il n'a pas de pétrole, mais se fournit auprès de son voisin et partenaire norvégien. L'industrialisation permet rapidement à la Suède de devenir une puissance exportatrice. Il existe depuis 1952 un cadre formel de coopération entre les capitalistes de Suède, de Norvège, de Finlande, du Danemark et d'Islande, nommé « Conseil nordique ».
La classe ouvrière se développant, l'audience des sociaux-démocrates gagne du terrain ; ces derniers entreprennent alors, pour accroître encore cette audience, un tournant vis à vis des organisations existantes, les syndicats en premier lieu, auparavant condamnés pour leur idéologie libérale et leur humanisme morale, vont devenir le nouveau terreau de développement du SAP. En 1898, les sociaux-démocrates sont en mesure d'officialiser la construction d'une centrale syndicale ouvrière : la LO (Landsorganisation). Dès sa naissance elle est adhérente au Parti Social-démocrate, ainsi que tous ses syndicats et membres. Malgré cela, les sociaux-démocrates commencent dès lors à perdre leurs plumes : dans ces syndicats, ils côtoient des gens influencés par les mouvements populaires et citoyennistes évoqués plus haut. Ces mouvements imprégnés de religiosité (quoique dissidents des grandes églises officielles) finissent par influencer le SAP également. La voie de la transformation de la société par des méthodes pacifistes vient à l'ordre du jour avec l'installation du moralisme issu de ces mouvements.
… à l'intégration institutionnelle
Au début du XXe siècle, deux grèves générales ouvrières sont défaites (1901 et 1909). La grande grève de 1909 avait duré un mois, mais fut dirigé bureaucratiquement, avec de nombreux gages donnés à la bourgeoisie qui la rassurèrent3, et le coup de sifflet final fut un coup dur (les syndicats perdent la moitié de leurs membres après cet épisode). Mais la direction du SAP confirma son virage idéologique. Les dirigeants sociaux-démocrates prennent l'assurance que ce ne sont pas les voies de l'insurrection les plus sûres, mais bien celles de la conquête du pouvoir par les institutions en place. À la gauche du SAP, une organisation de jeunesse organise alors une scission, non seulement au sein du SAP, mais aussi au sein de la LO, contrôlée par les sociaux-démocrates. Influencés par Marx mais aussi par les débats au sein de la CGT française de l'époque, ils fondent la SAC (Sveriges Arbetares Centralorganisation = Organisation Centrale des Travailleurs), une confédération syndicale anarcho-syndicaliste. Cette organisation existe toujours aujourd'hui, quoique regroupant bien moins de travailleurs/ses que ses concurrents, mais bien plus imposantes que – par exemple – la CNT française et ses multiples scissions.
A la veille du premier conflit mondial, la Suède n'a connu ni guerre, ni révolution depuis 1815. Dans cet esprit d'une situation devenue centenaire l’État adopte une position de neutralité au cours de la Première Guerre Mondiale et reste en retrait de la guerre. Cependant les sociaux-démocrates parviennent malgré tout à prendre le même virage que leurs homologues français et allemand4 : sans entrer en guerre ils votent un budget conséquent pour l'armée en cas de nécessité de défense du territoire nationale.
A cette époque, le leader de la social-démocratie, Hjalmar Branting se revendique de la pensée de Bernstein5. Il repoussera et condamnera les méthodes des bolchéviks en Russie lors de la Révolution d'octobre 1917 et ne s'y référera jamais, comme aucun de ses successeurs. En 1889 il disait :
« Je crois que les travailleurs ont plus intérêt […] à faire pression pour l'obtention de réformes permettant un renforcement de leur position, plutôt que de dire que seule une révolution peut les aider. »
La décennie des années 1920 voit s'accentuer l'installation de la social-démocratie dans l'arène politique suédoise. De nombreuses luttes et grèves participent à sa montée dans une séquence d'instabilité économique. Lundberg parle « d'agitation ouvrière exceptionnelle »6. De longues décennies de collaboration de classe ont donné une toute autre image de la Suède, mais l’agitation sociale était bien là :
« Dans la période de la fin des années 1890 au milieu des années 1930 la Suède avait peut-être le marché du travail le plus turbulent d’Europe, avec un record dans le nombre de grèves et de lock-out. »7
Le SAP devient un parti important en 1911 (28 % des suffrages) ; les luttes ouvrières vont bousculer la monarchie en place et contraindre la royauté a accorder le suffrage universel pour éviter de perdre les institutions en place. Les sociaux-démocrates le revendiquent comme leur victoire. Les années 1920 seront chaotiques : le SAP gagnant et perdant à plusieurs reprises le pouvoir, souvent à la suite de conflits dans les coalitions formées avec des partis bourgeois sur des réformes sociales telles que l'indemnisation des chômeurs.
De la crise au compromis de classe
La stabilité et la prospérité économique de la Suède se sont établies à partir de la crise du début des années 1930 ; elles marquent le début de l'installation dans la durée de la social-démocratie au pouvoir. L'économie sera relancée sans la destruction massive de capitaux par la guerre, contrairement à l'immense majorité de l'Europe. Mais cette particularité n'est pas due à la soi-disant vertu d'une « bonne » politique « de gauche » : cela a été possible uniquement parce que la Suède possédait des conditions très particulières favorables à ce moment-là.
Crise et rebond économique
Les effets de la crise de 1929 touchent la Suède en 1932, et le pays connaît comme le reste de l'Europe une tendance à des conflits de classe plus aigus. En témoigne notamment la grande grève dans l'industrie de la construction en 1933. Le chômage grimpe à plus de 20 %, les grèves ouvrières se multiplient, des scandales politiques éclatent, et l'organisation de jeunesse du parti conservateur (aujourd'hui appelé « Parti modéré ») vire pro-nazis et s'en prend dans la rue aux autres partis. En réprimant une grève à Adalen, l'armée tue par balle cinq ouvriers. Cette tragédie va heurter tout le pays et favoriser le SAP, qui dirige à nouveau le gouvernement à partir de 1932.
Les paysans souffrant des bas prix des produits agricoles importés, des barrières douanières sont mises en place. C'est une politique protectionniste. Pendant ce temps, les sociaux-démocrates peuvent augmenter les impôts et mettre en place leurs réformes sociales, constituant ainsi le premier tissu d'une sécurité sociale en premier lieu adressée aux plus démunis. Toutefois, les fondateurs de l'État providence suédois, Alva et Gunnar Myrdal, insistaient pour dire que cette politique était rationnelle d'un point de vue capitaliste :
« Il s'agit là dans une très large mesure d'un investissement dans le capital personnel du pays. Cela peut donc être défendu non seulement sur la base de la charité et de la justice, comme l'ancienne forme de politique sociale, mais aussi sur la base de la gestion du capital humain, dans l'intérêt de l'économie nationale. »8
Mais cette politique est avant tout l'expression de la force croissante du mouvement ouvrier
Le reste de la politique économique se base sur une forme de keynésianisme propre aux pays nordiques et jouant sur leurs points forts : lancement de grand travaux en interne, augmentation des salaires, protectionnisme et dévaluation monétaire pour permettre les exportations de matières premières (bois, métaux…). Les exportations suédoises augmentent de 60 % entre 1932 et 1937, et la part de l'Allemagne dans ces exportations passe de 10 % à 20 %. Derrière le succès de la Suède neutre, il y a donc en bonne partie les profits faits avec l'effort d'armement des nazis...9
Les accords de Saltsjöbaden (1938)
Mais la centrale patronale (la SAF) s’oppose fermement à toute idée d’encadrement légal du marché du travail, au nom du « laissez-faire ». Lorsque les sociaux-démocrates proposent un projet de loi en 1935, la SAF parvient à convaincre la LO de se lancer dans des négociations directes, sans le gouvernement. C’est ce qui aboutira, trois ans plus tard, sur les accords dit « de Saltsjöbaden » (du nom du quartier dans lequel ils ont été signé). Ces accords sont largement vantés par la bourgeoisie suédoise, qui parle de « l’esprit de Saltsjöbaden » pour dire « collaboration de classe ».
Ces accords instaurent un dialogue social entre patronat et syndicat à échéance régulière, et assignent à chacun le devoir de respecter ses engagements. Aussi bien la grève que le lock-out sont repoussés comme moyens à utiliser « en dernier recours », et par-dessus tout il faut éviter les « conflits socialement dangereux ». Le syndicat du transport affilié à la LO dénoncera ce passage comme « répugnant »10.
Ces accords contiennent davantage de concessions de la LO que de la SAF11. La centrale syndicale a même changé ses statuts, pour inscrire le droit du secrétariat de cesser tout soutien à une grève si un syndicat membre refuse le compromis proposé par le secrétariat. La maigre avancée que contenaient ces accords est une obligation de préavis d’une semaine pour les patrons qui voudraient licencier un-e salarié-e en contrat d’un an. Certains font néanmoins remarquer qu’à ce moment-là, le patronat en bénéficiait puisqu’une pénurie de main d’œuvre se faisait sentir dans certains secteurs. La collaboration étroite permettait ainsi de limiter la « surenchère » pour obtenir des salarié-e-s12.
Ici, les prérogatives de chacun (SAP et LO) sont définies de façon très claire. Le SAP ne touchera pas au droit du travail et ne fera aucune réforme. C'est la LO qui négociera de manière autonome avec la centrale patronale (la SAF) les conventions collectives sans interférence de l’État. Les accords de Saltsjöbaden ouvrent une ère de pacification des rapports sociaux, en érigeant une communauté d'intérêt entre travail et capital, circonscrivant les négociations à la sphère de la distribution, sans aucune velléité de perturber les structures existantes de la propriété et du pouvoir
Ces considérations conduiront à ce qu'il n'y ait pas, par exemple, de salaire minimum. La SAP refusant de légiférer sur la question et la LO dénonçant ce type de revendication avec l'argument fallacieux que cela empêcherait de négocier des salaires plus hauts.
39-45 : neutralité ? (et autres problèmes moraux)
La politique de neutralité de la Suède lui a été bénéfique depuis plus d'un siècle. Ayant trouvé les ressources pour échapper à la crise, elle n'a jamais été tentée par l'aventure militaire mais n'a pas pour autant abandonné l'armée permanente ni une politique d'armement dans les temps de conflits. Cette politique dite de « neutralité » ne l'a pourtant pas été tant que ça durant la seconde guerre mondiale. Et la Suède, pourtant gouvernée par une organisation du mouvement ouvrier, n'a pas laissé porte close à Hitler et a même profité des besoins de ce dernier en fer et en armement pour faire de juteuses affaires.
En outre, depuis les années 1930 et jusqu'en 1970, la Suède mène elle-même des pratiques douteuses sur sa propre population, notamment une politique de stérilisation forcée de tou-te-s les handicapé-e-s mentaux. Ces pratiques ne sont pas sans rappeler certaines théories eugénistes qu'on pouvait trouver simplement en traversant la mer vers le sud. Nous sommes là bien loin de l'humanisme qui était chanté à tue-tête.
Où est le Parti Communiste ?
Quand on pense à la Social-démocratie, à sa trahison lors de la guerre 14-18 et à la révolution russe de 1917, on pense aussi aux grands partis communistes qui en ont résulté, qu'ils soient français, allemands ou italiens pour ne citer que les plus connus. On serait bien peine de trouver en Suède un parti comparable. Une scission communiste a également lieu en 1921. Cependant la social-démocratie va obtenir d'avantage la confiance des ouvriers ; comme l'ensemble du pays, la classe ouvrière est méfiante vis à vis des russes. Le PC ne parviendra pas à gagner en influence durant les années 1920. Les communistes seront étroitement surveillés, considérés comme des ennemis intérieurs à la solde de la Russie. Le PC manque d'ailleurs de se faire interdire en 1940. Il se renforce après la seconde guerre mondiale, avoisinant 10 % des votes lors des scrutins.
Le « déstalinisation » ouverte par Khrouchtchev va définitivement couper les ponts des communistes suédois avec leurs homologues russes : le PC devient le Parti de Gauche – Les Communistes en 1967, puis Parti de Gauche (tout court) en 1990 et cherche une nouvelle respectabilité en « nationalisant » davantage son discours. Une frange « anti-révisionniste » et plutôt pro-chinoise scissionnera pour constituer un parti maoïste.
En grossissant son score à la fin des années 1990, le Parti de Gauche est devenu un parti sur lequel le SAP ne peut plus faire l'impasse, et qui est désormais associé aux Verts dans les majorités de « gauche » dans l'alliance des « Rouges-Verts ».
Mais qu'il s'agisse du PC ou de toutes les scissions provoquées par ses capitulations (staliniens, maoïstes, ou même des organisations trotskystes) aucun n'a réussi à pénétrer et à gagner un peu d'influence dans la LO, tant l'affiliation avec la politique et l'idéologie social-démocrate est présente.
L'apogée du « modèle suédois »
A la sortie de la guerre 39-45, la Suède est un pays prospère. Son niveau de vie est deux fois plus élevé que le reste de l'Europe qui a subi les destruction de la guerre. La demande en matière première (bois, métaux) est très forte pour les travaux de reconstruction. Le tissu productif suédois, sorti intact de la guerre, se développe. En 1960, 44 % de la population active travaille dans l'industrie.
Cette prospérité économique permet à l’État Providence de se développer avec notamment la mise en place d'un service public de l'enfance et de la petite enfance qui permet d'intégrer pleinement les femmes sur le marché du travail. Les politiques sociales continuent de se développer : ce ne sont plus simplement les plus pauvres ou les sans-travail qui sont indemnisés par l’État à partir d'une prestation de base (minimale), maintenant les sociaux-démocrates développent une politique et un discours pour gagner les faveurs de la classe moyenne. Par exemple l'allocation chômage n'est plus une allocation minimale, mais devient proportionnelle au salaire.
Affiche social-démocrate des années 1950
La politique syndicale de la « flexi-sécurité »
Les années 1950 sont la période d'élaboration de ce qui est connu sous le nom de « flexi-sécurité ». Cette politique est, à l'origine, une proposition syndicale des dirigeants Rehn et Meidner (projet connu sous le nom de « Rehn-Meidner ») qui a eu tôt fait de plaire à la grande bourgeoisie qui y voyait son intérêt. Cette proposition avait deux objectifs : pour les syndicats, la poursuite de la lutte contre le chômage ; pour le gouvernement – et en accord avec les intérêts de la grande bourgeoisie – limiter l'inflation « rampante » dans cette période là.
Les syndicalistes Rehn et Meidner partent du principe que le plein emploi entraînera une pression croissante de la demande. Cette hausse de la demande entraînerait à son tour une hausse des prix. Or l'idée est que si les entreprises veulent se concurrencer en ayant des prix plus bas les unes par rapport aux autres, cela signifie obtenir des gains de productivité. En réduisant l'éventail des salaires, en poursuivant une égalisation, Rehn et Meidner voient la solution : on détruit les postes les moins productifs ainsi que les entreprises trop petites et trop faibles pour faire face à la concurrence. Le relais étant pris ensuite par des entreprises plus grosses. La Suède est un des pays capitalistes ayant connu le plus de monopoles privés.
Les travailleurs occupant les postes jugés obsolètes et pas assez productifs sont ensuite pris en charge par l'État qui s'occupe soit de leur reconversion, soit de leur remise à niveau, d'une formation, mais exigeant aussi parfois une mobilité géographique, afin de pouvoir être employés de nouveau dans des industries en plein développement, voir chez les concurrents de leur ancienne boite.
Cette politique a ainsi pu limiter le chômage à un niveau très bas (1 à 2 %). Et elle a donné naissance ou renforcé une série de grosses entreprises privées suédoises (Electrolux, Ericsson, H&M, Ikea, Saab, Scania, Volvo, Tetra Pak…) pouvant se retrouver en situation de monopole sur le territoire national et favorisées dans leur internationalisation.
Cette politique marque un saut qualitatif dans la conciliation de classe. Loin de toute logique de lutte de classe, le syndicat s'évertue à chercher l'optimisation de la rentabilité pour les capitalistes avec des contreparties pour les loyaux services des travailleurs. En échange de salaires plutôt hauts, les syndicats garantissent la paix sociale, ils promettent que les travailleurs/euses seront prêts à changer d'emploi, d'entreprise, de ville, à mesure des besoins de la production. Ou mieux dit, en l'échange de la promesse de la fin des luttes ouvrières, le patronat consent à augmenter les salaires. C'est ce syndicalisme d'accompagnement et de paix sociale qui était mis en avant par Ségolène Royal pendant sa campagne, et dont rêve en général tout le PS français.
Le programme minimum comme limite asymptotique – ou une social-démocratie sans socialisme
Les années 1950 et 1960 sont marquées par un renouveau des luttes en Suède, débordant parfois les directions syndicales qui se voulaient les garantes de la paix sociale. Certaines sections, notamment minières, la quitteront au profit de la centrale anarcho-syndicaliste. La situation est cependant plus calme qu'ailleurs. Car si à Paris on veut renverser le capitalisme sans qu'il y ait d'organisation concrète qui puisse le faire, et si à Prague on veut le socialisme à visage humain sans en avoir les moyens, en Suède c'est un débat bien plus intellectuel qui s'établit : celui du « pont » entre capitalisme et socialisme. Mais ici pas question de préparer le Grand Soir. La social-démocratie est réticente à aborder le problème car tout marche pour le moment. Pourquoi vouloir faire plus ? Le peut-on ? Un dirigeant social-démocrate, Gunnar Adler-Karlsson, disait en 1967 :
« Sans dangereuses et néfastes luttes internes […] au bout de quelques décennies, [les capitalistes] deviendront peut-être, comme les rois, des symboles d'un développement étatique inférieur passé. »
Les luttes s'intensifient au tournant des années 1970. En 1969, la puissante grève sauvage des travailleurs des mines de fer du Lapland donne le coup d'envoi à une série de grèves illégales, déclenchées contre la volonté des dirigeants de LO et du SAP, en particulier en 1969-71 et 1974-75. Ces grèves posent explicitement la question de « qui décide ». Dans le même temps, la hausse du chômage pousse l'Etat à investir le champ de la production pour se substituer aux employeurs privés. Le modèle social pourrait-il s'étendre jusqu'à menacer l'existence même du capitalisme ?
LO doit tenir compte de la nouvelle combativité ouvrière et décide de prendre une nouvelle initiative. Le dirigeant syndical Meidner élabore une proposition réformiste dans le but de préparer la transition et la fin de la propriété privé des moyens de production. Il propose que 20 % des bénéfices des entreprises soient déposés dans une caisse d'investissement ouvrière dont l'objectif serait de permettre que les travailleurs puissent, à terme, racheter leurs entreprises…
Le patronat n'en voudra évidemment pas et commencera vraiment à montrer les crocs. La proposition fera bondir les partis bourgeois. Après un débat laborieux, la réforme sera malgré tout votée, mais nettement amoindrie coté moyens. À la suite de cet épisode, et pour la première fois depuis 40 ans, la social-démocratie va perdre le manche du pouvoir en 1976, au profit de la droite. Non seulement par une campagne anti-collectiviste dans une société où l'on sent un poids lourd de l'État et de sa bureaucratie (notamment sur les travailleurs via la « flexi-sécurité » où les choix individuels sont faibles), mais aussi sur des choix de société qui ont été lourdement contesté, comme le développement du nucléaire critiqué notamment au centre. Enfin les classes intellectuelles supérieures et universitaires ont vivement critiqué le projet d'égalisation des salaires dans leurs branches.
La droite cherchera à convertir la caisse d'investissement ouvrière en actions d'entreprise individuels, mais rencontrera l'opposition des syndicats. Elle perdra le pouvoir en 1982 et le retrouvera en 1991 où elle la démantèlera complètement en transformant cette caisse en fonds d'investissement pour la recherche… au service des entreprises.
La Suède en décadence et la démolition du modèle social
Néo-libéralisme et ouverture de la crise
Le néo-libéralisme n'est pas le déclencheur de la crise, il en est la conséquence nécessaire. En effet, l'après seconde guerre mondiale est marqué en Suède par une croissance de plus en plus ralentie, plus faible encore que les États d'Europe centrale et occidentale dont la croissance est soutenue par la reconstruction. La baisse tendancielle du taux de profit est amplifiée par la montée en puissance du modèle social. Malgré les dévaluations à répétition dans les années 1970 et 1980 pour tenter de maintenir la compétitivité de l'économie suédoise, la destruction du modèle suédois devenait une nécessité objective pour la bourgeoisie à partir des années 1980.
L'économie suédoise a notablement ralenti. D'abord les luttes pour les salaires et pour une stabilisation professionnelle se sont multipliées à la fin des années 1960-début des années 1970 et obtiennent des victoires. Le patronat est par la suite moins enclin à investir. Les grandes entreprises suédoises commencent aussi à délocaliser leur production. São Paulo est affublée du sobriquet de « 3e ville de Suède » parce qu'elle compte 50 000 salarié-e-s embauché-e-s par des entreprises suédoises. Les entreprises sont parfois également rachetées ou fusionnées avec d'autres firmes étrangères en plein développement. La crise de 1973 frappe aussi la Suède, qui voit son taux de chômage augmenter. Cela va causer le début des ennuis pour le gouvernement social-démocrate, qui démissionne en 1976, même si le SAP revient au pouvoir en 1982. La stagnation se poursuit. A la fin des années 1980, la balance des paiements devient négative, et la hausse du niveau de vie moyen s'arrête.
La bourgeoisie va alors dénoncer de plus en plus le « poids » de l'État providence. Le développement des services publics et des secteurs non-marchand entraîne une forte proportion de travailleurs employés par l'État, quasiment la moitié. Or ces services publics sont financés par la fiscalité qui est une des plus élevées du monde. Les patrons critiquent le poids de cet État qu'ils nourrissent financièrement et dont les « gains » pour eux-mêmes sont mis en doute. Dans le même temps, la fonction publique est dotée d'un syndicat propre, différent de la LO essentiellement implanté en secteur privé, la TCO (Tjänstemännens Centralorganisation = Organisation Centrale des Employés) qui mène des batailles dures pour des hausses de salaires. La bourgeoisie verra alors dans les projets de décentralisation de l'État, le moyen d'atomiser légèrement le mouvement ouvrier ; légèrement mais suffisamment en tout cas pour renforcer son rapport de force : les processus de dialogue social qui étaient auparavant centralisés et nationaux sont aussi décentralisés.
Ces mesures stopperont net toute possibilité de politiques économiques globales. À la suite, les mesures libérales vont être mises en place. La plus importante est la libéralisation du système bancaire et financier au milieu des années 1980. Elle entraîne favorise un endettement croissant des ménages. Les sociaux-démocrates n'attendent pas le retour de la droite au pouvoir (en 1991) pour diminuer les impôts des plus riches à la fin des années 1980.
En 1992-1993, une bulle immobilière et financière (semblable à celle des subprimes de 2008, mais plus localisée) éclate et met à genoux les banques du pays. L’État y injecte massivement de l'argent, jusqu'à 4 % du PIB. La facture est ensuite présentée aux travailleur-se-s, par une lourde cure d'austérité. Cette période de crise va permettre à la droite de revenir au pouvoir en 1991 jusqu'en 1996 1994, où elle sera devenue trop impopulaire. Elle va aussi faire entrer un parti d'extrême droite, « Nouvelle démocratie », au parlement jusqu'en 1994. Les sociaux-démocrates de retour au pouvoir rétablissent quelques mesures de protection sociale – profitant du retour de l'équilibre budgétaire – mais suivront dorénavant la même politique que la droite.
Les politiques d'austérité sont, somme toute, classiques : coupures budgétaires, privatisations… la gestion des hôpitaux est décentralisée et gérée par les localités, avant d'être privatisée. L'école, jusque-là monopole public, ne le reste pas et de nombreuses écoles privées voient le jour. Tout comme les hôpitaux, leur gestion est décentralisée et les programmes scolaires amoindris. Les régimes de retraite sont réformés, passant d'un système à prestation définie et à un système à cotisation définie. Les régimes par capitalisation sont en parallèle développés. Ces politiques sont très brutales, et les coupes dans les dépenses publiques sont spectaculaires. Elles vont permettre d'augmenter la rentabilité du capital, et de faire repartir l'investissement et donc la croissance, qui sera supérieure à la moyenne européenne dans les années 2000.
Situation politique aujourd'hui
La crise ouverte depuis le début des années 1990 ouvre une période de changements structurels et de remise en cause de l'hégémonie social-démocrate en Suède. Alors que la social-démocratie avait gardé le pouvoir (même si majoritairement en coalition) depuis 1932, elle a connu un premier revers en perdant le pouvoir en 1976-1982. Depuis les années 1990, l'alternance est devenue la norme. Les sociaux démocrates perdent les élections en 1991 ; puis reconquièrent la tête du gouvernement en 1994 pour échouer à nouveau en 2006. Cette fois ci pour 8 ans.
Les défaites consécutives ont poussé l'ensemble des partis de gauche représentés au parlement à tenter de nouer des alliances tout aussi durables que les conservateurs. Les Verts ont ainsi penché coté social-démocrate, et le Parti de Gauche (ex-PC) a mis de l'eau dans son vin, bien moins hostile à l'Union Européenne par exemple, il se montre enclin aujourd'hui à diriger en accord avec le SAP si celui ci reprend des éléments de son programme. Ce dernier point ne s'est d'ailleurs pas réalisé : en plein scandale de gestion d'une maison de retraite par une entreprise privée, le Parti de Gauche a exigé que les bénéfices de l'entreprise soient réinvestis et qu'il n'entrerait au gouvernement que si la coalition SAP-Verts prenait cette position.
L'arrivée d'une coalition Rouge-Verte (SAP-Verts) ne change cependant pas tant que ça la donne politique. Les sociaux-démocrates ont regagné les faveurs populaires en plaçant pendant quelques temps à leur tête, Hakan Juholt, tenant un discours plus à gauche que ses prédécesseurs. Il est remplacé en 2012 par Stefan Löfven, ex-dirigeant syndical promouvant les solutions de compromis. Le retour de la social-démocratie en septembre 2014 entre dans le jeu de l'alternance gauche-droite.
Un des effets notables hérité de l'hégémonie du « Parti social-démocrate des travailleurs » est que les partis de droite sont encore aujourd'hui appelés couramment les « partis bourgeois ». Mais les mots survivent bien plus longtemps que la lutte de classe réelle… La bourgeoisie, elle, ne s'y trompe pas. L'ancien président de Volvo, Pehr Gyllenhammar, affirmait même avant les dernières élections de septembre dernier : « les sociaux-démocrates et les partis bourgeois sont tellement proches qu'il ne serait pas étrange qu'ils forment un gouvernement de coalition ».
De fait, les principaux partis font preuve d'une remarquable capacité de collaboration entre eux. Par exemple, la grande réforme des retraites, qui a organisé le basculement d'un système par répartition à un système « notionnel » (plus individualisé et dépendant de la croissance)13, est issu d'un long processus d'élaboration qui a duré de 1991 à 1998, et a conduit à un vote quasi-consensuel au parlement. Cette démocratie est largement vantée par la bourgeoisie, par exemple The Economist classait en 2008 la Suède pays le plus démocratique du monde. Mais si cette démocratie bourgeoise peut encore donner ce genre d'apparence, c'est avant tout le fruit du grand calme de la lutte de classe. Et cela ne peut pas durer éternellement.
En 2003, malgré la campagne commune des principaux partis de gauche et de droite en faveur de l'euro, 56% des suédois ont rejeté l'euro. C'était un vote très clivé socialement. 70% des ouvriers et une large majorité de jeunes ont voté NON14, illustrant le gouffre de plus en plus profond entre les travailleurs et les principaux partis du système, qui se partagent le pouvoir par défaut.
« la collaboration de classe... à qui cela profite-t-il? »
(affiche du Parti communiste suédois)
Le SAP est-il un parti bourgeois ?
Après son premier programme « orthodoxe »15, le SAP a adopté un programme réformiste dès les années 1920, remplaçant la révolution par la réforme fiscale… Son programme actuel16 conserve des références à Marx et à la lutte de classe : « Dans le conflit opposant le travail au capital, la social-démocratie est toujours du côté du travail. Le parti social-démocrate est et reste un parti anticapitaliste, qui s’oppose toujours au capitalisme quand il tente de prendre le contrôle de l’économie et de la société. » Mais cela fait longtemps qu'il reconnaît que son modèle « n’est pas incompatible avec la propriété privée » c'est à dire avec la base de fonctionnement du capitalisme, son « anticapitalisme » (preuve que cette notion est bien floue...) ne se résume alors qu'à un discours critique du capitalisme dans ses aberrations, ses travers, ses excès, non avec la remise en cause du système.
Sur le plan de sa base sociale, le SAP est resté jusqu'à aujourd'hui un parti soutenu par les travailleur-se-s, même si son audience a fortement décru chez les travailleurs. Lors des élections de 2014, le SAP réalisait environ 40% chez les ouvriers, 50% parmi les syndiqués, pour un score moyen de 31%. Même si la chute se poursuit, la social-démocratie suédoise n'est pas encore arrivée au stade de décomposition de son homologue français. Il correspond davantage à la dénomination d'un parti « ouvrier-bourgeois ».
L'affaiblissement syndical
On l'a vu, en Suède, le Parti Social-Démocrate a laissé un rôle propre à la LO et aux autres confédérations particulières dans la défense des salariés en cherchant à réformer le moins possibles le droits du travail par son initiative.
L'affiliation syndicale et le taux de syndicalisation suédois sont célèbres pour leur importance quantitative. Mais la raison n'est pas une combativité de la classe ouvrière qui serait plus consciente qu'ailleurs ; c'est bien plutôt le « partage du pain » entre bureaucratie syndicale et bureaucratie politique qui permet ce taux de syndicalisation exceptionnel. En effet, l’État a laissé à la charge des syndicats la question des indemnisation des chômeurs. S'ils en ont fixé les règles, ce sont les confédérations qui les appliquent. Et pour qu'un salarié puisse en profiter, il faut qu'il soit syndiqué.
Cet état de fait est remis en cause, notamment parce que la « solidarité » syndicale n'est pas aussi évidente que cela. D'abord les cotisations ne sont pas les mêmes pour tou-te-s : plus le risque de chômage est grand, plus les cotisations sont importantes. Un-e ingénieur-e peut ne payer que 9€ par mois tandis qu'un-e employé-e de la restauration peut en payer plus de 40€ !
Le recul de l’État Providence, le dialogue social décentralisé et la situation économique morne creusent les inégalités et accroissent la paupérisation de certain-e-s salarié-e-s qui ont préféré faire une croix sur leur cotisation chômage et une fois sur deux sur leur affiliation syndicale.
L'indemnisation chômage étant un gros argument pour l'adhésion à un syndicat, surtout dans une société où a été instaurée une certaine mobilité géographique et professionnelle en fonction des besoins de la production, la jeunesse plus précarisée que les couches plus âgées de la population voient de moins en moins l'utilité de faire partie d'un syndicat. Ainsi le taux de syndicalisation est en baisse depuis les années 1990.17
La montée de l'extrême droite
La grande bourgeoisie suédoise n'a pas eu besoin dans les années 1930 de brandir une menace fasciste pour protéger ses intérêts fondamentaux et le système qui la sert. L'apparition de l'extrême droite en Suède est toute récente et s'est faite en réaction au démantèlement de l’État Providence, à la montée du chômage et au développement des inégalités et de la pauvreté. La construction de ces partis n'est d'ailleurs pas sans faire écho au discours d'une Marine Le Pen qui sait se montrer davantage « sociale » que son père. En Suède, c'est la même chose : l'extrême droite parle avec nostalgie de l’État Providence des années 1960 mais l'entoure d'un discours nationaliste aclassiste. Car c'est le « peuple suédois », la « nation suédoise », qui décrépit. Et selon eux, c'est parce qu'elle fut unie et cohérente dans le passé qu'elle a été en mesure de construire une société prospère. Ils mettent en cause le multiculturalisme – qui n'avait cependant rien de nouveau puisque les premières vagues d'immigrations datent d'après la seconde guerre mondiale. Dans les années 1980, un mouvement pour « garder la Suède suédoise » émerge, avec des boneheads (skinheads fascistes) placardant des affiches comme « ne laissez pas votre fille devenir le jouet d'un nègre ». Mais c'est surtout à partir des années 1990 que le multiculturalisme est remis en cause : la crise de la fin des années 1980-début 1990 mettent la Suède en situation économique délicate alors que commencent à affluer des réfugiés de Yougoslavie entrant en guerre civile, ainsi que d'autres pays. Le chômage et la croissance des inégalités entraînent ces nouveaux immigrés vers la marginalité plutôt que vers l'intégration. L'extrême droite s'appuie par ailleurs sur un concept qui avait fait le pain de la social-démocratie à la fin des années 1920 : le concept de « maison du peuple »18; idée bien antérieure, mais dont les réinterprétations sont des disputes constantes ; ici l'extrême droite reprend le concept pour dénoncer les trahisons de la gauche. Le principal parti, fondé en 1988, est le parti des « Démocrates suédois ». Ils se sont illustrés en 2005 en s'engouffrant dans les « caricatures de Mahomet », en 2010 lorsque des députés ont agressé l'humoriste d'origine Kurde Soran Ismaïl... A noter qu'en 1998, le Front national a donné une importante somme pour leur campagne électorale. Lors des élections législatives, ils sont passés de 2,9% en 2006 à 5,7% en 2010 et à 12,9% en 2014. Leur poids au parlement rend la situation politique instable, même si le SAP et la droite « modérée » ont conclu un « accord historique » pour permettre à la coalition qui arrive en tête de gouverner même en étant minoritaire.
La Troisième Voie dans une impasse
La social-démocratie suédoise est longtemps restée comme un modèle pour les autres partis sociaux-démocrates européens. Elle cherchait une « troisième voie » qui n'accepte ni la barbarie capitaliste, ni le bolchevisme. Cette troisième voie s'intégrant dans une perspective institutionnelle, légale, pacifique, malgré son exceptionnelle longévité, est finalement une impasse. Pour construire son assise politique, la social-démocratie suédoise s'est acoquinée avec des mouvements antérieurs au mouvement ouvrier et à la lutte des classes, des éléments paysans, petits bourgeois, teintés de religiosité. En prônant et en agissant dans le cadre du développement pacifiste de la société vers un socialisme lointain, elle a préféré la conciliation de classe contre la lutte des classes. Ce « modèle » n'est viable que si la rentabilité du capital est élevée et si la bourgeoisie craint suffisamment le prolétariat pour lui faire des concessions. Quand ces conditions ne sont plus réunies, le modèle est condamné, et nous en avons eu l'illustration dans les années 1990 et 2000. Il nous apparaît ainsi que pour se débarrasser de la loi du marché, du profit et des patrons il n'y a que l'expropriation révolutionnaire des moyens de production qui puisse permettre réellement aux travailleurs/ses de conquérir leur émancipation.
1Magazine Life du 11 juillet 1938 sur Google books
2Programme rédigé à l'occasion de l'unification des révolutionnaire et réformiste allemand au sein du Parti Social-démocrate Allemand (SPD) ; le texte fut lourdement critiqué par Marx.
3Tony Cliff, Patterns of mass strikes, 1985
4La SFIO en France tout comme le SPD allemand voteront les crédits de guerre à la veille de la guerre en août 1914.
5Socialiste réformiste allemand, souvent qualifié de révisionniste et principal meneur de la rupture du SPD avec les principes marxistes.
6LUNDBERG, E. (1985), « The Rise and Fall of the Swedish Model », Journal of Economic Literature, vol. 23, no 1
7http://www.juridicum.su.se/stockholmcongress2002/swedmodel.doc
8http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caf_2101-8081_2013_num_112_1_2818
9http://books.google.fr/books?id=Gn37H8zGXd4C&lpg=PT134&ots=z4rK548OrD&hl=fr&pg=PT134
10http://en.wikipedia.org/wiki/Saltsjöbaden_Agreement
11https://books.google.fr/books?id=_L-rj3VLlYMC&pg=113
12http://www.diva-portal.org/smash/get/diva2:163556/FULLTEXT01.pdf
13http://www.convergencesrevolutionnaires.org/spip.php?article2078
14Cf. http://ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl149_fr.pdf
15https://www.marxists.org/history/international/social-democracy/sweden/program-1897.htm
16http://www.socialdemokraterna.se/upload/Internationellt/Other%20Languages/party-program-french.pdf
17http://wikirouge.net/Taux_de_syndicalisation
18Voir par exemple http://en.wikipedia.org/wiki/Folkhemmet