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    Un « tournant social » du FN ?

    Par Blaze (17 novembre 2015)
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    Note : Nous rapprochons dans cet article Soral et le FN, malgré les différences notables entre eux, parce qu'ils ont en commun ce discours pseudo-social.

    Le FN de Jean-Marie Le Pen était ouvertement libéral du point de vue économique : le règne des actionnaires, des patrons, de la finance, n’était pas remis en cause.

    Avec Marine Le Pen, le discours a changé, et semble séduire toujours plus les masses populaires, il y aurait un « tournant social » du FN.

    Regardons de plus près de quoi il s’agit !

    Alain Soral est l’un des théoriciens de ce « tournant », analysons un peu son discours :

    « Gauche du travail et droite des valeurs », c’est là le slogan qu’il met en avant, et qui est censé résumer son programme.

    Comme il le reconnaît lui-même, la notion de « gauche du travail » repose au départ sur l’opposition marxiste entre le travail et le capital. Le travailleur doit vendre sa force de travail au capitaliste (celui qui possède l’instrument de production) pour subvenir à ses besoins. Or c’est le travail qui crée de la richesse en ajoutant une plus-value à la matière première transformée par son œuvre (ainsi le fil de coton à plus de valeur que le coton brut, et un pantalon plus de valeur que le fil avec lequel il a été tissé). Cette richesse créée, la plus-value, si on laisse de côté les frais d’entretien et de réinvestissement dans l’outil productif, revient au travailleur sous la forme du salaire et au capitaliste sous la forme du profit. L’intérêt du travailleur est que le plus de richesse créée lui revienne, et de même pour le capitaliste, avec cette énorme différence que c’est le salarié qui produit la richesse par son travail, alors que le capitaliste ne fait que ponctionner une partie de cette richesse (en tant que rentier, on dit maintenant « actionnaire »). Le capitaliste est donc une sorte de parasite qui prélève une part de richesse qui a été produite par d’autres, et c’est, en outre, un parasite gourmand puisqu’il en veut toujours plus (comme nous le voyons encore aujourd’hui avec la lutte acharnée que mène le patronat pour faire baisser le prix du travail en développant le travail temporaire, en s’attaquant aux retraites et à la sécurité sociale, c'est-à-dire à ce que l’on peut nommer « salaire différé ».). Le prix du profit capitaliste, c’est donc la misère des travailleurs, qui ne sont bons qu’à trimer pour que d’autres vivent dans un luxe indécent.

    Dans ces conditions, et conformément à Marx, la « gauche du travail » doit avoir pour but d’abolir le capitalisme, bref de supprimer les parasites : les travailleurs produisent pour satisfaire l’ensemble des besoins sociaux, et non pas pour enrichir toujours plus quelques exploiteurs. Mais Soral propose-il l’abolition du capitalisme ? Certainement pas !

    Que faut-il alors comprendre quand il parle de « gauche du travail » ? Si l’expression n’est pas vide de sens, si elle n’est pas qu’une ruse grossière pour attirer les anciens du PC et de la CGT, et le vote populaire en général, cette notion ne peut vouloir dire que ceci : un partage plus équitable de la richesse entre le travail et le capital (ce qui était d’ailleurs le discours de Sarkozy pendant sa première campagne, on a vu le résultat…).

    Mais comment ? Si on écoute Soral (ou le FN), le déséquilibre entre le travail et le capital est dû à la mondialisation et à la finance internationale (par exemple le « dumping social » et le règne de l’argent roi chez des banquiers qui n’ont d’autres patrie que leur portefeuille). La solution serait donc de couper les ponts avec tout cela pour se retrouver entre nous, dans notre petit village gaulois à la Astérix.

    Est-ce possible, est-ce seulement désirable ?

    • Au stade de développement de la production qui est le nôtre, l’autarcie économique d’une nation paraît très problématique. Il y a bien sûr la question de la dépendance énergétique (et Soral ne semble guère militer pour les énergies renouvelables), mais, plus généralement, chaque pays se trouve dans la dépendance par rapport aux autres, aussi bien en ce qui concerne les matières premières que les produits finis. Seul un pays entièrement tourné vers l’agriculture, avec un mode de vie qui exclue la technologie, pourrait prétendre à une telle autarcie. Mais, dès qu’il y a industrie et technologie, un pays ne peut plus se suffire à lui-même et doit entrer sur le marché mondial, s’exposer à la concurrence.

    • Si l’autarcie économique était néanmoins possible, ou du moins sa version faible, le protectionnisme, le programme de Soral serait-il pour autant désirable ? Certainement pas. Que le travailleur ne soit plus exploité par la finance mondiale mais par le capital bien français, ça lui fait une belle jambe : se faire exploiter, serait-ce par un compatriote, c’est toujours se faire exploiter.

    • Le capitaliste français est-il plus sympathique, plus « gentil », que le capitaliste international ? Non, il suffit de relire Zola pour le savoir, sans parler des canuts si on remonte un peu plus loin dans le temps. D’ailleurs, le capitaliste bien français, comme tout capitaliste, a soif de profit, et il sait très bien qu’il peut et doit maximiser ce profit en sortant du cadre national : tout capitalisme tend à la mondialisation de l’économie.

    Mais alors, Soral est-il un idiot qui se fait des illusions ? De quoi parle-t-il vraiment quand il nous parle de « gauche du travail » ? La réponse est assez évidente pour qui connaît l’histoire. Ce que nous propose Soral (et le FN) ce n’est rien d’autre que le mensonge d’un « capitalisme à visage humain » dans sa version de droite réactionnaire, c'est-à-dire le vieux paternalisme patronal. Le bon patron, qui certes s’en met dans les poches, mais qui est pour ses employés comme un père, bon et sévère. Quelle blague !

    On peut donner un aperçu suffisant de cette version, très classique, du capitalisme réactionnaire, en citant un extrait de l’encyclique rerum novarum, fondement de la doctrine sociale de l’église catholique depuis sa rédaction (1891)) jusqu’à nos jours.

    447 Le premier principe à mettre en avant, c’est que l’homme doit accepter cette nécessité de sa nature qui rend impossible, dans la société civile, l’élévation de tous au même niveau. C’est la nature, en effet, qui a disposé parmi les hommes des différences aussi multiples que profondes; différences d’intelligence, de talent, de santé, de force; différences nécessaires d’où naît spontanément l’inégalité des conditions.

    Pour ce qui regarde le travail en particulier, même dans l’état d’innocence, l’homme n’était nullement destiné à vivre dans l’oisiveté. Mais, ce que la volonté eût embrassé librement comme un exercice agréable est devenu, après le péché, une nécessité imposée comme une expiation et accompagnée de souffrance.

    Oui, la douleur et la souffrance sont l’apanage de l’humanité, et les hommes auront beau tout essayer, tout tenter pour les bannir, ils n’y réussiront jamais.

    448 L’erreur capitale c’est de croire que les deux classes sont ennemies-nées l’une de l’autre. La vérité se trouve dans une doctrine absolument opposée.

    Dans le corps humain, les membres malgré leur diversité s’adaptent merveilleusement l’un à l’autre, de façon à former un tout exactement proportionné et que l’on pourrait appeler symétrique. Ainsi, dans la société, les deux classes sont destinées par la nature à s’unir harmonieusement dans un parfait équilibre. Elles ont un impérieux besoin l’une de l’autre : il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital.

    Voilà tout simplement ce que Soral nous propose, dans une version laïque (mais qui doit aussi plaire aux catholiques fondamentalistes que l’on peut trouver au FN) : chacun à sa place, ceux qui doivent commander commandent, ceux qui doivent obéir obéissent. Les premiers peuvent exploiter les autres, car la nature est ainsi faite, mais sans abus (quel mensonge !). Le paragraphe 448 rend explicite ce que Soral entend par « réconciliation » : l’acceptation par les uns de la domination des autres pourvu qu’elle ne soit pas trop « dure ».

    Mais si l’on en vient maintenant à « la droite des valeurs », on comprend alors comment elle s’articule avec la « gauche du travail » dans l’esprit de Soral. Les valeurs de droite ici ? Le sens de la famille, l’amour du travail, le patriotisme, l’honnêteté dans la forme servile de celui qui accepte la domination, la répression de tout ce qui n’est pas conforme à l’ordre décrété (homosexualité, amour libre, cosmopolitisme…) etc. Bref, de bon travailleurs, bien dociles, bien soumis à l’ordre social qui les exploite, voilà le programme !

    La boucle est bouclée, les idées de Soral se résume aussi bien ainsi : « TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE », c'est-à-dire « la droite des valeurs » et… « la droite du travail », ou du moins une certaine droite du travail, qui est celle de la droite réactionnaire par opposition à la droite du libéralisme économique. Mais quand une droite s’oppose à une autre droite, cela n’en fait pas une « gauche ».

    Ainsi, Soral ne fait que nous présenter, sous un nouvel habit, des idées aussi vieilles que « l’action française », idées qui étaient aussi celles de Pétain, ne l’oublions pas. Après tout, ne se réclame-t-il pas du national socialisme ?

    Camarades travailleurs et chômeurs, est-ce vraiment cela que vous voulez ? Croyez-vous que cela soit plus désirable que l’UMP ou le PS ? NON à l’UMP, non au PS, non au FN, tous des opportunistes qui ne songent qu’à se goinfrer, et qui laisseront le système en place ! Car oui, ce qu’ils nomment « système », ce n’est que la partie visible de l’iceberg : le personnel politique, le personnel des médias. Mais ce que veut le FN, ce n’est que cela, mettre un pied dans la place, avoir une part du gâteau, bref, s’intégrer au « système » superficiel sans rien toucher au fondement des choses. Et ils se disent « anti-système » !!! Bande d’escrocs…

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