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Chapitre 9 sur l’égalité
La Tendance CLAIRE a décidé à la présidentielle d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.
Billets précédents :
Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6
Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6
Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4
Chapitre 4.1, Chapitre 4.2, Chapitre 4.3, Chapitre 4.4, Chapitre 4.5
Chapitre 5.1, Chapitre 5.2, Chapitre 5.3, Chapitre 5.4, Chapitre 5.5, Chapitre 5.6, Chapitre 5.7
Chapitre 6.1, Chapitre 6.2, Chapitre 6.3, Chapitre 6.4, Chapitre 6.5
Chapitres 7.1 et 7.2, Chapitre 7.3, Chapitre 7.4, Chapitre 7.5, Chapitres 7.6 et 7.7, Chapitre 7.8, Chapitre 7.9, Chapitre 7.10
Chapitre 8.1, Chapitre 8.2, Chapitre 8.3, Chapitre 8.4, Chapitre 8.5, Chapitre 8.6, Chapitre 8.7, Chapitre 8.8, Chapitre 8.9, Chapitre 8.10
Nous poursuivons la critique du programme L’Avenir en commun, que nous n’avions pas terminée avant la présidentielle. Mais nous le faisons désormais par chapitres entiers.
La partie 4 du programme ACE, intitulée bizarrement « Humaniser les personnes et la société », est consacrée en fait aux questions d’« égalité » (ch. 9), d’« émancipation » (ch. 10) et d’« éducation et formation » (ch. 11), autrement dit aux questions de droits humains fondamentaux, à la culture en général, notamment aux arts, sciences et sports.
Le chapitre 9 porte sur « l’égalité », surtout en fait sur la lutte contre les oppressions.
9. 1) « Réaliser l’égalité entres les femmes et les hommes » : des mesures structurellement insuffisantes, mais immédiatement justes
Le programme ACE situe à juste titre le problème fondamental en désignant le patriarcat : « La plus ancienne et cruelle inégalité remonte à l'aube de l'humanité, lorsque notre espèce a développé des croyances concernant le rôle des femmes et des hommes. Le plus souvent, ce partage s'est fait au détriment des femmes. Partout, des autorités autoproclamées ont voulu les obliger à s'y conformer par la violence, dans l'espace public comme au domicile. Ce système patriarcal est un obstacle au développement de l'humanité, qui brime les rêves, les aspirations et les activités de la moitié de la population, et ses bienfaits pour tous. » Cependant, si la transhistorique du patriarcat est un fait, on ne peut s’en tenir à cette généralité, car le capitalisme l’a reconfiguré, l’adaptant à sa propre logique : l’oppression des femmes y est maintenue parce qu’elle sert en général à la reproduction de la force de travail de leurs maris prolétaires, tout en permettant souvent de faire pression sur les salaires par leur sous-rémunération quand elles sont elles-mêmes prolétaires. De ce point de vue, la révolution anti-patriarcale est indissociable de la révolution anticapitaliste et les mesures réformistes proposées par le programme AEC ne vont donc pas au fond du problème, même si elles sont justes pour satisfaire des revendications immédiates.
Nous soutenons donc la « mesure clé » visant à « adopter une loi de lutte contre le sexisme et les violences faites aux femmes, et allouer le milliard de budget demandé par les associations, notamment en matière de formation et de places d’hébergement ». Mais pourquoi ne pas préciser ce que devrait contenir cette « loi contre le sexisme et les violences faites aux femmes » ? Par ailleurs, en ce qui concerne les viols et les agressions sexuelles, il faut permettre que les plaintes soient déposées ailleurs que dans les commissariats, par exemple en mairie et en centre d’accueil réservé aux femmes, avec sur place des citoyen-ne-s formé-e-s – cela rejoint plus généralement la nécessité que les missions de police soient confiées au peuple lui-même au lieu de l’être à des corps spéciaux (voir à ce sujet notre critique du chapitre 2, point 4 : https://tendanceclaire.org/article.php?id=1741). Il faut aussi systématiser l’instruction dès qu’une plainte est déposée, sans possibilité pour les parquets de classer sans suite au seul motif qu’il n’y a ni preuve matérielle, ni témoin : c’est à l’instruction et, le plus souvent, au procès qu’il revient de rechercher la vérité ; et nous sommes du reste pour que la justice soit rendue par des jurys populaires (voir à ce sujet notre critique du chapitre 2, points 1 et 2, https://tendanceclaire.org/article.php?id=1738). Enfin, il est impératif de renforcer et financer les dispositifs d’éloignement, de surveillance et de rééducation des hommes violents.
Il est juste de vouloir « imposer la parité entre les femmes et les hommes dans les institutions politiques, administratives, économiques, syndicales et associatives » ; mais il faut préciser et distinguer : dans les institutions politiques, la parité est censée exister déjà, mais elle n’est pas respectée par les partis riches, qui préfèrent payer des amendes ; il faut donc l’imposer de façon stricte, en interdisant purement et simplement les listes qui ne la respectent pas (ou qui la contournent, par exemple pour les législatives, en plaçant la plupart des femmes comme suppléantes) ; dans les institutions administratives et économiques, on peut supposer que la mesure préconisée concerne non les salarié-e-s, mais les instances de direction – et de fait il devrait être possible, de façon générale, d’y imposer par la loi la parité ; quant aux syndicats et associations, il faut refuser par principe que l’État se mêle de nos statuts et de nos règles, et on ne peut donc pas revendiquer une loi sur la parité – mais il faut que nous l’imposions nous-mêmes par la lutte interne, jusqu’aux votes statutaires de congrès et à leur mise en œuvre rigoureuse.
Nous sommes d’accord bien sûr pour « augmenter les sanctions financières et pénales à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale femmes/hommes (amendes et refus d’attribution de marchés publics) » – mais les entreprises les plus riches auront toujours les moyens de payer les amendes : il serait certainement plus efficace d’autoriser la réquisition, traditionnellement justifiée par le motif d’« intérêt général », en cas de refus d’appliquer l’égalité salariale. On peut également « créer dans l’entreprise une commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes », en précisant qu’elle devrait bénéficier du droit d’accès à l’ensemble des documents des services de ressources humains comme à l’ensemble des ateliers ou des bureaux, et qu’elle devrait avoir le pouvoir de saisir directement l’inspection du travail et le tribunal en cas de violation manifeste des lois sur l’égalité et contre le sexisme (ou de soupçon de violation, notamment fondé sur des témoignages de travailleuses).
Il va de soi aussi qu’il faut « lutter contre le temps partiel contraint qui à 80 % touche des femmes », mais aussi contre les amplitudes excessives de ces journées de travail « trouées », par exemple quand les travailleur/se-s sont contraint-e-s de faire le ménage tôt le matin d’un côté, et tard le soir de l’autre.
En ce qui concerne les congés parentaux, le programme ACE veut « les rendre identiques pour les deux parents » (mais ils le sont déjà en principe) et nous sommes d’accord bien sûr pour « allonger la durée » de ces congés. Mais le problème principal, que n’aborde par le programme ACE, est celui de la rémunération : aujourd’hui, le congé parental n’est pas rémunéré et la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE, versée par les CAF) est dérisoire (406 euros par mois) et conditionnelle (il faut être salarié-e, avoir un an d’ancienneté, etc.). Dès lors, la plupart des parents renoncent à ce prétendu « droit » au congé parental et, quand un des deux membres d’un couple le prend, c’est généralement la personne dont le salaire est le moins élevé, soit le plus souvent la femme (dans les cas très majoritaires des couples hétérosexuels). Il faut donc revendiquer que le congé parental soit rémunéré dans la continuité du salaire (intégrant les droits à la carrière, à la retraite, etc.) ou comme un salaire (notamment pour les actuelle femmes au foyer, exclues du dispositif car non salariées) par la Sécurité sociale, en augmentant pour cela les cotisations patronales : c’est aux patrons de payer pour l’éducation des enfants, car dans la plupart des cas ils bénéficieront plus tard de cette main-d’œuvre !
Au-delà des questions des droits des salariés, le programme ACE revendiquer d’« ouvrir l’adoption plénière à tous les couples, mariés ou pacsés ». Il est en effet inadmissible qu’un couple pacsé ne puisse toujours pas adopter ensemble (ce n’est possible que pour l’un-e des deux séparément), mais pourquoi ne pas revendiquer que ce soit autorisé aussi pour un couple vivant en concubinat ? Ici, le programme ACE ne se montre pas très ouvert d’esprit ! Et encore, nous n’osons pas lui soumettre la revendication, pourtant parfaitement légitime à nos yeux (nous y reviendrons ailleurs), que plus de deux personnes partagent ensemble un projet de coparentalité. Par ailleurs, le programme ACE ne revendique pas l’abrogation de la limite d’âge actuellement fixée à 28 ans, qui est pourtant une discrimination contre les jeunes couples. Cependant, le vrai problème que pose l’adoption, c’est qu’il n’y a pas assez d’enfants à adopter en France (les abandons d’enfants sont heureusement fort rares), de sorte que les gens ont recours le plus souvent à l’adoption internationale ; or cela suppose de fait l’abandon d’enfants dans les pays pauvres, dont profitent les couples des pays riches : ce n’est évidemment pas acceptable à long terme ; il faut donc promouvoir également les techniques de procréation assistée et, par ailleurs, miser sur l’évolution progressiste en cours des formes de la coparentalité.
De plus, il est impératif de « renforcer le planning familial » – surtout en termes de subventions publiques et de locaux, mais aussi pour le faire mieux connaître par des campagnes d’information dans les établissements scolaires, les entreprises, les municipalités... En fait, il faudrait même mettre en place des antennes du planning familial dans les établissements scolaires, les universités et les lieux de travail, en formant les jeunes et les travailleur/se-s qui le souhaitent et qui pourraient ainsi assurer sur place les missions du planning. Enfin, il est regrettable que le programme ACE, tout en voulant constitutionnaliser le droit à la contraception, ne revendique pas de rendre gratuits les moyens de contraception (et les consultations médicales afférentes quand elles sont nécessaires), alors que cela jouerait un rôle crucial contre les maladies sexuellement transmissibles (en recrudescence, surtout chez les jeunes) et pour la maîtrise de la maternité. D’ailleurs, cela ne coûterait pas très cher à la société et justifierait la fabrication de ces moyens par une entreprise nationale implantée en France, au lieu de dépendre comme aujourd’hui des importations polluantes. La fabrication des contraceptifs doit devenir un secteur stratégique !
La revendication d’« allonger à quatorze semaines le délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG) » est caduque, puisque la loi du 2 mars 2022 l’a déjà décidé, mais il reste à « supprimer la double clause de conscience des médecins » (proposition du gouvernement que l’Assemblée nationale a malheureusement refusée en deuxième lecture). Par ailleurs, nous sommes d’accord bien sûr aussi pour « rembourser le traitement hormonal de la ménopause » (par la Sécurité sociale).
En ce qui concerne la proposition de « mettre en œuvre un plan de lutte contre le harcèlement sexiste et les agressions sexuelles dans les transports collectifs », elle reste trop vague : de quoi s’agit-il au juste ? S’il s’agit de mettre plus de police, nous ne sommes pas d’accord : comme nous l’avons rappelé ci-dessus, nous ne pensons pas que ce soit à un corps spécial, mais aux citoyen-ne-s eux/elles-mêmes d’exercer les fonctions de police. Et en l’occurrence, cela passe par la formation de tou-te-s à l’antisexisme dès l’enfance, à commencer par les garçons, par des campagnes d’affichage et d’information dans les transports, qui appellent notamment à signaler tout agresseur en flagrant délit et à assister la femme agressée.
Enfin, nous ne sommes pas d’accord avec le mot d’ordre « abolir la prostitution et garantir la dignité de la personne », car c’est un préjugé de penser que la prostitution priverait en soi les personnes de leur « dignité » (de quoi les prostitué-e-s seraient-elles ou ils « indignes » ?) et le problème de la prostitution est avant tout un problème d’exploitation, de proxénétisme, de patriarcat et souvent de racisme (car beaucoup de prostituées sont des migrantes), dont la base est, dans l’écrasante majorité des cas, la misère. La prostitution ne peut donc pas être « abolie » sans que le soient la misère, le capitalisme et le patriarcat. En attendant, il ne faut pas stigmatiser les prostitué-e-s, mais réprimer concrètement leur exploitation par les proxénètes, les aider à sortir de la prostitution en leur proposant un travail salarié et, en attendant, en leur reconnaissant le droit sans conditions au chômage, donner des papiers à tou-te-s les migrant-e-s et garantir à celles qui continuent d’exercer la prostitution des droits sociaux (notamment à la santé entièrement gratuite et à l’organisation syndicale) : voir à ce sujet notre article ancien, mais toujours valable à notre avis : https://tendanceclaire.org/article.php?id=185).
9. 2) « Une nouvelle étape des libertés et de l’émancipation individuelle »... c’est largement illusoire sous le capitalisme, mais de nouveaux droits peuvent en effet être conquis par la lutte
Selon le programme ACE, « la liberté de choisir sa vie est un droit fondamental de tous les êtres humains. Nos lois doivent garantir ce droit. La 6e République, et sa Constitution, seront l’occasion de consacrer de nouveaux droits civils et collectifs mais aussi individuels, pour une nouvelle étape de l’émancipation humaine. » Nous pensons pour notre part que le droit de choisir sa vie et l’émancipation humaine sont incompatibles avec le capitalisme, qui est un système d’exploitation et de domination sur tous les plans. Ce n’est donc pas un changement de constitution qui suffira à les « garantir » ! Ainsi, la « mesure clé » est-elle de « constitutionnaliser la non-marchandisation du corps humain et le droit fondamental de disposer de soi en toutes circonstances » : mais c’est totalement abstrait, car le capitalisme repose par définition sur la « marchandisation du corps humain » : comme marxistes, nous pensons que c’est la force de travail elle-même qui, sous le salariat, est une marchandise, c’est-à-dire non seulement les capacités du corps, mais aussi les facultés intellectuelles et les dispositions psychiques requises par le travail. De plus, l’exploitation économique comme la domination sous toutes ses formes, notamment étatique, empêchent évidemment les gens de « disposer [d’eux-mêmes] en toutes circonstances » !
Toutefois, nous sommes d’accord avec les mesures concrètes proposées ensuite, dans la mesure où elles sont progressistes. Il faudrait toutefois préciser que ces mesures devront être imposées par des luttes, comme l’ont été la plupart de celles qui existent déjà – et qu’elles peuvent l’être même avec un gouvernement qui ne soit pas celui de l’Union populaire, car l’opinion publique leur apporte un soutien croissant. Nous sommes ainsi d’accord pour « ajouter dans la Constitution le droit à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le droit de mourir dans la dignité (y compris avec assistance) et l’accès garanti à des soins palliatifs ». Cependant, sur ces sujets, ce n’est pas seulement une question de droits, mais aussi de moyens : pour que les droits soient réels, il faut que les moyens soient massivement augmenter, alors que des centres IVG ne cessent de fermer et que les hôpitaux manquent de tout. On regrette d’ailleurs que le programme ACE ne revendique pas la gratuité de l’accès à ces droits, alors même qu’elle veut les faire reconnaître comme fondamentaux. Par ailleurs, pour ce qui concerne les soins palliatifs, la reconnaissance du droit fondamental à leur accès doit s’accompagner de garanties que ce n’est jamais une solution pour réaliser des économies, comme c’est parfois le cas aujourd’hui : le maintien en vie des personnes gravement malades ou handicapées coûte cher, l’envoi en soins palliatifs est parfois un prétexte pour éviter les soins curatifs onéreux et le droit de mourir dans la dignité ne saurait justifier les pressions pour « débrancher » les gens aux dépens des chances de rémission, même minimes.
Nous approuvons aussi, bien sûr, les propositions d’« autoriser le changement d’état-civil libre et gratuit devant un officier d’état civil », « établir la filiation par reconnaissance comme principe par défaut, rembourser la procréation médicalement assistée (PMA), la rendre accessible aux personnes trans et [...] faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant comme principe premier, en toutes circonstances » ; « mettre en œuvre un plan d’éradication des violences à l’encontre des personnes LGBTI » ; « interdire les thérapies de conversion et réprimer ces pratiques ».
En revanche, une majorité de la TC n’est pas d’accord avec le programme AEC (et la plupart des autres partis politiques français, y compris d’extrême gauche) pour « refuser la gestation pour autrui (GPA) » en soi : nous y reviendront prochainement.
9. 3) « Une République universaliste contre le racisme et les discriminations »... mais où l’on continue de priver de droits fondamentaux les étrangers résidents ?
Selon le programme ACE, « l’universalité des droits n’est pas négociable en République : tous ceux qui adhèrent au programme "liberté, égalité, fraternité" sont français, citoyens, et donc égaux. C’est ce qui permet à la France d’être un pays créolisé, où chaque être humain s’enrichit dans sa relation aux autres. De ce principe en droit, il faut faire une réalité de fait. L’égalité en droit et en fait doit progresser dans tous les domaines. » Cette déclaration semble belle, mais elle est en fait ambiguë et donc hypocrite. En effet, il est faux, dans l’état actuel de la Constitution, de prétendre qu’il suffise d’« adhérer au programme "liberté, égalité, fraternité" » pour être « français » ! Malheureusement, la citoyenneté en France est corrélée à la nationalité et les étrangers qui « adhèrent » à ces principes sont bel et bien privés des droits de vote et d’éligibilité, mais aussi de celui d’accéder à la Fonction publique (c’est pourquoi Le Pen et Zemmour ont eu beau jeu d’expliquer durant leur campagne que la « préférence nationale » existe déjà, ce qui n’est d’ailleurs pas vrai seulement pour les fonctionnaires, mais aussi sous une autre forme pour les avocats, notaires, et autres professions dite « réglementées »). Or, loin d’exiger que l’« égalité réelle » dont elle parle intègre les étrangers, l’Union populaire se contente de vouloir « instituer le droit de vote des étrangers aux élections locales ». Ainsi la belle déclaration de départ aboutit-elle en fait à une revendication bien mesquine, par rapport à laquelle l’écho de la devise républicaine résonne de façon bien chauvine.
De plus, nous sommes d’accord bien sûr pour « garantir le droit du sol intégral à tous les enfants nés en France et faciliter l’accès à la nationalité française », mais malheureusement le programme AEC ne précise pas que cela devrait commencer concrètement par l’abrogation de toutes les lois anti-immigration imposées depuis les années 1980, y compris par le PS... avec en ce cas le vote d’un certain sénateur Mélenchon ! De plus, même si l’accès à la nationalité française doit être facilité (nous sommes pour notre part qu’elle soit donnée à tous les étrangers qui en font la demande s’ils/elles résident depuis par exemple deux ans en France), cette revendication ne doit pas servir de prétexte pour refuser les droit de vote, d’éligibilité et d’accès à la Fonction publique et aux professions « réglementées ». En effet, les étrangers résidents doivent avoir le droit de vouloir garder leur nationalité, d’autant plus que de nombreux pays d’origine interdisent, contrairement à la France, la double nationalité.
Par ailleurs, la « mesure clé » de ce point, qui est de « mettre en œuvre un plan d’action global contre les discriminations (emploi, logement, éducation, santé…) », reste bien abstraite : on ne voit pas bien quelles portes elle va permettre d’ouvrir à ceux qui se les voient fermer !
On peut être d’accord pour « créer un Commissariat à l’égalité doté d’un Observatoire des discriminations et de pôles spécialisés au sein des services publics et des cours d’appel » ; mais il faut que ces missions soient confiées à des citoyen-ne-s, qui recevraient une formation spéciale à cet effet et seraient rémunéré-e-s (comme ceux et celles appelés à siéger en cour d’assise et qui devraient plus généralement participer à la justice : voir à ce sujet notre critique du chapitre 2, points 1 et 2, https://tendanceclaire.org/article.php?id=1738).
On peut soutenir aussi, comme moindre mal, la proposition immédiate (promise mais non tenue par Macron) de « mettre en place le récépissé de contrôle d’identité par les forces de l’ordre pour lutter contre le contrôle au faciès, accompagné de dispositifs de formation, de contrôle et de sanctions » – mais cela n’empêchera pas le racisme de la police, qui continuera tant que la police sera un corps spécial séparé du peuple (voir la critique du chapitre 2, point 4 : https://tendanceclaire.org/article.php?id=1741).
Enfin, nous sommes d’accord bien sûr pour « instaurer le 4 février comme jour férié national en mémoire des victimes de l’esclavage et de leurs luttes s’ajoutant au jour de commémoration spécifique à chaque territoire d’Outre-mer », pour « ouvrir les archives sur les guerres de décolonisation » et pour « abroger la loi dite contre le “séparatisme” ».
9. 4) « Faire face collectivement à la perte d’autonomie individuelle »... oui, mais il ne faut pas oublier d’exproprier les EHPAD privés à but lucratif !
Ici, on ne peut qu’être d’accord avec le programme ACE : « Chacun a droit à des conditions de vieillesse dignes : c’est un enjeu de civilisation humaine. Il faut sortir d’un modèle actuel de maltraitance institutionnelle — pour ne pas dire gouvernementale — de nos aînés et des travailleurs qui s’en occupent, en grande majorité des femmes. Des milliers d’emplois, 210 000 au minimum rien que pour les EHPAD, doivent être créés. Les salaires, le statut et les conditions de travail doivent être revalorisés. Les conditions de travail doivent répondre aux protocoles de soins et aux protocoles sanitaires : dans la sixième puissance économique mondiale le terme "maltraitance institutionnelle" ne devrait pas exister ! »
Nous approuvons les mesures proposées, que le récent scandale d’Orpéa permet de justifier et de défendre à une échelle de masse : « construire un service public de la dépendance, pour aider les seniors à rester à domicile ». (« mesure clé »), « développer un réseau public de maisons de retraite aux tarifs harmonisés et accessibles », « créer 10 000 places par an en EHPAD publics pendant cinq ans, refonder le modèle de financement, l’augmentation des moyens matériels et humains », « former, qualifier et recruter en nombre suffisant le personnel nécessaire : au moins 210 000 personnes pour pouvoir respecter un ratio minimal d’encadrement "au chevet" des résidents », « revaloriser les métiers et revenus de l’ensemble des professionnels du grand âge à domicile comme en institution en refondant les grilles de rémunération et de qualifications ».
Dans ce point, il manque cependant l’essentiel : il faut interdire les entreprises à but lucratif dans ce secteur et exproprier celles qui font aujourd’hui des profits sur le dos des personnes âgées en les maltraitant, à commencer par Orpéa (mais les autres ne valent pas mieux !).
9. 5) « Lever les obstacles à l’autonomie des personnes en situation de handicap »... mais à quel point est-ce possible dans le cadre de la société actuelle ?
Il faut se réjouir que le programme ACE soit juste et précis sur ce sujet : « Que ce soit à l’école, pour accéder aux services publics ou dans toutes les situations de la vie quotidienne, les personnes en situation de handicap doivent toujours faire face à de nombreux obstacles plus de quinze ans après la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005. Le refus du gouvernement de déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés (AAH), c’est le refus de garantir leur autonomie. Stop aux beaux discours sans lendemain et passons aux actes. »
Nous sommes d’accord pour « assurer l’autonomie financière des personnes en situation de handicap, en revalorisant et en versant l’AAH indépendamment des revenus du conjoint » (mesure clé), « pérenniser le financement de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap », « titulariser les personnels d'accompagnement des élèves en situation de handicap et recruter pour renforcer les capacités d'accueil et d'accompagnement » et pour l’« objectif zéro obstacle : tolérance zéro contre les entraves, c’est-à-dire les obstacles au déplacement ou à la vie quotidienne, permettre aux préfets de se substituer aux maires pour imposer les travaux et fermer les bâtiments privés ne respectant pas la loi, et imposer un plan de mise en accessibilité des transports ».
De plus, nous approuvons la proposition de « multiplier les cursus complets (de la maternelle au lycée) bilingues français/langue des signes française (LSF) pour permettre un réel accès au savoir et à la formation pour les enfants sourds et malentendants ». Mais il n’est pas précisé si ces enfants doivent être intégré-e-s dans les mêmes établissements que les autres : nous y sommes pour notre part favorables, car l’apprentissage dès l’enfance de la LSF permet le même rythme de développement des enfants que la maîtrise des langues orales, contrairement aux autres formes d’apprentissage du langage par les enfants sourd-e-s, qui entraînent souvent des retards quand elles sont exclusives ; mais pour que la LSF soit apprise par un maximum d’enfants sourd-e-s, mais aussi de leurs parents et fratries, et utilisée dans les établissements de milieu ordinaire, il faut un plan de formation et d’embauche très massives de personnes sourdes et non sourdes qui la maîtrisent.
De façon générale, il faut insister sur la nécessité de scolariser en milieu ordinaire le maximum d’enfants en situation de handicap, en les accompagnant correctement et en formant les enseignant-e-s pour mieux les accueillir. Or les progrès en ce sens sont infimes, puisque le droit à l’éducation des enfants en situation de handicap est largement violé en France, tout particulièrement pour les enfants atteints de troubles du spectre autistique, qui ne sont même pas scolarisé-e-s : l’État les abandonne, eux et leurs parents, qui n’ont souvent aucune solution et qui peuvent au mieux faire prendre en charge leurs enfants par des associations les plus diverses, avec des personnels plus ou moins formé-e-s à l’accueil et au soin, mais qui ne peuvent assurer les missions qui incombent au service public d’éducation.
Pourtant, la scolarisation de tou-te-s les enfants handicapé-e-s ou autistes et l’intégration d’un maximum de ceux pour qui c’est possible en milieu ordinaire, sont les meilleures manières non seulement de former ces enfants (et d’aider leurs parents), mais aussi d’apprendre aux autres à vivre avec eux et elles, et donc de faire évoluer les mentalités pour que les situations de handicap, en étant prises en charge collectivement et en s’intégrant le plus possible dans l’« ordinaire », puissent cesser un jour d’être des « situations » marginalisées, c’est-à-dire que les « handicaps » cessent d’être avant tout sociaux. Mais cela suppose tellement de moyens et de changements par rapport à la situation actuelle que, pour y parvenir, il faudra sans doute une transformation révolutionnaire globale de la société...