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Lycée Arago: pourquoi nous saisissons le défenseur des droits
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Suite à l'intervention des force de l'ordre lors d'une assemblée générale au lycée Arago, le 22 mai, à Paris, des parents et citoyens dénoncent les droits bafoués de 40 mineurs et de 88 majeurs.
C’est en tant que citoyen.ne.s et/ou parents que nous saisissons le défenseur des droits officiellement au nom de ce qui nous apparaît comme une grave atteinte aux droits humains. Le mardi 22 mai, en marge de la manifestation pour la défense des services publics, quelques lycéen.ne.s, étudiant.e.s, et militant.e.s ont décidé de prolonger la mobilisation par une discussion en assemblée générale dans le lycée Arago. Ils sont entrés dans les lieux sans autorisation, accompagnés de quelques photojournalistes. Quelques instants plus tard les forces de l’ordre sont intervenues pour les en déloger au nom de l’illégalité de l’intrusion. Des images tournées par les journalistes présents témoignent d’un usage disproportionné de l’intimidation et de la violence malgré le caractère pacifique de la réunion; elles montrent également l’absence de résistance des participants.
Surtout, les participants arrêtés ont été parqués plusieurs heures de suite dans des cars sans aucune information, nourriture, boisson ni même lumière, avant d’être dispatchés dans plusieurs commissariats pour des mises en garde à vue. Parmi eux, 40 mineurs et 88 majeurs dont certain.e.s sont nos enfants, et dont nous n’avons eu aucune nouvelle avant le lendemain, jour de défèrement devant le TGI de Paris. Un photojournaliste appartenant au collectif La Meute a par ailleurs subi un prolongement de sa garde à vue par une nuit au dépôt (de la prison!). L’affaire se solde par quelques rappels à la loi, des classements sans suite, des convocations ultérieures et 13 mises en examen de mineurs, à quelques jours du début du baccalauréat.
Outre les irrégularités de procédure c’est aussi l’usage disproportionné de la force et de l’intimidation qui fait aujourd’hui l’objet de votre saisine. Monsieur le défenseur des droits, les jeunes ont-ils encore le droit de manifester leur colère et de s’assembler pour discuter dans ce pays sans subir une répression disproportionnée sous forme de punition collective? Est-il conforme aux droits humains de priver des jeunes de tout contact avec leurs familles? La répression serait-elle devenue l’unique rempart contre une jeunesse affirmant son appétit de démocratie?
Nous considérons qu’il s’agit là de maltraitance caractérisée dont les effets sur la socialisation politique de la jeunesse pourraient être délétères. Plus que jamais, nous affirmons notre soif de calme et d’humanité; et, plus encore, nous refusons que les droits de nos enfants, étudiant.e.s, élèves, soient à ce point bafoué.e.s.
Nous tenons à exposer les deux motifs qui justifient notre saisine. A propos de la rétention dans les cars. C’est le seul cadre dans lequel ces retenues peuvent avoir lieu est la vérification d’identité, à savoir quatre heures maximum, mais elle ne peut durer que le temps strictement nécessaire à la vérification de l’identité. Tous ceux qui avaient sur eux leur carte d’identité ne pouvaient pas être gardés dans ces conditions. Le seul régime pouvant justifier leur retenue était la garde à vue. Mais, dans ce cas, le code de procédure pénale prévoit que l’individu interpellé doit être immédiatement conduit devant un officier de police judiciaire qui notifie les droits que le procureur en est averti sans délai et que dès que le procureur est informé les parents tuteurs ou personne ayant en charge l’enfant doivent être informés sauf si le procureur a autorisé de repousser cet avis (ce qui ne peut être fait que pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne), ce qui n’était manifestement pas le cas ici.
Sur le renouvellement des gardes à vue: il nous apparaît que le parquet n’a pas joué son rôle à l’occasion du renouvellement des gardes à vue d’ordre public. Il se devait de ne pas les cautionner en les renouvelant. Il y a de notre point de vue un dysfonctionnement du contrôle de la justice sur la police.
La vidéo de l’intervention policière à Arago: https://www.facebook.com/LaMeutePhotographie/videos/362065204197814/
Signataires : Michel Agier, anthropologue; Philippe Artières, historien (CNRS/EHESS); Isabelle Attard, ancienne députée écologiste; Clémentine Autain, députée FI; Etienne Balibar, philosophe; Esther Benbassa, sénatrice de Paris, universitaire; Olivier Besancenot, militant NPA; Patrick Boucheron, historien; Raphaëlle Branche, historienne; Rony Brauman, médecin, essayiste; Rodolphe Burger, musicien; Robin Campillo, cinéaste; Laurent Cantet, cinéaste; Eric Coquerel, député FI; Jocelyne Dakhlia, universitaire EHESS; Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice; Laurence De Cock, historienne, enseignante, coordinatrice de la fondation Copernic; Eric Fassin, sociologue; Elsa Faucillon, députée PCF; Eric Favey, président de la ligue de l’enseignement; Jeanne Favret-Saada, directrice d’études honoraires EPHE; Pascale Ferran, cinéaste; Karl Ghazi, co-président de la fondation Copernic; Janette Habel, politologue, co-présidente de la Fondation Copernic; Pierre Khalfa, économiste, fondation Copernic; Nicole Lapierre, socio-anthropologue; Mathilde Larrère, historienne, fondation Copernic; Catherine Larrère, professeure émérite, Paris1; Sandra Laugier, philosophe, Paris 1; Pierre Laurent, secrétaire national du PCF; Sarah Legrain, enseignante, secrétaire nationale du Parti de Gauche; Michel Lussault, professeur d’études urbaines; Philippe Mangeot, enseignant; Philippe Marlière, politiste; Jacques Martineau, cinéaste et enseignant; Guillaume Mazeau, historien; Philippe Meirieu, professeur émérite et pédagogue; Willy Pelletier, sociologue, coordonnateur fondation Copernic; Mathieu Potte-Bonneville, philosophe; Jacques Rancière, philosophe; Barbara Romagnan, ancienne députée, Génération.s; Marine Roussillon, responsable éducation PCF; Christian Salmon, écrivain; Enzo Traverso, historien; Aurélie Trouvé, porte-parole d’ATTAC; Paul Vannier, responsable éducation de la FI; Dominique Vidal- Sephiha, journaliste historien; Sophie Wahnich, directrice de recherche CNRS…
La liste complète des signataires est à retrouver ici.