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Révolutionnaires et luttes anti-carcérales dans l’Italie des années 1970

Lien publiée le 25 juin 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.contretemps.eu/revolutionnaires-luttes-anticarcerales-italie-annees-1970/

La dimension carcérale est souvent reléguée en marge de la lutte révolutionnaire, l’emprisonnement étant considéré comme une suspension dans l’engagement politique. Cependant, pendant le « long mai 68 » italien, alors que les tensions s’intensifient et que les mouvements sociaux embrassent tous les aspects de la vie (luttes ouvrières, étudiantes, féministes, chômeurs, etc.), les prisons se remplissent.

De nombreux militants, soutenus par des rencontres avec le sous-prolétariat incarcéré, décident de poursuivre leur lutte au sein même des établissements pénitentiaires. Un mouvement d’ampleur se développe : révoltes et évasions se multiplient, une solidarité s’organise à l’extérieur avec la participation d’artistes et d’avocats, les procès deviennent des arènes où les accusés défient les accusateurs, et la lutte armée trouve dans l’emprisonnement un terreau propice à son développement. Ainsi, toute la machine répressive de l’État est attaquée à travers ses institutions carcérales. Désormais, la théorie et la pratique communiste affrontent l’État également sur le « front carcéral ».

C’est l’histoire de cet affrontement, pan relativement méconnu des années 1970 italiennes, qui est raconté par les historien·nes Elisa Santalena et Guillaume Guidon dans leur ouvrage La lutte emprisonnée. Répression, droit et révolution dans l’Italie des années 1970 (Éditions Syllepse, 2023), dont est extrait le texte suivant qui représente la conclusion de leur travail.

« Il est juste, honnête et politiquement correct, de parler d’une grande défaite que nous avons subis, d’une défaite historique parce que l’enjeu était très élevé : le changement révolutionnaire était un grand défi que nous avons perdu. Cette prémisse est fondamentale et indispensable, pour ne pas mystifier la réalité historique. » (Ferruccio Dendena[1])

Dans le contexte du tournant des années 1970 aux années 1980, les pratiques de conflictualité politique et sociale sont, de manière générale, sur le déclin. La législation d’urgence, les arrestations massives, les procédures pénales, le manque de débouchés et de perspectives pour les mouvements de lutte, provoquent un épuisement et un affaiblissement progressif des dynamiques militantes. Même la combativité ouvrière s’épuise, malgré un dernier sursaut en 1980.

Les arrestations massives du « 7 avril » contre l’Autonomie ouvrière, ou le licenciement de 61 ouvriers de la Fiat en octobre 1979[2] – notamment pour des accusations de « terrorisme » et de violence – étaient déjà des signes annonciateurs d’une attaque portée contre les individus et les groupes qui menaient encore une pratique politique radicale hors du champ de la clandestinité. Mais, avec la « marche des 40 000 » le 14 octobre 1980 à Turin, moment qui clôt les « 35 jours » de grève de la Fiat – dernier moment de forte conflictualité et d’occupation dans ce bastion de la contestation ouvrière – c’est une époque qui se referme doucement[3].

C’est la fin de l’ère des luttes politiques massives, capables d’instaurer un rapport de force dans le temps et dans l’espace sur des territoires complètement divers (l’usine, l’université, les quartiers, le couple ou la famille) ; la fin aussi des « utopies » et des perspectives révolutionnaires propres à cette période. Il reste majoritairement, à ce moment-là, le champ clos de l’affrontement entre les organisations armées et l’État qui se poursuit jusqu’à la fin des années 1980, ainsi que celui de la prison, avec plusieurs milliers de personnes incarcérées ou poursuivies pour leur engagement dans la lutte armée ou dans des formes d’action illégales. Toutefois, la force qui venait de l’extérieur en soutien aux prisonniers n’est plus aussi vive.

Désormais, les procédures pénales mettent un point final à une décennie de phénomènes contestataires ; rien qu’en ce qui concerne les BR, Maria Malatesta rappelle que « la machine judiciaire se mit en branle pour ne s’arrêter qu’en 1993, avec le procès « Moro IV » qui conclut l’histoire procédurale des BR. »[4]L’histoire se résume alors à une chasse frénétique au « terroriste », comme en témoigne l’avocat Giuliano Spazzali :

« terroriste : c’est cela notre costume à la fin des années soixante-dix. Tous ceux qui habitent déjà les prisons et ceux qui y finiront probablement sont terroristes ; terroristes mes amis, mes parents, mes « clients » ; terroristes aussi tous ceux que j’ai rencontrés dans ces années, avec lesquels j’ai travaillé, j’ai étudié […]. »[5]

Le bilan strictement comptable des incarcérations et des procédures judiciaires est particulièrement lourd. Selon un rapport du ministère de la Justice de 1997, 4087 militants de la gauche révolutionnaire sont condamnés pour des « faits liés à des tentatives de subversion de l’ordre constitutionnel ». Il s’agit là d’une situation unique et sans comparaison en Europe de l’Ouest dans les années de l’après-guerre, comme le rappelle la politiste Isabelle Sommier qui compare l’Italie à l’Allemagne pour donner un ordre d’idée, mais en retenant des chiffres plus élevés que ceux du ministère :

« En 1989, quelques 400 militants d’extrême gauche y étaient en prison (dont 60 à perpétuité), contre 40 en RFA en 1992. Près de 5000 personnes y ont été détenues pour « délit de subversion », 20 000 inculpées et un millier de personnes en fuite en 1980. Une réalité difficilement commensurable avec les quelques dizaines d’activistes que rassemblaient les groupes des autres pays. »[6] 

De plus, comme nous avons pu l’illustrer à travers les enquêtes menées à l’encontre du SR, la répression ne s’est pas seulement fixée sur des individus ou des organisations comme les BR, mais de manière plus diffuse : « De 1969 à 1989, la justice a appliqué à quarante-huit formations les lois concernant les « associations subversives » ou la « constitution de bandes armées », auxquelles il faut ajouter douze revues, collectifs ou groupes légaux. »[7]

Ainsi, dans un tel contexte, plus nous avançons dans les années 1980 et plus le travail politique et militant portant sur la thématique carcérale devient compliqué à mener, ou en tout cas se fait dans un isolement toujours plus profond, quant aux détenus, ils retournent progressivement à leur statut d’invisibles. C’est ce dont témoigne Franca Rame dans un entretien accordé en 1986[8]. À cette époque, l’actrice tente de poursuivre en son nom propre un travail d’assistance auprès de détenus – principalement des femmes – en reprenant ce qui faisait une part des modalités d’intervention du SR : envoi de colis, d’argent (notamment pour payer les soins ; elle insiste particulièrement sur les soins dentaires), de vêtements, visites en prison pour prendre des nouvelles et en donner de l’extérieur, etc.

Si elle ne peut évidemment assumer tout le travail légal de l’avocat, elle reprend à son compte la tâche des souscripteurs du SR durant la décennie précédente tout en ayant toujours recours à ses spectacles pour en faire une caisse de résonance et un moyen de financement. L’actrice tente également d’alerter l’opinion publique sur certains cas particuliers, de dénoncer l’absurdité de nombreux cas judiciaires (des incarcérations préventives en attente de jugement qui peuvent aller jusqu’à dix ans…), la violence et l’arbitraire qui règnent dans les instituts de peine, mais se voit profondément isolée au sein de cette tentative. L’époque a changé, les fondations ne sont plus les mêmes que quelques années auparavant et le spectre du terrorisme a enseveli toute solidarité avec les détenus politiques encore emprisonnés.

En dehors de cette activité menée essentiellement de manière très personnelle par Franca Rame, et bien que le SR n’existe plus, il y a néanmoins toujours des comités de lutte autour de la question carcérale, de l’enfermement et du soutien aux prisonniers politiques. Toutefois, le contexte offre bien moins de relief et de force à ces tentatives politiques souvent éparses et sans le soutien de tout un mouvement. Les anciens membres du SR qui sont encore en Italie (et en liberté) et qui n’ont pas délaissé l’engagement militant persistent également à se faire les relais d’information sur les cas de certains détenus, sur la torture, etc.

Des avocats de Milan et de Rome comme G. Spazzali, Di Giovanni ou Zezza mais aussi Rame et Fo font partie des promoteurs de la « Coordination des comités contre la répression », fondée le 17 octobre 1980. Elle regroupe principalement les diverses associations de proches de détenus, ainsi que des militants de la gauche révolutionnaire. Les comités contre la répression mènent, dans les années 1980, une lutte et une mobilisation contre les prisons de haute sécurité et contre l’article 90 du règlement carcéral (introduit avec la loi de 1975), article qui prévoit des mesures drastiques pour maintenir l’ordre et la sécurité dans les instituts de peine. Plus précisément, il y est dit que « le ministre a la faculté de suspendre les règles de traitements […] prévus par la loi dans le système pénitentiaire, dans un ou plusieurs établissements et pour une période déterminée, strictement nécessaire, quand surviennent de graves et exceptionnels motifs d’ordre et de sécurité. » En clair, cela suppose que l’État peut suspendre les droits des prisonniers au nom de ce qu’il considère comme une « urgence » ou une « nécessité ».

La question de la torture en prison – aussi bien physique que psychologique et sensorielle – représente plus spécifiquement un des pans de l’investissement militant sur la question carcérale. Il s’agit là d’un sujet en forme de serpent de mer, notamment à partir de la fin des années 1970. Plusieurs dénonciations d’épisodes de violences sur des militants arrêtés sont dénoncés mais donnent rarement lieu à des poursuites.[9] Si les révélations de L’Espresso en 1982 sur les cas de torture de brigadistes dans le cadre de la libération du général Dozier, séquestré pendant six semaines par les BR, contribuent à accorder une place plus importante à cette question dans le débat public, les anciens avocats du SR sont déjà engagés sur le sujet.

Le 12 janvier 1982, Di Giovanni et Lombardi dénoncent lors d’une conférence de presse les tortures auxquelles ont été soumis deux de leurs clients, Stefano Petrella et Ennio Di Rocco (BR). Les deux défenseurs romains s’impliquent également, par la suite, dans la création d’un Comité contre la torture, formé en février 1982 à Rome. Ils s’engagent également dans la publication d’un rapport qui reprend à son compte les principes de la contre-information, en cherchant à rompre le silence, en recueillant et compilant des témoignages de cas de torture.

L’activité militante face à la répression et en soutien aux prisonniers prend donc d’autres formes, se fait plus éparse et est forcément moins consistante dans sa capacité à créer des rapports de force. Toutefois, elle se maintient et ne disparaît pas complètement, même si sa fonction est désormais purement défensive.

Nous partions de l’hypothèse que la prison était devenue peu à peu le centre névralgique de la contestation et du militantisme révolutionnaire, dans cette période allant de 1969 jusqu’aux années 1980. Nous voulions montrer que le prisme de la prison permettait d’éclairer d’un nouveau jour à la fois l’évolution organisationnelle et politique des mouvements de lutte armée, et également la réponse répressive de l’État. Nous avons vu qu’avec l’arrivée d’étudiants, d’ouvriers et de militants de la gauche extraparlementaire, arrêtés à la suite de manifestations ou d’actions politiques, la prison est devenue progressivement un espace de politisation.

Les détenus, jusqu’alors loin des mouvements de contestation qui agitaient l’extérieur du monde carcéral, découvrent des idées et des formes de lutte qui les conduisent à se rebeller à leur tour contre leurs conditions de détention. Ces dernières, encore marquées du sceau du Code Rocco hérité de l’époque fasciste, apparaissaient en décalage total avec la société d’alors. Les responsables politiques, pressés par les nombreuses requêtes d’une modernisation pénitentiaire décident donc d’instaurer une nouvelle réforme. Néanmoins, celle-ci, une fois adoptée, ne change pas vraiment en profondeur les conditions de vie à l’intérieur des prisons.

Suite à la décrue progressive de la présence de prisonniers issus de la gauche extraparlementaire, les détenus de droit commun se retrouvent à nouveau seuls. Le fait d’avoir pris conscience d’être devenus de véritables sujets politiques, avec une réelle capacité d’action, les pousse néanmoins à continuer leur bataille. L’État, acculé par une agitation croissante qui rend les prisons ingouvernables, réprime de plus en plus violemment les mutineries, allant jusqu’à provoquer plusieurs morts et blessés. Cet état de fait pousse une partie des détenus à la conclusion que des améliorations à la marge sont impossibles, et que la prison ne mérite pas d’être réformée, mais doit être abattue en tant que système d’oppression. Ceux-là, influencés par les positions révolutionnaires, pensent qu’il est temps de s’armer, à l’extérieur comme à l’intérieur, pour combattre la répression.

C’est ainsi que les NAP voient le jour et placent la question carcérale au centre de leur programme militant. Parallèlement, les BR font leur entrée sur la scène politique, se positionnant comme un groupe de plus en plus influent, notamment au sein du monde ouvrier. Les détenus, bien que plus proches idéologiquement des NAP, issus comme eux des couches sous-prolétaires, rentrent en contact avec les brigadistes une fois ces derniers emprisonnés. Leur collaboration reste limitée, dans un premier temps, à l’organisation d’évasions conjointes, les BR ne s’intéressant pas encore vraiment au monde carcéral. Cette rencontre débouche sur une période d’évasions massives, qui pousse l’État à s’organiser d’un côté contre ces dernières, et, de l’autre, contre la montée en flèche de la violence révolutionnaire. Comme réponse, l’administration pénitentiaire et le gouvernement mettent en place un plan stratégique qui donne naissance au circuit différencié.

Dans un dernier temps, nous avons vu que, tandis qu’à l’extérieur de la prison les groupes armés attaquent les institutions avec de plus en plus de force, derrière les murs les détenus du circuit de haute sécurité s’organisent à leur tour – au point de parvenir à organiser depuis l’intérieur des attentats perpétrés en-dehors de la prison. La magistrature, les forces de l’ordre et le monde politique instaurent une série de lois d’urgence destinées à contrer le phénomène subversif.

Les organisations révolutionnaires et l’État se livrent à une guerre sans merci, jusqu’à la victoire de ce dernier, après des centaines d’arrestations jusqu’à la moitié des années 1980. Les prisons explosent ainsi, littéralement, de détenus issus de la lutte armée, et les solutions mises en œuvre par l’État pour cette sortie de crise se résument, toutes, par le déni de l’expérience politique. Une génération entière de militants est détenue, et la seule porte de sortie consiste en une issue individuelle, niant le caractère collectif de cette expérience.

Ce qui reste de tout cela, c’est l’histoire d’une génération de jeunes militants qui se sont rebellés, parfois par les armes mais pas seulement, et qui a été ensevelie sous des siècles de condamnations cumulées, puis réduite au silence, sans plus avoir le droit de s’expliquer au sujet de son choix militant. Vouloir nier la complexité de ce moment équivaut à renier un passé qui, de fait, ne passe pas et ne peut pas passer. En Italie, il est fréquent que l’on passe de l’histoire des années 1960 à celle des années 1980 comme si, dans l’intervalle, il n’y avait rien – ou pire, comme s’il y avait là une forme de trou noir honteux que l’on se sent obligé de recouvrir par des termes péjoratifs, qui correspondent à une vision tronquée de la réalité : « les années de plomb », justement. L’expression même révèle, malgré elle, ce qu’elle voudrait dissimuler : la véritable chape de plomb qui s’est refermée sur cette période de l’histoire. Les années 1970 ne peuvent se réduire au conflit armé, qui n’est que la conséquence visible d’un profond besoin de changement que la société portait en son sein depuis l’après-guerre.

Nous pensons que cet essai a pu démontrer à quel point les luttes carcérales se sont transformées : d’un lieu de lutte pour de meilleures conditions de vie, la prison devient le lieu par excellence de la réclusion révolutionnaire, une véritable arène où se jouent les conflits entre groupes armés et État. Cet espace fermé se révèle comme le second théâtre du conflit entre subversion et démocratie, qui se déroulait auparavant dans l’espace ouvert de la rue. À partir de la création du circuit différencié, la prison ne constitue plus un dispositif d’éloignement de la société et d’arrêt de l’engagement. La capture d’un militant, son introduction dans ce monde qui devrait l’isoler ne fait, en réalité, que le projeter dans un nouvel espace de combat et de révolte, parfois encore plus violent que celui dans lequel il évoluait, à l’extérieur. Une lutte qui se fait au jour le jour, au sein des instituts pénitentiaires, et non pas dans la temporalité d’actions ponctuelles. Dans la prison, les militants vivent une face à face avec l’ennemi qui, pour eux, est représenté par l’État, lequel conçoit en retour sans cesse de nouvelles lois, et de nouvelles méthodes d’enfermement pour gagner à guerre contre la subversion.

Pour les détenus de droit commun, l’époque des mutineries représente un moment de libération et de demande de renouveau dans la société, tout autant que les luttes étudiantes et ouvrières. Les prisonniers sortent de l’ombre de leurs cellules et montent sur les toits pour protester et exiger des réformes, tout comme les ouvriers sortaient de leurs usines pour demander à la fois de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire. Ils sortent sur les toits comme les étudiants sortaient de leurs écoles, de leurs universités, pour réclamer un monde différent, plus libre, plus juste. Les détenus méritent donc d’avoir leur place, eux aussi, au même titre que les autres catégories de protagonistes, dans l’étude de ces années de révolte.

Cinquante ans après, nous pouvons constater qu’ils se sont tous heurtés à un mur. Ce n’est pas la répression qui a été décisive, bien qu’elle ait été particulièrement forte et dure, ce sont les changements profonds dans les conditions politiques et sociales d’où était issue la lutte armée. Comme beaucoup de militants nous l’ont confirmé, la prison a commencé à être vécue de manière particulièrement brutale quand la solidarité entre détenus militants a commencé à manquer. Quand ils étaient unis, quand ils avaient des buts communs, ils étaient prêts à endurer beaucoup de choses.

En dehors de l’espace carcéral, les ouvriers ont, en grande partie, perdu leur bataille : année après année, leur travail est progressivement sous-évalué, précarisé et délocalisé. La conscience de classe aussi s’est amoindrie. Les universités ne sont plus des bastions de la contestation, et quand les étudiants essayent de s’organiser pour sauvegarder un bien public de plus en plus privatisé, ils sont réprimés comme l’étaient les étudiants de 68, voire même parfois plus durement.

Quant aux détenus de droit commun, bien que depuis plusieurs réformes aient vu le jour ils vivent aujourd’hui dans des conditions bien plus accablantes qu’en 1969, la gestion de la pandémie de la Covid-19 dans l’espace carcéral ayant été désastreuse, pour ne donner qu’un exemple. Enfin, le fait même que plusieurs militants des années 1970 italiennes, dont Mario Moretti[10], peuplent encore les prisons italiennes est le signe que le récit historique n’est pas achevé, mais encore à écrire dans une large mesure, et que les racines de la situation actuelle doivent encore être mises en lumières par des études approfondies.

Notes

[1]    Primo Moroni e Konzeptbüro [a cura di], Le parole e la lotta armata, op cit, p.52

[2]    Le 9 octobre 1979, 61 ouvriers des usines FIAT reçoivent une lettre de licenciement, étant accusés de faits de violence et, pour certains d’entre eux, de faire partie des BR. Des grèves sauvages éclatent malgré la volonté des syndicats de dénoncer le « terrorisme » et de cadenasser l’agitation. Certains cortèges internes qui réunissent plusieurs milliers d’ouvriers, se font en présence des licenciés. Cet épisode est symptomatique du fossé qui s’est creusé entre les centrales syndicales et leurs bases militantes. 

[3]    Entre le 11 et le 16 octobre 1980, les ouvriers de la FIAT se mettent en grève et décident de bloquer l’entreprise pour protester contre des coupes que la direction entreprend de faire, aussi bien dans la production que dans les emplois en raison de la crise économique. Le conflit se tend et ne trouve pas de débouchés, aucun des deux camps ne voulant céder. Le 14 octobre, des milliers d’employés de l’usine manifestent contre le blocage de l’usine. Les syndicats s’empressent de trouver un accord avec la direction pour mettre fin à la grève. Cet épisode est symptomatique de l’antagonisme entre « cols blancs » et ouvriers.

[4]    Maria Malatesta, « Défenses militantes », op cit, p.85.

[5]    Giuliano Spazzali, La zecca e il garbuglio, op cit, p.227.

[6]    Isabelle Sommier, « Insurrection et terrorisme ou violence totale : la violence d’extrême-gauche dans les « années 68 » », in Stéphanie Prezioso et David Chevrolet (sous la dir. de), L’heure des brasiers. Violence et révolution au XXè siècle, Lausanne, Éditions d’en bas, 2011.

[7]    Oreste Scalzone et Paolo Persichetti, La révolution et l’État. Insurrection et « contre-insurrection » dans l’Italie de l’après-68 : la démocratie pénale, l’État d’urgence, Paris, Dagorno, 2000.

[8]    Franca Rame, « Intervista per rivista politica sulle carceri », 1986, disponible en ligne sur : eclap.eu.

[9]    Voir sur le sujet l’article « Il problema della tortura negli anni di Piombo », in

[10]    M. Moretti, Brigate Rosse, op. cit.