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Lundi matin, 8h-10h

Par Fortmann (17 octobre 2023)
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C’est à nouveau lundi matin. Octobre, frisquet, plus qu’une semaine avant les vacances. Comme chaque lundi matin, élèves et professeurs retournent en classe. Ou plutôt seulement les professeurs : après l’attentat de vendredi matin - où un ancien élève du Lycée Gambetta d’Arras, Mohammed Mogouchkov, a tué un premier enseignant, Dominique Bernard, puis en a blessé un autre ainsi que deux agents d’accueil - les personnels des collèges et lycées ont généreusement obtenu deux heures banalisées. Deux heures pour se retrouver, se réconforter, discuter, débattre, pleurer pour certains, réfléchir à comment améliorer leur sécurité, prévoir la suite, savoir comment accueillir les élèves, leur parler, recueillir leur parole, préparer la minute de silence (qui devait à l’origine honorer la mort de Samuel Paty : en ce moment, on empile les commémorations comme les drames, pas le temps de faire le deuil du premier que le suivant est déjà là). Oui, oui : tout cela en deux heures. Et encore : ces deux heures ont été arrachées par l’intersyndicale qui réclamait vendredi soir au ministère au moins une demi-journée.

Macron a tenu à « rendre hommage à tous nos enseignants » et Gabriel Attal a appelé à « une journée de solidarité lundi pour tous nos professeurs » : nombreux de ces derniers ne s’y sont pas trompés et ont décelé la vaste fumisterie derrière ces déclarations qui n’engagent à rien. Plusieurs équipes ont refusé de reprendre les élèves aujourd’hui ou se sont déclarés en grève non annoncée.

En effet, une fois passés les bons sentiments, les solutions proposées sont risibles. De vendredi à lundi, elles se résument à nos fameuses 2 heures banalisées donc, et à un numéro d’écoute mis en place par les académies : nous l’avons testé, ledit numéro est resté indisponible pendant les 5 premiers appels. Au 6e essai, la personne au bout du fil n’est pas une professionnelle ni de santé, ni de l’éducation nationale, et propose seulement de faire remonter nos questions et doléances au rectorat. La France passe en « urgence attentat » : les personnels d’accueil des collèges et lycées auront désormais le droit de contrôler les cartes d’identité des visiteurs. Dont acte.

Ce matin, la réaction du gouvernement est, comme on pouvait s’y attendre, opportuniste et réactionnaire : Macron et Darmanin en profitent pour justifier le durcissement des mesures sur l’immigration et sur l’expulsion des individus fichés S. Comprendre : virer les délinquants étrangers.

L’extrême-droite elle aussi s’engouffre dans cette nouvelle brèche : emmitouflé dans le tapis rouge que lui a déroulé France Inter, Jordan Bardella affirme vouloir « traiter la cause » de l’insécurité à l’école – comprendre : virer les délinquants étrangers. Il y a de l’écho, par ici, non ?

Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, veut quant à elle « des nouvelles caméras, des portiques, des clôtures si nécessaire » pour nos lycées.

Déjà les médias recensent les élèves qui ont refusé de respecter la minute de silence : sanction, fichage, pas le temps de réfléchir à ce que signifie ce temps de recueillement qu’il faut s’assurer que chacun marche au pas du deuil républicain.

Rien, donc, à part du tout sécuritaire ou du tout raciste. Or, sécuriser les écoles ne passera pas par des barbelés ou des policiers en embuscade.

Pour éviter une récidive (car il y en aura : un article de La Croix a recensé un meurtre d’enseignant tous les 2 ans en moyenne depuis 2012), il faut d’abord cesser de rendre les enseignants responsables de tout ce qui va mal. Le manque de reconnaissance de la profession par le gouvernement, les parents, la société, est dénoncé depuis des décennies. Les mesures mises en place par les dernières réformes abondent toutes dans le même sens : l’insinuation que les enseignants sont des fonctionnaires absentéistes qui ne travaillent pas assez et dont le métier peut être exercé par des candidats recrutés lors d’entretiens éclair où la bonne volonté semble suffire. Il y a moins d’un mois, les représentants syndicaux invités à l’Assemblée Nationale ont été reçus par des députés RN et Renaissance qui leur intimait de « baisser le ton » de leurs revendications - ce qui augure de la marge de négociations possible avec l’extrême droite si celle-ci venait à gouverner prochainement. Des fonctionnaires considérés comme fainéants, incompétents et geignards par leur propre employeur et par la société sont de fait désignés comme cibles pour les insultes, coups et attaques de la part d’élèves, de parents, et parfois, de meurtriers.

Il faut également répondre au manque de moyens abyssal dont sont victimes toutes les écoles du pays. La diminution des effectifs en classe permettrait aux professeurs de mieux connaître et suivre leurs élèves et ainsi éviter le décrochage scolaire qui augmente le risque d’isolement et de délinquance. La présence dans chaque établissement d’un-e psychologue scolaire, d’un-e infirmière, une-e assistant-e sociale, de surveillants et de CPE en nombre suffisants doit être primordiale. Or l’école déborde : d’élèves sans suivi, d’eau de pluie par les toits, de chaleur les jours de canicule ; et les personnels d’éducation sont en sous-effectif constant.

L’éducation nationale doit en outre être le résultat de l’expertise du terrain : il faut permettre aux enseignants de la communauté éducative d’être inclus, à la première place, dans l’élaboration des réformes du ministère.

Plus profondément, la solution est à trouver dans la transformation fondamentale d’une société aujourd’hui dure et violente, où il faut marcher au pas et se tuer au travail pour des salaires toujours moindres et des services publics continuellement esquintés, et qui créé un resserrement autour d’idées réactionnaires qui ne voient en l’instruction et l’ouverture aux autres qu’une menace. Pas étonnant en ce cas que ce soit l’école qui soit visée par les fascismes de tous bords, qui voudraient, c’est selon, la faire taire ou la faire fabuler un roman national en lieu et place d’un enseignement éclairé.

Ce nouveau meurtre trois ans après l’assassinat de Samuel Paty montre que le gouvernement n’a tiré aucune leçon du drame. Et pourquoi l’aurait-il fait ? Cela n’arrange pas ses affaires, comme l’a prouvé cet été le cynisme de l’histoire du fonds Marianne : 2,5 millions d’euros dégagés pour « lutter contre le séparatisme », disparus en grande partie dans les poches d’associations fantoches proches de Marlène Schiappa et du gouvernement. En parallèle, ce dernier déclarait la dissolution de plusieurs associations luttant contre l’islamophobie. Nous ne sommes pas dirigés seulement par quelques clowns, mais par tout le cirque Pinder.

Cette fois-ci, pour éviter une nouvelle mascarade, nous devons agir et ne pas nous laisser abattre par la chape de violence qui nous entoure.

Professeur-e-s et parents, travailleur-euse-s et citoyen-ne-s , organisations syndicales et politiques, nous devons refuser la récupération de ce drame à des fins xénophobes et sécuritaires. Nous devons exiger des moyens pour l’éducation nationale, la participation des professeurs aux décisions du ministère, et la réhabilitation de services publics fonctionnels qui, seuls, seront à même de réduire les inégalités et la violence qui en découle.

Sinon, nous sommes partis pour continuer à cumuler les minutes de silence, de plus en plus régulièrement, les lundis matins.

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