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Les grèves spontanées se multiplient sur le rail en Belgique
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les grèves spontanées se multiplient sur le rail en Belgique : les conducteurs mobilisés contre leur « réforme ferroviaire » !
Article AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
La presse belge crise à la prise d'otages, la direction de la SNCB (SNCF belge) voit un complot communiste, la droite extrême flamande appelle à supprimer le droit du grève. La faute à la lutte des conducteurs de train wallons qui refusent la casse du service public du rail.
Alors que les directions syndicales demandent patiemment aux travailleurs belges d'attendre la grève nationale du 15 décembre pour exprimer leur colère face à la politique d'austérité, les bases syndicales l'entendent autrement.
Les cheminots, plus précisément les conducteurs de train, ont pris l'offensive à la base. Ils s'étaient déjà mobilisés massivement le 30 juin dernier, alors que 80 % du trafic avait été paralysé, et qu'aucun train ne circulait en Wallonie et à Bruxelles.
La Louvière, Charleroi, Liège : les conducteurs wallons en grève
Depuis vendredi dernier, il ne se passe pas un jour sans que ce que les médias appellent des « grèves sauvages » frappent le réseau de chemin de fer belge.
La direction de la SNCB devient folle. Par la bouche de son administrateur-délégué, Jo Cornu, elle dénonce des « actions inutiles », « inacceptables pour les usagers de la SNCB ».
Elle pointe du doigt les syndicats qu'il soupçonne d'organiser ces actions, elle accuse même les marxistes du Parti du travail de Belgique (PTB) d'être les instigateurs des mobilisations.
Peine perdue. Ces provocations n'ont fait que renforcer le mouvement parti vendredi des dépôts de La Louvière, où 132 trains ont été supprimés dans la journée, en particulier ceux en direction de Charleroi et Mons, tandis que des conducteurs ont occupé les voies.
Le mouvement s'est étendu lundi à Charleroi où 90 trains ont été supprimés dans la journée – touchant essentiellement la liaison avec Bruxelles –, et 60 % des conducteurs ont débrayé selon la direction. Les cheminots ont tout fait pour prévenir à l'avance les usagers des retards, annulations.
Enfin ce mardi, c'est au tour de Ligèe d'être touchée par la contagion des grèves. D'après les échos de la presse, la majorité des conducteurs était en grève, les liaisons avec Bruxelles et Maastricht (un symbole!) étaient particulièrement perturbés.
Seuls 8 des 21 conducteurs avaient pris leur service aux dépôts de Liège, Liers et Welkenraedt à 14 h. Moins de 50 % des trains vers Bruxelles circulaient à la même heure.
La mobilisation des cheminots a débordé les directions syndicales qui, selon l'administrateur-délégué de la SNCB ont affirmé leur adhésion au « dialogue social » et refusé toute action de grève d'ici le 15 décembre. Elle prend la forme d'actions spontanées, organisées au niveau local.
Les cheminots contre la « réforme ferroviaire » belge
Elle se construit autour du « Plan transport 2014 » et des prévisions budgétaires à l'horizon 2019.
Le plan prévoitla suppression de centaines de trains – notamment les premiers et derniers, mais aussi quantité de trains aux heures de pointe –, la hausse des tarifs et des trains aux trajets toujours plus longs. Le Bruxelles-Namur mettait 48 minutes en 1938, contre 51 minutes aujourd'hui !
Le gouvernement belge envisage également de supprimer 663 millions d'euros par an de dotation sur 5 ans. Cette coupe budgétaire aurait des conséquences dramatiques pour l'entretien du réseau mais aussi pour les emplois. Il se peut que 5 000 emplois (sur 35 000) soient supprimés.
C'est enfin la méthode de la SNCB, du gouvernement qui posent problème. Une mascarade de dialogue social qui lance un écran de fumée aux cheminots, tout en faisant passer les plans de casse du service public dans les coulisses du Parlement, des ministères.
La SNCB a connu une manœuvre en 2014 qui ressemble fort à ce qu'on connaît avec la « réforme ferroviaire » en France, sous l'argumentaire fallacieux avancé en 2005 comme en 2014 : celui de la dette du rail, de 4 milliards d'euros.
La SNCB avait été éclatée en 2005 en trois groupes : l'infrastructure, coûteuse et confiée à l'entreprise publique « Infrabel », et de l'exploitation du réseau, laissée entre les mains de la SNCB, se préparant à l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs intérieur.
Trois groupes car une troisième entité avait été créée, chapeautant les deux autres, la « SNCB Holding », propriétaire du patrimoine immobilier, employeur de l'ensemble du personnel et chargée de coordonner les efforts entre les trois entités.
Cette troisième entité, « SNCB-Holding », avait été présentée comme une contre-partie aux syndicats, une façon de garantir le maintien d'un statut unique des cheminots, et d'une structure unifiée dans la nouvelle SNCB.
L'évolution des conditions d'emploi à la SNCB a prouvé que ceci n'était que poudre aux yeux : l'éclatement de la SNCB en trois entités a été le point de départ de la casse du statut par la filialisation accélérée, concurrence intégrée au sein même de l'entreprise publique.
En 2014, ces trois entités ont été officiellement fusionnées en deux : la SNCB Holding était ré-intégrée à la SNCB, opérateur historique du réseau, tandis qu'Infrabel restait à la tête de l'infrastructure …
Ce qui n'empêche pas la création d'une nouvelle troisième entité, HR-Rail gérant l'ensemble du personnel. L'usine à gaz dénoncée avec l'éclatement de la SNCB en trois continue.
Les bases syndicales, le PTB soutiennent. Les usagers comprennent
Si les directions syndicales nationales freinent des quatre fers, c'est tout autre chose au niveau local. Les conducteurs de train des dépôts de Liège, Liers et Welkenraedt étaient réunis hier pour décider de la suite à donner au mouvement.
Ce mouvement spontané des conducteures a reçu rapidement le soutien des syndicats réunis en front commun, au moins au niveau régional.
« Nous sommes solidaires de cette action. Nous le faisons pour les citoyens, car c’est sur eux que les mesures d’économie voulues par le gouvernement fédéral vont avoir des répercussions », a déclaré Thierry Moers, secrétaire régional CGSP Cheminots (branche cheminots de la FGTB).
« Même si les conducteurs réunis actuellement en assemblée générale décident de reprendre le travail, d’autres actions dans d’autres services ou d’autres villes ne sont pas exclues », a-t-il ajouté.
« Le gouvernement nous attaque de toutes parts, d’abord en tant que citoyens puis en tant que cheminots », estime Marc Eyen, permanent régional CSC (chrétiens). « La direction de la SNCB veut aller plus vite que ce que l’Europe impose en matière de libéralisation des chemins de fer, la ministre Galand évoque différents chiffres sans que l’on sache vraiment quelles seront les mesures d’économie, certaines lignes secondaires sont menacées. C’est un mouvement de ras-le-bol, ces mesures sont imbuvables ».
La solidarité s'exprime aussi au niveau politique, où même le député Ecolo Jean-Marc Nollet a dénoncé la position de la direction de la SNCB, du gouvernement : « On a vraiment l'impression que le gouvernement se fout de leur gueule », a-t-il dit dans Matin Première.
« Au niveau de la SNCB, on est déjà très en retard par rapport aux investissements. Il y a des problèmes énormes de place dans les trains, de ponctualité », rappelle-t-il, en soulignant que la baisse de 20 % des budgets, « c'est un train sur cinq qu'on supprime, c'est une gare sur cinq qu'on ferme », selon le chef de groupe Ecolo à la Chambre.
Le Parti du Travail de Belgique (PTB), formation marxiste qui ne cesse de progresser et vient d'entrer au Parlement, tout en déniant le fait qu'elle manipulerait les mobilisations, exprime sa pleine solidarité avec le mouvement, par la voix de Raoul Houdebouw, nouveau député de Liège :
« Le PTB soutient le plan d’action du front commun syndical. Au lieu de chercher un bouc émissaire et de repousser cette action dans un coin politique, Jo Cornu ferait mieux de s’en prendre aux économies que le gouvernement de droite impose aux chemins de fer. »
« C’est juste un peu trop facile de venir pointer du doigt le PTB alors que le gouvernement Michel-De Wever veut diminuer les dotations à la SNCB de plus de 663 millions d’euros par an d’ici 2019, explique Raoul Hedebouw. Tout le monde sait quelles vont en être les conséquences : plusieurs lignes seront supprimées, la sécurité est mise en danger et les tarifs vont augmenter. Il se peut aussi que 5 000 emplois disparaissent. C’est cela, le problème aujourd’hui. L’ennemi des chemins de fer publics, ce n’est pas le PTB, mais le plan d’économies du gouvernement de droite. »
Quant aux associations d'usagers Navetteurs.be et TreinTramBus si elles ont exprimé leur « déception » face aux actions sauvages, préférant la concertation. Elles ont fait savoir néanmoins le fait qu'elles comprenaient « l'agitation parmi le personnel ».
Une attaque contre le droit de grève au nom du « service minimum »
Il ne fait aucun doute que le traitement par le gouvernement, la direction de la SNCB, la presse du mouvement actuel visent à lancer une nouvelle attaque contre le droit de grève sur le rail en Belgique.
Il est pourtant déjà entamé depuis 2008 quand un protocole entre direction et syndicats stipulait qu'une grève doit être signalée par un préavis préalable de plusieurs jours afin de favoriser la voie de la concertation. Une façon déjà de limiter le droit de grève.
Maintenant, le gouvernement veut aller plus loin.
En avril, le projet de loi sur la « continuité du service public à la SNCB » a été adopté au Parlement.Il prévoitl’inscription dans le contrat de gestion « des modalités visant à enrayer les grèves spontanées, des sanctions financières et les possibilités de remboursement de l’usager si des grèves spontanées étaient déclenchées ».
Le but est naturellement d'empêcher ces « actions spontanées », ces « grèves sauvages » à Liège, Charleroi, La Louvière qui perturbent la paix sociale conclue entre directions syndicales et gouvernement à Bruxelles.
Le mouvement de cette semaine est un bras de fer aussi pour la défense du droit de grève. Le gouvernement laisse l'extrême-droite flamande partir à l'offensive sur la limitation, la suppression de fait du droit de grève.
Ainsi, la N-VA (Nouvelle alliance flamande) néo-libérale, régionaliste et raciste, a proposé un nouveau projet de loi qui inscrirait la limitation de la possibilité de grèvedans des cadres tels qu'il signifierait l'impossibilité pratique des grèves spontanées dans la SNCB.
Nous l'annonçions en juin dernier, la rentrée se promettait chaude sur le rail Belge. Elle l'est. Le potentiel existe ici en Belgique, comme chez nous en France, ou ailleurs en Allemagne pour lutter contre ces « réformes ferroviaires », contre les atteintes au droit de grève. Solidarité avec nos camarades cheminots belges, leur lutte est aussi la nôtre !