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La chute des prix du pétrole ébranle l’économie mondiale
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.wsws.org/fr/articles/2014/dec2014/pers-d03.shtml
L’onde de choc déclenchée jeudi dernier par la décision du cartel pétrolier saoudien OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) de ne pas réduire la production face à une surabondance de l’offre sur le marché mondial s’est répercutée sur toute l’économie mondiale, affectant aussi bien les compagnies minières et d’énergie que les marchés financiers et menaçant de faillite des économies entières.
L’effet le plus direct de cette décision a pu s’observer lundi en Russie où le rouble a atteint son niveau le plus bas par rapport au dollar américain depuis la dévaluation de la monnaie russe en 1998. Celle-ci avait été entraînée par un défaut de paiement de la Russie, une des conséquences de la crise économique asiatique de 1997-98.
L’économie russe, dont les recettes dues aux exportations reposent à 60 pour cent sur le pétrole et les recettes budgétaires à 50 pour cent, a été durement touchée par la dégringolade de 40 pour cent du prix du pétrole depuis juin. L’effet de la baisse des recettes pétrolières a été exacerbé par les sanctions imposées par les Etats-Unis et l’Union européenne qui ont considérablement limité l’accès de la Russie aux marchés financiers mondiaux, entraînant un assèchement du flux des investissements.
Le prix du pétrole qui était à environ 100 dollars le baril il y a cinq mois à peine a maintenant chuté au-dessous de 70 dollars et devrait encore baisser. Lundi, la vice-présidente de la Banque centrale russe, Ksenia Yudaeva, a dit que la banque partait de l’hypothèse que le prix du pétrole pourrait tomber à 60 dollars. Mais personne ne peut dire si sa baisse s’arrêtera là.
Parmi les autres pays à être le plus immédiatement touchés figurent le Venezuela, l’Iran et le Nigeria, qui dépendent tous fortement des recettes pétrolières pour financer des programmes gouvernementaux.
Autre expression des conséquences mondiales de la décision de l’OPEP, plus de 30 milliards de dollars ont été effacés hier du marché boursier australien, alors que dans le secteur minier et énergétique les cours s’effondraient. Le géant minier mondial BHP Billiton a enregistré son cours le plus bas en cinq ans.
Alors que le déclencheur de la baisse a été la décision saoudienne, la chute des prix du pétrole révèle des processus plus profonds. L’année 2014 a marqué l’épuisement de diverses mesures de relance – en premier lieu le programme d’assouplissement quantitatif (« quantitative easing ») appliqué par la Réserve fédérale américaine et d’autres grandes banques centrales et qui avait fait bondir les prix à des niveaux record.
La tendance dans l’économie réelle sous-jacente a été celle d’une stagnation économique continue et de l’émergence d’une véritable récession. Le mouvement des marchés financiers par rapport à l’économie réelle est, pour utiliser une analogie jadis employée par Léon Trotsky, comme celle de l’ouverture des lames d’une paire de ciseaux géants.
Prés de six ans après l’éruption de la crise financière mondiale de 2008, l’économie de la zone euro n’a pas encore atteint le niveau de production économique atteint en 2007, avec des niveaux d’investissement en baisse de l’ordre de 25 pour cent tandis que le taux d’inflation continue de baisser.
L’économie japonaise, malgré la relance financière massive assurée par l’‘Abenomie’ [politique économique prônée par l’actuel premier ministre japonais Shinzo Abe] a amorcé une nouvelle récession, sa quatrième au cours des six dernières années. En même temps se multiplient les inquiétudes quant à la capacité du gouvernement à rembourser sa dette publique, évaluée à plus de 250 pour cent du PIB. Lundi, l’agence de notation Moody’s a dégradé la note souveraine du pays, la troisième puissance économique mondiale, la situant derrière la Chine et la Corée du Sud et sur un pied d’égalité avec les Bermudes, Oman et l’Estonie.
Au cours des six dernières années, l’économie mondiale a été en grande partie soutenue par une croissance chinoise continue qui est largement la conséquence du plan de relance initié par le gouvernement chinois et de l’expansion massive du crédit dont on estime l’ampleur à l’équivalent du système bancaire américain. Mais il est devenu de plus en plus apparent au cours de cette année que l’économie chinoise est en prise à une spirale déflationniste. Les soi-disant « prix à la production », qui enregistrent la valeur des marchandises au moment où elles quittent l’usine, ont baissé au cours de ces trois dernières années. Les prix de l’immobilier ont considérablement chuté, marquant la fin du boom immobilier.
Un rapport publié cette semaine par des chercheurs officiels du gouvernement chinois a chiffré le gaspillage des fonds publics. Il précise que quelque 6,8 milliers de milliards de dollars ont été dépensés depuis 2009 pour des « investissements inefficaces », dont des aciéries inutiles, des villes fantômes et des stades vides ainsi qu’à d’autres mesures gouvernementales destinées à isoler la Chine de l’impact de la crise financière mondiale.
Alors que les marchés financiers américains semblent jusque-là n’avoir été que peu touchés par la décision de l’OPEP, la chute des prix du pétrole aura d’importantes conséquences à long terme. L’un des facteurs ayant motivé la décision saoudienne semble avoir été sa détermination, en tirant les prix vers le bas, à pousser hors du marché des producteurs de pétrole de schiste américains aux coûts d’exploitation élevés. C’est une reproduction de la stratégie employée sur le marché du minerai de fer qui a connu cette année une chute de prix identique à celle du pétrole. D’importants producteurs, notamment BHP Billiton et Rio, ont réagi en augmentant au lieu de réduire la production dans le but de forcer leurs concurrents qui doivent supporter des coûts élevés à abandonner.
Un glissement continu des prix pétroliers aura de lourdes conséquences pour les obligations à haut rendement et les marchés des prêts à effet de levier aux Etats-Unis. Alors qu’en 2011 le prix du pétrole était aux alentours de 100 dollars le baril, la production de pétrole de schiste devenait rentable, même avec des coûts d’extraction entre 50 et 70 dollars le baril. Récemment encore, au début de l’année, on s’attendait à ce que le prix du pétrole se maintienne à 100 dollars le baril et le pétrole de schiste était de plus en plus considéré comme nouvelle perspective d’expansion de l’économie américaine.
Au cours des cinq dernières années, grâce à l’argent ultra bon marché fourni par la Fed, les banques et les spéculateurs financiers avaient injecté de l’argent dans des entreprises engagées dans l’extraction du pétrole de schiste de sorte que la dette énergétique représente actuellement 16 pour cent des 1,3 milliers de milliards de dollars du marché des obligations à haut rendement, contre 4 pour cent il y a dix ans.
A la différence des méthodes plus traditionnelles de la production pétrolière où le capital physique a une durée de vie relativement longue, l’extraction du pétrole de schiste requiert l’acquisition continue de nouveau capital. Ceci signifie que l’industrie est fortement tributaire d’un flux de liquidités levé sur les marchés financiers. Si celui-ci venait à se tarir, les entreprises pourraient faire faillite, ce qui aurait des conséquences majeures pour le système financier en général.
Comme le montre clairement le cas de la Russie, les tendances sous-jacentes à la récession ont été exacerbées par l’accroissement des tensions géopolitiques.
Un processus de retour négatif pourrait être déclenché alors que l’aggravation de la récession mondiale intensifie les conflits entre les principales puissances. La Corée et d’autres pays d’Asie du Sud-Ouest, tout comme la Chine, ont déjà été gravement affectés par l’‘Abenomie’ qui a fait baisser le yen, pénalisant leurs marchés d’exportations.
On a également assisté cette année à l’apparition de tensions entre les Etats-Unis et l’Allemagne où une partie de l’establishment politique et de politique étrangère insiste sur la nécessité que l’Allemagne joue, dans la poursuite de ses propres intérêts, un rôle plus grand et plus indépendant sur la scène mondiale. L’économie de la zone euro étant au bord d’une nouvelle récession, principalement en raison d’un affaiblissement significatif de l’économie allemande et de la perspective de nouvelles turbulences financières, ces tensions finiront sans aucun doute par s’intensifier.
La chute des prix du pétrole est une nouvelle manifestation des forces motrices sous-jacentes du système capitaliste mondial, qui poussent celui-ci vers la contraction économique, la multiplication des conflits inter-impérialistes et, en dernière analyse, vers la guerre.