[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Agenda militant

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Ukraine: accord de paix

international Ukraine

Lien publiée le 12 février 2015

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Vladimir Poutine, Petro Porochenko, Angela Merkel et François Hollande sont parvenus à un accord de cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine, qui pose les bases d'un règlement du conflit

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article

Classer cet article

Vladimir Poutine et Petro Porochenko se sont exprimés chacun de leur côté. Dans un communiqué commun aux quatre chefs d'Etat, ils réaffirment leur " plein respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine ".

Signe de la tension ambiante et de l'âpreté des négociations, un rebondissement de dernière minute a failli tout faire capoter. Alors qu'une annonce semblait imminente vers 10 h 30, tout est allé à vau-l'eau entre Poutine, Porochenko, Merkel et Hollande. Le premier est sorti s'isoler dans un bureau au troisième étage, sans un mot. Le second a filé au deuxième étage faire des déclarations selon lesquelles " les conditions posées par les Russes sont inacceptables ", tout en affirmant qu'il restait tout de même " un espoir ". Les deux derniers sont alors, à leur tour, sortis du salon où le quator se trouvait retranché depuis des heures au rez-de-chaussée pour tenter de rattraper Poutine d'un côté, persuader Porochenko de l'autre, et tout le monde a fini par redescendre pour se retrouver à huis clos. Il a fallu une heure et demie de plus pour venir à bout des derniers différends, au terme d'une nuit de négociation, qui a pris parfois l'allure d'un vaudeville surréaliste.

Dans la foulée de l'annonce de l'accord, le document, dont les quatre chefs d'Etat présents à Minsk se portent garants et caution, a été formellement paraphé par le " groupe de contact ", qui réunit les protagonistes du conflit ukrainien (Kiev et les séparatistes prorusses) ainsi que l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), déjà à l'origine d'un premier protocole d'accord pour la paix, signé également à Minsk le 5  septembre  2014, mais resté lettre morte.

Tension palpable

Commencé mercredi à 20  heures, " Minsk 2 ", rehaussé par la présence des quatre chefs d'Etat, s'est éternisé au rythme d'une étrange alternance d'espoir et de déconvenues. La conclusion d'un accord semblait buter sur deux points essentiels : le contrôle de la frontière russo-ukrainienne par l'OSCE, dont Moscou ne voulait pas entendre parler ; et l'organisation d'élections locales dans le Donbass, fief des séparatistes prorusses, que Kiev refusait d'envisager, craignant, à terme, une " fédéralisation ", voire un démembrement, de son territoire. " Nous avons avancé sur beaucoup de choses, nous avons une base ", tentait de se consoler une source diplomatique française au petit matin.

Mais que la nuit fut longue ! Sur son compte Twitter, le ministère des affaires étrangères ukrainien Pavlo Klimkin décrivait au matin des membres de délégations " littéralement endormis ". Hormis un court moment passé dans la grande salle solennelle du Palais de l'indépendance, un gigantesque bâtiment mi-soviétique, mi-mauresque mis à la disposition des participants du sommet par le président biélorusse Alexandre Loukachenko, les quatre dirigeants, constamment ravitaillés par des chariots de fruits et de café, sont restés enfermés dans le petit salon du rez-de-chaussée avec leurs interprètes. Le " groupe de contact " d'un côté, les sherpas des présidents de l'autre, ont travaillé sans relâche, tandis que l'épuisement gagnait les diplomates.

L'ancienne éminence grise de Vladimir Poutine, Vladislav Sourkov, ex-chef de l'administration présidentielle russe chargé notamment des régions irrédentistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, reconnus comme des Etats indépendants par Moscou après 2008, était venu en renfort. A un journaliste qui tentait de confirmer, jeudi vers 9  heures du matin, la proximité d'un accord, M.  Sourkov a répondu, cynique : " Ce n'est qu'un début ".

Tout a commencé dans le désordre et dans une tension palpable d'entrée de jeu. Juste un peu avant l'arrivée des hôtes de Minsk, mercredi, en début de soirée, un journaliste russe de LifeNews, média réputé proche des services russes, a aboyé à la face de l'une de ses consœurs ukrainiennes, provoquant un petit mouvement de surprise parmi les quelque 400 correspondants internationaux présents.

Tension aussi, dans le visage grave et fermé de Petro Porochenko, arrivé le premier et aussitôt apostrophé par un média russe. " Pourquoi votre armée bombarde-t-elle des civils ? " Depuis Kiev, quelques heures plus tôt, le président ukrainien avait élevé la voix en se disant prêt à " introduire la loi martiale sur tout le territoire de l'Ukraine " en cas d'échec des négociations." Nous sommes pour la paix, mais nous allons casser la gueule - à l'ennemi - , avait tonné le chef de l'Etat ukrainien devant son conseil des ministres. Si nous devons défendre notre terre, nous allons le faire. " M.  Porochenko ne nomme jamais la Russie, il dit " le pays voisin " " Le pays voisin tente avec insistance d'exporter l'idée d'une fédération - en Ukraine - . L'ironie est que l'Etat voisin est le plus centralisé de la région ".

En fin d'après-midi, l'hôte biélorusse, Alexandre Loukachenko, a débuté ses navettes entre les salons de son palais et le tapis rouge de l'accueil. Angela Merkel et François Hollande sont arrivés ensemble depuis l'aéroport, dans une même voiture pourvue de deux fanions. Puis survient Vladimir Poutine, seul. Il est 19 h 45 à Minsk 2, lorsque les quatre dirigeants s'enferment avec leurs interprètes dans la petite salle qui n'était pas celle prévue à l'origine.

Selon quelques brèves images diffusées par les télévisions autorisées à immortaliser la scène, la poignée de mains entre Vladimir Poutine et Petro Porochenko est glaciale. Les deux hommes paraissent se jauger du regard, tandis que François Hollande et Angela Merkel affectent des airs faussement détachés.

Et le huis clos s'éternise. A l'extérieur, on guette le moindre signe, on interprète la moindre rumeur. Poutine aurait cassé un crayon entre ses doigts. Porochenko a quitté un instant la réunion, c'est un fait, mais l'a-t-il fait sur un coup de sang ou pour s'entretenir avec un conseiller ? Des témoins assurent que la première hypothèse prévaut. Les ministres des affaires étrangères patientent à la porte. Le Russe Serguei Lavrov part s'isoler, puis revient la main dans une poche. L'Allemand Franz-Walter Steinmeier maintient envers et contre tour un air de bonhomie. Son porte-parole annonce qu'il annule son déplacement au Brésil. " Les négociations ne sont pas faciles ; mais elles continuent. "

Le président biélorusse, lui, patiente dans un coin du gigantesque hall de marbre, entouré de ses gardes du corps. " On est chez lui, mais on ne veut pas de lui, c'est quand même spécial ", note un membre d'une délégation. La sécurité biélorusse annonce : " Dans cinq minutes, une photo commune ! " Loukachenko, privé de visa aux Etats-Unis et en Europe depuis 2011 en raison de sa façon autoritaire d'exercer le pouvoir, y tient. C'est le seul moment où il peut espérer jouer un peu plus qu'un rôle de figurant. Tout est prêt dans l'immense hall. Cinq drapeaux sont disposés à l'aplomb d'un lustre rutilant : de gauche à droite, l'ukrainien, le français, l'allemand, le russe. Et le biélorusse. Mais la photo tarde.

Enfin, les ministres rentrent, et, à 22  heures, la photo finit par se faire, juste le temps d'un coup de flash : à peine quelques secondes au pied des drapeaux, chacun devant le sien. Puis, c'est en version élargie aux délégations que les discussions reprennent dans la grande salle réservée aux rencontres solennelles – rarissimes, il faut bien le dire, à Minsk. En montant un escalier, Petro Porochenko glisse un œil derrière lui, comme pour surveiller le chef de " l'Etat voisin " qui le suit de près, en compagnie de Loukachenko.

Le temps s'étire. Bientôt, les quatre dirigeants traversent de nouveau tout le palais pour s'enfermer dans le petit salon. " Vous n'allez pas vous coucher ? On vous réveillera ! " lance aux journalistes Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.

Isabelle Mandraud

Les dirigeants allemand et français ont mis en sourdine leurs désaccords pour faire front face à Poutine

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article

Classer cet article

L'accord obtenu jeudi 12  février à Minsk, s'il s'accompagne d'un véritable cessez-le-feu sur terrain, devrait avoir d'importantes conséquences sur le moteur franco-allemand de l'Union européenne. Longtemps empreintes d'une certaine distance, les relations entre Angela Merkel et François Hollande se sont singulièrement réchauffées ces derniers temps pour tenter de faire face à l'offensive russe en Ukraine

L'initiative commune – et inédite – de la chancelière allemande et du président français, se rendant ces dix derniers jours à Kiev, à Moscou puis mercredi à Minsk le prouve, une diplomatie franco-allemande est à l'œuvre. Les rencontres au " format Normandie " – ainsi nommées car la première rencontre des quatre dirigeants eut lieu à Bénouville le 6  juin  2014, en marge des commémorations du Débarquement en Normandie – ont porté leurs fruits. " Manuel Valls, Jean-Pierre Jouyet - secrétaire général de l'Elysée - et Angela Merkel sont les trois personnes auxquelles le président parle le plus souvent ", confiait en début de semaine un proche du chef de l'Etat.

Divisions sur la croissance

Depuis trois semaines, la chancelière et le président se sont téléphonés presque tous les jours pour suivre le dossier ukrainien. Dès le début de la crise, Angela Merkel avait deux bonnes raisons d'associer le président français à ses démarches en direction de Vladimir Poutine. Alors que son ministre des affaires étrangères, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, multipliait en  2014 les voyages conjoints – y compris à Kiev – avec son homologue français Laurent Fabius, Angela Merkel pouvait difficilement se montrer moins encline à la coopération avec Paris. Et plus fondamentalement, l'Allemagne voulait absolument éviter un tête-à-tête avec la Russie qui aurait pu rappeler de bien mauvais souvenirs aux pays situés entre les deux puissances.

Enfin, trouver un terrain où France et Allemagne peuvent coopérer alors que leurs divisions sur la croissance européenne et la discipline budgétaire sont notoires permettait de resserrer des liens singulièrement distendus. Discrètement, Angela Merkel multipliait d'ailleurs ces derniers mois les signaux à l'égard de la France et de François Hollande.

Dans un discours prononcé à l'occasion des célébrations de la chute du Mur, en novembre  2014, elle cite André Gide. Lors du congrès de la CDU, en décembre  2014, c'est à Victor Hugo qu'elle rend hommage. Son refus d'accueillir Nicolas Sarkozy à ce congrès est un autre geste très clair à l'égard de François Hollande. Finalement, le président de l'UMP ne sera reçu que fin janvier, en catimini, au siège de la CDU pour un rendez-vous qui ne figurait même pas à l'agenda de la chancelière.

C'est qu'entre-temps, les attentats de Paris ont encore renforcé les liens entre Angela Merkel et François Hollande. Au lendemain de la grande manifestation parisienne en hommage aux victimes du terrorisme, deux journaux allemands que tout sépare, la Süddeutsche Zeitung et leBild, ont qualifié le 12  janvier d'" historique " la photo montrant la chancelière poser tendrement sa tête sur l'épaule du président. Un geste " qui ne doit rien au hasard ", selon un proche du président.

Elle avait été l'une des premières à l'appeler, juste après la fusillade de Charlie Hebdo." Peu importe ce que tu décideras de faire. Je serai là ", aurait assuré Mme  Merkel à M.  Hollande. Le jeudi 15  janvier, au Bundestag, la chancelière, peu encline au pathos, déclare même : " Nous avons conscience que dans notre monde globalisé, les destins de l'Allemagne et de la France sont indissociablement liés. "

Outre les tensions avec Poutine et les attentats en France, l'élection d'Alexis Tsipras en Grèce a aussi paradoxalement rapproché Paris de Berlin. Lors de l'élection du leader de Syriza, les Allemands, au vu des déclarations de l'Elysée, du Parti socialiste et du commissaire européen Pierre Moscovici, ont d'abord craint l'émergence d'une alliance de gauche contre l'Allemagne.

Une situation d'autant plus embarrassante pour Berlin que la campagne germanophobe des deux partis au pouvoir à Athènes et le contentieux sur les dettes de guerre que l'Allemagne devrait payer à la Grèce empêchent Berlin d'être en première ligne. Or si François Hollande a bien invité à l'Elysée le nouveau premier ministre grec, il lui a fait passer le message que les accords européens devaient être respectés et qu'il aurait tout intérêt à rencontrer Angela Merkel.

La chancelière et le président vont sans doute être plus unis que jamais ce jeudi au sommet de Bruxelles. Pour combien de temps ? Si l'on en croit les sombres prévisions de Didier Migaud, président de la Cour des comptes, sur le non-redressement des comptes publics de la France en  2015, les tensions pourraient ne pas tarder à réapparaître.

Frédéric Lemaître, avec David Revault d'Allonnes (à Paris)

Le sort du Donbass au cœur des pourparlers

Reconstruction et finances des zones de conflit, des questions ultrasensibles

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article

Classer cet article

Dès avant la guerre, le Donbass " coûtait " à l'Ukraine : les mines de la région sont largement subventionnées et son industrie est obsolète. En  2013, la région de Donetsk contribuait par exemple à hauteur de 130  millions d'euros au budget central, lequel lui allouait une somme d'environ 440  millions d'euros. La guerre n'a rien arrangé, frappant durement ses infrastructures. Des villes entières sont en ruines, comme Debaltsevo, objectif numéro un de l'offensive en cours, lancée par les rebelles pro-russes mi-janvier. Mercredi 11  février, au cours d'une des journées parmi les plus sanglantes du conflit, 19 soldats ukrainiens y ont été tués et 78 autres blessés.

Un pays en faillite

Avec quel argent le Donbass vivra-t-il, si une solution de paix aboutit ? Et qui gérera cet argent ? Théoriquement, la question sera tranchée par l'octroi d'une plus large autonomie aux territoires sous le contrôle des séparatistes, et par l'organisation d'élections locales, l'un des points délicats des négociations de Minsk. Il reviendra donc à ces autorités locales de gérer les fonds versés principalementpar Kiev.

L'Ukraine, dont les finances sont elles aussi dans un état catastrophique, rechigne à cette solution : vu la situation dans les territoires séparatistes, on imagine mal des élections déboucher sur autre chose qu'une confirmation de l'autorité des chefs de guerre qui se sont emparés de la région, et l'idée d'un contrôle des fonds par le pouvoir central paraît illusoire. Mais la partie ukrainienne devra probablement s'y résoudre, les plans de Paris et Berlin proposant que Kiev assume " certaines responsabilités " dans le développement des régions séparatistes.

En décembre, l'Ukraine avait suspendu le fonctionnement du système bancaire dans les zones séparatistes, mais aussi celui des services publics – et donc le versement des prestations sociales et des salaires des fonctionnaires –, arguant que l'argent pouvait être détourné par les rebelles et financer leur effort de guerre. Les bénéficiaires, et notamment les très nombreux retraités de la région, devaient théoriquement sortir des territoires sous contrôle séparatiste pour toucher leurs pensions.

Cet embargo a fait mal aux rebelles, incapables de verser autre chose que des expédients aux retraités et fonctionnaires. Pour Moscou, qui soutient déjà l'économie des autres " zones grises " qu'elle a créées dans la région, de l'Abkhazie à la Transnistrie, le Donbass constitue une charge autrement plus importante. Le Kremlin n'a pas envie de mettre la main au portefeuille, et semble avoir fait de la question une priorité. " Il est essentiel d'assurer la restauration des relations économiques des deux côtés de la ligne de démarcation, déclarait mercredi le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Si cela est fait, la question du contrôle de la frontière - russo-ukrainienne - sera résolue beaucoup plus facilement. "

En réalité, le lien entre les deux sujets est tout sauf évident, et la déclaration semble plus relever du chantage : le financement contre l'arrêt des livraisons d'armes aux rebelles. Mais ces mots montrent l'importance qu'accorde Moscou au sujet. Kiev ne manquera pas de mettre en avant l'argument dans ses négociations avec ses créanciers internationaux, à qui il demande un soutien financier beaucoup plus important. Très opportunément, le Fonds monétaire international a annoncé jeudi, par la voix de sa directrice, Christine Lagarde, l'attribution d'un nouveau prêt de 17,5  milliards de dollars (15,5  milliards d'euros).

Benoît Vitkine