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La Grèce de Tsipras se plie aux exigences de Bruxelles
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Les réformes qu'Athènes s'engage à faire sont celles qu'avait listées la " troïka " et dénoncées Syriza
Jusqu'au bout, le processus aura été laborieux. Le gouvernement d'Alexis Tsipras n'a envoyé sa liste de réformes exigées par l'Eurogroupe en échange d'une prolongation du plan d'aide à la Grèce qu'à la dernière limite, lundi 23 février peu avant minuit, quelques heures avant la tenue de la réunion des dix-neuf ministres des finances de la zone euro, mardi. " La liste nous semble assez adéquate pour être un bon point de départ dans la négociation ", réagissait, à chaud, une source européenne, mardi matin.
Un " draft " de liste a fait de multiples allers-retours entre Athènes et Bruxelles, le week-end et le lundi précédent l'échéance : il a dû être retravaillé afin d'être assez étayé pour espérer " passer " la barre de l'Eurogroupe. Puis, en fin de semaine, celle d'au moins quatre parlements nationaux, dont le Bundestag en Allemagne (comme son équivalent aux Pays-Bas, en Estonie, ou en Finlande, il est consulté sur tout ce qui engage l'argent public du pays).
L'enjeu est considérable : si cette liste de réformes n'est pas validée par l'Eurogroupe, le programme d'aide, qui se termine le 28 février, ne pourra être prolongé de quatre mois. Dès lors, l'Etat grec se retrouvera sans soutien financier de ses créanciers – la Banque centrale européenne (BCE) et l'Union européenne (UE) – au 1er mars. Selon plusieurs sources, ses banques, qui ont subi de forts retraits de capitaux, pourraient vite se retrouver insolvables.
Sur six pages très denses, la fameuse " liste " exigée lors d'un énième " Eurogroupe de la dernière chance ", vendredi 20 février, pour trouver un compromis entre les Grecs et leurs créanciers, reprend pour une large part les exigences de Bruxelles. La plupart des réformes figuraient déjà sur la liste établie par la " troika " des créanciers – il faut dire désormais les " institutions " pour ménager la susceptibilité grecque – qui a imposé une sévère politique de rigueur au pays depuis 2010.
Les mesures " humanitaires " pour venir en aide aux Grecs les plus touchés par l'austérité figurent en dernière page de la liste. Le gouvernement de la gauche radicale, élu sur son programme anti- austérité, prévoit de " répondre aux besoins liés à la progression de la grande pauvreté grâce à l'accès à la nourriture, à un logement, aux soins ", mais sans entrer dans les détails, et en précisant que ces politiques seront menées " en veillant à ce qu'elles n'aient pas d'impact budgétaire négatif ".
Le gros de la liste concerne la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, censée répondre aux principaux problèmes de l'administration grecque (corruption, fiscalité défaillante). Ces réformes sont réclamées par la troïka depuis 2010, mais aucun gouvernement, ni les socialistes du Pasok ni les conservateurs de Nouvelle démocratie, n'ont eu le courage jusqu'ici de les mettre sur les rails.
Leur objectif est la modernisation poussée de l'administration fiscale (avec poursuite de l'informatisation des déclarations), le renforcement de son indépendance, la recherche d'une plus grande justice par rapport à l'impôt dans un pays où les grandes fortunes et l'Eglise orthodoxe y échappent encore largement.
Réformes anti-corruption
Athènes s'engage aussi sur un vaste programme anti-corruption : " une priorité nationale ". En réduisant, entre autres, le nombre de ministères (de seize à dix), de " conseillers spéciaux " et les frais des députés, en durcissant la réglementation en matière de financement des partis politiques…
Ces réformes anti-corruptions étaient préconisées par Syriza. Mais, concernant les privatisations, pourtant la bête noire du parti, M. Tsipras s'engage à ne pas revenir sur celles qui ont été engagées sous la pression de la troïka (dont celle du port du Pirée sur laquelle Athènes menaçait de revenir), et " à étudier les privatisations qui n'ont pas encore été lancées, de manière à maximiser les revenus que l'Etat pourrait en tirer ".
Le gouvernement d'Alexis Tsipras évoque bien l'augmentation du salaire minimum – une de ses principales promesses de campagne. Mais sans avancer de chiffres (les fameux 751 euros promis aux Grecs), ni d'échéance (d'ici à 2016). Le gouvernement s'engage " à une approche intelligente de la négociation collective sur les salaires. Cela inclut une volonté d'augmenter le salaire minimum, en préservant la compétitivité (…). L'augmentation de ce salaire minimum et son timing seront décidés en concertation avec les institutions européennes et internationales ".
Athènes a visiblement compris le message d'une partie de l'Eurogroupe, pas du tout prêt à financer une augmentation du smic grec. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui a beaucoup travaillé, en coulisses, à la conclusion d'un accord entre les Grecs et les Européens, avait prévenu lundi, dans un entretien à l'hebdomadaire allemandWirtschaftswoche : si le gouvernement Tsipras passe à l'acte, " il y aura six pays en Europe qui auront un salaire minimum inférieur ", entre autres la Slovaquie et l'Espagne, tout en devant continuer à soutenir Athènes financièrement. Politiquement invendable…
En toute vraisemblance, l'Eurogroupe, mardi, devrait valider cette liste. Le gouvernement grec ne sera pas pour autant au bout de ses peines, lui qui a été contraint, moins d'un mois après son arrivée aux commandes, de se plier aux contraintes européennes, mais qui doit déjà composer avec l'aile gauche de Syriza, qui a de plus en plus le sentiment de s'être fait flouer…
D'ici à la fin avril, les Grecs et les Européens vont devoir affiner la liste, étudier sa faisabilité, disséquer ses moyens de financement. Puis, jusqu'à fin juin, ils auront deux mois pour mettre les réformes sur les rails… Ce n'est qu'à l'issue d'une " revue " des institutions sur place, que le pays pourra recevoir la dernière tranche d'aide qui lui revient dans le cadre du plan d'aide (environ 7 milliards d'euros).
Cécile Ducourtieux