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Grèce: Est-il possible de gagner la guerre après avoir perdu toutes les batailles?

Grèce international

Lien publiée le 7 mars 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://dndf.org/?p=14068

Texte paru initialement le 5 février dernier sur le site http://www.brooklynrail.org/2015/02/field-notes/is-it-possible-to-win-the-war-after-losing-all-the-battles

L’auteur de ce texte a eu la malchance de naître en Grèce et la chance d’avoir participé aux mouvements sociaux qui tentèrent de mettre un terme à la dévalorisation capitaliste de ce pays. Peu après la fête d’adieu du mouvement (la magnifique grève générale et les émeutes intenses du 12 février 2012), il a quitté la Grèce et s’est installé ailleurs, dans le froid. A l’occasion, il écrit des articles sur son pays natal.

Préhistoire d’un succès

A peu près deux ans avant le terme du mandat du gouvernement de la coalition  Nouvelle Démocratie-Pasok,  des élections nationales sont annoncées en Grèce, ce qui a immédiatement suscité un regain d’intérêt pour ce pays du Sud de l’Europe mais de sa périphérie au niveau économique. Le silence relatif  des deux années précédant  ce regain était tout à fait  compréhensible, ne serait-ce qu’au niveau  médiatique. En effet, si la Grèce avait connu auparavant une période de gloire, c’était surtout à cause des mesures d’austérité sans précédent imposées par la troïka -la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI)- en contrepartie de nouveaux prêts, destinés à « aider » l’Etat grec suite à l’annonce officielle, en avril 2010, de son incapacité à rembourser sa dette souveraine, non viable (120 % du PIB à l’époque). Les réactions à la mise en œuvre du programme d’austérité ont aussi joué un rôle primordial en mettant la Grèce sous le feu des projecteurs: entre 2010 et 2012, les grèves générales, les manifestations violentes et le mouvement d’occupation des places ont mené tout droit à la remise en cause de l’avenir du « programme de consolidation budgétaire » de la Grèce (pour employer le jargon économique officiel).  En même temps que le Mémorandum imposé par la troïka, c’est la légitimité du système politique qui s’est trouvée contestée[1], engendrant des spéculations incontrôlées sur l’avenir de la Grèce au sein de la zone euro, ainsi que sur les conséquences imprévisibles que sa sortie pourrait avoir pour l’UE, sans parler de l’économie mondiale.

Et pourtant, ce mouvement qui avait tenté de  mettre un terme au programme d’austérité fut  un échec. Les raisons en sont multiples et il n’entre pas dans le champ de cet article de les décrire en détails. On va se contenter de dire que, comme pour tout autre mouvement social, cet échec est tout autant lié à  la détermination brutale du (des) gouvernement(s) à poursuivre la politique d’austérité à tout prix (et les factions dirigeantes en ont aussi payé le prix) qu’à l’incapacité du mouvement à passer d’une mobilisation défensive pour le maintien des conditions existantes à une attaque offensive contre les circonstances qui ont provoqué la crise.

L’attention portée à la Grèce était toutefois justifiée. En effet, on pourrait soutenir sans exagérer que, pendant les années suivant la crise,  ont été tentées et testées en Grèce la plupart des stratégies politiques de résistance que la gauche internationale ne connaissait que par les livres : des grèves générales suscitant une participation massive et provoquant l’interruption de l’activité économique ; des manifestations radicales et violentes rejointes par un nombre toujours croissant de participants ; des assemblées de quartier cherchant à intervenir en tant que minuscules structures auto-organisées et à régler les problèmes immédiats causés par la crise ;  un mouvement d’occupation des places parmi les plus radicaux, et qui est parvenu à appeler  par deux fois à une grève générale couronnée de succès; un climat d’antagonisme permanent dans lequel se trouvait impliqué toujours plus de monde. Il ne serait pourtant pas  exagéré de dire que ces moments si stimulants n’ont pas réussi une seule fois à contrer les effets de la crise et de sa gestion par l’Etat. Aussi exaltantes, prometteuses et intenses qu’aient été ces éruptions pour ceux d’entre nous qui y ont participé, il est dorénavant indispensable de comprendre pourquoi elles ne sont pas parvenues à remporter ne serait-ce qu’une petite victoire – aussi réformiste soit-elle.

Les statistiques officielles indiquent une aggravation de la crise au cours des dernières années. Le chômage s’élève globalement à 27 %  (comparé à 12,5% en 2010), touchant principalement les jeunes (60,6 % des 17-25 ans) ; la réduction des salaires dans le secteur public est de 30 à 40 % et à peine inférieure dans le secteur privé (25 % en moyenne)[2]. Les petites entreprises (épine dorsale de l’économie grecque, elles représentent nt environ 95 % de l’ensemble de l’activité économique) ont été dévastées par la crise et les mesures d’austérité (plus de 250 000 d’entre elles ont fermé), tandis que les budgets de la santé et de l’éducation ont été amputés de 25 %.  Au total, le PIB a chuté de 24 %, alors qu’en même temps, et ce en dépit (ou, diraient certains, à cause) de ces coupes budgétaires, la dette de l’Etat grec est montée en flèche, passant de 120% en 2010 au chiffre actuel de 176% du PIB.

Pourtant, la situation est en réalité bien pire que dans les chiffres officiels. Depuis deux ans, non seulement les gens subissent  des réductions de salaires ou le chômage forcé, la quasi-destruction du système de santé et la percée alarmante des néo-nazis devenus des acteurs majeurs de la scène politique, mais ils assistent aussi à la défaite d’un mouvement social qui avait donné à beaucoup de participants  la sensation pleine d’espoir de faire un grand saut dans le changement historique. C’est dans ce contexte de dilution  des antagonismes et du sentiment général de déception et de dépression qui s’en est  suivi, qu’il faut considérer les récentes élections. En effet, c’est précisément l’échec des mouvements sociaux dans leur lutte contre l’austérité et la dévaluation brutale qui a conduit Syriza là où il se trouve à présent. Et, bien que Syriza se présente volontiers comme le continuateur de ces mouvements, sa force s’explique en réalité par la faiblesse de ceux-ci.

Dans cette ambiance de défaite, Syriza avait fini par représenter aux yeux de beaucoup de gens l’ultime espoir de voir allégés les effets de l’austérité. C’est ce même point de vue qu’on retrouve dans le discours adopté majoritairement par les médias de gauche en Grèce et à l’étranger. Dans les médias de gauche et progressistes, a éclaté ces dernières semaines une salve d’articles et de comptes rendus favorables, voire enthousiastes, dont la tonalité globale  pourrait laisser entendre que la Grèce serait au bord de la révolution sociale. Ce qui, très clairement, n’est pourtant pas le cas.

Cela dit,  il est sans intérêt de critiquer Syriza et son programme sur la base de critères abstraits comme le radicalisme, l’anticapitalisme ou quoique ce soit d’autre. Car, tout simplement, Syriza n’est pas, et n’a jamais été, un parti anticapitaliste. Ni son programme, ni sa compréhension du monde, ni encore les politiques qu’il défend, n’ont jamais mis en question le système capitaliste ou sa représentation politique. Ce constat ne vise pas à discréditer Syriza, mais à en fournir une évaluation honnête qui tienne compte de la vision qu’a Syriza de lui-même, de son rôle historique et de ses pratiques en tant que parti parlementaire sur  l’échiquier politique grec. L’argument que Syriza aurait trahi ou n’aurait pas tenu les engagements d’un programme qui, de toute façon, n’a jamais fait partie de ses projets politiques ne nous avance à rien[3].

Ce n’est pas d’une analyse fondée sur un cadre théorique inexistant (le radicalisme supposé de Syriza) que nous avons besoin, mais d’une compréhension sérieuse du contexte historique entourant l’ascension de Syriza vers la reconnaissance générale, des forces objectives auxquelles il est confronté et de ce que lui-même propose comme remèdes. C’est seulement ainsi qu’on peut se faire une véritable idée de ce qui est en jeu. Les joutes idéologiques et les épouvantails ne seraient manifestement d’aucune utilité pour l’instant.

Banalités de base

Jusqu’en 2009, Syriza était un acteur sans importance sur la scène politique grecque. Il passait à peine la barre des 3 % de voix requise pour entrer au parlement, cette faiblesse ayant  sérieusement compromis son influence au sein de l’institution parlementaire. Mais les choses n’allaient pas beaucoup mieux en dehors du parlement. Ceux  qui, comme nous, ont joué un rôle actif dans les milieux de gauche et radicaux grecs depuis plus de 20 ans, n’ont jamais considéré Syriza comme une force avec laquelle il fallait compter. Et si Syriza a tenté à maintes reprises de récupérer les forces des mouvements sociaux afin de servir ses ambitions parlementaires, jamais aucune de ces tentatives n’a réussi[4].

Ce n’est qu’après les élections de 2012 qui ont entraîné la chute du Pasok et de son gouvernement, rendu responsable de la mise en place du programme de sauvetage et d’austérité de la troïka, que Syriza s’est soudain retrouvé avec 17 % des voix, résultat qui a surpris tout le monde, y compris les membres de Syriza eux-mêmes, qui se seraient bien contentés de 7 à 8 %. C’est alors que Syriza a commencé à envisager la formation d’un gouvernement et à réaliser que, à partir de ce moment-là, que les politiques qu’il allait élaborer devraient être réalistes et réalisables[5].

Hypnotisé par son ascension sans précédent dans la hiérarchie électorale, Syriza a saisi chaque occasion pour consolider ses appuis, élargir ses alliances sociales et se préparer à mettre en place le premier gouvernement grec de gauche  depuis la victoire du PASOK en 1981. Cependant, Comme tout parti de gauche, Syriza se méfie particulièrement  des mouvements sociaux qui échappent à son contrôle direct. C’est la raison pour laquelle Syriza, tout en renforçant ses appuis électoraux, s’est efforcé d’éviter tout soutien aux explosions d’antagonisme social, même lorsque, par moments, celles-ci semblaient en mesure de faire tomber le gouvernement et de mettre un terme à l’austérité – deux objectifs qu’il n’avait pourtant cessé de mettre en avant[6].  De ces incidents, les responsables de Syriza ont fourni une  version  officielle révélatrice: niant avoir commis la moindre faute, Syriza s’est réfugié derrière l’excuse que « le peuple » (cette locution galvaudée et inepte) n’était pas prêt  à monter à l’assaut. Il aurait été plus intelligent de reconnaître qu’un parti  pour qui le parlement constitue le centre de l’activité politique ne veut pas voir la suite des événements ou  ses orientations politiques décidées par un mouvement social au potentiel radical et incontrôlable. Aujourd’hui, près de deux ans après la dernière manifestation de subversion au niveau de la rue, Syriza peut donner un coup de balai et tirer profit de la défaite du mouvement, en se disant avec satisfaction que la majorité des gens a montré qu’elle préférait placer ses espoirs dans la représentation politique plutôt que dans sa propre activité.

Instructions aux sociaux-démocrates contemporains

 Toutefois, il n’est pas  facile  de découvrir ce que Syriza avait au juste prévu pour le lendemain des élections. On pourrait facilement devenir fou à tenter de définir une position cohérente à partir des diverses déclarations et proclamations de Tsipras, de celles des députés de Syriza, des membres de son comité central et de ses sympathisants, tant y foisonnent les opinions contradictoires et se réfutant mutuellement. (La droite a d’ailleurs essayé d’exploiter cette faiblesse pour démontrer qu’en fait, Syriza n’a pas de programme du tout[7]). Toutefois, comme Syriza sera bien obligé d’avoir affaire à l’économie réelle, à ses homologues européens et au système économique mondial (plutôt qu’à quelque mouvement imaginaire), les déclarations qu’il fera précisément à leur intention vont constituer  un moyen  relativement fiable de comprendre ses objectifs politiques réels.

L’idée maîtresse du programme politique et économique de Syriza, tel que ses porte-parole l’ont énoncé à l’Expo de Thessalonique en septembre 2014 (et n’ont cessé de  répéter depuis), se résume à quatre points clés: d’abord, la gestion immédiate de la crise humanitaire en Grèce; deuxièmement, des mesures prioritaires de relance de l’économie; troisièmement, un plan national de « reconquête du travail »  et, enfin, une reconstruction institutionnelle et démocratique du système politique. Les éléments  de ce  programme exigent, selon Syriza, que certaines choses soient mises en place: une restructuration de la dette souveraine de la Grèce; un lien direct entre les remboursements et la croissance; un découplage des dépenses publiques et du mémorandum signé avec la troïka; ainsi qu’un «New Deal» européen, c’est-à-dire l’introduction de l’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) par la BCE.

Le programme  pour faire face à la crise humanitaire entend s’attaquer à quelques-unes des réalités dévastatrices de la société post-Mémorandum, en rétablissant le courant électrique et en distribuant des bons alimentaires à 300 000 familles, en fournissant des soins médicaux gratuits à tous, en garantissant l’accès au logement pour tous et en soutenant les retraités à faibles revenus. Le plan de relance de l’économie repose sur un ambitieux programme de restructuration du système fiscal destiné à garantir la perception des impôts impayés, l’arrêt immédiat des saisies (pour les résidences familiales principales), l’abolition de la lourde taxe foncière imposée récemment, l’annulation des dettes (36% selon les banques) en cas d’insolvabilité et le rétablissement du salaire minimum de 751 euros mensuels, mesure censée augmenter le PIB de 0,5%. L’idée de la «reconquête du travail» concerne le rétablissement des rapports de travail antérieurs au mémorandum et, en particulier, la réintroduction des conventions collectives et la fin des licenciements abusifs, ainsi que la création – ambitieuse – de 300 000 nouveaux emplois et l’attribution de l’allocation chômage à 300 000 bénéficiaires. Enfin, au niveau de la  réorganisation  démocratique du système politique, Syriza a l’intention d’abolir les privilèges des députés, de vérifier de fond en comble les licences des principaux médias et de rouvrir la télévision d’Etat (ERT).

Faisant abstraction de certains détails (non négligeables) [8] et des aspects du programme concernant la « démocratisation» du système politique, deux questions se posent d’emblée : combien coûtera précisément ce programme et d’où viendra l’argent ? Selon les propres calculs de Syriza[9], ce programme coûterait 11,36 milliards d’euros. Et d’où va donc venir l’argent? C’est là que ça se complique.

Les mots captifs

Les deux principaux piliers sur lesquels Syriza envisage de faire reposer le financement de son programme sont la restructuration de la dette et l’introduction de l’assouplissement quantitatif. Comme on pouvait s’y attendre, il s’agit là des sujets les plus polémiques des prochaines négociations.

  1. La restructuration de la dette: Actuellement, la dette souveraine de la Grèce représente près de 176% du PIB (environ 321 milliards d’euros). L’économie grecque ne produisant pas d’excédent, les intérêts engendrés par cette dette sont payés par de nouveaux prêts consentis par la troïka. Il en résulte, entre autres choses, que la dette tout comme ses intérêts n’ont aucun impact sur le budget de l’Etat grec. La question qui se pose est donc : pourquoi est-il si important de réduire la dette ? La réponse a été donnée par Giorgos Stathakis, principal responsable de la politique économique de Syriza :

   « Les marchés ne prêtent pas à la Grèce parce que la dette de l’État est non viable. Puisqu’il faudrait à la Grèce un excédent de 4,5% pour rembourser la dette, nous ne pouvons manifestement réaliser aucune croissance dans ce contexte. C’est aussi simple et compréhensible que cela, et nos collègues internationaux le savent bien. Ainsi, lorsque la dette redeviendra viable grâce à un accord négocié par un gouvernement Syriza fort, les marchés recommenceront à prêter à la Grèce à des taux d’intérêt raisonnables[10]. »

Vous avez compris? Le sens profond de l’idée d’une réduction de la dette est de faire en sorte que la Grèce puisse à nouveau emprunter, ce qui du même coup va augmenter sa dette[11].  Une idée de génie.

Mais, quand bien même nous accepterions cette entorse à la raison, d’autres problèmes se posent. Pourquoi la troïka serait-elle d’accord pour une restructuration et donnerait-elle à la Grèce la possibilité de réduire son taux d’endettement? Cette question a suscité beaucoup d’intérêt et des réponses très divergentes.  D’un côté, nous avons  une belle unanimité pour expliquer que la restructuration de la dette est totalement hors de question, ajoutant que la Grèce devrait s’estimer heureuse de l’argent qui lui est effectivement versé pour la sauver de la faillite complète. C’est le point de vue que partageaient (officiellement) le gouvernement allemand et le gouvernement grec de droite. De l’autre côté, nous avons l’argument que la restructuration de la dette est absolument nécessaire pour sortir la Grèce de la spirale économique qui l’entraîne vers le bas. En outre, en poursuivant cette idée, « la restructuration de la dette » n’est pas un gros mot. Il y en a eu de nombreux exemples dans le passé (celui que Syriza préfère est l’annulation de 1953 pour aider au redressement économique de l’Allemagne) et beaucoup d’économistes considèrent que cette restructuration est  indispensable  pour éviter  un défaut de paiement et pour stimuler la croissance. Cette position est défendue notamment par bon nombre d’économistes et par Syriza[12].

Si nous laissons de côté ces débats essentiellement idéologiques, il faut bien admettre qu’une restructuration de la dette n’est pas totalement invraisemblable (pas plus qu’elle ne l’a été dans ce très lointain passé, à savoir en 2012), principalement parce que tout le monde sait qu’un remboursement intégral de la dette est en réalité à peu près impossible. Mais, et c’est là le cœur de la question, cette restructuration va probablement se faire, comme en 2012,  selon des modalités garantissant les finances des prêteurs[13] et avec une clause exigeant la poursuite de l’austérité sous une forme ou une autre (même si on l’affuble d’un nom plus accrocheur comme « plan de reconstruction nationale »). À l’heure actuelle, et parce que l’enthousiasme de la gauche semble  appeler un contre-argumentaire de la droite, l’UE déclare qu’une restructuration de la dette est inconcevable. Mais, en lisant entre les lignes, il semble que l’UE soit prête à en envisager une prolongation généreuse, ce qui signifie fondamentalement la même chose pour qui n’est pas totalement désorienté par le jargon économique.

  1. L’assouplissement qualitatif (Quantitative Easing ou QE): L’idée est simple. Sur quoi compte essentiellement la troïka pour imposer à la Grèce une austérité et une restructuration économique sévères ? Sur la dette souveraine. La Grèce étant incapable de financer le remboursement des prêts ou des obligations déjà souscrits, les marchés ne sont pas disposés à lui prêter de l’argent. D’autre part, puisque la Grèce fait partie de la zone euro et a adopté la monnaie européenne, le pays se trouve dans l’impossibilité de choisir la dévaluation, le défaut de paiement ou une autre mesure de ce genre (comme l’ont fait l’Argentine ou l’Islande). Par conséquent, le gouvernement grec devrait recevoir l’argent nécessaire pour rembourser ses prêts au FMI et à la BCE, en contrepartie d’un programme de «consolidation», c’est-à-dire de l’austérité.

Si la Grèce était en mesure de dégager un excédent, d’émettre de nouvelles obligations d’Etat, de les vendre à la BCE et de financer son plan de remboursement (assorti de la mise en place de ladite généreuse prolongation), il n’y aurait pas besoin d’austérité. Syriza serait donc en mesure de décider exactement ce qu’il veut en termes de budget intérieur, d’affecter les dépenses et les recettes comme il l’entend, et même de revenir sur le marché avec de nouvelles obligations. Or, c’est précisément sur cette idée que repose l’assouplissement quantitatif : la BCE achèterait des obligations d’État, les enfermerait dans un cachot à Bruxelles et oublierait jusqu’à leur existence. Et c’est bien pour cette raison que les pouvoirs économiques qui essaient d’imposer l’austérité et la restructuration (l’Allemagne en tête) ont expressément rejeté l’éventualité d’un assouplissement quantitatif, qui leur ferait perdre le pouvoir de négociation dont ils disposent pour imposer ces politiques.

L’annonce faite le 22 janvier par Draghi (le dirigeant de la BCE) que la BCE allait effectivement introduire l’assouplissement quantitatif dans la zone euro, un programme destiné à l’achat d’obligations souveraines, correspond donc à un relatif infléchissement de la politique de la zone euro[14]. Mais le diable se niche dans les détails et il fallait se taper la séance des questions/réponses suivant sa déclaration, pour entendre Draghi expliquer ce que chacun soupçonnait plus ou moins: la Grèce ne fera pas partie de cet assouplissement quantitatif ou, du moins, elle ne pourra y participera que pour autant qu’elle continuera de mettre en application les mesures dictées par la troïka[15].

Même s’ils ne sont pas forcément irréalistes en eux-mêmes, on constate que les deux piliers du programme de financement de Syriza provenant de sources externes sont fondés sur une poursuite de l’austérité propre à affaiblir toute vision enthousiaste du futur, au moins au niveau des négociations à venir. Et il devient de plus en plus évident que, sur le plan politique, certains accords peuvent être conclus (sur l’accès de la Grèce au programme d’assouplissement quantitatif et sur la restructuration de la dette rebaptisée « prolongation», en échange de la poursuite d’une certaine forme d’austérité) permettant aux deux parties de la « négociation »  de sauver la face politiquement et de paraître en sortir vainqueur.

La question qui se pose alors est de savoir comment Syriza pourra justifier un tel écart par rapport à son programme anti-austérité. La problématique des finances intérieures fait quelque peu la lumière sur ce point. Pour commencer, avoir un budget en équilibre est une condition absolument cruciale pour  que la Grèce  puisse venir à bout de son chaos économique. Et, quoique le gouvernement Samaras (avec l’aide de la Commission européenne) ait annoncé un budget excédentaire en avril 2014, cet excédent n’existait pas, en réalité [16]. En conséquence, le déficit budgétaire  s’élève actuellement à (plus ou moins) 3 milliards d’euros, montant qu’il va falloir  trouver dans l’immédiat, avant même que Syriza ne se mette à réfléchir à la façon de réunir les financements de son programme de 12 milliards d’euros. En plus de ces trois milliards, la Grèce doit aussi trouver 31 milliards d’euros pour honorer des prêts anciens et nouveaux de la troïka (à la fois  du FMI et de la BCE et venant à échéance entre fin février et août 2015). Mais alors, où Syriza va-t-il se procurer tout cet argent? Il n’est pas facile de répondre à cette question, vraisemblablement parce qu’il n’existe pas de réponse. Jusqu’ici, le plan envisagé par Syriza pour obtenir ces fonds repose sur la réforme du système fiscal, la capacité à attirer les investissements étrangers et à encourager les investissements privés pour créer de la croissance, ainsi que sur l’augmentation du salaire minimum.

Or, ces propositions posent de multiples problèmes. D’une part, si une réforme du système fiscal peut éventuellement apporter des fonds, c’est une stratégie sur laquelle de nombreux gouvernements se sont déjà engagés sans le moindre succès. Mais, même si Syriza parvenait à mener à bien une certaine restructuration fiscale, il faudrait un minimum de deux ans pour que cette idée ambitieuse procure à l’Etat un revenu effectif. Au niveau de la croissance, il reste à expliquer comment les investissements étrangers ou privés se réaliseraient alors que les banques ont cessé d’émettre de nouveaux prêts (ou, dans le cas des banques grecques, sont dans l’incapacité d’en émettre). Last but not least, même dans le plus optimiste des scénarios, l’augmentation du salaire minimum ne concerne qu’une petite partie de la main-d’œuvre, sa contribution au PIB est minime et elle soulève la question gênante de ce qui arrivera aux autres salaires. Lesquels, si nous nous fions à l’affirmation de Stathakis d’il y a presque un an, resteront gelés à leur niveau actuel.

Le Point d’Explosion des Illusions

Au niveau des négociations avec l’UE, Syriza, conscient d’avoir besoin que le robinet d’argent de l’UE continue de couler, a bien fait comprendre qu’il souhaitait rester dans la zone euro et précisé qu’il ne prendrait aucune résolution unilatérale, tout ceci en renégociant les conditions du plan de sauvetage. En même temps, Syriza s’est engagé, auprès de ses électeurs et de la gauche, sur des dépenses publiques de type semi-keynésien (minimes mais néanmoins ambitieuses), un soutien aux petits revenus et un programme de création d’emplois, le tout sans taxer les riches ni redistribuer les richesses.

Il est clairement impossible que ces scénarios se réalisent tous les deux. Pour qu’une négociation puisse aboutir, chacune des deux parties doit avoir des atouts en main. Syriza n’en a aucun. Mais il a en revanche la certitude que personne en Europe ne veut d’une situation chaotique, pas plus que d’une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro[17] ou de l’incertitude qui résulterait de changements aussi drastiques. La situation commence à se clarifier lorsqu’on prend en compte le fait que, à y regarder de plus près, aucune des mesures de la politique intérieure de Syriza (que certains tendent à présenter comme radicales, mais qui, en réalité, ressemblent de manière alarmante aux accords du premier mémorandum de 2010[18]) n’est de nature à inciter l’EU à faire la même analyse  du gouvernement Syriza que, par exemple, celle qu’en fait la revue Jacobin.[19].

A en juger par la stratégie de crise adoptée jusqu’ici par l’Europe ( brasser du vent en attendant que ça se passe) et loin de l’attitude enthousiaste considérant la victoire de Syriza comme un moment décisif de l’opposition à l’austérité européenne, on peut  parier que les moins à venir vont probablement être marqués par le  jeu du chat et de la souris  : Syriza va demander un délai supplémentaire pour adapter  son programme au  chaos économique qu’il a hérité du gouvernement précédent; il  va ensuite demander un délai supplémentaire pour permettre au QE d’atteindre la Grèce; puis il va demander un délai supplémentaire en attendant que son (unique) allié en Europe (le parti espagnol Podemos) gagne les élections en décembre 2015 (s’il les gagne). Dans l’intervalle, il peut mettre en œuvre quelques mesures spectaculaires qui seront dénuées de tout contenu effectif (comme, par exemple,  l’augmentation du salaire minimum), histoire de donner l’impression qu’il est effectivement en train de changer les choses. Et puis, si l’UE a décidé de jouer le jeu (ce qu’elle semble jusqu’à présent assumer), elle peut traiter Syriza avec les mêmes égards que ceux qu’elle avait auparavant pour Nouvelle Démocratie et créer une ambiance de reprise économique assortie de budgets excédentaires et de sorties du marché fictifs. En attendant, il semble qu’une certaine forme d’austérité va se poursuivre, mais en suivant des voies que seul un gouvernement de gauche peut se permettre d’emprunter.

Cognord

[1] Entre 2010 et 2012, le mouvement social qui a émergé  a fortement contesté la politique en tant qu’activité séparée. Ont été considérés comme des cibles légitimes, non seulement le Parlement  (avec le harcèlement, parfois violent, de ses députés à chacune de leurs apparitions publiques), mais aussi les institutions de médiation traditionnelles (les syndicats, les médias…), qui ont vu leur capacité à créer un consensus sérieusement compromise. Syriza, cependant, a oeuvré dans la direction opposée : soutenir une critique des institutions politiques existantes et de leur légitimité aurait été totalement paradoxal et absurde pour un parti politique parlementaire. Et dès que la possibilité de former un gouvernement a commencé à gagner en crédibilité, Syriza a fait de son mieux pour forger des alliances avec les représentants des rouages du pouvoir en place.

[2] Il faut savoir que les salaires du secteur privé étaient nettement plus faibles que ceux du secteur public.

[3] Des membres de Syriza se fendent périodiquement de déclarations pompeuses, à l’instar de l’interview  de S. Kouvelakis sur l’histoire de Syriza dans le numéro de janvier 2015 du magazine américain Jacobin ou les interventions de Milios expliquant que Syriza est un parti « marxiste », publiées dans le Berliner Zeitung en décembre dernier.  Mais il s’agit là d’un échantillon choisi de déclarations faites aux médias déjà acquis à Syriza et destinées à des discussions dans les milieux de gauche dont elles ciblent les attentes.

[4] Avant les élections de 2009, Syriza avait tenté de s’attirer le soutien de l’insurrection du mois de décembre précédent, en focalisant sa propagande sur le slogan « de la rue aux urnes ». Le résultat en a été gênant pour Syriza tout en étant révélateur de son influence : 41.3 % des voix, soit près de 1 % de moins que lors des élections de 2007.

[5] A noter que ce bond spectaculaire de 4 à 17 % s’est accompagné d’un certain vernis de radicalisme. Syriza avait bien compris l’objet de la colère d’une grande partie de la population : l’austérité, les accords de la troïka et l’appareil politique en place. Il a ainsi adopté une rhétorique intransigeante, appelant à un refus unilatéral des accords du mémorandum, au rejet des mesures d’austérité et à la fin de la dépréciation constante de l’économie grecque. Pourtant, plus Syriza gagnait des points et plus cette rhétorique cédait la place à des annonces plus « sobres » et dans un esprit de « Realpolitik ». En même temps, Syriza a commencé à attirer des électeurs mécontents du Pasok, récupérant de ce fait à la fois ces gens et les mécanismes issus de près de 30 ans de règne du Pasok.

[6] Les deux exemples les plus flagrants en ont été le préavis de grève des enseignants et la fermeture de la télévision d’Etat (ERT) à l’été 2013. Dans le premier cas, les instits avaient prévu une grève au moment crucial des examens nationaux, grève que le gouvernement a préventivement déclarée illégale, tout en menaçant de démissionner en cas de poursuite de cette grève. Bien que plus de 90 % des sections syndicales des enseignants aient bravé la menace et voté la grève, la centrale syndicale (dirigée par Syriza) a annulé l’appel,  prétextant que « les conditions ne sont pas mûres ». Quelques deux semaines plus tard, lors de la fermeture inattendue de l’ERT, l’onde de choc a incité des milliers de gens à prendre la rue, ce qui a empêché le gouvernement d’arrêter la retransmission, qui avait immédiatement repris. Avec la télévision d’Etat de son côté, Syriza  aurait pu au minimum bénéficier pour sa campagne préélectorale du soutien inconditionnel du plus important organe de diffusion grec, occupé et aussitôt transformé en porte-parole d’une propagande carrément anti-gouvernementale. Alexis Tsipras a été invité dans les premiers jours de l’occupation à venir expliquer le programme politique de Syriza aux 2,5 millions de téléspectateurs (le score le plus élevé jamais atteint par l’ERT). Sa réponse a été révélatrice : « ce n’est pas le moment ».

[7] Bien sûr, cette argumentation contredit celle, tout aussi dominante, selon laquelle Syriza aurait effectivement un programme mais que celui-ci impliquerait nécessairement que la Grèce soit poussée hors de l’UE, que l’on revienne à la drachme, qu’une pénurie de papier hygiénique empêche les Grecs de se torcher le cul et que Satan allait être le plus fort. Mais, encore une fois, les périodes pré-électorales ne sont pas vraiment des références en matière de cohérence.

[8] L’électricité ne sera rétablie que lorsque le demandeur aura mis en place un accord de remboursement à tempérament avec la compagnie d’électricité, Syriza se portant garant du paiement du premier acompte. Le demandeur devra fournir la preuve de son statut de « pauvre » en produisant des déclarations fiscales détaillées. Il en va de même pour le programme d’accès garanti au logement : Syriza va subventionner les loyers à hauteur de 3 euros le mètre carré.  Par ailleurs, la restructuration du système fiscal a fait partie des promesses de tous les gouvernements sans exception depuis la création de l’Etat grec, ce qui laisse peu d’espoir qu’elle s’accomplisse ce coup-ci. Ensuite, les saisies de logements n’ont pas été mises à exécution jusqu’à ce jour. En effet, une loi les interdit jusqu’en janvier 2015, mais ce sont les banques elles-mêmes qui sont le principal obstacle à l’exécution des saisies : à partir du moment où une banque déclare un prêt comme irrécouvrable, elle doit le comptabiliser en tant que perte, augmentant ainsi son taux de défaillance. Enfin, le rétablissement du salaire minimum ne concerne que 10% de la main d’œuvre (et le consensus sur le dernier chiffre portait sur 640 euros et non 751), dont les employés à temps partiel qui recevront une augmentation de 70 euros par mois. Quant à savoir comment au juste cette mesure va augmenter le PIB de 0,5%, les textes de Syriza n’en fournissent aucune explication ; il semble donc qu’il ne s’agisse de rien d’autre que d’un vœu pieux. Pour finir, on ne sait pas trop si les conventions collectives seront rétablies dans l’immédiat ou progressivement sur les quatre prochaines années. Cependant, la création de 300.000 nouveaux emplois, auxquels s’ajoutent les nouveaux bénéficiaires des allocations chômage, correspond manifestement à une stratégie à long terme pour les quatre prochaines années.

[9] Ceux qui lisent le Grec trouveront une analyse systématique du coût du programme de Syriza sur www.left.gr/news/i-kostologisi-toy-programmation-toy-syriza. Malheureusement, les sources de financement n’y sont pas exposées de façon aussi détaillée.

[10]  Interview de G. Stathakis dans Naftemporiki , le 22 décembre 2014

[11] A supposer une seconde que la troïka accepte de réduire la dette souveraine de la Grèce de 176 à 100% du PIB, soit une réduction de 50%, et que le remboursement soit accordé au taux peu élevé de 2%, les intérêts de remboursement atteindraient alors 3,5 milliards d’euros par an. La Grèce n’ayant pas d’excédent, elle devra emprunter de l’argent pour régler cette somme. En à peine 4 ans, 14 milliards de plus viendront donc s’ajouter à la dette souveraine.

[12] En réalité, le concept de la « dette souveraine » n’est qu’un bon outil idéologique au service de la discipline économique, qui n’est efficace que dans des situations particulières, comme celle de la zone euro, où les Etats ont une monnaie commune (sans pour autant partager la même politique monétaire) et ne peuvent donc dévaluer ou refuser de s’acquitter de leurs dettes exigibles. Comme ailleurs dans le jargon propre à la théorie économique, la « dette souveraine » n’a aucune importance tant que l’économie est capable de produire de la croissance. En fait, la plupart des pays du monde qui sont économiquement avancés  atteignent des niveaux très élevés de dette souveraine (les Etats-Unis en sont actuellement à 75 % de leur PIB, le Japon à 214 %, l’Italie à 124 %, la France à 90 % et l’Allemagne à 87 %) sans jamais passer à l’austérité ni à des programmes de consolidation sévères.

[13] L’accord PSI  de 2012 (« Private Sector Involvement » ou intéressement du secteur privé, nom officiel de ce type de restructuration de la dette) a été conçu principalement pour permettre l’échange des obligations existantes contre de nouvelles obligations, le coût en incombant aux fonds d’assurance grecs, qui ont subi d’énormes pertes (le fond des journalistes, par exemple, a perdu environ 50 % de ses actifs), mais qui n’ont pas pour autant pu choisir de participer à l’échange. Cela étant, il en a résulté en fait une augmentation de la dette souveraine.

[14] Dans ce contexte, et dans la mesure où Syriza avait déjà précisé que l’introduction de QE faisait partie du plan de financement de son programme anti-austérité, l’annonce de Draghi a été accueillie favorablement par Syriza. En fait, c’est Nouvelle Démocratie qui s’est encore ridiculisé, Samara ayant qualifié le QE d’idée stupide ne pouvant s’inscrire dans la politique de la BCE – renforçant ainsi l’impression que Nouvelle Démocratie est encore plus coupée des réalités de l’UE que Syriza.

[15] Puisque la participation au programme de QE sera proportionnelle à la contribution de chacun des Etats, si on prend comme hypothèse que la Grèce pourrait y participer (avec une contribution de 2%), elle aurait droit à quelque chose comme 1,2  ou 1,7 milliards d’euros par mois ou 34 milliards par an, puisque Draghi a dit que le QE allait démarrer progressivement, à hauteur de 60 milliards d’euros par mois. Ce qu’il n’a pas annoncé, en revanche, c’est quel pourcentage de ces 60 milliards d’euros sera consacré à l’achat d’obligations d’Etat plutôt qu’à d’autres actifs.  Une hypothèse fondée sur la connaissance des faits conclurait « pas tant que ça » mais, soyons généreux et disons simplement que, en réalité, la moitié en sera utilisée pour les obligations d’Etat. Ce qui signifie 17 milliards d’euros par an (0.6 à 0.8 milliards par mois) pour la Grèce. Dans un scénario plus réaliste, ces 17 milliards d’euros seraient effectivement utilisés pour acheter des obligations déjà émises (un point clarifié par Draghi) et donc, probablement, des obligations grecques  actuellement entre les mains de banques étrangères, lesquelles tentent de s’en débarrasser.

[16]En réalité, l’excédent a été calculé au moyen de mesures non conventionnelles, sans prendre en compte un certain nombre de règlements cruciaux qui auraient dû s’effectuer. Le porte-parole économique de la CE a admis que la Grèce avait bénéficié d’une certaine « marge de manœuvre », indiquant clairement que la confirmation de l’existence d’un excédent relevait d’une décision politique. Le gouvernement Samaras a ainsi gagné du temps, tout en permettant à l’Allemagne de déclarer qu’on peut entrevoir « la lumière au bout du tunnel de l’austérité ».

[17] Nonobstant les déclarations officielles de l’Allemagne concernant le risque d’une sortie imminente de la Grèce, le fait est que personne n’est en mesure d’évaluer les conséquences d’un tel changement pour l’UE. Et puisque ni Syriza ni quiconque n’a la moindre envie de plonger dans des abîmes  d’incertitude, il semble plus que probable qu’un  accord  va être conclu.

[18] Le premier mémorandum était axé  sur une restructuration du système fiscal, sur des réformes du travail susceptibles d’attirer les investissements étrangers, sur un soutien magnanime  au système bancaire, sur des prêts de l’UE qui permettraient à la longue à la Grèce de réintégrer le marché et sur une clause préconisant  une sensibilité particulière à l’égard des familles à faibles revenus ou pauvres. Ça vous rappelle quelque chose ? A part qu’il n’y est  pas question de réduction des salaires (Syriza ne va pas réduire les salaires, mais ne les augmentera pas non plus), tout le reste pourrait très bien sortir tout droit d’une interview de Stathakis.

[19] A défaut pour Syriza d’avoir pu s’assurer une majorité absolue, l’annonce qu’il va former un gouvernement de coalition avec les Grecs Indépendants (un parti d’extrême droite, anti-immigration et antisémite) sur la seule base de sa rhétorique anti- Mémorandum constitue en soi  un rebondissement gênant pour lui.