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    Grèce: "la fronde de l’aile gauche de Syriza est bénéfique au parti"

    Grèce international

    Lien publiée le 15 mars 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://balkans.courriers.info/article26784.html
    Après le compromis du 20 février dernier entre la Grèce et l’Eurogroupe, qui prévoit de prolonger l’aide financière de l’Union à condition qu’Athènes poursuive les réformes exigées par la « troïka » des créanciers, l’aile gauche de Syriza a vivement critiqué le gouvernement d’Aléxis Tsípras. Une dynamique saine et logique selon le professeur de sciences politiques Seraphim Seferiades, très proche du mouvement Syriza.

    Propos recueillis par Pavlos Kapantais

    Seraphim Seferiades enseigne les sciences politiques à l’Université Panteion, à Athènes. Il est membre à vie de la faculté de Cambridge en Angleterre. Fin observateur de la vie politique grecque, Seraphim Seferiades est aussi très proche de la mouvance radicale de Syriza. Interview

    Le Courrier des Balkans (C.d.B.) : Comment expliquez-vous la popularité du gouvernement d’Alexis Tsipras, qui va bien au-delà du « peuple de gauche » ?

    Seraphim Seferiades (S.S.) : La volonté de sortir des politiques du mémorandum approuvé par l’État grec et la « troïka » touche tous les milieux politiques. Au-delà de la gauche, les gens étaient, jusqu’aux élections, prisonniers de leurs peurs : ils craignaient que tout changement provoque l’effondrement du système. Voyant que des alternatives existaient, ils se sont soudain retrouvés à soutenir Syriza. Mais soyons clairs, tout dépendra du Syriza. Si le gouvernement arrive a démontrer l’existence de cette alternative et à l’appliquer sans avoir peur, il gardera l’appui de la population. Dans le cas contraire, cette popularité soudaine se retournera contre lui et se transformera en déception et, possiblement, en haine…


    Retrouvez notre dossier :
    Grèce : Syriza face au mur de l’austérité et de l’intransigeance allemande 


    C.d.B. : Comment analyser-vous les dynamiques internes au parti ?

    S.S. : Il faut comprendre que le mode de fonctionnement de ce mouvement est très différent de celui des partis traditionnels. Depuis toujours, Syriza s’est toujours fixé de mettre en place un mode de fonctionnement interne réellement démocratique. En ce sens, que des avis divergents s’expriment à voix haute n’est pas un problème : au contraire, cela montre la santé du mouvement.

    C.d.B. : Il semblerait que l’aile plus radicale du parti se soit renforcée lors de la dernière réunion du Comité central du parti.

    S.S. : Oui, c’est vrai. Lors de la dernière réunion, qui avait comme objet principal l’évaluation de l’accord passé le 20 février avec l’Eurogroupe, la motion de la « Plateforme de Gauche » a obtenu 41% des suffrages. Beaucoup de gens, à l’intérieur comme à l’extérieur du parti, soutiennent le gouvernement, en en portant un regard critique sur son action. Syriza s’est fondé dans la société, il porte en son sein toute une série de mouvements et d’initiatives divers. La pression de l’aile gauche est un élément déterminant de la politique du parti. Si elle disparaissait, le mouvement ne serait plus perçu comme radical et il perdrait sa force.

    C.d.B. : La situation est cependant assez paradoxale : une grande partie du peuple grec soutient le gouvernement mais celui-ci est très critiqué au sein même de son parti.

    S.S. : Ce n’est pas paradoxal. Ce gouvernement subit d’intenses pressions pour « rentrer dans le rang » et appliquer une politique néolibérale. Dans l’accord passé avec l’Eurogroupe, on retrouve certaines de ces éléments, et c’est ce qui est stigmatisé par l’aile gauche du parti. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, cela n’affaiblit pas le gouvernement, cela le renforce en lui rappelant sur quel programme il a été élu. C’est ce qui conditionnera sa survie.

    C.d.B. : L’accord avec l’Eurogroupe était-il un moyen pour le gouvernement de gagner du temps, ou un atterrissage forcé dans la réalité européenne ?

    S.S. : Les deux. Mais la « réalité européenne » est un roi nu. Elle promeut des politiques qui mènent a l’impasse, qui consistent à espérer qu’en réglant les problèmes des banquiers, on réglera aussi les problèmes des sociétés et de la crise qu’elles traversent. Dans le cadre de cette « réalité », il n’y a pas de sortie de crise possible. Je crois d’ailleurs que les élites européennes se soucient très peu de réellement faire sortir l’UE de la crise. Ce qui les intéresse surtout c’est de servir les intérêts de l’oligarchie économique qu’ils protègent. Que des enfants souffrent de malnutrition, que le chômage explose partout, que les retraités n’arrivent pas a joindre les deux bouts et qu’ils y perdent leur dignité ne les intéresse pas. Même la spirale récessionniste en Grèce et dans d’autres pays de la zone euro les laisse de marbre. Le gouvernement Syriza a l’expérience de tout cela, pour l’avoir vécu sur sa propre chair, même si cela lui a permis de gagner un peu de temps. Il faut qu’ils utilisent ce temps pour mettre en place une alternative crédible. Sinon le gouvernement sera en danger de mort.

    C.d.B. : Devant quels choix se trouve le gouvernement ? Peut-il aller vers la rupture avec l’Europe ? Est-ce nécessaire ?

    S.S. : J’ai bien peur que la seule possibilité pour Syriza, si le gouvernement veut vraiment mettre en place son programme, passe par la rupture. Mais pas la rupture avec l’UE, la rupture avec les logiques dominantes qui la gouvernent. Le gouvernement ne peut pas faire marche arrière, « même pas d’un pas », comme on le lisait sur des pancartes lors de manifestations pro-gouvernementales. Cela signifie un clash politique qui laissera des traces.

    C.d.B. : La possibilité d’un compromis mutuellement bénéfique avec la zone euro d’ici l’été ne vous semble donc pas possible ?

    S.S. : Des accords peuvent être trouvés et être désignés comme « mutuellement bénéfiques ». Mais cela ne n’a pas d’importance. Ce qui compte réellement c’est de résoudre les problèmes sociaux qui sont en train d’étrangler la société grecque. Mais cela, malheureusement, n’intéresse pas la zone euro. Au contraire, il y a une volonté politique d’écraser tout ce qui va dans ce sens. Les « institutions » ont peur de l’impact que pourrait avoir un succès du Syriza, tant dans les pays du Sud, qu’auprès des classes populaires de l’Europe. C’est là que le Syriza doit chercher des alliances, expliquer la nature scandaleuse de la crise et de sa gestion, expliquer que les citoyens européens paient des risques inconsidérés pris par les banques. Il faut démocratiser le fonctionnement de l’économie, et Syriza peut jouer un rôle de levier au niveau européen. Mais pour le faire il faudra aller vers la rupture avec les institutions actuelles et leurs représentants, il n’ y a malheureusement pas d’alternative. Il s’agit d’un chemin difficile et dangereux, d’un vrai combat a mener. Mais en refusant de le faire, il a tout a perdre.