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En Hongrie, l’étoile de Viktor Orban pâlit

Lien publiée le 24 mars 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Le parti du premier ministre perd ses soutiens et est talonné par l'extrême droite dans les sondages

Sombre dimanche : cette rengaine des années 1930, si triste qu'elle provoqua à l'époque une épidémie de suicides, revient très fort ces jours-ci – avec un texte adapté aux circonstances – sur les réseaux sociaux en Hongrie, où les grandes surfaces commerciales sont, depuis la mi-mars, contraintes au repos dominical. Le petit parti démocrate-chrétien, KDNP, avec lequel le premier ministre, Viktor Orban, gouverne depuis bientôt cinq ans, a obtenu la mise en œuvre d'une loi qui oblige les grandes enseignes autrichiennes, françaises, britanniques et allemandes à baisser le rideau le -jour du Seigneur. Les commerces de proximité, notamment ceux de la chaîne CBA, propriété d'un groupe hongrois proche du pouvoir, échappent à cette -réglementation.

Cette loi n'a pas seulement valu à Budapest une plainte des entreprises étrangères devant les autorités de la concurrence de l'Union européenne. Elle est aussi très impopulaire, surtout dans les régions rurales, qui constituent le cœur de l'électorat du Fidesz, le parti conservateur de M. Orban, et pourrait coûter 10 000 emplois au secteur. L'épisode des sombres dimanches illustre l'affaiblissement de Viktor Orban. L'ex-enfant prodige, entré à 26  ans dans l'Histoire, en juin  1989, en appelant au départ des troupes soviétiques, semble avoir perdu la touche magique qui le caractérisait jusqu'ici : l'art et la manière de remporter des batailles politiques.

Un sondage, publié le 17  mars par l'institut Ipsos, a créé un choc en Hongrie. Le parti d'extrême droite Jobbik, si radical qu'il est jugé infréquentable par le Front national français comme par le FPÖ autrichien, serait aujourd'hui la deuxième force du pays, avec 18  % d'intentions de vote sur l'ensemble des électeurs, contre 21  % pour le Fidesz-KDNP. L'écart n'a jamais été aussi ténu. Ce qui inquiète est moins la montée du Jobbik (qui a obtenu 20,22  % aux législatives d'avril  2014, après 16,9  % en  2010) que la dégringolade de la droite au pouvoir.

Après une série de victoires électorales (aux législatives en avril  2014, puis aux européennes fin mai, et aux municipales en octobre), le Fidesz a vu fondre sa base. Il est passé dans les sondages au-dessous du seuil de 2  millions de voix nécessaires à une majorité, et des scrutins locaux ont confirmé cette érosion. Les manifestations, aussi massives que spontanées, contre un malencontreux projet de " taxe Internet ", fin octobre, ont été le premier signe que le vent avait tourné. A Ozd, 34 000 habitants, le candidat du Jobbik a ensuite fait un triomphe, en novembre, contre le maire sortant du Fidesz.

Surtout, en février à Veszprem, dans l'ouest, une région qui bénéficie des investissements de l'industrie automobile allemande, un siège de député, laissé vacant par l'ancien ministre de la justice Tibor Navracsics, devenu Commissaire européen, a été remporté par le candidat soutenu par la gauche. Avec cette défaite, le Fidesz a perdu sa majorité des deux tiers au Parlement. Un autre candidat Fidesz est menacé par l'extrême droite, lors d'un autre scrutin partiel à Tapolca en avril.

" Manières seigneuriales "

Chose inédite, les divisions au sein du Fidesz s'étalent dans les médias, nourries par des accusations d'enrichissement illicite contre les jeunes loups qui entourent M. Orban. L'un des vétérans du parti, l'ancien ministre de l'éducation Zoltan Pokorni, a osé critiquer les " manières seigneuriales " des nouveaux favoris, ce qui lui a valu une riposte acerbe du chef de cabinet de M. Orban, Janos Lazar, mais aussi, en retour, le soutien du président du Parlement, Laszlo Köver, autre représentant de la vieille garde. Enfin, la rupture fracassante de l'ancien trésorier du Fidesz, l'homme d'affaires Simicska Lajos, qui avait mis son groupe de presse au service des ambitions du premier ministre, a été un désaveu de plus.

Après la mise en cause, fin octobre, de la directrice du fisc, Ildiko Vida, interdite d'entrée aux Etats-Unis avec cinq autres membres de " l'Etat-Fidesz ", et aujourd'hui épinglée par un audit très sévère pour sa gestion, l'actualité est dominée depuis deux semaines par la faillite retentissante de deux sociétés de courtage, Buda-Cash et Quaestor, où 1  milliard d'euros se sont volatilisés. Or, si la première société était liée à l'ancienne élite socialiste, la deuxième était proche de l'actuel gouvernement. Sur fond de scandales, le Jobbik peaufine son image de parti " propre " : 30  % des électeurs du Fidesz sont tentés de voter pour lui.

Viktor Orban s'est donc remis en campagne. Ses discours – inspirés par l'idéologue de droite Teller Gyula, auquel on attribue son éloge, durant l'été 2014, d'un " Etat non libéral ", qui a irrité les Etats-Unis et Angela Merkel – ont pris des accents religieux. La célébration du 15  mars, où la Hongrie commémorait l'insurrection de 1848 contre les Habsbourg, a donné lieu à une débauche de drapeaux et de cocardes patriotiques. Le premier ministre a évoqué " l'énergie magique " qui anime la nation, exaltant la singularité des Hongrois, cernés par " Vienne, Berlin, Moscou et Istanbul ", et que seule leur " différence " ontologique d'avec les autres peuples européens rend dignes de " demander l'aide de Dieu face à nos adversaires ". Une rhétorique qui ne devrait guère charmer Bruxelles, mais qui séduira peut-être les troupes du Jobbik.

Joëlle Stolz