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A Radio France, les raisons d’une crise qui s’éternise
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L'épuisement des négociations C'est un fait : les négociations sociales sont à l'arrêt depuis au moins neuf jours. Le 30 mars, la direction a proposé un protocole d'accord qui a été refusé. Samedi 4 avril, les échanges ont repris, pour intégrer l'arbitrage gouvernemental favorable au maintien des deux orchestres, qui étaient menacés de fusion. Mais il n'y a pas eu d'avancée sur les trois autres revendications des syndicats (abandon des réformes du service propreté et moyens pour l'accueil et la sécurité ; abandon de la réforme des modes de production ; maintien des effectifs et rejet des mutualisations de programmes sur France Bleu).
La direction semble ne plus avoir aucune marge de manœuvre. S'engager sur les revendications des grévistes reviendrait à rendre presque impossible le rétablissement de l'équilibre budgétaire, que l'Etat demande pour 2017. Les syndicats eux n'entendent pas céder face à une direction affaiblie et à un Etat hésitant. Le système de grève " tournante " permet de durer, malgré l'irritation grandissante d'une partie des salariés de la Maison de la radio, notamment les journalistes, et de certains auditeurs.
Reste que la ligne syndicale est parfois contradictoire. Ainsi, les syndicats sont partagés entre le refus de négocier davantage avec la direction – illustré par la motion de défiance votée, vendredi 3 avril, contre Mathieu Gallet – et le fait de continuer à se rendre aux réunions pour en retirer " tout ce qu'on pourra obtenir ". Les points de compromis possibles ne font pas l'objet d'échanges lors des assemblées générales, comme si la seule ligne était de faire céder la direction.
La radicalisation d'une partie des troupes Les assemblées générales qui rythment le quotidien de la Maison de la radio donnent des signes de durcissement. Mardi, plusieurs voix ont appelé à rompre complètement les négociations ou encore à multiplier les motions de défiance contre les 198 cadres de direction, qui concentrent une partie du ressentiment. Un courant que les délégués syndicaux ont peiné à contenir. " C'est 1793 ! ", s'est exclamé l'un d'eux.
La force du mouvement est en même temps sa faiblesse : tous les corps de métiers y participent, mais cela donne parfois l'image d'une mobilisation " attrape-tout ", avec des desiderata pouvant évoquer des inventaires à la Prévert, mêlant éléments très concrets et grandes idées, comme cet appel entendu mardi à la mise en place d'une " démocratie participative " dans l'entreprise. " La question est désormais : les organisations syndicales tiennent-elles la base ? ", se demande un journaliste.
Depuis plusieurs jours, les " AG " accueillent aussi des militants extérieurs : syndicalistes de France Télévisions ou de l'INA, représentants de la Coordination des intermittents et précaires, et même personnel venu de… Carrefour Market. La perspective de la journée d'action interprofessionnelle du jeudi 9 avril, à laquelle les syndicats appellent contre l'" austérité ", est manifestement présente à l'agenda de certains, qui espèrent surfer sur la grève à Radio France pour mobiliser plus largement. L'épineuse question de la " médiation " Depuis le vote d'une motion de défiance contre Mathieu Gallet, jugé " discrédité ", vendredi 3 avril, les syndicats ont ajouté une revendication : la mise en place d'une " médiation ". " Vous êtes, Madame la ministre, notre médiateur naturel, ont-ils écrit, mardi, à Fleur Pellerin. (…) Nous vous demandons d'intervenir en tant que médiatrice, dans une situation où vous avez commencé à vous engager. " Le secrétaire national de la CGT, Philippe Martinez, a réclamé mardi le départ du PDG. " On est arrivé à un point de non-retour ", a-t-il estimé. Et mercredi, lors du comité central d'entreprise, les syndicats devaient réitérer leur " refus du projet " et leur " défiance " envers leurs interlocuteurs.
Mais pour le gouvernement, la mise en place d'une telle médiation l'amènerait à endosser la responsabilité des négociations, dans un cadre très contraint où les marges de manœuvre sont réduites. Et donc leur éventuel échec. Et serait inévitablement exploitée politiquement, illustrant une forme d'échec de l'indépendance des entreprises de l'audiovisuel public à l'heure où le nouveau président de France Télévisions doit être désigné par le CSA, avant la fin mai.L'absence du CSA Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a nommé Mathieu Gallet en février 2014, mais il rappelle qu'il n'a pas le pouvoir de tutelle sur Radio France. Il peut toutefois mettre fin au mandat du PDG, " par décision motivée ", après une audition. Les grévistes de Radio France ont apporté, mardi, leur motion de défiance au CSA, un geste symbolique.
Le partage du pouvoir entre Etat et CSA est une des sources du problème, martèle la droite : " Ce vernis d'indépendance n'est qu'un affichage qui pousse la tutelle à se défiler face à ses responsabilités ", a ainsi lancé le député (UMP) Christian Kert au président du CSA, auditionné mardi 7 avril à l'Assemblée.
En réponse, Olivier Schrameck a estimé que cette répartition des pouvoirs suivait " une distinction assez claire " : " Le CSA nomme et veille au respect du cahier des charges et de l'exigence sur les programmes, tandis que l'exécutif exerce la tutelle et le suivi économique. "
Depuis le début, le CSA – épinglé par Le Canard enchaîné, mercredi, sur les conditions de la nomination de M. Gallet –, a gardé ses distances avec les difficultés du PDG, auquel il a renouvelé sa confiance le 25 mars. Mardi, M. Schrameck a assuré se tenir " étroitement informé " et rester " très sensible " aux préoccupations des salariés et des auditeurs. Tout en refusant " d'outrepasser son rôle ".
Alexis Delcambre, et Alexandre Piquard