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Lutte exemplaire contre la précarité à l'ENS

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Lien publiée le 1 avril 2011

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Article du Monde du samedi 2 avril

La lutte contre la précarité s’est installée dans les salons de Normale Sup

M.Mélenchon es tvenu soutenir les grévistes opposés à la directrice de l’ENS, Mme Canto-Sperber

Il est arrivé tout sourire, un peu avant 14 heures. A avalé une assiette de riz, une crêpe à la confiture et un verre de vin – «rouge, bien sûr». Puis est resté discuter une bonne heure. Jean-Luc Mélenchon avait «tenu à être là», jeudi 31 mars, pour encourager la « lutte exemplaire » dont l’Ecole normale supérieure (ENS) est actuellement le théâtre.

La raison de sa venue? Le soutien à la dizaine d’employés précaires du «pot» (la cantine en jargon normalien), en grève depuis le 10 janvier pour obtenir une titularisation qu’ils attendent, pour certains, depuis des années. « C’est une honte que, dans l’une des plus prestigieuses écoles de la République, on traite des gens comme des chiens. Battez-vous : si vous gagnez, ce sera un précédent formidable pour les 800000 précaires de la fonction publique ! », leur a lancé l’eurodéputé, coprésident du Parti de gauche et probable candidat à l’élection présidentielle de 2012.

Si Jean-Luc Mélenchon est venu – «en camarade», dit-il – c’est parce que, depuis la mi-mars, la vénérable institution de la rue d’Ulm a des allures de camp retranché. Sur sa façade flotte le drapeau rouge de la CGT. Dans l’escalier qui mène aux bureaux de la direction, quelques bancs de bois sens dessus dessous forment un début de barricade. Quant aux salons de réception du premier étage, les sacs de couchage qui jonchent le parquet rappellent que, depuis le 22mars, dorment là chaque nuit entre quinze et vingt personnes. Des grévistes, bien sûr, et des élèves, aussi, présents pour les soutenir.

Jamais,depuis Mai 68 et ses lendemains, Normale Sup n’avait connu telle effervescence. Des conflits, il y en a eu, certes, comme lors des grandes grèves de l’automne 1995. Mais ce n’était pas la même chose. Car aujourd’hui, c’est la directrice de l’établissement en personne, Monique Canto- Sperber, qui est mise en cause. Sur ce point, la large banderole accrochée sur le perron est claire : «Dégageons la direction !»

Cette philosophe nommée à la tête de l’ENS en 2005, et reconduite en 2010, avait déjà connu un mouvement de contestation en 2006, quand elle se heurta à la démission en bloc des directeurs de départements littéraires, qui lui reprochaient ses méthodes de gestion, et la soupçonnaient d’« être à la solde du ministère ». Depuis, le climat s’était apaisé. Or fin 2010, l’atmosphère s’est à nouveau tendue. Mais cette fois, c’est des élèves qu’est montée la fronde. Et ce, autour de deux dossiers.

Le premier est lié à la décision, prise par Mme Canto-Sperber, d’annuler deux manifestations organisées par un collectif d’élèves constitué fin 2010 sous le label Palestine-ENS: une table ronde, le 17 janvier, en présence notamment de l’ancien résistant Stéphane Hessel ; et une série de rencontres, les 8, 9 et 10 mars, dans le cadre d’une semaine «internationale contre l’apartheid en Israël».

Espoirs et déconvenues

Le second dossier est donc celui des personnels précaires. Il n’est pas déconnecté du premier, dans la mesure où ce sont pour l’essentiel les mêmes élèves, souvent syndiqués à la CGT ou à Sud-Etudiant, parfois membres du Parti de gauche ou du NPA, qui se battent sur les deux fronts. Au nom de la «liberté d’expression» dans un cas, de la «justice sociale» dans l’autre.

Pour ces élèves, le mois de mars a été riche d’espoirs et de déconvenues. Le7, dix jours après que le tribunal administratif eut condamné la direction dans l’affaire des conférences annulées, celle-ci a gagné en appel devant le Conseil d’Etat. Soutenus par 160 chercheurs, les élèves ont décidé de saisir la Cour européenne des droits del’hommeet le Comité des droits de l’homme de l’ONU.

Le 22 mars, ils pensaient avoir obtenu du secrétariat d’Etat chargé de la fonction publique la garantie d’une titularisation des employés précaires. Or ce protocole, Monique Canto-Sperber assure n’en avoir «jamais eu connaissance», précisant que «la seule proposition qui [lui] a été faite, par le ministère de l’enseignement supérieur, est d’obtenir pour ces personnels des contrats permanents au sein du Crous », l’établissement public qui gère notamment les restaurants universitaires.

Qualifiée de « satisfaisante » par la directrice, cette solution est jugée «inacceptable» par les grévistes, qui réclament «une intégration pleine et entière dans la fonction publique». Mercredi 30 mars, la pression est encore montée d’un cran à l’ENS, où la bibliothèque, autre service où les précaires sont nombreux, s’est mise en grève. Vendredi, une réunion était prévue au ministère, où l’on explique «vouloir reprendre la main pour sortir du conflit». Rien ne dit pour autant que cela convaincra les grévistes de décrocher les deux affiches qui barrent l’accès aux bureaux de la direction : «On a la rage!» et «Canto démission!»

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Lettre de l'Assemblée générale des travailleur-euse-s et étudiant-e-s de l'ENS (mardi 29 mars)

Madame la Directrice,

Depuis des mois, l'École Normale Supérieure est traversée par un vent de contestation. Vous n'en connaissez que trop bien les raisons. Maintenus dans la précarité par des CDD à répétition, les travailleur-euse-s contractuel-le-s de la restauration et du ménage se sont engagé-e-s dans la lutte, puis dans une grève reconductible. En outre, les travailleur-euse-s de la cantine dénoncent les agissements odieux de leur chef (insultes, violences, harcèlement).

Depuis maintenant trois mois qu'elle dure, la grève n'a suscité de votre part que mépris et louvoiements. Vous n'avez su nous proposer que des solutions qui n'auraient en rien permis de résorber la précarité, tout en vous déchargeant de vos responsabilités en nous imposant comme interlocuteur la direction générale des services sans lui donner de réels pouvoirs de négociation.

Cependant, le rapport de force construit par la grève a permis à l'Union générale des Fédérations de Fonctionnaires de la CGT (UGFF-CGT) de négocier avec Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la Fonction Publique, un protocole de sortie de crise, établi sur la base de nos revendications. Ce protocole prévoit la titularisation des membres du personnel concernés (cuisine, ménage) via un relèvement du plafond d'emploi de l'ENS.

Vous avez dans un premier temps nié l'existence de ce protocole, avant de nous en proposer un autre, écrit par les services du Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce second protocole prévoyait la « titularisation » des travailleur-euse-s de la restauration en confiant la gestion du Pot au CROUS de Paris. Cette proposition est inacceptable. En effet :

- Les statuts du CROUS ne prévoient pas de postes de fonctionnaires en dehors des tâches administratives (voir* *décret du 5 avril 1987 n°87-155, titre II, article 21). Les membres du personnel concernés resteraient donc contractuel-le-s. En parlant de « titularisations » vous jouez sur les mots de façon bien malhonnête ;

- Les grévistes ont déjà exprimé leur refus de dépendre du CROUS, où les conditions de travail sont encore moins bonnes qu'à l'ENS ;

- Le protocole ne concerne pas les femmes de ménage, qui sont pourtant partie prenante du mouvement ;

- Nous sommes opposé-e-s à l'externalisation du service de restauration

Nous vous rappelons, en outre, que nous exigeons comme préalable à la reprise du travail le départ du chef de cuisine.

Pour ces raisons, nous continuons la grève et maintenons l'occupation des salons de la direction. Les négociations ne pourront reprendre que sur la base d'un protocole prévoyant la titularisation de tou-te-s les travailleur-euse-s du ménage et de la restauration.