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Grève des mineurs de 1948: Une histoire de charbon, de sang et de larmes

histoire

Lien publiée le 8 mai 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Sur un documentaire diffusé par LCP samedi 9 mai à 22h

(Le Monde) La grève des mineurs du Nord en  1948 symbolise une faillite de la République, qui n'a toujours pas réparé sa faute

C'est une histoire qui aurait dû se perdre dans la poussière des terrils des mines du Nord, aujourd'hui fermées. Le 4  octobre  1948, plus de 300 000 mineurs – la plupart communistes et anciens résistants – se mettent en grève, à l'appel de la CGT, pour protester contre la remise en cause de leur statut décidé par le gouvernement socialiste de l'époque. Datant de 1946, ce statut est très avantageux pour ces ouvriers confrontés à une extrême pénibilité du travail. En contrepartie des risques encourus, ils bénéficient gratuitement du charbon, du logement et d'une protection contre le licenciement. Autant d'avantages acquis que le ministre de l'industrie Robert Lacoste a décidé de remettre en cause, ce qui a mis le feu aux poudres.

Licenciements et expulsions

La grève, suivie par près de 90  % des effectifs, s'inscrit dans un contexte politique très tendu. Les communistes ont en effet quitté le gouvernement et s'opposent violemment à leurs anciens alliés socialistes avec le concours de la CGT, très implantée dans les bassins miniers. Pour réprimer la grève, Jules Moch, le ministre de l'intérieur, envoie les CRS, puis l'armée. En tout, 60 000 hommes sont mobilisés sur les carreaux de mines, où les affrontements font six morts parmi les mineurs et des centaines de blessés dont de nombreux policiers.

Après cinquante-six jours de grève, les mineurs reprennent le travail sans avoir obtenu satisfaction. Deux mille d'entre eux sont arrêtés, trois mille sont licenciés et plusieurs centaines condamnés à de la prison ferme et expulsés. Ces derniers perdent tous leurs avantages et leurs familles se retrouvent à la rue du jour au lendemain. Leurs vies sont brisées. Les Charbonnages de France feront même en sorte que la plupart d'entre eux ne retrouvent jamais de travail où que ce soit.

Cette affaire, qui reste une des grandes hontes de la République, va être étouffée pendant plus de cinquante ans, jusqu'au jour où Georges Carbonnier – un des acteurs de la grève qui ont été bannis – décide de retrouver ses anciens camarades et de demander réparation à l'Etat. Mort en  2006, il ne connaîtra malheureusement jamais la victoire de son combat.

Dans son documentaire L'Honneur des gueules noires, le réalisateur Jean-Luc Raynaud raconte cette terrible histoire à travers les témoignages de mineurs survivants, de leurs familles et des avocats (dont Tiennot Grumbach, mort en  2013, ancien militant maoïste devenu bâtonnier du barreau de Versailles) qui ont pris en charge leurs demandes d'indemnisation et de réhabilitation.

Les témoignages sont poignants. Ils racontent un honneur souillé et bafoué, mais aussi une farouche volonté de se battre. Norbert Gilmez, un des derniers survivants de la grève, dont on peut retrouver le témoignage dans le livre Plus noir dans la nuit, de Dominique Simonnot (Calmann-Lévy, 2014), attend toujours sa réhabilitation et celle de ses camarades.

En mars  2011, la cour d'appel de Versailles a enfin reconnu le caractère discriminatoire et abusif du licenciement de 17 mineurs et employés, et a annulé leur révocation. Elle a, en outre, condamné Charbonnages de France à leur verser 30 000  euros chacun. Mais le ministère de tutelle, Bercy – à l'époque dirigé par Christine Lagarde –, se pourvoit en cassation. La décision est alors annulée en octobre  2012 et les indemnisations sont gelées.

" Je pense qu'il serait à l'honneur de notre gouvernement de donner enfin satisfaction à des personnes qui ont conduit un combat politique de plus de soixante ans, et ainsi de mettre fin à une injustice jamais réparée auparavant ", a fait valoir, en  2014, Christiane Taubira, la garde des sceaux, en recevant Norbert Gilmez.

Daniel Psenny