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Grèce: l’impérialisme contre la Résistance

histoire

Lien publiée le 9 mai 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.npa2009.org/idees/grece-limperialisme-contre-la-resistance

Dès après sa victoire sur l’occupant nazi, la résistance grecque a été férocement réprimée par la coalition des monarchistes et fascistes grecs et des impérialistes du Royaume-Uni. Lâchée alors par Staline, elle avait été désorientée par sa direction inféodée à Moscou, dont la politique l’union nationale avait préparé la défaite.

Depuis son indépendance en 1830, la Grèce se trouvait dans la zone d’influence britannique. Le gouvernement anglais lui imposa son premier roi, Othon de Bavière, puis la dynastie Glüksbourg lorsqu’Othon fut devenu trop impopulaire. Tout au long du 19ème siècle, la Grande Bretagne maintint sous sa tutelle politique et financière ce pays qui verrouille la Méditerranée orientale, par où passait tout son commerce vers et depuis le Moyen-Orient et les Indes.

La crise économique des années 1930 plongea dans la misère les ouvriers, relativement peu nombreux, mais aussi d’importantes franges de la paysannerie, l’artisanat et le petit commerce ; grèves et manifestations se multiplièrent. Beaucoup se retrouvaient dans le programme et le mot d’ordre adoptés par le jeune Parti communiste de Grèce (KKE) en 1934, la laocratia – pouvoir (ou démocratie) populaire : annulation de la dette, nationalisation des banques et des grandes entreprises, notamment étrangères, réforme agraire avec confiscation des grandes propriétés foncières, séparation de l’Eglise et de l’Etat et fiscalité progressive1. Pour réaliser la laocratia, le KKE défendait la constitution d’un large front antifasciste et la conquête du pouvoir par les urnes, comme tous les PC d’Europe et conformément à la ligne du Komintern. Il maintiendra ce cap jusqu’en 1946.

L’agitation sociale déstabilisait le pays. La classe dominante, républicains et monarchistes confondus, était effrayée. A un premier coup d’Etat républicain en 1935, succéda en 1936 la restauration du roi et la dictature fasciste du général Metaxás. Les libertés constitutionnelles furent suspendues, tous les partis politiques dissous. Les militants du KKE étaient persécutés, emprisonnés, infiltrés et poussés à la délation.

C’est ce régime monarcho-fasciste allié de la Grande-Bretagne qui entra en guerre, le 28 octobre 1940, d’abord contre l’Italie puis contre l’Allemagne. En mars 1941, contre l’avis de son propre quartier général au Moyen-Orient, Churchill décida de dégarnir le front libyen, où ses troupes se battaient contre les Italiens, pour envoyer 50 000 hommes en Grèce : le Premier britannique accordait déjà au pays une importance allant bien au-delà de l’aspect militaire. Cela n’empêcha pas la défaite le mois suivant. Un gouvernement collaborateur s’installa à Athènes et les Britanniques se replièrent en Egypte, embarquant avec eux le roi, mais aussi les moyens de la souveraineté nationale : l’or de la banque de Grèce et les restes de l’armée. Georges II choisit de gagner Londres et laissa au Caire ses troupes, sa marine, son gouvernement et une importante communauté grecque.

L’EAM, une résistance victorieuse

En Grèce, l’occupation fut vite perturbée. Le 30 mai 1941, deux jeunes gens dont Manolis Glézios remplaçaient dans un geste d’éclat le drapeau nazi flottant sur l’Acropole par le drapeau national bleu et blanc. Dans les montagnes, des villageois se saisirent des armes cachées par l’armée nationale dans sa retraite : les premiers maquis se formèrent spontanément, dans la pure tradition des Klephtès de 1821. Le KKE, pourtant persécuté de plus belle, renaquit de ses cendres : en juillet 1941, un plénum élit un Comité central et un nouveau secrétaire général2.

Aussitôt, le KKE fédéra tous les syndicats dans un Front national ouvrier de libération (l’EEAM) et proposa à tous les partis politiques non fascistes de former un Front national de libération (l’EAM). Seuls l’EEAM et trois petits partis socialistes acceptèrent la proposition du KKE et l’EAM vit le jour le 27 septembre 1941. Par ses statuts, l’EAM visait à libérer le territoire de l’occupant, former un gouvernement provisoire en vue d’élections à une Assemblée constituante à la libération, ainsi qu’à renverser la monarchie honnie.

Après la terrible famine de l’hiver 1941-42, qui fit plus de 200 000 morts, le printemps 1942 vit les premières grandes grèves et manifestations contre l’occupant. La stratégie privilégiée par le KKE était la lutte urbaine de masse, non la guérilla. Néanmoins, méfiant envers l’esprit libertaire et indiscipliné des maquis autonomes des montagnes, le KKE décida de les encadrer. En février 1942, l’EAM créa l’Armée populaire grecque de libération, dont le nom sonne comme celui du pays : ELAS3. L’ELAS recruta vite et sa progression fut fulgurante : 10 000 combattantes ou combattants vers 1942, 50 000 en novembre 1944, portant calot et insigne. A l’été 1943, par ses seules forces et en prenant presque toutes ses armes sur l’ennemi, l’ELAS avait libéré la majeure partie des montagnes, des campagnes et des banlieues populaires ; les nazis étaient cantonnés dans les centres-villes.

En « Grèce libre », la population s’auto-organisait : chaque village se réunissait périodiquement en Assemblée générale du peuple et élisait des comités chargés du ravitaillement, de la sûreté, de l’administration, de l’école, de l’église, sans oublier un tribunal populaire chargé de juger les « collabos », mais aussi les différends entre villageois. Ces comités rendaient compte à l’AG du peuple qui pouvait en révoquer les membres. Chose complètement nouvelle, femmes et hommes votaient également, dès 17 ans.

En mars 1944, un « Gouvernement des montagnes » vit le jour, entérina les codes d’auto-administration et de justice populaire décidés localement et créa une Garde civile chargée des missions de police et de gendarmerie. En avril, toujours sous l’occupation, l’EAM organisa même des élections nationales : près de deux millions de Grecques et de Grecs élirent un Conseil national, qui jeta les bases institutionnelles de la Grèce libre. Il ne se réunira cependant qu’une fois, ses travaux étant interrompus par les accords du Liban (dont il est question plus loin).

Début 1944, une partie du programme de laocratia était donc réalisé. Tout en freinant ceux qui voulaient aller trop vite à son gré, notamment sur la réforme agraire et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’EAM acquit une immense popularité. Il aura un million et demi de membres à la libération. 

1942-43, Churchill divise pour régner

Très vite, les Britanniques s’inquiétèrent des succès de l’EAM et cherchèrent à allumer des contre-feux. Dès juillet 1942, ils financèrent généreusement une petite organisation républicaine de droite basée en Epire, l’EDES (Ligue nationale et démocratique de Grèce). Sous menace de le dénoncer aux nazis, ils contraignirent son chef à passer à la lutte armée contre l’occupant. Manipulée et encouragée par la Mission militaire britannique, l’EDES multiplia si bien les accrochages avec l’ELAS qu’une « première guerre civile » opposa les deux organisations à l’hiver 1943-44.

Parallèlement, à partir de l’été 1943, diverses milices fascistes et nationalistes montèrent en puissance. Recrutant dans les bas-fonds de villes livrées à la famine, financées par des industriels et des spéculateurs enrichis au marché noir ou sur les biens saisis aux Juifs, unies dans leur haine des « slavo-communistes », ces bandes armées terrorisaient campagnes et banlieues populaires et massacraient les membres de l’EAM. Les Britanniques en soutinrent plusieurs en secret, tout en sachant pertinemment qu’elles collaboraient avec les nazis. 

Churchill écrira ensuite dans ses mémoires : « Les Grecs sont, avec les Juifs, la race du monde la plus portée à la politique. Si désespérée que soit leur situation, si grave que soit le péril couru par leur pays, ils demeurent toujours divisés en de nombreux partis, avec de nombreux chefs qui se combattent entre eux avec acharnement. »4 C’est le jugement d’un artiste contemplant sa propre œuvre : Churchill a lui-même forgé cette zizanie à coups de dizaines de milliers de livres-or, dans le seul but d’empêcher l’ELAS d’unifier la résistance et le pays.

Mais le Premier britannique voyait bien que la stratégie de la zizanie ne suffirait pas. Dès septembre 1943, il écrivit à ses chefs d’état-major qu’il faudrait « être en mesure d’envoyer à Athènes 5000 soldats britanniques avec des automitrailleuses et des chenillettes à fusil-mitrailleur » après le départ des Allemands, pour « soutenir sur place le gouvernement légal restauré », c’est-à-dire le roi. Il prépara ce débarquement britannique en secret durant toute l’année 1944.

1944, le piège britannique se referme

Alors que sur le terrain, soldats et militants de l’EAM-ELAS se méfiaient de plus en plus des Anglais, qui ne livraient plus d’armes ni d’équipements depuis l’été 43, les dirigeants du KKE voulaient à la fois empêcher la restauration de la monarchie et réaliser l’unité nationale la plus large, y compris avec le gouvernement royaliste du Caire soutenu par les Anglais. Prise au piège de cette contradiction, l’EAM accepta au fil de l’année 1944 une série d’accords, aussitôt perçus comme des redditions par les militants. A chaque fois, les dirigeants du KKE prenaient conscience après coup qu’ils avaient beaucoup trop cédé et, dans une oscillation typique des directions staliniennes, durcissaient subitement leur position… avant de repartir négocier et de se faire à nouveau berner. Non sans réprimer au sein du parti les oppositions, notamment parmi un certain nombre de chefs militaires5. Pendant ce temps, Churchill et Georges Papandréou6, le premier ministre qu’il avait installé au Caire, avaient un plan bien concerté et leur détermination était totale.

Churchill voulait avant tout geler la situation sur le terrain militaire. Ce fut chose faite avec les accords de Plaka, en février 1944. Alors que l’ELAS était en passe d’anéantir l’EDES, le chef de la mission militaire britannique obtint que chacun restât maître de la zone qu’il contrôlait, sans aucune forme d’unification militaire ou politique (où l’ELAS aurait forcément eu l’ascendant).

En avril 1944, à peine nommé premier ministre, Papandréou réclama ouvertement la dissolution de l’ELAS. Pour cela, comme il l’expliqua lui-même quelques années plus tard, il lui fallait d’abord obtenir l’arrivée du gouvernement royaliste à Athènes dès la libération ; ce qui ne pouvait se faire sans l’accord du KKE. Il fallait donc faire entrer le KKE au gouvernement dans les conditions les plus défavorables possibles. Les accords du Liban y ont pourvu : les représentants de la Grèce libre entérinaient la formation d’un gouvernement d’union nationale sans rien exiger sur sa composition. L’EAM n’y fut présent qu’à la portion congrue.

Enfin, troisième objectif, il fallait l’aval du KKE au débarquement britannique. Le 25 septembre, Papandréou convoqua à Caserta, en Italie, le principal chef de l’ELAS, deux ministres EAM et un représentant du KKE. Ceux-ci acceptèrent de mettre les forces de résistance sous le commandement du général britannique Scobie, s’engagèrent à assurer le bon traitement des miliciens et collaborateurs pourvu qu’ils se rendent, et consentirent à l’autorité exclusive de Scobie sur la région de l’Attique. L’ELAS acceptait même la nomination de trois collaborateurs comme préfets à Athènes, Patras et Salonique, avec lesquels elle était censée travailler de concert ! 

Tout était en place pour passer sans transition de l’occupation allemande à l’occupation britannique et désarmer l’ELAS. Ne restait plus qu’à neutraliser le seul pays qui aurait pu aider le mouvement révolutionnaire grec : l’URSS.

Marchandage des peuples et trahison soviétique

Dès mai 1944, Eden, le ministre britannique des affaires étrangères, proposa aux Soviétiques de considérer « à titre provisoire » que les « affaires de Roumanie concernent plus particulièrement l’URSS », tandis que celle-ci pourrait « laisser les mains libres » (sic) au Royaume-Uni en Grèce. Staline accepta le marché et le respecta : lorsqu’elles parvinrent au sud de la Bulgarie en septembre 1944, les armées soviétiques s’arrêtèrent à la frontière grecque. Le 9 octobre, alors que le débarquement britannique à Athènes était imminent, Churchill s’empressa de se rendre à Moscou pour pérenniser le deal. Le soir même de son arrivée, il proposa à Staline de régler « leurs affaires dans les Balkans » et nota ces pourcentages « sur une demi-feuille de papier :

- Roumanie : Russie 90 %, les autres 10 % ;

- Grèce : Grande-Bretagne 90 % (en accord avec les Etats-Unis), Russie 10 % ;

- Yougoslavie : 50-50 % ;

- Hongrie : 50-50 % ;

- Bulgarie : Russie 75 %, les autres 25 %.

Je poussai le papier devant Staline, à qui la traduction avait alors été faite. Il y eut un léger temps d’arrêt. Puis il prit son crayon bleu, y traça un gros trait en manière d’approbation et nous le rendit. […] Il y eut ensuite un long silence. Le papier, rayé de bleu, demeurait au centre de la table. Je dis finalement : ‘’Ne trouvera-t-on pas un peu cynique que nous ayons l’air d’avoir réglé ces problèmes dont dépend le sort de millions d’êtres humains d’une façon aussi cavalière ? Brûlons ce papier.’’ ‘’Non, gardez-le’’, dit Staline. »7

La plupart des dirigeants du KKE étaient à mille lieux d’imaginer que les Alliés, surtout l’URSS, se livrent à ces tractations sordides. Mais après de lourds et longs silences, les autorités soviétiques leur firent savoir qu’elles ne pouvaient pas les aider et les encourageaient à entrer au gouvernement royaliste sans condition. D’autre part, si les dirigeants du KKE envisageaient enfin une prise militaire d’Athènes, ils doutaient que l’ELAS, épuisée et mal équipée, puisse tenir longtemps la capitale face aux Anglais sans soutien soviétique. Ce qui les encouragea dans la voie des concessions.

De la bataille d’Athènes à la capitulation de Varkiza

Les Allemands quittèrent Athènes le 11 octobre 1944 et la déclarèrent « ville ouverte ». Peu après, le KKE accueillit Papandréou et son gouvernement sur la place Syntagma, pendant que les parachutistes et les troupes britanniques débarquaient au Pirée. Très vite, Papandréou ordonna la dissolution de l’ELAS et multiplia les provocations. Le comité central de l’EAM exigea sa démission et organisa une grande manifestation le 3 décembre 1944. Les policiers tirèrent à balles réelles sur une foule pacifique, faisant 23 morts et 120 blessés. Aussitôt, Churchill télégraphia à Scobie ses consignes de tir à vue sur tout combattant de l’ELAS : « N’hésitez pas à agir comme si vous vous trouviez dans une ville conquise où se serait déclenchée une révolte locale. […] Il nous faut tenir et dominer Athènes. Ce serait pour vous une grande chose d’y parvenir sans effusion de sang, si c’est possible, mais aussi avec effusion de sang, si c’est inévitable. » 

La bataille d’Athènes entre l’ELAS et les forces britanniques, secondées par la garde nationale grecque et diverses milices qui collaboraient avec l’occupant, dura plus d’un mois. Les quinze premiers jours, l’ELAS progressait et les Britanniques étaient cantonnés sur trois kilomètres carrés au centre d’Athènes, ironiquement surnommés « la Scobia » (du nom du général Scobie). Mais les Anglais bombardèrent Athènes (ce que les Allemands n’avaient jamais fait) et envoyèrent des renforts nombreux, surtout des régiments coloniaux. A la fin décembre, après des combats sanglants qui firent 3 000 morts et 8 000 prisonniers8 côté ELAS (sans compter les civils) et très peu côté anglais, l’ELAS se retira puis accepta un armistice très défavorable. Elle le respectera scrupuleusement, alors que les Britanniques ne rendront pas leurs prisonniers.

Churchill voulait consolider son avantage alors que s’ouvrait la conférence de Yalta, et l’EAM obtenir un répit car la population et les combattants étaient épuisés. Une nouvelle négociation s’ouvrit le 2 février à Varkiza. Ce sera la capitulation totale et définitive : l’ELAS est dissoute ; l’amnistie pour « les événements de décembre » exclut les « crimes de droit commun contre la vie et la propriété non indispensables au délit politique » ; l’épuration est laissée aux soins du gouvernement sur la base de critères comme « la moralité, le caractère et la compétence professionnelle » – autant dire qu’il n’y en aura pas ; en revanche, les cadres de l’ELAS passeront devant des « commissions spéciales » à la discrétion du gouvernement ; les libertés démocratiques suspendues en 1936 ne seront rétablies qu’après désarmement complet de la résistance et installation de nouvelles autorités locales – dans les faits, les comités d’auto-administration seront remplacés par les autorités de l’époque de Metaxás.

La terreur et la guerre civile

Après deux ans de manœuvres et de coups fourrés, Churchill et ses affidés monarcho-fascistes grecs sont parvenus à leurs fins : désarmer l’ELAS, écraser une résistance qui tenait le pays et un mouvement révolutionnaire en plein essor. Souvent en pleurs, les combattants de l’ELAS déposèrent leurs armes aux pieds d’officiers britanniques. La terreur s’abattit sur le pays : plus de 20 000 arrestations pour « crimes commis en décembre » (y compris beaucoup de meurtres de miliciens et même… d’Italiens et d’Allemands !), 3 000 condamnations à morts dans la seule période de février à juillet 1945. Les miliciens, eux, ne furent pas inquiétés, mais au contraire intégrés dans l’armée et la police. 

Les élections de 1946 furent une mascarade, au point que la France refusa de participer au comité international de supervision et que plusieurs ministres libéraux démissionnèrent en dénonçant « une comédie ». Les royalistes les remportèrent sans surprise, puis un référendum organisé de façon tout aussi anti-démocratique restaura la monarchie. Une fois installé ce semblant de légitimité, les grèves furent interdites, les directions syndicales déposées, la presse bâillonnée, et les tribunaux remplacés par des juridictions d’exception dont les décisions étaient exécutoires dans les trois jours, sans possibilité d’appel. Des milliers de combattants de l’ELAS furent condamnés à mort, et davantage encore déportés dans les camps de Makronissos et des îles de l’Egée.

La fuite vers les montagnes devint une question de survie, la guerre civile dura jusqu’en 1949. Les combattants de l’Armée démocratique grecque seront les cobayes des bombardements américains au napalm. Les survivants se réfugieront dans les pays dits socialistes, qui les parqueront dans des villages-ghettos ou les déporteront en Sibérie. En Grèce, les condamnations à mort continueront jusqu’au milieu des années 1950, et les derniers camps de déportation fermeront… en 1962. Le KKE restera interdit jusqu’au rétablissement de la République en 1974. La résistance grecque demeura longtemps l’ennemi de l’intérieur. La lutte de libération nationale ne fut reconnue par l’Assemblée qu’en 1982, et les élassitès ne touchèrent une pension d’ancien combattant qu’à partir de 1985.

Marc Pavlopoulos

 

Pour aller plus loin

Christophe Chiclet, Les Communistes grecs dans la guerre, L’Harmattan, 1987.

Joëlle Fontaine, De la Résistance à la guerre civile en Grèce, 1941-46, La Fabrique, 2012.

En anglais sur youtube : Greece, the Hidden War, 1986, parties 1 et 2 – un excellent documentaire, diffusé une fois à la télévision britannique.

  • 1.Ce programme n’est pas sans point commun avec celui de Syriza en 2012-2013. Ce n’est bien sûr pas un hasard.
  • 2.Le secrétaire général en titre, Zachariadis, avait été déporté à Dachau. Il en reviendra, mais seulement en avril 1945.
  • 3.En grec, « Grèce » se dit Ellas.
  • 4.4 Churchill, Mémoires, tome V, chapitre 13.
  • 5.Ainsi Aris Velouchiotis, un des plus grand Kapetanios de l’ELAS. Pour avoir dénoncé les accords de Varkiza, Aris fut exclu du KKE, traité de « renégat », accusé de « crimes contre le monde démocratique » et complètement isolé, alors qu’il était cerné par les Anglais et la Garde nationale dans les montagnes. Acculé, il se suicida le 16 juin 1945.
  • 6.C’est le grand-père de son homonyme, premier ministre jusqu’en 2011…
  • 7.Churchill, Mémoires, tome VI, vol. 1, p. 235-236.