[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Regain climatosceptique à l’Académie des sciences

écologie

Lien publiée le 21 mai 2015

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) A l'approche de la conférence climat, certains académiciens contestent l'origine humaine du réchauffement

Ces dernières semaines, à plusieurs reprises, l'adoption d'un avis sur la transition énergétique, en prévision de la COP21, a suscité des échanges orageux, notamment entre le physicien Sébastien Balibar et le géomagnéticien Vincent Courtillot. Ce dernier, proche du géochimiste et académicien Claude Allègre, est l'une des figures de proue du climatoscepticisme français. " Le litige porte par exemple sur la nécessité de contraindre les pays à réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre en raison du réchauffement, explique M. Balibar. Pour Vincent Courtillot, il n'y a nulle “nécessité” puisque le changement climatique n'existe pas ou n'est pas dû aux émissions humaines de gaz à effet de serre. " M.  Courtillot n'a pas répondu aux sollicitations du Monde.

Ce n'est pas tout. Un groupe de travail de dix académiciens, formé en  2014, devait rédiger un avis plus général sur le climat, également en prévision de la COP21. Cette fois, c'est l'élaboration même du texte qui est compromise par la présence, au sein du groupe, de M.  Courtillot. " Les deux premières réunions du groupe se sont très mal passées, avec des échanges très vifs entre Vincent Courtillot et les autres membres du groupe ", témoigne un académicien sous le couvert de l'anonymat.

" Déplorable "

Ces polémiques pourraient n'être qu'anecdotiques. Mais la nouvelle charte de l'expertise de l'Académie, adoptée en mars  2012, prévoit qu'en cas de désaccord au sein d'un groupe de travail, un avis minoritaire peut être annexé à l'avis majoritaire. Evoquée le 13  février en réunion du Comité restreint de l'Académie (l'instance de pilotage de la société savante), l'idée d'un tel avis minoritaire, d'inspiration climatosceptique, paraît inconcevable aux autres membres du groupe de travail.

" Cette éventualité serait tout à fait déplorable, estime le physicien Edouard Brézin, ancien président de l'Académie des sciences et membre du groupe de travail sur le climat. Cela ne rendrait absolument pas compte de l'état réel des connaissances. Cela reviendrait à publier un avis pour dire que la Terre est ronde et un autre pour dire qu'elle est plate. " Selon M.  Brézin, " il serait préférable de s'abstenir de rendre un avis plutôt que d'y annexer une telle opinion, fût-elle minoritaire ".

La polémique commence le 16  décembre  2014. " En préparation de la réflexion du groupe, l'Académie avait invité quatre spécialistes du climat à présenter l'état des connaissances dans leur domaine de recherche, raconte M. Brézin. M.  Courtillot est également intervenu, avec une présentation aussi longue que celles des intervenants invités, ce qui n'était pas prévu au programme et ce qui est tout à fait critiquable. "

M.  Courtillot jetait le doute, dans sa présentation, sur le consensus scientifique sur la réalité du changement climatique anthropique, mettant en avant l'influence du Soleil. " Il n'y a pas d'évidence que nous soyons sortis de la variabilité naturelle du climat ", a-t-il notamment déclaré.

Dans un message adressé à de nombreux académiciens, et dont Le Monde a obtenu copie, le climatologue Edouard Bard (Collège de France), également membre du groupe de travail sur le climat, a vertement critiqué la présentation de M. Courtillot. " Tu as remontré cinq planches de tes travaux de 2008, 2009, 2010 qui ont été réfutés dans plusieurs articles expertisés par les pairs ", écrit le climatologue, estimant que la présentation de ces travaux invalidés pose un" problème déontologique ".

M.  Bard pointait également d'autres aspects litigieux. La présentation de M. Courtillot exhibait ainsi des travaux publiés par lui-même, en  2013, dans Atmospheric and Climate Sciences, une fausse revue scientifique éditée en Chine et " permettant la publication à compte d'auteur de travaux non expertisés ". Quant aux autres planches de la présentation du géophysicien, M.  Bard dit, dans son courriel, avoir retrouvé " très exactement les mêmes graphiques originaux, quasiment dans le même ordre ",sur un blog climatosceptique. Selon nos informations, M.  Courtillot n'a pas répondu à ces accusations.

Solides appuis

" Nous sommes dans une situation où des idées pourtant réfutées par toute la communauté des climatologues sont éternellement ressorties sans tenir le moindre compte des critiques publiées, estime Sébastien Balibar. Nous ne sommes plus là dans les mécanismes normaux de diffusion ni même d'élaboration rationnelle de la science. "

L'avis de l'Académie sera-t-il finalement publié ? Sera-t-il négocié ou assorti d'un avis climatosceptique minoritaire ? La troisième et dernière réunion du groupe de travail ad hoc, tenue le 5  mai, n'a pas tranché. " Aujourd'hui, rien n'est encore décidé, aucune position n'a encore été prise, explique le chimiste Bernard Meunier, président de l'Académie des sciences.Une séance de discussion est prévue en septembre autour du climat. "

S'il est finalement proposé, l'avis en question devra être voté par l'ensemble des académiciens. Parmi eux, le poids réel des climatosceptiques est difficile à évaluer. Interrogé par le mensuelLa  Recherche, qui publie dans son dernier numéro, en kiosque le 21  mai, une enquête fouillée sur le sujet, M.  Courtillot assure avoir reçu le soutien de dizaines de ses pairs.

Selon La Recherche, les climatosceptiques sont très minoritaires à l'Académie, mais y font régner " un climat de quasi-peur " et disposent de solides appuis dans les instances dirigeantes de la société savante. Jusqu'à son sommet. La physicienne Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle de l'Académie, déclare ainsi au mensuel scientifique que " les températures globales n'ont pas bougé depuis dix-sept ans ", reprenant ainsi à son compte une antienne climatosceptique. Mme Bréchignac ajoute également, dans la même veine, que " la température moyenne du globe n'a pas de réalité thermodynamique ", jetant ainsi le discrédit sur le principal indice d'évolution du réchauffement.

Quelle pourra être l'issue d'un débat de l'ensemble des académiciens sur le sujet ? La dernière expérience remonte à l'automne 2010. Ce débat avait accouché d'un texte dépourvu de références scientifiques, reconnaissant timidement le consensus. Le -climatologue Eric Guilyardi (CNRS, université de Reading, Royaume-Uni) avait assisté aux débats, comme personnalité extérieure. " J'ai été effaré de voir des académiciens débattre du climat en -puisant leurs références dans des fictions cinématographiques comme Le Jour d'après - le film-catastrophe de Roland Emmerich - ", confie le scientifique, qui prépare un livre autour de ce sujet. " L'Académie des sciences française est la seule académie des sciences au monde pour qui le débat sur la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique en cours n'est pas clos, ajoute-t-il. C'est très triste et très grave. A l'Académie, où siègent pourtant des personnalités remarquables, la science et son éthique semblent se heurter à d'autres considérations, dont j'ignore la nature. "

LES DATES

2007

Mars Organisation du premier débat sur le climat à l'Académie des sciences, présentant les -thèses climatosceptiques.

2010

Avril Motion de 600 chercheurs, protestant contre les attaques des académiciens Claude Allègre et Vincent Courtillot dirigées contre les sciences du climat.

Septembre Débat à huis clos sur le climat. Publication par l'Académie d'une déclaration reconnaissant l'influence des activités humaines sur le réchauffement.

2013

Janvier Présentation du rapport de l'Académie des sciences sur la transition énergétique. L'impact des gaz à effet de serre sur le réchauffement est qualifié de " possible ".