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Les armes dites "non-létales" dans le monde

Lien publiée le 29 mai 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://reimsmediaslibres.info/Les-armes-dites-non-letales-dans-le-monde-165.html

Troisième, et dernière, partie d’une petite série d’article consacrée à ces armes censées ne pas tuer.
Après un historique et un descriptif technique des armes utilisées en France, celui-ci concerne les autres pays. 
Dans un premier temps, ce qu’il se fait en Europe, puis l’exportation et le commerce des armes à létalité réduite et enfin les nouveautés dans le domaine du "non-létal" à travers le monde.

En Europe

En Espagne, le budget anti-émeute a été multiplié par dix-sept pendant la crise, passant de 173 000 à 3 millions d’euros. La police cherche avant tout à maintenir les manifestants à distance, le chiffre officiel est de 50 mètres. La Garde Civil est équipée de tonfas, bombes aérosols lacrymogènes, grenades fumigènes et lacrymo, pas de taser ni de grenade offensive. En revanche, elle utilise régulièrement des balles en caoutchouc, similaires à nos Flash-Ball, ayant causé, là aussi, de nombreuses pertes d’œils, d’un rein lors des manifs de 2012 voire même la mort d’un ultra de Bilbao le 9 avril 2012.

En Italie, la seule différence avec la France réside dans la Flash-Bang. Une arme inconnue chez nous, qui combine son et lumière, une énorme explosion dépassant 170 décibels accompagne un flash éblouissant.

Aux Pays-Bas, la police dispose d’un lanceur de grenade ayant une portée de 350 mètres, elle utilise également chiens et chevaux.

Le Royaume-Uni ne dispose pas de force permanente du maintien de l’ordre (pas de CRS ou GM en somme). La police britannique a une conception assez unique du maintien de l’ordre, elle accorde une grande confiance aux caméras et au traitement en aval. Elle fait preuve d’un certain "laxisme" en laissant se développer les émeutes. C’est pour cette raison que ces dernières sont souvent violentes mais les peines judiciaires très lourdes. Lors des affrontements de rue, la justice a un rôle plus important que la police.

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Un policier anglais prêt au corps à corps

De même, il y a beaucoup moins de maintien à distance. Seule une double haie de barrière sépare policiers et manifestants et bien qu’ils disposent de grenades et de canons à eaux, les observations de terrains indiquent que les policiers anglais semblent apprécier le "contact" avec les manifestants. Le Royaume-Uni a une utilisation plus faible des armes non létales que les autres pays européens. A noter que les chevaux sont également présents dans le maintien de l’ordre en Angleterre, notamment lors des matchs de footballs.

En Allemagne, les gaz sont utilisés en dernier recours. La police emploie largement le canon à eau afin de maintenir les manifestants à distance puis les affronte au corps à corps. Les grenades ne font plus partie de l’arsenal policier depuis qu’une jurisprudence a estimé trop difficile de juger l’opportunité d’une telle arme.

Un business mondial autour de l’exportation

Au Bahreïn, les manifestations sont massivement réprimées par des gaz lacrymogènes. La France s’engage en février 2011 à ne pas fournir de gaz à ce pays. Les promesses n’engageant que ceux qui y croient, dès 2012, des grenades lacrymogènes, de fabrication française par l’entreprise Alsetex, se retrouvent dans les rue bahreïnis.

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Utilisation de gaz lacrymogènes à Manama (Bahrein) - 13/03/2011

Entre 2011 et 2013, Physicians for Human Rights estime qu’au moins une quarantaine de personnes sont décédées suite à une trop longue exposition au gaz.
Le 13 février 2015, de nouveau des grenades Alsetex sont envoyés sur les manifestants. En 2012, un rapport sur l’exportation d’armement montre une vente de 251 357 € de matériel pour le Bahreïn, montant suffisant pour enfreindre une interdiction qu’on s’est soi-même fixée. De toute façon, la France continue de fournir ces armes à des alliés du Bahreïn, l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis à qui elle a vendu respectivement 2 838 675 euros et 397 577 euros d’équipements de la catégorie ML7, comprenant les grenades lacrymogènes.

Au Brésil, les grenades lacrymogènes fabriquées par APEX ont été envoyé en Turquie et aux Émirats Arabes Unis en 2013. Le gouvernement brésilien concluait l’année suivante un contrat de 50 millions de Reals (17 millions d’euros) avec Condor, l’un des leaders mondiaux du "non létal", pour se doter d’un stock suffisant pour la coupe du Monde.

En 2013, lors des manifestations paysannes en Colombie, c’était Combined Systems, entreprise étasunienne, qui fournissait le gaz après avoir signé un contrat de 1,5 millions d’euros avec le gouvernement colombien en 2007. Le coup, en Colombie, d’un tir de grenade est évalué à 17 euros, le fonds de roulement de la police colombienne a également passé un contrat avec Combined Systems, à hauteur de 94 000 euros
Combined System fournit également Israël, l’Égypte et le Yémen.

Le gaz CS, pourtant qualifié "d’arme chimique" par les Nations Unis se voit commercialisé sous l’appellation "armes non létales". Et la crise donne des ailes à ce business. En 2012, au moment des révolutions arabes et au Moyen-Orient, le marché de la sécurité de cette zone représentait 6 milliards d’euro, soit une augmentation de 18 % par rapport à l’année précédente.
400 000 unités de gaz ont été exportés des États-Unis pendant les révolutions arabes.

Selon Amnesty Internation, 230 sociétés dans 35 pays fabriquent des armes à décharges électriques, en particulier en Chine, à Taïwan, aux États-Unis, en Corée du Sud, et en Afrique du Sud. 81 pays utilisent des armes électriques.

69 entreprises de 12 pays fabriquent, distribuent ou font le commerce des entraves pour les jambes, des chaînes ou des menottes pour les pouces.
Les chercheurs ont recensé des fabricants de ces matériels dans des pays comme la Chine, la République tchèque, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, Taïwan

Les nouveautés...

D’abord l’ouïe, le son comme arme a même fait l’objet d’un bouquin [1]. L’un des exemples les plus frappants est celui de l’armée étasunienne à Falloujah, ville-martyre irakienne, dans laquelle les GI’s diffusèrent dans d’énormes enceintes du hard rock. Cette technique a ensuite été généralisée par la CIA dans ses interrogatoires "secrets" à travers le monde, et particulièrement à Guantanamo.

Pour les manifestations, pourra être utilisé le Curdler (Glaceur de Sang), délivrant des ultrasons dépassant les 20 000 Hz, testé au Vietnam durant l’opération Urban Funk Campaign. Ce genre d’arme est testé aussi en Palestine et sur les eaux territoriales contre les pirates somaliens et bien sûr en Irak. Dans le cadre de manifestation, son utilisation a été constatée à New-York, en 2005 lors de la convention républicaine, à Bangkok en 2009 ou encore, la même année, à Pittsburgh lors du G20. 
Le sifflement, extrêmement aigu, de cette arme pénètre la boite crânienne et paralyse le corps tout entier.

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Un canon à son déployé lors de la convention républicaine en novembre 2005 à New-York

Pour la vue, ce sont les britanniques qui possèdent l’arme la plus développée. Le SMU 100 projette un mur de lumière de 3 mètres de large à une distance de 500 mètres, équivalent à regarder un soleil d’été. Le constructeur avance qu’il n’engendre aucun dommage oculaire, c’est connu : regarder le soleil est bon pour les yeux...
La police étasunienne possède également un laser aveuglant qui projette un rayon vert à une portée de 2,5 kilomètres.

La plus connue des armes du futur, s’appelle VMADS (Vehicule Monted Active Denial System). Il s’agit d’un gros canon monté sur un camion, pour l’instant entre les mains de l’armée, cette arme a été testée à plusieurs reprises par des polices. Il s’agit un spectre de micro-onde, capable de brûler la peau. Exactement le même principe que lorsque vous mettez votre plat dans votre four micro-onde, sauf que le plat cette fois sera un manifestant... Le faisceau pénètre la peau jusqu’à un millimètre de profondeur, les conséquences dermatologiques ne sont pas réellement communiquées et il semblerait que le manque de précision et la dangerosité de cette arme ne la rende, pour l’heure, pas réellement utilisable à grande échelle.

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Un canon à micro-onde

Enfin, dernière réelle nouveauté, le laser vomitif. Sealase s’utilise déjà contre les pirates somaliens (comme un peu toutes les armes en essai). Ce laser écossais projette trois rayons, rouge, vert, bleu d’une portée de 4 mètres qui attaque tellement les yeux des cibles qu’ils provoquent nausées et vomissement presqu’instantanément. Le joujou de la société ProForm coûte en revanche plus de 60 000 euros et pourrait donc se voir tourner vers le domaine commercial, plutôt que militaire et policier. D’ailleurs, ProForm vient d’ouvrir un bureau à Monaco, donc pas trop de risque de croiser ce rayon sur les barricades.

Le développement du non-létal : un intérêt économique et politique

La profusion de ces armes lors des dernières décennies a engendré une industrie prolifique autour du maintien de l’ordre qui devient un domaine du privé. La principale conséquence devient l’intérêt économique qu’il y a à mutiler, voire tuer, avec ces armes. La société qui produira l’arme la plus efficace en terme de coercition de révolte gagnera les marchés. Ainsi, la mise en concurrence crée une fuite en avant vers des armes de plus en plus violentes, précises et mortelles, malgré leur "létalité réduite" affichée.

Le cœur même du problème reste bien le système économique dans lequel nous vivons, basé sur la domination et l’exploitation dans un but de recherche du profit. Les armes non-létales regroupent ces deux versant, en mutilant les exploités, la police maintient la domination des classes dominantes, dont les industriels tirent profit en vendant ces mêmes armes.

Dans les zones colonisées, le principe est le même que dans les métropoles. Le Joint Non-Lethal Weapons Directorate, l’instance officielle étasunienne des armes non-létales, l’explique très clairement en 2011 :
Les armes non létales doivent être conçues de manière à contribuer à faire baisser les coûts de reconstruction post-conflit.


Notes

[1] VOLCLER, Juliette, le son comme arme. Les usages policiers et militaires du son, La Découverte, 2011