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L’Amérique s’interroge sur la faiblesse de la reprise

économie international

Lien publiée le 30 mai 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.anti-k.org/2015/05/30/lamerique-sinterroge-sur-la-faiblesse-de-la-reprise/

(Le Monde du 31 mai 2015) Le PIB a chuté de 0,7 % au premier trimestre. Les économistes anticipent un léger mieux entre avril et juin

Etats-Unis connaissent décidément une étrange reprise. Une nouvelle fois, la croissance américaine a calé au premier trimestre  : le produit intérieur brut (PIB) reculant de 0,7  %, selon les chiffres publiés vendredi 29  mai par le Département du commerce.

Il s’agit du troisième  »  accident   » depuis fin 2009, date de la fin de la récession causée par la crise financière. Il est très rare qu’on observe de telles contractions trimestrielles en période de reprise. En tout cas, cela n’était jamais arrivé lors des trois dernières (1982 à 1990  ; 1991 à 2000 et 2001 à 2007).

La Réserve fédérale (Fed) met ce nouvel accès de faiblesse sur le compte de facteurs conjoncturels  : l’hiver rigoureux dans le nord-est des Etats-Unis, conjugué à la grève des dockers sur les ports de la Côte ouest et à la remontée rapide du dollar, qui pèse sur la balance commerciale. Concernant la météo, certains, comme la Fed de San Francisco, se demandent si les corrections des variations saisonnières n’exagèrent pas systématiquement le ralentissement en hiver. Le Bureau of Economic Analysis a annoncé qu’il allait procéder à des ajustements. Mais rien ne dit que le problème se limite à une question de fiabilité du baromètre.

Car contrairement au scénario observé en  2014 – forte baisse du PIB au premier trimestre (–  2,1  %), puis accélération au deuxième –, 2015 pourrait se présenter sous un jour différent.  »  La reprise américaine ne vient-elle pas juste de mourir sans prévenir  ?  « , se demande Paul Ashworth, économiste chez Capital Economics, avec une pointe de provocation.

Même si beaucoup d’économistes tablent sur un retour de la croissance dès le deuxième trimestre, celle-ci pourrait être moins vigoureuse que prévu. Ainsi, la Fed d’Atlanta anticipe désormais entre avril et juin une hausse du PIB de seulement 0,7  % en rythme annuel. De son côté, la banque JPMorgan prévoit une croissance de 0,5  % pour l’ensemble du premier semestre.  »  Il y aura en réalité un vrai recul de la croissance américaine  « , prévoit Patrick Artus de la banque Natixis dans une note du 29  mai. La question reste de savoir quand.

La durée ne fait pas tout

Les Etats-Unis sont-ils à la veille d’une récession (définie comme deux trimestres consécutifs de recul du PIB)  ? La majorité des économistes n’y croient pas. Mais les prévisions d’une croissance à 3  % en  2015, qui prévalaient encore il y a quelques semaines, sont aujourd’hui caduques. Si les 2  % sont dépassés, ce sera déjà bien. Pour mémoire, le rythme des reprises précédentes était de 3,2  %. Or, c’est une lapalissade, plus la croissance est ténue, plus les accidents conjoncturels comme celui du premier trimestre sont probables.

 »  Nous sommes très attentifs à la possibilité que l’économie américaine commence à ralentir,insiste M.  Ashworth. Mais chaque fois que nous y réfléchissons, nous revenons à la même question simple  : Pourquoi  ?  «  Les analystes de Pavilion Global Markets répondent en soulignant que les dernières phases de reprise aux Etats-Unis ont eu une durée moyenne de sept ans. L’actuelle achève sa sixième année…

Certes, la durée ne fait pas tout. Souvent, une récession est déclenchée par une crise financière, une remontée brutale des prix du pétrole ou des taux d’intérêt. Force est de constater que l’économie américaine n’est pas dans ce scénario. Même si une hausse des taux est imminente, ceux-ci devraient rester bas. La situation de la Bourse, qui vole de record en record, est plus inquiétante. Mais dans le même temps, l’immobilier se redresse, comme en témoignent les statistiques d’avril, et le taux de chômage est tombé à 5,4  %, ce qui est considéré comme un niveau proche du plein-emploi. Toutefois, certains doutent du baromètre. Jeudi, l’ex-PDG de Lehman Brothers, Dick Fuld, qui n’est pas réputé pour sa fibre sociale, s’est montré sceptique sur le taux de chômage, qu’il évalue  »  à plus de 10  %  « , dans la mesure où  »  beaucoup de gens ont arrêté de chercher du travail  « . Il est loin d’être le seul à faire la même analyse.

Transformation

D’autres indicateurs invitent également à tempérer l’optimisme. Ainsi, la production industrielle s’est contractée en avril et ce pour le cinquième mois consécutif, tandis que la consommation des ménages, principal moteur de l’activité économique aux Etats-Unis, reste décevante. Pavilion Global Markets fait ainsi remarquer que celle-ci a connu  »  son plus faible rebond depuis les années 1970  « , les ménages cherchant avant tout à alléger le fardeau de leur dette. Dans le même temps, l’université du Michigan a constaté en mai une baisse sensible du moral des ménages… quand l’indice concurrent du Conference Board indique au contraire une légère remontée. C’est à y perdre son latin.

 »  Le problème crucial consiste à savoir si l’économie va revenir à un rythme de croissance régulier ou si nous assistons à une transformation fondamentale, qui se révèle par petits bouts  « , se demande Tyler Cowen, professeur d’économie à l’université George Mason (Virginie). Parmi les indices de cette transformation  : l’évolution des salaires, qui reste étrangement atone. Les secteurs qui embauchent le plus (restauration, distribution) sont ceux qui paient le moins, tandis qu’avec la crise, l’automobile ou les travaux publics ont instauré un système à deux vitesses avec des rémunérations sensiblement réduites pour les nouveaux embauchés.

 »  L’essentiel du fardeau de l’ajustement du marché du travail porte sur les jeunes  « , insiste M.  Cowen. Les salaires moyens après un premier cycle universitaire ont chuté de 7  % depuis 2000, tandis que le taux de participation des jeunes au marché du travail ne cesse de baisser. Conséquence  : ces derniers vivent plus longtemps chez leurs parents et tardent à acheter leur logement, ce qui pèse sur l’immobilier.  »  On voit bien que les permis de construire se portent sur des projets de grandes maisons, plutôt coûteuses, remarque Evariste Lefeuvre, économiste chez Natixis à New York. Même si les taux d’intérêt sont faibles, le marché des primo-accédants reste en retrait.  « 

Cette situation globale explique la prudence de la Fed pour remonter les taux et revenir à plus d’orthodoxie. La crise, inédite dans son ampleur, a débouché sur une étrange reprise. Si la seconde est si difficile à décrypter, c’est peut-être parce que les effets à long terme de la première ont été sous-estimés.

Stéphane Lauer

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Le rebond de l’industrie doit beaucoup à la vigueur de la demande intérieure

La Fabrique de l’industrie, un think tank coprésidé par Louis Gallois, fervent partisan d’une politique de l’offre en France, s’est penchée sur les raisons de la reprise industrielle américaine. Son diagnostic ne manque pas de saveur  : c’est principalement une dynamique de rattrapage reposant sur la vigueur de la demande intérieure qui a permis le rebond manufacturier outre-Atlantique (hausse de la production industrielle, créations d’emplois).

Dans leur note, publiée en mai, Thibaut Bidet-Mayer et Philippe Frocrain rappellent d’abord que, malgré un siècle de domination industrielle, les Etats-Unis ont perdu plus de 8  millions d’emplois industriels  »  entre l’apogée de 1979 et 2011   » sous l’effet, notamment, d’une dégradation de leur compétitivité à l’égard des pays à bas coûts de main-d’œuvre et de la vague de délocalisations qui s’en est suivie. Le déficit commercial sino-américain dans les produits manufacturés,  »  multiplié par 31 entre 1990 et 2013  « , représente désormais  »  plus des deux tiers du déficit manufacturier américain  « .

 »  Retour de la confiance   »

La tendance semble s’être inversée depuis 2010  : la production industrielle a retrouvé son niveau d’avant-crise début 2014 et quelque 850  000 emplois industriels ont été créés. La croissance récente compense toutefois à peine les pertes de la Grande Récession, l’embellie n’est pas générale et ne semble pas résulter d’une compétitivité accrue.

Du reste, bien qu’elle bénéficie,  »  depuis bien avant la crise  « , d’une excellente compétitivité-coût et d’une énergie abondante et bon marché, l’industrie manufacturière américaine a vu son déficit commercial se dégrader jusqu’en  2014 pour atteindre 566  milliards de dollars (515  milliards d’euros), l’amélioration temporaire constatée pendant la crise étant liée au ralentissement du commerce mondial.

Hormis l’aéronautique et les produits pétroliers raffinés, tirés par le boom des pétroles non conventionnels, la quasi-totalité des autres secteurs industriels sont dans le rouge. Quant aux relocalisations, elles seraient à l’origine, selon la Reshoring Initiative, de quelque 100  000 créations d’emplois manufacturiers entre 2010 et 2013.  »  Tout juste  «  de quoi compenser les délocalisations intervenues sur la même période, précisent les deux auteurs, auxquels une vingtaine d’experts, parmi lesquels Pierre-Noël Giraud (Ecole des mines), Patrick Artus (Natixis) et Philippe Le Corre (Brookings Institution), ont prêté leur concours.

Le coût de l’énergie bas, la modération salariale ou encore le volontarisme des pouvoirs publics pendant la crise, illustré par le sauvetage de l’industrie automobile, ont tous participé d’un climat économique favorable. Pour autant, il n’y a pas eu de renaissance industrielle, mais un  »  rebond autocentré et hétérogène  « .  »  Le retour du crédit et de la confiance, stimulé par une politique monétaire accommodante, les investissements du secteur énergétique, entre autres facteurs, ont incité les consommateurs et les entreprises américaines à réaliser d’importants achats de biens durables qu’ils avaient reportés en raison de la crise  « , précise la note.

Nombreux obstacles

Si les perspectives 2015 et 2016 sont bonnes dans l’industrie, le retour du  »  made in America   » est possible mais pas certain. Les Etats-Unis conservent certes des atouts, au premier rang desquels leur leadership dans le numérique. Les secteurs intensifs en énergie (produits chimiques, métaux non ferreux) bénéficieront de prix bas. Pour les autres secteurs manufacturiers,  »  les coûts croissants de gestion des chaînes de valeur mondialisées, associés à un recentrage de l’économie chinoise sur son marché intérieur, pourraient favoriser un certain retour du “made in USA”  « ,analysent les auteurs.

A condition que l’industrie américaine sache surmonter de nombreux obstacles  : réapprendre à produire, maintenir son avance dans la recherche et l’innovation, surmonter les pénuries de main-d’œuvre qualifiée dans un pays où le creusement des inégalités peut, par ailleurs, rendre intenable une modération salariale historiquement plus marquée qu’en Allemagne.

Claire Guélaud