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Collège: archéologie d’une réforme que l’on nous dit "de gauche"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.marianne.net/luttedesclasses/college-2016-reforme-gauche-100234229.html
Petite archéologie de la réforme du collège
La réforme du collège 2016 serait donc de gauche. Les protestations de la droite contre les programmes ont utilement contribué à en accréditer l'idée.
Pourtant, comme nous y invite un malicieux syndicat d’inspecteurs, le SNPI-FSU, une petite archéologie de la réforme permet d’en douter. Car c’est bien un gouvernement de droite qui a commandé en 2006 à trois inspections générales, dont celle des Finances, un « audit de modernisation » sur « la grille horaire des enseignements au collège » Il fallait alors, notamment, « alléger l’horaire hebdomadaire obligatoire de formation du collégien, permettre une organisation différente de la semaine du collégien et l’expression de l’autonomie pédagogique de l’établissement. »
La relecture attentive de ce rapport d’audit de 2006, ses constats, ses propositions ainsi que les commentaires du ministère est instructive : on y trouve, en effet... les principales orientations de la réforme imposée par l’actuelle majorité de gauche !
Le « constat » de cet audit était lapidaire : le rapport soutenait que la dépense éducative par élève en France était de plus en plus élevée pour des résultats de plus en plus médiocres (malgré une inexplicable et éclatante réussite au bac). Pourtant, comme l’indique l’OCDE, les dépenses par collégien étaient – et sont toujours – très moyennes en France. Nulle part dans ce rapport, en revanche, on ne constatait le désastre des réformes pédagogiques précédentes. Et nulle part on n’évoquait les inégalités sociales et territoriales de plus en plus creusées, la concurrence de l’enseignement privé, le mauvais climat de discipline, la taille des classes parmi les plus élevées, les rémunérations des enseignants et les taux d’encadrement parmi les plus bas de l’Union Européenne, etc.
Car, de fait, la pédagogie seule s’offrait comme « levier ». Il s’agissait donc, à partir de constats pour le moins étonnants, de mettre « en œuvre de solutions pédagogiques et organisationnelles adaptées aux besoins des élèves dans le cadre d’un maintien de l’enveloppe budgétaire actuelle. »
Dans les principales propositions, instaurer le « plafonnement » du redoublement (cet objectif devenant même un indice de la réussite du système !) mais surtout assouplir puis abroger « pour l’ensemble des années au collège les grilles horaires hebdomadaires au profit d’un référentiel qui fixerait pour chaque enseignement une base horaire par cycle […]. Cette base est inférieure à la dotation actuelle, car elle est appelée à être complétée à hauteur de 20% par des moyens non fléchés . »
Ce nouveau « référentiel horaire par cycle » et ce complément de 2006 rappellent étrangement la réforme du collège 2016 qui vient d’être imposée par décret par l’actuelle majorité, avec ses « enseignements complémentaires » curieusement retranchés aux cours. Le rapport invitait d’ores et déjà à des « expériences d’enseignement inter-disciplinaires » et ne cachait pas les vertus d’un tel « référentiel » :
« Dans ce nouveau cadre horaire, il ne sera plus possible de rendre juridiquement opposable le concept d’horaire hebdomadaire dû aux élèves. […] A l’idée que l’amélioration de l’efficacité de l’enseignement passe nécessairement par une augmentation de moyens, doit se substituer l’idée que l’on peut faire mieux en faisant différemment. […] Sur le plan budgétaire, cette réforme représente un puissant outil d’économies structurelles. »
En 2015, la Cour des comptes, l’Institut Montaigne ou Terra Nova ne disent rien d’autre. Le Medef a soutenu cette désolante réforme du collège 2016 au Conseil supérieur de l'éducation.
Chose amusante : en 2006, comme l’indiquent les réponses du directeur général de l’enseignement scolaire, le ministère était alors acquis au principe de l'« autonomie » mais ne savait comment la mettre en place. Il est vrai que l’interdisciplinarité n’était pas encore comprise comme levier de flexibilité dans la gestion des ressources humaines : il devait revenir à la gauche d'en avoir l'intuition. Mais déjà la majorité de droite comprenait ce que cette réforme avait d'explosif :
« Cette proposition, qui remet en cause le caractère hebdomadaire de l’obligation réglementaire de service des professeurs, constitue un véritable bouleversement à la fois pédagogique et structurel, dont la mise en œuvre reposerait sur une décision politique forte. »
Preuve d’une permanence délétère de la politique éducative en France, réduite à des préoccupations budgétaires dissimulées sous les oripeaux de considérations sociales et pédagogiques, ce n'est pas une majorité de droite, mais une majorité de gauche qui porte aujourd'hui les derniers coups contre l'école républicaine.