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Dans le métro de Londres, le dernier syndicat militant
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le Royaume-Uni n’a jamais connu aussi peu de grèves. En ce début de siècle, on en compte entre cent et cent cinquante par an environ, un phénomène exceptionnel depuis 1891, date du début des statistiques sur le sujet. Le nombre de jours de travail « perdus » pour cause de grève est désormais de cinq à dix fois plus bas que pendant les années 1980.
Mais n’allez pas dire ça aux Londoniens. Jeudi 6 août, aucun métro ne circulait. Le réseau était immobilisé, provoquant d’immenses files d’attente pour prendre les bus qui circulaient. L’appel à vingt-quatre heures de débrayage des quatre syndicats qui représentent le personnel de l’Underground a été très suivi. En 2014 déjà, Londres avait connu plusieurs grèves du métro. Cette année, en juillet, le métro avait également été immobilisé une journée.
Jeudi, c’est contre le plan de Boris Johnson, le maire conservateur de Londres, de faire rouler les métros toute la nuit les vendredis et samedis, à partir de septembre, qu’il y avait grève. Les syndicats jugent insuffisante la prime qui leur est proposée.
Efforts payants
Ces mobilisations régulières dans le métro sont une exception, dans un pays où la grève est presque devenue un gros mot. C’est à Bob Crow, décédé en 2014 d’une soudaine crise cardiaque, que revient sans doute cette particularité.
Cou de taureau, crâne rasé et visage de bouledogue, celui-ci a pris la tête, à partir de 1991, de la section du métro londonien du Syndicat du rail, du maritime et du transport (RMT), avant de régner sur l’ensemble de l’organisation en 2002. Très longtemps membre du Parti communiste britannique, ce fils de docker a dirigé pendant deux décennies d’une main de fer les négociations avec les patrons différents de la régie des transports de Londres.
Ses efforts ont fini par payer : le salaire annuel moyen des conducteurs de métro est de 49 000 livres sterling (70 000 euros), avec deux mois de vacances par an. Impressionnés par ces acquis, beaucoup d’employés à travers le Royaume-Uni ont rejoint le RMT, désormais le syndicat qui grossit le plus vite et rassemble 80 000 membres aujourd’hui.
Une opinion publique très hostile
Le succès de M. Crow tient largement à sa position de force : il est relativement facile, à l’aide quelques dizaines de conducteurs de rame, de bloquer le trafic du métro. Les maires de Londres successifs se sont inclinés face aux exigences du RMT, y compris M. Johnson – qui a accepté de verser une « prime olympique » au moment des JO de Londres, en 2012.
Dans les années 1980, cette position de combat était la règle pour les syndicats britanniques. Mais en 1984, la grande grève des mineurs, qui s’est achevée par la victoire écrasante de la première ministre, Margaret Thatcher, a cassé cette dynamique. La « Dame de fer » a ensuite introduit des règles très dures pour encadrer le droit de grève, comme l’organisation obligatoire d’un vote à bulletin secret des syndicalistes (avec préavis de huit jours) ou l’interdiction des grèves pour des raisons politiques.
L’opinion publique est également devenue très hostile aux débrayages. Enfin, les syndicats ont perdu de leur influence en même temps que la sidérurgie et le secteur manufacturier disparaissaient.
Ce n’a pas été le cas du métro, plus que jamais indispensable à la capitale britannique. L’attitude très combative de M. Crow a fait le reste. Malgré sa mort prématurée, son héritage demeure.