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Pourquoi les "frondeurs" de Syriza ne percent pas ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le parti des "frondeurs" de Syriza ne recueillerait que 3 à 4 % des suffrages dimanche lors des élections anticipées grecques. Pourquoi un score si faible ?
A six jours des deuxièmes élections grecques de l'année, une des inconnues du scrutin reste le score de la scission de gauche de Syriza, une nouvelle formation baptisée Unité Populaire (Laiki Enotita, ou LAEN). Ce parti est, malgré sa taille modeste, au centre d'un scrutin qu'il a, en fait, provoqué. C'est en effet parce que les « frondeurs » de l'aile gauche de Syriza l'avait privé d'une majorité propre sur la question du mémorandum qu'Alexis Tsipras a démissionné et provoqué un nouveau scrutin.
La question pour la « plateforme de gauche » était alors de rester minoritaire au sein de Syriza - et de disparaître du parlement car Alexis Tsipras aurait sans doute « épuré » les listes - ou de former en urgence sa propre formation. C'est logiquement ce dernier choix qu'a effectué Panayiotis Lafazanis, ancien ministre de l'Energie du premier gouvernement Tsipras qui a entraîné avec lui l'essentiel des « frondeurs. »
« Non ! Jusqu'au bout ! »
Unité Populaire reprend l'essentiel du programme de janvier de Syriza. Le parti refuse donc le nouveau mémorandum et se dit prêt, pour cela, à sortir de la zone euro. Il défend donc un programme de fermeté face aux créanciers en essayant de s'appuyer sur le « non » du référendum du 5 juillet dernier. Du reste, son slogan de campagne est sans ambiguïté : « Non ! Jusqu'au bout. » Il s'agit donc de refuser la volte-face du 13 juillet représenté par Alexis Tsipras. Mardi soir, sur la place Omonia, lieu traditionnel des manifestations de la gauche grecque, le parti tiendra son grand meeting de campagne.
Des sondages décevants
Pour le moment, cependant, ce parti est loin de sembler pouvoir mobiliser les 62 % d'électeurs qui ont voté « non » aux propositions des créanciers le 5 juillet. Les sondages lui attribuent, pour le moment, entre 3,5 % et 4 % des intentions de vote, à l'exception d'un récent sondage de Bridging Europe publié le 11 septembre qui accorde au LAEN 7,8 % des intentions de vote. Cette dernière enquête devra cependant être suivie d'autres pour traduire une vraie tendance. Pour le moment, le succès d'Unité populaire est assez limité. Ceci peut paraître étrange dans la mesure où la « capitulation » d'Alexis Tsipras a été très mal ressentie par les électeurs de Syriza qui, selon un sondage, hésitent, pour la moitié d'entre eux, à revoter pour le parti de l'ancien premier ministre. Pourquoi, alors, Unité populaire n'en profite-t-elle pas ?
Le moment du bras de fer est passé
La première réponse s'explique par une lassitude certaine après six mois de bras de fer avec les créanciers. Malgré de sombres perspectives et un nouveau tour de vis austéritaire, une grande partie des Grecs ne sont pas prêts à reprendre le combat au risque de voir la BCE resserrer à nouveau les vannes des liquidités bancaires. D'autant que cette élection se fait toujours dans une ambiance tendue. Même si certaines mesures ont été assouplies, le contrôle des capitaux demeure en vigueur et les retraits en liquide restent limités à 420 euros par semaine. A cela s'ajoutent les menaces quasi quotidiennes venant des dirigeants européens. La semaine dernière, Jean-Claude Juncker a répété que l'UE ne « garderait pas la Grèce dans l'euro à n'importe quel prix. » Bref, le temps de la lutte semble être passé. En juillet, après le référendum, sans doute Alexis Tsipras aurait pu mobiliser cette force du « non. » Aujourd'hui, après la signature du mémorandum et une certaine stabilisation de la situation, cette force du « non » est plus difficilement utilisable.
L'électorat de Syriza
L'autre réponse, c'est que l'électorat de Syriza du 25 janvier était composite. Il convient de se souvenir qu'en 2009, Syriza ne mobilisait que 4,6 % des voix et que son meilleur score auparavant était de 5,06 % en 2007. En juin 2012 le parti d'Alexis Tsipras a multiplié par six ce score en trois ans à 26,9 %. En janvier dernier, il est passé à 36,3 %. Ce nouvel électorat de Syriza est constitué d'anciens électeurs des deux grands partis de jadis, surtout du Pasok. Ces électeurs, souvent issus de la classe moyenne paupérisée, restent attachés à la participation à la zone euro, par conviction et aussi parce qu'ils possèdent souvent une petite épargne qu'ils veulent protéger. Ces électeurs ont pu voter « non » le 5 juillet en croyant au discours de « renforcement de la position de négociation » d'Alexis Tsipras, mais ils refusent d'aller jusqu'à la rupture. Aussi préfèreront-ils le mémorandum au Grexit et un Syriza se présentant comme une « défense » face aux créanciers » qu'un parti de rupture comme Unité Populaire. Le parti de Panayiotis Lafazanis peut donc sans doute mobiliser les électeurs « historiques » de Syriza, moins ceux qui ont été séduits par le discours plus modéré d'Alexis Tsipras entre 2009 et 2015.
Discrédit de la politique
Troisième raison de ce relatif échec : le discrédit de la politique. La capitulation d'Alexis Tsipras le 13 juillet est venue prouver à beaucoup de Grecs que le vote était inutile. Les choix du 25 janvier et du 5 juillet ayant été ouvertement ignorés et niés, un nouveau vote de protestation est souvent jugé superflu. Beaucoup d'électeurs vont sans doute s'abstenir ou voter blanc. L'ambiance de la campagne est très sombre et l'heure est clairement à la démobilisation de l'électorat. Le contraste avec l'espoir et la mobilisation de janvier est frappant.
L'échec de Syriza touche aussi Unité Populaire
Du reste, malgré sa ligne « cohérente » avec les engagements de Syriza, le LAEN n'est pas entièrement épargné par la déception lié au vote Syriza. Beaucoup s'interrogent sur la passivité de la plateforme de gauche durant les négociations et sur leur réveil tardif. Dans un entretien accordé récemment au magazine étatsunien Jacobin, l'économiste et député sortant Costas Lapavitsas, explique la réaction de beaucoup d'électeurs : « durant les derniers mois du gouvernement de Syriza, la plateforme de gauche aurait pu être plus courageuse, plus décisives en poussant des idées alternatives dans l'opinion. Elle aurait pu être plus déterminée en apportant des documents, en soulevant des points, en forçant le débat critique sur les actions des dirigeants. Ne pas le faire a été une erreur et nous en payons le prix aujourd'hui parce que les gens nous disent : « Où étiez-vous alors ? » » Autrement dit, LAEN paie aussi, en partie le prix de la déception concernant Syriza.
Concurrence dans le camp protestataire
Du reste, cet aspect est mis en avant par le parti communiste (KKE) qui, comme à son habitude, a refusé toute alliance et, mieux, a fait de LAEN son adversaire préféré pour l'empêcher de grignoter ses positions et pour récupérer les déçus de gauche de Syriza. Cette concurrence ne joue pas en faveur du nouveau parti. Les « déçus » du 25 janvier seront donc davantage tentés de se tourner vers des partis qui n'ont jamais participé au pouvoir, comme le KKE, les néo-nazis d'Aube Dorée ou encore « l'Union des Centres », parti anti-establishment au programme incertain qui est donné actuellement et pour la première fois au-dessus de 3 % des intentions de vote, donc au même niveau qu'Unité Populaire.
L'absence d'un leader puissant pour faire pendant à Alexis Tsipras
Dernier élément d'explication : les hommes. Panayiotis Lafazanis n'est pas une figure d'envergure suffisante pour imposer ce nouveau parti dans l'opinion. Certes, deux figures importantes de la gauche grecque ont rejoint Unité Populaire :Manolis Glezos, le vétéran de toutes les luttes depuis la résistance jusqu'au Colonels, connu pour avoir en 1941 abaissé le drapeau nazi du Parthénon et Zoé Kostantopoulou, la présidente de la Vouli sortante. Mais ces deux figures, si elles peuvent mobiliser les électeurs traditionnels de Syriza, ne peuvent faire face à la concurrence d'un Alexis Tsipras qui a acquis, malgré une récente perte de popularité, une stature d'homme d'Etat. Le seul qui aurait pu réellement porter ce nouveau parti était Yanis Varoufakis, l'ancien ministre des Finances démissionnaires après le « non. » Mais ce dernier a refusé de rejoindre Unité Populaire et l'a même ouvertement critiqué pour son « obsession » de la question monétaire. Yanis Varoufakis semble désireux de ne pas rompre avec son « ami » Alexis Tsipras et préfère, pour le moment, écrire des billets de blogs et former des alliances européennes sans réelles consistances, que de participer à la vie politique grecque.
Prendre date
Pour toutes ces raisons, Unité Populaire sera sans doute dimanche soir une force assez réduite à la nouvelle Vouli. Rien, cependant, n'est joué et une surprise est possible. Le choc du mémorandum demeure fort et beaucoup de Grecs sont indécis et peuvent encore changer d'avis. Les 7,8 % attribués par Bridging Europe au LAEN sont aussi le signe de cette instabilité. Quoiqu'il en soit, si Unité Populaire parvient à entrer au Parlement, les 3 ou 4 % qu'il aura mobilisé manqueront à Syriza et à Alexis Tsipras, alors que ce parti est au coude-à-coude avec les conservateurs de Nouvelle Démocratie. Quant au nouveau parti, il devra convaincre, au cours de l'application du troisième mémorandum, qu'il peut être une alternative. Ce scrutin du 20 septembre est donc surtout pour lui un galop d'essai. Il s'agit avant tout de prendre date et de pouvoir porter sa voix à la Vouli.