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La paix avec les FARC est désormais à portée de main
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) La paix est-elle possible en Colombie, bientôt ? La paix après un demi-siècle de conflits armés ? Les Colombiens voulaient y croire mercredi 23 septembre au soir, après l’annonce d’un accord historique entre le gouvernement et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche). Il porte sur le sujet le plus sensible, la justice dite « transitionnelle », à mettre en place pour permettre la démobilisation des guérilleros.
- Négociations sous l’égide de Raul Castro
La poignée de main inédite entre le président colombien, Juan Manuel Santos, et le grand chef des FARC, Rodrigo Londoño, alias « Timochenko », sous le regard bienveillant du chef de l’Etat cubain, Raul Castro, justifiait l’optimisme. Les deux Colombiens avaient fait pour l’occasion le voyage à La Havane, où se tiennent depuis 2012 les laborieuses négociations de paix. Les tractations semblent désormais près du but. Mercredi, gouvernement et FARC ont en effet annoncé s’être donné un délai de six mois pour conclure l’accord définitif. Et soixante jours supplémentaires pour que les FARC commencent à déposer les armes, condition préalable à leur participation en politique. De source militaire, la dernière grande guérilla d’Amérique latine, essentiellement paysanne, compte encore quelque 8 000 hommes et femmes en armes. « La paix n’a jamais été aussi proche », a martelé M. Santos à La Havane. « Nous ferons tout ce qui est possible pour signer dans les prochains mois », a déclaré pour sa part « Timochenko ». « Le processus de paix est désormais irréversible », se sont réjouis en Colombie les partisans d’une paix négociée.
- Les tractations progressent, les violences diminuent
Les chiffres indiquent que, sur le terrain aussi, les choses ont changé : selon le Centre de ressources pour l’analyse des conflits, les deux derniers mois ont été les moins violents depuis quarante ans. Mais les sceptiques et les critiques restent nombreux. Quatre accords partiels avaient déjà été annoncés, concernant la politique agraire, la reconversion politique des FARC, la lutte contre le trafic de drogue et la création d’une commission de la vérité. Depuis plus d’un an, les négociations achoppaient sur la question des peines applicables aux guérilleros poursuivis par la justice. Les négociateurs se devaient de concilier les exigences de la paix et celles de la justice. « Aucun mouvement armé ne négocie pour finir en prison », rappelaient les chefs des FARC. Toutefois, les victimes de la guérilla et l’opinion publique exigeaient « une paix sans impunité ».
- Des possibilités d’amnistie
L’accord annoncé mercredi à La Havane prévoit la création d’une juridiction spéciale pour la paix, compétente pour enquêter et juger les crimes commis durant le conflit par des guérilleros, des agents de l’Etat ou des hommes politiques. Les « délits politiques et connexes » seront très largement amnistiés, à l’exception des crimes contre l’humanité et des crimes atroces, tels que les prises d’otages, les disparitions et les déplacements forcés, ou les violences sexuelles. Ceux qui contribueront à la vérité et admettront leur responsabilité purgeront des peines de cinq à huit ans dans des « conditions spéciales de restriction de liberté ». En clair : ailleurs que dans une prison traditionnelle. Les autres seront condamnés à des peines de prison ferme, pouvant aller jusqu’à vingt ans.
« La juridiction pour la paix a été pensée pour tous les combattants et non combattants impliqués dans le conflit, et pas seulement pour une des parties », a souligné « Timochenko ». Les militaires coupables de crimes et de graves violations des droits de l’homme – ils sont nombreux – pourront être jugés et condamnés, ainsi que les fonctionnaires et les civils liés aux milices paramilitaires. A Bogota, le procureur général, Eduardo Montealegre, a indiqué que plus de 15 000 guérilleros (dans le maquis ou en prison) pourraient bénéficier de l’amnistie prévue par l’accord de La Havane. Il a également annoncé que le parquet ne formulerait aucune nouvelle charge contre les dirigeants des FARC, afin de ne pas interférer avec les mécanismes de la nouvelle justice transitionnelle. A l’heure actuelle, le parquet enquête sur plus de 38 000 faits attribués aux FARC.
- Une avancée contestée
C’est justement un des reproches que formulent l’ancien président Alvaro Uribe, très proche des militaires : « Le gouvernement a accepté de mettre sur un pied d’égalité les forces armées et les terroristes », s’est-il indigné. « Ce n’est pas la paix qui est proche, c’est la capitulation devant les FARC », a tweeté M. Uribe, devenu sénateur.
José Miguel Vivanco, directeur pour les Amériques de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, a, lui aussi, critiqué un accord « qui permettra aux responsables des pires abus de ne pas passer un seul jour en prison ». M. Vivanco considère que la formule de justice transitionnelle prévue ne passera pas l’examen de la Cour pénale internationale. Ce n’est pas l’avis de juristes colombiens, anciens présidents de la Cour constitutionnelle pour certains, qui ont collaboré à la rédaction de l’accord.
Tout en se félicitant du chemin parcouru par les négociateurs, Raul Castro a prévenu que « d’énormes difficultés devaient encore être vaincues ». Personne n’en doute. Les conditions de la démobilisation des guérilleros n’ont pas été définies. Celles de la ratification de l’accord de paix final non plus. Le président Santos a toujours promis de le soumettre aux électeurs, lors d’un référendum. « Timochenko » a préféré citer le pape François qui, deux jours plus tôt à Cuba, avait déclaré à propos du conflit colombien : « Nous ne pouvons nous permettre un nouvel échec sur le chemin de la paix et de la réconciliation. »