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En Autriche, le FPÖ prépare sa «Révolution d’Octobre»

Autriche international

Lien publiée le 1 octobre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.slate.fr/story/106969/autriche-fpoe-prepare-revolution-octobre

À quelques semaines des élections municipales dans la capitale autrichienne, une hypothèse se fait jour: l’arrivée en tête de l’extrême droite dans «Vienne la Rouge». Dimanche 27 septembre, en Haute-Autriche, le FPÖ a encore réalisé une spectaculaire percée et devient peu à peu la force centrale de la vie politique autrichienne.

À Linz, capitale du Land de Haute-Autriche, le FPÖ a confirmé sa montée en puissance, en obtenant plus de 30% aux élections provinciales de Haute-Autriche, dépassant largement le SPÖ (sociaux-démocrates) mais restant à six points en retrait des conservateurs de l’ÖVP. À deux semaines de très symboliques élections municipales à Vienne, tout semble concourir à faire de l’ancien parti de Jörg Haider, qui martèle ses thématiques hostiles aux demandeurs d’asile, le pivot de la vie politique autrichienne. Une alliance «noire-bleue», des conservateurs et de l’extrême droite, pourrait se substituer à l’alliance «noire-verte»des conservateurs locaux et des écologistes.

«L’assaut» contre Michael Haupl (maire SPÖ de Vienne) sera «frontal» clamait en août le secrétaire général du FPÖ, Herbert Kikl. «Assaut frontal»: le vocabulaire est choisi, volontaire et guerrier. La «Révolution d’Octobre» –slogan de la campagne d’extrême droite dans la capitale autrichienne– aura bien lieu, à en croire le président du FPÖ Heinz-Christian Strache et elle verra Vienne, ville historiquement détenue par les socialistes (ou «sociaux-démocrates» depuis 1991), basculer dans l’escarcelle d’un parti qui, venu d’un pangermanisme mêlé de «libéralisme autrichien», est désormais en pointe de la recomposition des nouvelles droites radicales en Europe. L’hypothèse d’une défaite de Haupl à Vienne peut avoir l’effet d’un choc pour toute la famille social-démocrate européenne, déjà passablement mal en point. C’est une hypothèse peu probable dans la mesure où Haupl bénéficiera du renfort de ses concurrents Verts et NEOS. Symboliquement néanmoins, il pourrait être le grand perdant du scrutin. Désormais à seulement deux points de ses concurrents sortants sociaux-démocrates (le FPÖ obtient 32% contre 34% pour le SPÖ), le parti d’extrême droite autrichien est donc aux portes du pouvoir municipal à Vienne.

Piller les symboles

La première affiche de Strache est sortie voici trois semaines: elle promet la «Révolution d’Octobre» aux Viennois, pas celle, on s’en doute, des conseils ouvriers mais celle portée le«SozialHeimatPartei». D’aucuns seraient tentés d’y voir un symptôme du tropisme pro-Poutine de Strache. Plus sûrement faut-il y voir une nouvelle tentative de l’extrême droite de désarticuler les éléments qui ont fait la force et la solidité, des décennies durant, de la culture commune de la gauche européenne, qu’elle se soit inscrite dans le prolongement ou non de l’événement en question. Les mots de«révolution», de «révolte» sont utilisés avec la même insistance que la figure de Jaurès par le FN et Louis Aliot dans sa propre campagne. Strache applique la stratégie des droites radicales européennes avec constance, une stratégie qui consiste également à piller les symboles de l’adversaire pour les réinvestir d’une nouvelle charge idéologique.

Cette campagne rencontre un contexte autrichien défavorable aux sociaux-démocrates et à la coalition ÖVP-SPÖ sur le plan national. D’un point de vue strictement électoral, la situation du SPÖ n’est pas simple à Vienne. Le SPÖ ne parvient plus à y être hégémonique. Il est confronté à la très bonne santé des Grünen locaux (centre gauche), bénéficiant quant à eux d’un travail militant impressionnant et d’une stratégie électorale pointue. Il fait face aussi à l’émergence du NEOS, un parti centriste associant des sociaux-libéraux et des libéraux ayant quitté le FPÖ en 1993. Ces concurrences contribuent à son affaiblissement et conforte une tendance lourde en Europe à l’affaiblissement de la social-démocratie.

Saper la coalition SPÖ-ÖVP

Lors du dernier scrutin municipal viennois, Heinz-Christian Strache, déjà candidat, avait mené une campagne déjà très agressive contre Michael Haupl: «Jetzt ist schutz mit Lustig» («fini de rire»); et, de fait, malgré sa victoire, le SPÖ avait compris qu’il était considérablement fragilisé. Cette offensive de 2010 par voie de clip de rap (qui se poursuit en 2015) et de meetings en boîte de nuit, jouait sur le contraste entre un maire de Vienne présenté en notable usé et un jeune leader en prise avec la jeunesse de la capitale autrichienne. Cette fois, le FPÖ utilise un clip aux accents völkisch quelque peu sirupeux oscillant entre mise en avant des qualités d’alpiniste de son leader et images empruntées au feuilleton Heidi ou à la vie privée d’Eva Braun.

Après avoir réussi à obtenir du SPÖ du Burgenland une alliance locale pour diriger ce Land, le FPÖ continue son patient travail de sape de la coalition SPÖ-ÖVP, désormais minoritaire dans toutes les enquêtes d’opinion. Cette campagne viennoise confirme ainsi la bonne santé du FPÖ, désormais totalement remis de la scission qu’il a subie voici dix ans avec le départ de Jörg Haider. Surtout, il confirme une fragilisation constante et confirmée de la social-démocratie autrichienne et européenne, incapable d’enrayer son propre déclin et ne tenant les clés du pouvoir fédéral lors des dernières élections au NationalRat qu’à la surmobilisation de l’électorat le plus âgé.

Faire levier

Enfin, entre temps en Haute-Autriche, qui a voté ce 27 septembre, après la nouvelle percée du FPÖ sera décidé l’avenir de la coalition des conservateurs et des écologistes. Crédité de plus de 30%, il pourrait donc, dans ce bastion de l’ÖVP, remplacer les Grünen comme partenaire de coalition au gouvernement de ce Land. Les milieux économiques semblent en effet plaider pour un changement de partenaire au détriment des écologistes et au bénéfice des amis de Strache.

Les thèmes de l’asile et de la sécurité sont notamment avancés par le FPÖ, qui entend attirer à lui à la fois des électeurs conservateurs de l’ÖVP et tirer parti de la lassitude de l’électorat vis-à-vis de la gestion SPÖ. L’exploitation tapageuse de la question des réfugiés semble confortée une tendance de fond au renforcement constant de son électorat. Si Heinz-Christian Strache ne peut en octobre (sauf surprise) devenir maire de Vienne, il se sert de la bataille viennoise comme d’un levier pour imposer son parti comme pivot de la vie politique autrichienne. Un nouveau revers d’ampleur pour la social-démocratie européenne est possible. Un changement d’alliance en Haute-Autriche également. Est-ce l’annonce du crépuscule du SPÖ et de l’ascension du FPÖ à la chancellerie autrichienne? Cela n’est plus impossible.

Gaël Brustier