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Constellation Marx
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http://www.anti-k.org/2015/10/03/constellation-marx/
par Baptiste Eychart, septembre 2015 – Le Monde Diplo
Quand Lucien Sève est entré en politique, dans l’immédiat après-guerre, Friedrich Engels était mort depuis à peine un demi-siècle et Lénine, depuis deux décennies. En devenant communiste et en se revendiquant marxiste, le jeune agrégé de philosophie adhérait à un mouvement historique qui pouvait se donner comme la« jeunesse du monde », pour reprendre les mots de Gabriel Péri. Plus de cinquante ans plus tard, alors que le communisme est décrit comme moribond et Karl Marx comme une figure académique, Sève propose une imposante tétralogie, Penser avec Marx aujourd’hui. Le troisième volume (1) interroge la place de la philosophie chez un Marx qui s’est refusé à avoir recours aux « mauvaises abstractions philosophantes », ces concepts larges et universels jamais déterminés historiquement qui peuvent tout expliquer et ainsi n’expliquent rien.
Sève propose de parler du « philosophique » plutôt que de « philosophie » dans Le Capital, évidemment, mais aussi dans le manuscrit dénommé Grundrisse. Plus qu’un système de concepts préétablis et harmonieux, Marx élabore un réseau de catégories (contradiction, essence, loi…) qu’il met en relation pour produire une théorie critique du mode de production capitaliste. Appuyé sur la relecture de laLogique de Hegel, son travail ne reprend pas simplement ce qu’on a appelé la méthode dialectique, mais transforme les catégories hégéliennes. Cette pensée, Sève l’analyse en en proposant une « lecture développante », enrichissant les catégories de « contradiction » et d’« antagonisme », identifiant des dialectiques « internes » ou « externes », des phénomènes de « scission » ou de « fusion » dialectiques, etc.
La dialectique, que Sève propose d’étendre aux objets naturels, à la suite de certaines avancées scientifiques récentes, a souvent été remise en question par des penseurs comme Michel Foucault ou Gilles Deleuze. Si Sève tient à faire le point sur ces attaques, il a également une autre cible : le « marxisme » dans sa forme contemporaine, notamment universitaire. Sévère vis-à-vis des querelles de chapelles, il voit dans le marxisme un objet rendu « non identifiable » par les multiples approches qui en ont été proposées, et suggère donc de l’abandonner au profit de la « pensée Marx ».
La lecture du recueil Marx politique (2) permet de juger sa critique sur pièces. Jean-Numa Ducange et Isabelle Garo, qui ont réuni les textes, sont membres de l’équipe du séminaire « Marxisme au XXe siècle » et comptent parmi les animateurs de la Grande Edition Marx-Engels (GEME) en cours aux Editions sociales. S’ils affichent une volonté de pluralisme et rejettent l’idée d’une orthodoxie à maintenir ou recréer, ils sont, tout autant que Sève, conscients du danger de voir Marx transformé en un penseur « inoffensif », « économiste digne d’intérêt mais piètre penseur politique ». Acceptant la validité des critères universitaires de recherche, ils cherchent à les associer à une perspective ouvertement politique. Ainsi, Stathis Kouvelakis, membre du comité central de Syriza en Grèce, analyse la recherche par Marx des formes de l’émancipation sociale, des révolutions de 1848 à la Commune de Paris ; Ellen Meiksins Wood interroge l’articulation nécessaire entre les luttes contre l’oppression économique et contre les oppressions extra-économiques (racisme, sexisme).
Le politique est ainsi au cœur de ces études, tout comme dans l’important ouvrage de Kevin Anderson (également présent dans Marx politique) sur les nations et les ethnies dominées, Marx aux antipodes (3). Il y montre que, parti d’un eurocentrisme pétri d’orientalisme, Marx en est venu à changer de point de vue au milieu des années 1850 pour devenir un féroce critique du colonialisme, mais aussi des autres formes d’aliénation raciale (l’esclavage noir) et nationale (ainsi de la Pologne et de l’Irlande). Dans sa conception du capitalisme, « universalité et particularité interagissent dans le cadre d’une totalité dialectique ». Cette lecture démontre que la rigueur de la recherche n’exclut pas que l’on puisse choisir un camp et s’y tenir.
Baptiste Eychart
(1) Lucien Sève, Penser avec Marx aujourd’hui, tome 3 : « La philosophie » ?, La Dispute, Paris, 2014, 703 pages, 40 euros.
(2) Jean-Numa Ducange et Isabelle Garo (sous la dir. de), Marx politique, La Dispute, 2015, 220 pages, 18 euros.
(3) Kevin Anderson, Marx aux antipodes. Nations, ethnicité et sociétés non occidentales, Syllepse, Paris, 2015, 408 pages, 25 euros.
http://www.monde-diplomatique.fr/2015/09/EYCHART/53702




