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Grèce: pourquoi Alexis Tsipras veut être le "bon élève" de la troïka

Grèce international

Lien publiée le 5 octobre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-pourquoi-alexis-tsipras-veut-etre-le-bon-eleve-de-la-troika-510866.html

Le premier ministre grec a demandé de la discipline pour appliquer le troisième mémorandum. Une obéissance qui vise certains buts précis.

Désormais, Alexis Tsipras doit entrer dans le vif du sujet. Ce lundi 5 octobre, le premier ministre prononcera son discours de politique générale devant la Vouli, le parlement grec, après avoir présenté les grandes lignes de son projet de budget pour 2016. Au même moment, le ministre des Finances Euclide Tsakalotos négociera avec ses collègues de l'Eurogroupe les mesures qui devront être prises pour obtenir le déblocage des fonds du Mécanisme européen de Stabilité (MES) dans les prochains mois.

49 mesures au menu

Concrètement, selon le site grec Macropolis, le gouvernement Tsipras III va devoir s'engager une liste de 49 mesures à faire adopter avant le 15 octobre afin de débloquer un versement de deux milliards d'euros du MES. Une seconde liste devra être mise en place avant novembre pour débloquer un milliard d'euros supplémentaires. Cette impressionnante première liste consiste, pour moitié, à compléter les mesures déjà adoptées en juillet dernier, notamment concernant les retraites. Certaines mesures seront particulièrement douloureuses : le gouvernement devra lancer le report de l'âge légal à la retraite à 67 ans contre 65 ans aujourd'hui, réduire la possibilité des pré-retraites, finaliser des privatisations ou encore libéraliser le marché de l'énergie.

Pour autant, le gouvernement grec n'a aucune raison de traîner les pieds. D'abord, parce qu'il ne le peut guère. Le fonctionnement du troisième mémorandum le place sous une surveillance étroite, comme on le voit : l'argent n'est versé qu'au compte-goutte et moyennant une législation précise. Le mémorandum ne laisse aucune initiative en matière budgétaire au gouvernement d'Athènes. Alexis Tsipras ne dispose donc pas de marges de manœuvre directes. Mais stratégiquement, il doit aussi montrer sa « bonne volonté » pour plusieurs raisons.

Rétablir la normalité économique

La première est liée à l'urgence de la situation économique et financière du pays. La Grèce doit absolument et rapidement se débarrasser du contrôle des capitaux instauré fin juin. Et la condition de cette levée ne peut être que la recapitalisation des banques. Notamment, parce que, si le 15 janvier, cette recapitalisation n'est pas réalisée, il faudra appliquer la directive européenne sur l'union bancaire et faire payer les déposants de plus de 100.000 euros. Or, la recapitalisation des banques dépend du bon vouloir des créanciers, qui seuls peuvent donner leur feu vert au programme de recapitalisation (prévu à hauteur 15 milliards d'euros). C'est un maximum pour renflouer des banques qui, rappelons-le, ont toujours été considérée comme « solvables » par la BCE. Il convient donc d'amadouer absolument les créanciers pour que le processus de recapitalisation soit hâté. Sans compter que la Grèce cherche également à être incluse dans les rachats d'actifs de la BCE pour faire baisser le niveau de taux dans le pays. Et que, pour cela, il faut également montrer « patte blanche » et faire preuve de zèle dans l'application du mémorandum.

Rétablir la confiance

La deuxième raison pour Tsipras d'être bon élève: il considère que ce comportement permettra de rétablir la confiance des créanciers. Ces derniers se sont en effet cachés derrière le thème de la « confiance perdue » pour n'accorder aucune forme de concession aux Grecs. En appliquant consciencieusement le mémorandum, Alexis Tsipras veut « désamorcer » ce manque de confiance pour pouvoir négociersur ce qu'il a appelé samedi devant les députés Syriza, les « zones grises », autrement dit ce qu'il estime pouvoir être encore négocié, notamment la réforme du marché du travail ou la taxe sur l'enseignement privé. Mais il n'est pas certain que les créanciers renoncent à utiliser ce « manque de confiance » pour obtenir ce qu'ils désirent à l'avenir. Déjà, les créanciers, par la voix du président du MES Klaus Regling, promette une « revue » très longue et très précise qui pourrait durer au-delà d'octobre. Bref, le retour de la confiance se paiera nécessairement au prix fort.

Echec ou succès : Tsipras gagnant ?

Une autre raison de se montrer « bon élève » est que le gouvernement grec pourra reporter sur les créanciers la responsabilité d'un échec, si les objectifs ne sont pas atteints. Il sera difficile pour eux d'utiliser l'argument tant utilisé durant les dernières années du « manque de volonté » grecque. Dès lors, en cas d'échec, les créanciers devront accepter une révision de leurs objectifs et ne pourront guère utiliser le ressort habituel de l'échec « faute de réformes. » Alexis Tsipras met donc ainsi les créanciers face à leurs responsabilités.

Mais si les objectifs sont dépassés, ce que le gouvernement grec semble croire compte tenu des bons résultats du premier semestre (une hausse de 1 % du PIB sur un an) et de l'espoir de voir les rentrées fiscales s'améliorer, Athènes disposera de marges de manœuvre budgétaires. Mais, dans le cas d'objectifs dépassés, il faudra l'accord des créanciers pour utiliser ces marges, ce qui risque de créer beaucoup de difficulté. Par ailleurs, le mémorandum a déjà prévu qu'un tiers des dépassements d'objectifs sera réservé au remboursement de la dette. Les sommes disponibles seront donc réduites. Enfin, un dépassement d'objectif risque de réduire à néant l'argument d'une restructuration nécessaire de la dette.

La restructuration de la dette

Et c'est précisément cet objectif qui est la quatrième raison du comportement d'Alexis Tsipras. Si le premier ministre grec obtient un accord sur la dette assez fort, il pourra justifier a posteriori sa décision d'accepter les conditions des créanciers le 13 juillet dernier. Or, il ne peut espérer ouvrir les négociations et y arriver en position de force que si la première revue du programme se déroule parfaitement. Mais sera-ce suffisant ? Le vrai débat ici se tient entre les créanciers européens et le FMI. Selon Kathimerini, des « télégrammes secrets » envoyés cet été indiqueraient que les Etats-Unis ont incité les Grecs à céder en juillet aux exigences européennes en échange d'une coupe dans la dette. Et il est vrai que, depuis, le FMI, n'a eu de cesse de conditionner sa participation au programme à une réduction nominale de la dette.

Mais l'Allemagne ne veut pas en entendre parler. Athènes ne peut que compter sur  des réductions de taux et des maturités plus longues (échelonnement des remboursements). Et, selon Politico, Berlin envisagerait une restructuration « progressive » pour disposer d'une « carotte » et maintenir la pression sur Athènes. Malgré Washington et son dévouement au mémorandum, Alexis Tsipras pourrait donc n'être pas payé de retour et se voir récompenser par un nouvel acte de défiance.

Mener la lutte contre l'oligarchie et l'évasion fiscale

Le gouvernement Tsipras III veut aussi appliquer le mémorandum parce que certains points de ce dernier comportent des réformes nécessaires qui, du reste, étaient souvent au programme de Syriza depuis janvier dernier. La liste des 49 mesures visées prévoit ainsi le paiement électronique des soins médicaux, dans un secteur où la fraude fiscale est très répandue. Le mécontentement des organisations de médecins est de bon augure et montre la nécessité de cette mesure pour « rééquilibrer » l'effort. Pour Alexis Tsipras, ce sera un moyen de montrer aux électeurs qu'il mène bien un programme pour renverser « l'ancien régime » de la Grèce du bipartisme et à rendre plus juste l'effort d'ajustement budgétaire. Le premier ministre considère qu'avec l'appui de la troïka, ces réformes seront mieux appliquées, mais il faudra que les administrations jouent le jeu pour empêcher que l'on ne contourne ces nouvelles mesures.

La stratégie d'Alexis Tsipras est donc soumise à plusieurs aléas et incertitudes. Outre le comportement des créanciers et de la BCE, on ignore encore réellement quelle sera la réaction de l'économie grecque aux nouvelles mesures d'austérité programmées. Mais le premier ministre, reconduit le 20 septembre pour appliquer le mémorandum, ne dispose guère d'autres options. Il doit tenter ce pari : appliquer un mémorandum très dur en parvenant à lui donner une couleur « Syriza. » Il faut donc s'attendre à voir un gouvernement grec particulièrement zélé dans l'application du mémorandum.