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    "On ne défend pas juste notre poche, mais un système de justice sociale"

    lutte-de-classe

    Lien publiée le 22 octobre 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.francetvinfo.fr/societe/justice/greve-des-avocats/greve-des-avocats-on-ne-defend-pas-juste-notre-poche-mais-un-systeme-de-justice-sociale_1138327.html

    Depuis le début de la semaine, les avocats s'opposent à la réforme de l'aide juridictionnelle. Maître Bussy détaille à francetv info son quotidien d'avocat, une profession qu'elle estime en danger.

    Traînés par terre et repoussés sans ménagement, les avocats du barreau de Lille (Nord) se sont fait évacuer manu militari par la police mardi 20 octobre. Ils tentaient de bloquer l’entrée du tribunal aux justiciables et au personnel de la ville. Opposés à une réforme de l'aide juridictionnelle, ils ont fini par obtenir un rendez-vous avec la garde des Sceaux, Christiane Taubira, mercredi.

    >> Suivez notre direct sur la grève des avocats

    A la suite à cette discussion, la ministre de la Justice a fini par renoncer au prélèvement sur les caisses gérées par les avocats destiné à financer l’augmentation de budget de l’aide juridictionnelle. Un premier pas face à une profession exaspérée par le manque de moyens.

    Cela fait cinq ans que Maître Loïc Bussy exerce au barreau de Douai (Nord) à 40 km de Lille. Il raconte à francetv info son quotidien d’avocat désabusé.

    "Dans mon domaine, je travaille à 60% avec l’aide juridictionnelle"

    Cet avocat spécialisé dans le droit pénal s’est installé dans un petit cabinet avec une associée et une secrétaire. Une petite structure comme on en trouve beaucoup en province. "Et c’est là qu’on rencontre la réalité économique et sociale de notre profession. En province, les gens font plus souvent appel à l’aide juridictionnelle, détaille-t-il. Moi, j’exerce dans le Nord-Pas-de-Calais, une région économiquement sinistrée, et dans mon domaine de prédilection (le contentieux pénal), je travaille à 60% avec l’aide juridictionnelle.

    Donc sur 10 dossiers, je suis indemnisé, en moyenne, 100 euros hors taxe par dossier pour six d'entre eux, entre un et quatre mois après le verdict. Mais j’ai des confrères qui sont à 80% d’aide juridictionnelle. Certains survivent, d’autres sont en redressement judiciaire.

    Maître Bussy

    Francetv info

    Car si les professionnels du droit sont régulièrement considérés comme des "nantis au même titre que les notaires et les médecins de province”, pour Maître Bussy, la réalité est bien différente. En dehors des gros cabinets d’affaires parisiens, les avocats n’ont pas une trésorerie sereine, assure-t-il.

    "L’aide juridictionnelle est déjà un effort parce qu’on y perd de l’argent"

    "Aujourd’hui, les avocats sont imposés à 60% à travers de lourdes charges. Notre profession est en danger. Par exemple, pour un référé au conseil des prud’hommes en tribunal correctionnel, une intervention nous est payée 204,48 euros par l’aide juridictionnelle. Une fois les charges déduites, il nous reste 122 euros."

    Dans ces conditions, l’aide juridictionnelle représente déjà un effort de notre part parce qu’on y perd de l’argent. Mais on l’accepte pour défendre des gens qui en ont besoin.

    Maître Bussy

    Francetv info

    Une mission parfois ingrate. Comme dans le cas de cette jeune femme engagée dans une procédure de divorce, qui s’est présentée au cabinet de Maître Bussy la semaine dernière. Ses frais judiciaires étaient pris en charge à 100% par l’aide juridictionnelle. "On l’a reçue plusieurs fois, on a plaidé son dossier et, finalement, on a perdu. Le verdict a été rendu vendredi. Et le samedi matin, elle nous a appelés pour nous reprocher de l’avoir mal défendue parce qu’elle bénéficiait de l’aide juridictionnelle, se désole l'avocat. Pourtant, on ne fait pas de différence. On a prêté le serment d’exercer avec honneur et probité et ça signifie beaucoup pour moi."

    "J’ai déjà commencé à refuser des dossiers"

    Malgré tout, depuis que cette réforme a été évoquée l’année dernière, le quadragénaire a déjà changé sa manière de gérer les dossiers payés par l’aide juridictionnelle. "J’ai commencé à refuser des dossiers depuis six-huit mois pour équilibrer ma trésorerie. C’est une nécessité de faire attention à mon activité parce que ça met en péril mes salariés. Aujourd’hui, je préfère ne plus prendre de dossier en aide juridictionnelle, parce qu'au final, vous bossez trois heures pour 50 euros."

    C’est bien pour lutter contre le "dénigrement" de sa profession que Maître Bussy a participé, pour la première fois, à une manifestation. "Ce n’est pas dans ma culture de manifester. Mais comme c’est une profession individuelle, il faut montrer qu’on est solidaires, explique-t-il. On ne défend pas seulement notre poche mais un système de justice sociale pour permettre au plus grand nombre de se défendre correctement. Hier, à Lille, il y a des gens qui se sont présentés sans avocat devant les juges. C’est un scandale."

    Selon lui, le plus grand risque que fait planer cette réforme, c’est que les avocats obligés d’accepter les dossiers bénéficiant de l’aide juridictionnelle (lorsqu’ils sont commis d’office) se contentent de faire le minimum. "C’est la qualité de la défense qui est en jeu", conclut Maître Bussy.