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Paul Mattick: Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Livre posthume de Paul Mattick disponible au format pdf sur le site de l’éditeur. [ Voir la note de lecture de 2012 sur ce livre]. Nous y ajoutons la préface que son fils avait donné au chapitre 5 dans Économies et sociétés , Cahiers de l’ISMEA (« Études de marxologie ») Numéro 23-24 (Juillet-Août 1984).
« Théorie et réalité » est le cinquième chapitre du dernier livre de Paul Mattick, Marxism : The Last Refuge of the Bourgeoisie ? (Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie), Armonk (NY), ME Sharpe, 1983. Cet ouvrage, inachevé à la mort de l’auteur en février 1981, a été conçu comme un bilan final a ‘une vie de réflexion sur la société capitaliste et l’opposition révolutionnaire.
L’analyse de la société capitaliste tentée par Marx n’est ni une théorie économique ni une théorie politique. En montrant que la politique bourgeoise est dominée par des questions économiques et que celles-ci ne sont que la représentation idéologique de relations sociales de classes, Marx a voulu mettre en évidence les limites inhérentes aux deux types de catégories, la politique et l’économique, pour expliquer la réalité sociale. Il a prouvé que le mouvement ouvrier dans sa lutte contre le capitalisme, aurait à abolir et le capital et l’État, à remplacer l’« économie » et la « politique » par l’auto-organisation des producteurs libres et associés.
Le but de Mattick, en écrivant ce livre, était d’étendre la critique de Marx de l’idéologie bourgeoise aux formes organisationnelles et aux courants de pensée qui ont pris le nom de « marxisme », de les comprendre, c’est-à-dire d’y voir des éléments du développement du mode capitaliste de production. Le livre commence par un réexposé des fondements de la critique marxienne de l’économie politique, l’attention étant plus particulièrement attirée sur ces aspects de la théorie de Marx qui ont été l’objet principal des attaques bourgeoises et qui ont conduit les écrivains marxistes à faire retraite dans l’analyse économique bourgeoise. Le chapitre présenté ici est tiré de cette partie.) Le livre retrace ensuite l’histoire des formes principales de la politique marxiste, la social- démocratie et le bolchévisme. Mattick montre comment l’adaptation aux nécessités de la politique bourgeoise a entraîné l’abandon à la fois de la pratique socialiste et de la théorie marxienne.
Au cours de cette évolution, depuis l’époque d’Édouard Bernstein jusqu’aujourd’hui, la convergence entre les « économistes marxistes » et leurs collègues bourgeois avérés, s’est renforcée sur deux points: nécessité d’abandonner la théorie métaphysique de la valeur-travail, reconnaissance de l’inexactitude des prédictions sur le devenir de la société capitaliste que Marx avait tirées de cette théorie. Dans « Théorie et Réalité », Mattick examine le second de ces points et montre que, en dépit des limites à la prédiction qui résultent du haut degré d’abstraction de la théorie de Marx, les événements des deux cents dernières années n’ont fait que confirmer sa validité en ce qui concerne les tendances essentielles du développement capitaliste.
Il est clair que le but de Marx n’était pas tellement de prédire le cours des événements que d’expliciter les choix qui se posent devant la classe ouvrière mondiale. Citons ici P. Mattick :
En s’appuyant sur ses hypothèses, le modèle de Marx de la production capitaliste débouchait sur l’écroulement du système. Toutefois, cet écroulement n’y est pas conçu comme résultat automatique du processus économique, mais comme celui de la lutte de classe prolétarienne. (Marxism : The Last Refuge of the Bourgeoisie, p. 137.)
Et ceci doit bien être le cas puisque, pour Marx, les processus économiques eux- mêmes se composent d’actions humaines. Il est bon d’insister sur de point, car on affirme souvent que Marx voulait être un « savant de la société » et qu’il avait de l’histoire une vision mécanique, celle d’un processus imposé aux gens plutôt que créé par eux. Mattick avance les arguments pour prouver qu’au contraire, c’est parce que Marx comprenait l’histoire sociale comme un produit des actions humaines que sa théorie a sa valeur explicatrice et prémonitoire.
… Le modèle abstrait, que donne Marx de l’accumulation, repose sur l’hypothèse que les relations sociales de production du capitalisme vont rester les mêmes qu’à leur début, en dépit de toutes les modifications possibles de la structure du marché. C’est parce que les « lois économiques » du capitalisme ne sont pas réellement des lois, mais l’apparence fétichiste que prennent les relations sociales, que les actions sociales devront y mettre fin. Marx, par conséquent, dans ses espoirs de révolution, ne s’appuyait pas sur les conséquences pour l’avenir du capitalisme de la loi de la baisse du taux de profit, mais sur les possibles réactions de la classe travailleuse, face à un système capable de se maintenir uniquement par un accroissement de l’exploitation et qui met son propre avenir en danger en minant les conditions mêmes de l’exploitation sur lesquelles il s’appuie. Marx n’attendait pas, ou ne prédisait pas, la fin du capitalisme parce que le taux d’accumulation diminuerait et le taux de profit baisserait, mais parce que ces tendances, immanentes à la production capitaliste, devraient nécessairement amener des conditions sociales qui seraient de plus en plus insupportables pour des couches de plus en plus grandes de la population travailleuse, créant du même coup les conditions objectives dont pourrait sortir la détermination subjective pour un changement social. (Ibid. p. 93)
P. MATTICK Jr