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Les djihadistes prennent-ils de la drogue avant de commettre des attentats ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Depuis les attentats du 13 novembre, beaucoup de lecteurs ont demandé, dans notre live, si les assaillants avaient pu prendre des drogues avant de commettre un tel massacre.
Certains témoignages ont semblé aller dans ce sens : ainsi celui, dans Le Figaro, d’un homme qui a vu le visage de deux hommes impliqués dans les attentats alors qu’ils se garaient devant lui, tout près du Bataclan : « On aurait cru des morts-vivants, comme s’ils étaient drogués. » Ou celui de rescapés du Bataclan, les décrivant riant « d’un rire adolescent » alors qu’ils humiliaient une de leurs victimes. Et finalement cette information du Point, selon laquelle des seringues auraient été retrouvées dans une chambre d’hôtel louée à Alfortville, dans le Val-de-Marne.
Cette information a depuis été démentie par des sources judiciaires au Monde, ainsi qu’à L’Express. Pour le moment, rien ne permet d’affirmer que les terroristes se soient drogués avant de passer à l’acte. Des analyses toxicologiques sont en cours dans les laboratoires de la police scientifique à Lyon.
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Conviction et exaltation plutôt que des stupéfiants
Scott Atran, anthropologue au Centre national de la recherche scientifique et à l’université du Michigan, a mené des recherches sur le terrain en Irak, où il a interviewé des combattants de l’Etat islamique (EI) capturés par des Kurdes. Il s’est aussi entretenu en Jordanie avec des combattants d’Al-Nosra venant de Syrie, et avec d’anciens recruteurs de l’EI. Or, assure-t-il, « je n’ai jamais été témoin [de l’usage de drogues chez ces djihadistes], ni en Europe ni au Moyen-Orient ».
« Je pense que la consommation de drogues attribuée aux combattants de l’EI découle, en partie, du désir de ne pas vouloir considérer l’aspect moral et la sincérité de l’engagement de ces gens », dit-il. En outre, précise-t-il, l’interprétation de la loi islamique que donne l’EI interdit l’usage de drogues.
Même écho du côté de David Thomson, journaliste à RFI et spécialiste du djihadisme, qui a expliqué le 16 novembre sur France Inter que, malgré les nombreuses rumeurs sur le sujet, « pour l’instant, avec tous les entretiens que j’ai pu mener de gens qui sont là-bas et de gens qui en sont revenus, […] personne n’a pu meconfirmer que c’était vrai ». Pour lui, les djihadistes n’ont nul besoin de se droguer pour commettre leurs actes, étant suffisamment portés par leurs convictions et leur exaltation. Le journaliste a en revanche rapporté des témoignages sur « un abus d’antidouleurs » distribués par l’EI, et utilisés comme stupéfiants.
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La Syrie, consommatrice et exportatrice
Il existerait néanmoins un précédent d’usage de drogues lors d’attentats islamistes : d’après le Daily Mail, l’auteur de la tuerie de Sousse, en Tunisie, qui avait fait 38 morts fin juin, avait pris « certaines drogues avant son attaque – la même drogue que l’EI donne à des gens qui font des attentats terroristes ». Il pourrait donc s’agir du Captagon, un médicament à base d’amphétamine souvent cité comme circulant sur le théâtre du conflit syrien.
En mai par exemple, un reportage d’Arte montrait un trafiquant de cette drogue dans la vallée de la Bekaa au Liban, qui affirme en vendre, depuis le début de la guerre, à des villageois de l’autre côté de la frontière syrienne. D’après lui, ils la revendraient eux-mêmes au front Al-Nosra, au groupe EI, à l’Armée syrienne libre.
En parallèle, les saisies de Captagon se multiplient. Dernière en date, le 20 novembre : près de 11 millions de pilules ont été saisies par la police turque, près de la frontière syrienne. Selon un rapport de l’Organisation mondiale des douanes datant de 2013, ces saisies sont passées d’environ 4 tonnes en 2012 à plus de 11 tonnes en 2013. En tête des pays concernés : l’Arabie saoudite, le Liban, la Jordanie, le Yémen ou encore Bahreïn.
Peu à peu, il semble que la production et la consommation de cette drogue aient aussi gagné la Syrie. Facile à produire et très rentable, une pilule s’y vendrait entre 5 et 20 dollars, selon une enquête de Reuters. « La Syrie est devenue un exportateur et un consommateur majeur d’amphétamines, à mesure que les traumatismes de la violente guerre civile alimentent la demande, et que l’effondrement de l’ordre laisse le champ libre aux fabriquants », explique l’agence de presse. Cette drogue, en plus de générer « des centaines de millions de dollars », viendrait en aide aux combattants – ceux du camp rebelle et ceux du régime s’accusant mutuellement d’en faire usage.
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Le Captagon, « drogue de la guerre syrienne »
Le Captagon, d’abord utilisé comme médicament, a eu une autorisation de mise sur le marché en France en 1964, abrogée en 2001. Il traitait notamment la narcolepsie, l’hyperactivité et la dépression. Il a été banni dans de nombreux pays dans les années 1980, surtout à cause de son caractère addictif, selon Reuters. Sa molécule active, la fénéthylline, est un dérivé amphétaminique.
Ce psychostimulant, absorbé par voie orale ou à l’aide d’une seringue, a des effets proches de la cocaïne ou de l’ecstasy. Il augmente la sécrétion de la dopamine au niveau du cerveau, augmente aussi l’adrénaline, la pression artérielle, et accélère le rythme cardiaque. Selon Henri-Jean Aubin, chef de département de psychiatrie et d’addictologie de l’Hôpital Paul-Brousse et professeur à l’université Paris-Sud, il entraîne :
« Une hausse de la confiance en soi, une hausse de l’optimisme, une sensation de toute-puissance, qui peut aider à une conduite de prise de risque. C’est aussi un antifatigue, très énergisant, et un coupe-faim. Il augmente l’attention, accélère la pensée, et les réflexes. Il est euphorisant. […] Sa prise peut avoirdu sens pour un combat qui peut être long, mais ponctuel. Car si on en consomme trop souvent, un phénomène de tolérance fait qu’on ne ressent plus ces effets. A long terme, il peut entraîner des troubles dépressifs, des épuisements, favoriser les psychoses et les états délirants. »
Dans un documentaire de la BBC, nommé La Drogue de la guerre syrienne, des témoins relatent : « Quand j’ai pris du Captagon, il n’y avait plus de peur. » « Tu ne peux pas dormir, ou même fermer les yeux. » « J’avais l’impression de posséder le monde entier, comme si j’avais un pouvoir que personne d’autre n’avait. »