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Algérie: mort de l’opposant historique Hocine Aït-Ahmed

Algérie international

Lien publiée le 24 décembre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) « Le patriotisme aujourd’hui, c’est la démocratie », était son mot d’ordre. Hocine Aït Ahmed, dirigeant historique de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, est mort mercredi 23 décembre à Lausanne en Suisse à l’âge de 89 ans, à la suite d’une longue maladie, a annoncé à Alger son parti le Front des forces socialistes (FFS).

Militant contre l’ordre colonial, il fut également un opposant déterminé à l’ordre nouveau, instauré après l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962. Ni son exil prolongé en Suisse, ni l’affaiblissement de son parti, le Front des forces socialistes (FFS), victime, comme d’autres, d’un sévère verrouillage de la vie politique, n’auront entaché cette réputation d’opposant sans concession.

Diplomate de la révolution

Né le 20 août 1926 à Aïn El-Hamam, en Grande Kabylie, Hocine Aït-Ahmed était le dernier encore en vie des neuf Fils de la Toussaintles chefs qui ont déclenché la guerre d’Algérie contre la puissance coloniale française. Il est au Caire, quand la guerre d’indépendance commence le 1er novembre 1954. Il va devenir l’ambassadeur permanent du Front de libération nationale (FLN) auprès de l’ONU et représente le FLN à la conférence des non-alignés de Bandoung en avril 1955. Cette carrière de diplomate de la révolution est interrompue le 22 octobre 1956 par le détournement par l’armée française de l’avion qui le transporte, en compagnie d’autres dirigeants du parti, vers Tunis. Il restera en détention jusqu’en 1962.

Libéré au moment du cessez-le-feu, en mars 1962, il prend très vite ses distances à l’égard de ses anciens compagnons d’armes dont il juge sévèrement les querelles. Dès la fin de juillet, il refuse de siéger au bureau politique, rend son portefeuille de ministre d’Etat au sein du gouvernement provisoire de la République d’Algérie et s’exile à Paris, puis en Suisse. Elu député de Sétif en septembre, il revient à Alger siéger au Parlement où il entend jouer le rôle de chef de l’opposition. Mais Ben Bella ayant déclaré au début de l’été 1963 « qui n’est pas avec moi est contre moi », Hocine Aït-Ahmed dénonce « le régime policier socialo-mystificateur », puis la Constitution qui « ne vise qu’à légitimer le pouvoir personnel » et enfin « le FLN, qui est une fiction et un parti coupé du peuple et de ses meilleurs cadres populaires ».

« Ni Etat policier, ni Etat intégriste »

La rupture est consommée lorsqu’il fonde le FFS (Front des forces socialistes), qui, le 29 septembre 1963, lève des troupes et organise l’insurrection en Kabylie. Arrêté le 19 octobre 1964, Aït Ahmed est condamné à la peine capitale pour « menées contre-révolutionnaires ». Il est transféré à la prison d’El-Harrach, d’où il s’évade le 30 avril 1966. Il dénonce alors Houari Boumediène, qui entre-temps, s’est emparé du pouvoir : « la dictature militaire a remplacé la dictature politique », dit-il.

Il ne reviendra en Algérie qu’après les émeutes d’octobre 1988 qui ont contraint le régime à accepter une ouverture politique. En décembre 1991, alors que le coup d’Etat se prépare contre des élections législatives remportées par le Front islamique du salut (FIS), il défend le respect de la légalité constitutionnelle. Certains parmi les élites francophones lui reprocheront avec violence son slogan de « ni Etat policier, ni Etat intégriste ». « Certains pensent que le FFS demeure dans l’opposition systématique. Nous sommes pour le compromis et non pour la compromission », disait-il.

Contraint de réduire son activité politique

Après l’assassinat du président Mohamed Boudiaf en 1992 et la montée des violences qui marquent le début de la décennie noire, il quitte à nouveau l’Algérie. Pour ses partisans, convaincus que Boudiaf a été éliminé par le régime, sa sécurité physique n’était plus assurée et il n’y a plus de marge de manœuvre pour l’action politique. Hocine Aït-Ahmed reviendra au pays pour participer à l’élection présidentielle d’avril 1999. En pleine campagne, il est victime d’une crise cardiaque. Il est contraint de réduire son activité politique, mais de Lausanne où il réside, reste toujours présent dans la vie politique à travers les médias.

On a souvent, à tort, présenté l’homme, comme étant le « représentant des Kabyles ». Hocine Aït-Ahmed, dont le père était caïd et la famille liée au cheikh de la zaouia du village, à Aïn El-Hammam en Haute Kabylie, connaissait parfaitement la langue arabe. Il n’a jamais été « berbériste » mais aura, au contraire, œuvré pour maintenir la question berbère dans un combat pour les libertés démocratiques, refusant tout débordement vers les thèmes « ethno-culturalistes ». Une constante dans le combat politique de Hocine Aït-Ahmed. Retiré de la vie politique depuis le printemps 2013, l’homme avait été victime d’un AVC en janvier 2015. Il n’aura pas vu de son vivant l’avènement de l’Algérie démocratique et ouverte qu’il appelait de ses vœux.

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http://www.tsa-algerie.com/20151223/hocine-ait-ahmed-mort-du-dernier-historique/

Il refusait, peut-être un peu par humilité, mais aussi par la haute idée qu’il se faisait de la Révolution, le vocable dont beaucoup auraient volontiers abusé : « historique ». Hocine Ait Ahmed, l’une des dernières grandes figures historiques de la Révolution, décédé ce mercredi à l’âge de 89 ans, restera comme l’homme politique algérien au parcours atypique, n’ayant jamais troqué ses principes ou négocié ses convictions.

Il est parti sans jamais avoir cédé, ni renié sur les principes qui ont guidé son parcours depuis son adhésion au PPA au milieu des années 40. Défenseur acharné des droits de l’Homme, sujet auquel il a consacré une thèse de doctorat, Hocine Ait Ahmed a combattu pour l’indépendance du pays, avant de militer pour la démocratie et la liberté dans l’Algérie indépendante.

Organisation secrète

C’est au sein du PPA qu’il s’affirme très jeune en proposant la création de l’Organisation secrète (OS), pensée et destinée à préparer la Révolution armée et dépasser les clivages et les tiraillements qui minaient alors le Mouvement national. Héritant de sa direction en remplacement de Mohamed Belouizdad, il signe un premier fait d’arme : l’attaque de la poste d’Oran, un acte dont il dira au début des années 1990 que « si c’était à refaire, il ne l’aurait pas fait ».

Victime en 1949 de ce qui est communément appelé la « crise berbériste », cette « chasse » aux Kabyles, Ait Ahmed s’installe en 1952 au Caire et représente le PPA-MTLD en exil. Convaincu de la pertinence et de l’efficacité du travail diplomatique, il sillonne plusieurs pays de l’Asie pour plaider la cause de la Révolution algérienne. En 1955, il dirige la délégation du FLN à la conférence de Bandung où il réussit à faire accepter, par les pays participants, le droit des peuples du Maghreb à l’autodétermination.

Détournement d’avion

En septembre 1956, il ouvre et dirige le bureau du FLN à New-York avant d’être arrêté un mois plus tard par les autorités françaises dans le premier acte de « détournement d’avion dans l’histoire » en compagne de Ben Bella, Lacheraf, Boudiaf et Khider alors qu’il se dirigeait à Tunis depuis le Maroc.

Emprisonné avec ses compagnons dans la prison de la Santé en France, Ait Ahmed n’interrompra pas ses contacts avec les dirigeants du FLN jusqu’à sa libération. Ayant pris la mesure des graves divergences qui minait la direction, en raison notamment des résolutions du Congrès de la Soummam, il plaida pour la création du GPRA.

Création du FFS

Attaché à la légalité et à la démocratie, il s’oppose au coup de force de l’État-major militaire à l’été 1962. Après avoir démissionné de l’Assemblée nationale constituante, ayant constaté des dérives totalitaires, il décide alors de créer le Front des forces socialistes (FFS) en 1963, un mouvement qui sera combattu par le pouvoir d’Alger. Bilan : plus de 400 morts, à ce jour non reconnus en dépit de l’entreprise du FFS d’introduire un projet de loi pour les ériger en martyrs. Alors que le FFS est reconnu comme parti d’opposition pendant 4 jours, Ait Ahmed sera emprisonné à la faveur du coup d’État de Boumediène en 1965. En 1966, il s’évade de la prison d’El Harrach dans des circonstances à ce jour entourées de secret et s’exile en Suisse d’où il poursuivra son militantisme pour la démocratie et les droits de l’Homme en Algérie.

Pacte avec Ben Bella

Grâce à l’entremise de son ami et conseiller, ancien formateur au MALG et avocat émérite, Ali Mecili, Ait Ahmed scelle une réconciliation en 1985 à Londres avec Ben Bella. Un rapprochement qui n’était pas du goût d’Alger. Mecili sera tué deux années plus tard par un truand et Ait Ahmed pointe du doigt les services d’Alger, avec la complicité des services français, d’être derrière l’assassinat. À l’ouverture démocratique en 1989, Ait Ahmed rentre au pays, avec un accueil digne des grands chefs d’État et le FFS est reconnu officiellement. Après l’arrêt du processus électoral en 1992, peu après le premier tour où son parti est arrivé derrière le FLN et le FIS, Ait Ahmed organise une marche le 2 janvier, sans doute la plus importante après celle de l’indépendance du pays. Ait Ahmed plaide pour la poursuite des élections. Mais les militaires décident d’annuler le scrutin.

Retour à l’exile

Après l’assassinat de Boudiaf en 1992, Ait Ahmed repart en exil pour ne revenir qu’en 1999 pour participer à l’élection présidentielle, mais à laquelle il renonce à la dernière minute en compagnie de cinq autres candidats. Entre-temps, il prend part à la conférence de Rome. Ayant constaté le refus du pouvoir à toute forme d’ouverture, Ait Ahmed écrit un mémorandum au début des années 2000 où il dévoile sa vision d’une sortie de crise. Il ne connaîtra aucune suite.

Même si son premier problème de santé en 1999 l’avait quelque peu affaibli, Ait Ahmed ne manquait pas de revenir de temps à autre au pays pour retrouver ceux avec lesquels il partageait la même vision : Mouloud Hamrouche et le défunt Mehri. Mais depuis quelques années, ses interventions devenaient de plus en plus rares, l’âge aidant et ses AVC révélés par sa famille il y a une année ont sans doute fini par l’affaiblir davantage. Même s’il a écrit beaucoup de livres, donné beaucoup d’entretiens, milité sans relâche en faveur de la liberté de ses concitoyens, Ait Ahmed n’aura pas eu la chance de voir l’Algérie qu’il a rêvé et pour laquelle il a sacrifié sa vie. Mais il a été une grande école. « Le militant politique n’est pas un faiseur de miracles. Ni un gladiateur des temps modernes. Il est au mieux et quand les conditions de sa société le permettent un citoyen conscient des enjeux du moment », disait-il.

Repose en paix, Dda l’Hocine.