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Catalogne : les séparatistes se divisent sur la candidature de Mas
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Figaro) Les partis séparatistes catalans ne sont pas parvenus à s'entendre dimanche sur la désignation du chef de l'exécutif de la région, laissant entrevoir la possibilité de devoir organiser de nouvelles élections locales d'ici le mois de mars en Catalogne.
Les formations séparatistes, qui ont remporté la majorité des sièges lors des élections régionales du 5 septembre, s'étaient pourtant entendues mardi sur la formation d'un gouvernement susceptible de relancer un processus d'indépendance. Mais, cet accord est devenu caduc dimanche lorsque le parti anticapitaliste CUP (Candidature d'Unité populaire), formation minoritaire au sein de la coalition favorable à l'indépendance, a refusé d'approuver la reconduite d'Artur Mas à la tête de l'exécutif régional qu'il occupe depuis 2010.
Les membres du CUP ont voté pour moitié en faveur d'Artur Mas et pour moitié se sont opposés à sa désignation, ce qui laisse envisager la nécessité d'un nouveau scrutin local, le quatrième depuis 2010.
Une nouvelle réunion du CUP est prévue le 2 janvier mais si la question n'est pas tranchée avant le 9 janvier, alors des élections seront convoquées automatiquement. Les divisions entre les différentes formations indépendantistes interviennent dans une période d'incertitude politique en Espagne après les élections législatives du 20 décembre.
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(Mediapart) 1 515 voix pour, et autant de voix contre : l’assemblée générale des anticapitalistes de la CUP n’est pas parvenue, dimanche, à débloquer la crise catalane. La décision de soutenir ou non l’investiture du sortant Artur Mas, pour consolider le bloc indépendantiste, est reportée. Au même moment à Madrid, les négociations s’ouvrent pour tenter de former un gouvernement à l’échelon national – et éviter, là encore, des élections anticipées.
Tout le monde s’attendait à un vote serré. Mais il était difficile d’imaginer le scénario d’une égalité parfaite. Au troisième tour de vote de l’assemblée générale convoquée à Sabadell, dans les environs de Barcelone, les quelque 3 000 militants anticapitalistes de la CUP (Candidature d’unité populaire) ne sont pas parvenus à trancher, dimanche en début de soirée. Ils sont 1 515 à s’être prononcés, par bulletin secret, pour le soutien à l’investiture d’Artur Mas, le président sortant de la communauté autonome de Catalogne (droite), la Generalitat, et 1 515 autres à avoir exprimé leur veto. La CUP a donc décidé de reporter la décision, qui sera prise cette fois par la soixantaine de représentants territoriaux de l’organisation, le 2 janvier prochain.
Cette incapacité à décider est révélatrice d'une situation totalement inédite : l’avenir politique de la Catalogne (7,5 millions d’habitants), et son éventuel virage vers l’indépendance, dépendent ces jours-ci de l’avis de quelques dizaines de cadres d’une formation longtemps ultra minoritaire dans le paysage local. Si bien que le conservateur Artur Mas, l’héritier de Jordi Pujol, qui a mené des politiques d’austérité musclée lors de son dernier mandat, dont le parti (Convergence démocratique de Catalogne, CDC) a été bousculé par nombre d’affaires de corruption, et dont la cote de popularité s’est affaissée, pourrait obtenir son salut politique… des anticapitalistes de la CUP.
Le calendrier est très serré. En l’absence de majorité au sein du parlement catalan pour désigner le président de la région d’ici au 9 janvier, de nouvelles élections régionales seront convoquées. Les indépendantistes, qui ont remporté avec une avance confortable le scrutin du 27 septembre, savent qu’ils ont tout à perdre de nouvelles élections anticipées. La dynamique pour l’indépendance, palpable en Catalogne depuis 2012 au moins, pourrait s’en trouver freinée. L’affaire est d’autant plus complexe qu’au même moment à Madrid, certains prédisent déjà des élections législatives anticipées dans toute l’Espagne cette fois, pour sortir de l’impasse provoquée par le scrutin du 20 décembre dernier, avec un pays écartelé entre quatre formations, sans majorité politique évidente.
En septembre, la coalition Junts Pel Sí (partis de centre-droit, de centre-gauche et organisations de la société civile), où figure le président sortant Artur Mas, avait obtenu 62 des 135 sièges du parlement catalan. De son côté, la CUP avait décroché dix autres sièges. Si les indépendantistes ont remporté ce qu’ils appelaient un « plébiscite » sur l’avenir de la Catalogne en nombre de sièges, ils n’ont pas gagné l’élection en nombre de voix : ils totalisent 47,5 % des suffrages exprimés. Quoi qu’il en soit, pour l’investiture de son champion Artur Mas, la coalition Junts Pel Sí a besoin d’un allié. Et à l’exception de la CUP, elle aussi indépendantiste, les autres formations, de Ciutadans aux socialistes, vont tout faire pour lui bloquer la voie. Mas voit donc son avenir lié au bon vouloir de la CUP.
Dans le paysage catalan, Mas, en poste depuis 2011, a longtemps été un repoussoir pour n’importe quel électeur de gauche, incarnant l’héritage des années Pujol. Depuis septembre, la CUP en a fait une question de principe. L’un de ses chefs de file, le journaliste Antonio Baños (tête de liste pour les régionales) a martelé, sur tous les plateaux de télévision, dans toutes les conférences de presse, que « jamais, jamais, jamais » la CUP ne donnerait son feu vert à Artur Mas, symbole de tout ce que le mouvement déteste.
Apparemment jamais à court de ressources, Mas s’est – une fois de plus – démené pour sauver sa peau. Il a lancé une nouvelle coalition, sur les ruines de Convergència, à l’approche des législatives du 20 décembre dernier : Democracia i Llibertàt. Il a ensuite fait des concessions de taille à la gauche, quitte à déstabiliser son électorat traditionnel. Il a promis le déblocage d’un « plan d’urgence sociale » chiffré à 270 000 euros et s’est engagé à freiner quelques privatisations en cours, et surtout à « suspendre » un projet de méga casino controversé, Barcelona World, à Tarragone, au sud de Barcelone. Autant d’appels du pied à la CUP.
Au sein de la CUP, un mouvement très horizontal qui s’est développé dès les années 80 et où l’on défend la création d’une république indépendante des « Pays catalans » (dont la Catalogne ne serait qu’une portion), les avis sont partagés. La CUP, qui est loin de fonctionner comme un parti traditionnel, est tout à la fois anticapitaliste et indépendantiste. Mais certains courants, surtout dans l’intérieur du pays, donnent la priorité à l’indépendantisme : ceux-là sont pour l’investiture de Mas, estimant qu’il existe là une « opportunité » unique pour leur pays. D’autres, davantage actifs dans les grandes villes, défendent d’abord l’anticapitalisme, rejettent tout soutien à Mas, et dénoncent un « chantage » (pour le détail des positions, courant par courant, on lira par exemple cet article).
L’alternative divise la CUP depuis des semaines. Mais tout le monde s’attendait à ce que l’organisation tranche enfin, ce dimanche, sur sa stratégie – quitte à y laisser quelques plumes, et enregistrer des démissions de certains cadres. Cela devait permettre, par ricochet, d’y voir plus clair sur le futur gouvernement régional. Il faudra donc encore patienter. Sur les réseaux sociaux, certains n'ont pas tardé à ironiser sur le « droit à ne pas décider » que viendrait d'inventer la CUP, en écho au « droit à décider » que réclament les indépendantistes catalans depuis des années (c'est-à-dire la tenue d'un référendum sur l'indépendance).
« Le mandat que nous a conféré l'assemblée consiste à dire qu’il faut continuer de débattre, c’est pour cela que nous avons été élus », a expliqué Antonio Baños, à la tête du groupe parlementaire de la CUP, dimanche soir, cherchant visiblement les mots pour dédramatiser la situation. « Le résultat, c’est une incitation faite à Junts Pel Sí, pour formuler une nouvelle offre, ou avancer un nouveau candidat », a-t-il poursuivi. Du côté de Junts Pel Sí, la dernière offre faite à la CUP avait été présentée comme définitive. Surtout, la coalition a fait bloc, depuis le départ, avec le controversé Artur Mas – à la surprise de quelques observateurs. Dans un éditorial daté de lundi, le quotidien El País commente : « La CUP humilie Convergència, qui devra réagir en lâchant du lest. »
L’avenir politique d’Artur Mas est d’autant plus fragile qu’aux législatives du 20 décembre, sa plateforme s’est pris une gifle historique. Democracia i Llibertàt n’a obtenu que huit sièges à Madrid (contre 16 lors de la précédente législature). Au total, les partis indépendantistes membres de la coalition Junts Pel Sí aux régionales n’ont obtenu que 17 des 47 sièges prévus pour la Catalogne… Ils sont très loin de leur succès de septembre. Mais ce mauvais score reste à relativiser. D’abord parce que la CUP avait, elle, choisi de faire l’impasse sur ce scrutin national. Ensuite parce que la coalition arrivée en tête en Catalogne, En Comú Podem (qui inclut Podemos), même si elle n’est pas favorable à l’indépendance, défend la tenue d’un référendum dans l’année, sur cette question (sur le modèle de ce qui a été organisé en Écosse en 2014). Elle a donc sans doute attiré certains indépendantistes dans ses filets.
Au même moment à Madrid, les négociations s’ouvrent pour tenter de former un gouvernement à l’échelon national – et éviter, là encore, des élections anticipées, après le scrutin très disputé du 20 décembre. La situation ne devrait pas commencer à s’éclaircir d’ici au 13 janvier, date de la première séance du nouveau Congrès des députés (et de la formation des groupes). À ce stade, la pression pèse sur les épaules de Pedro Sánchez, le candidat du PSOE, arrivé deuxième, derrière le PP de Mariano Rajoy mais devant Podemos.
Sánchez a exclu toute alliance avec Rajoy, et plaide pour une « majorité progressiste » qui pourrait rappeler le scénario portugais. Mais il doit compter avec un parti très divisé, et le début d'une fronde de plusieurs barons locaux, qui se sont fait entendre, lors d’une réunion informelle dimanche au siège du parti à Madrid. Selon InfoLibre (partenaire de Mediapart en Espagne), ils ont donné leur feu vert à l'ouverture de négociations pour tenter de construire une majorité alternative au PP. À une condition : aucun pacte avec un parti qui défendrait la tenue d'un référendum sur l'indépendance en Catalogne (mesure qui figure parmi les promesses clés de Podemos). La partie d’échecs devrait encore durer de longues semaines.